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Le droit en débats

Libre cours : Un avocat général de la cour d’assises de Paris

Par Rémi Crosson du Cormier le 31 Mars 2020

Le week-end qui a précédé la décision de confinement annoncée par le président de la République était celui de l’incertitude. Le mardi 17, je devais commencer un procès important qui devait durer plus de deux semaines. Les choses ont tourné dans un contexte évolutif que je n’avais jamais vécu jusqu’alors.

Entre le maintien des audiences prévues en recourant aux précautions déjà respectées depuis plusieurs jours, celle d’une première audience publique pour débattre de la question du report du procès entre la cour et les parties et le renvoi pur et simple du dossier, aucune voie n’était tracée avant le dimanche soir, tard.

Les prescriptions du ministère de la justice sont tombées et nous nous sommes adaptés immédiatement : il ne fallait faire courir aucun risque aux juges et aux jurés, aux plaideurs et aux témoins, même avec des audiences à huis clos, le renvoi a été ordonné dès le lundi 16 au matin par décision de la présidente. Il a fallu s’occuper immédiatement de la question la plus urgente : la situation de l’accusé au regard de sa détention provisoire. Les mesures ont été prises afin de garantir les impératifs d’ordre public et ceux des droits d’une personne poursuivie.

Les jours suivants ont été consacrés à l’organisation, dans la stupeur, en se demandant : « comment parviendrons-nous à juguler tout ce retard qui sera inévitablement accumulé pendant la période de confinement, malgré la continuité du service public et ses modalités pratiques ».

Ensuite, il a fallu faire des comptes, des énumérations, des perspectives, des tableaux, des alertes : comment allons-nous juger tout ça, et en combien de temps ?

Pendant les mois de mars et avril, sur l’ensemble des cours d’assises du ressort de Paris (Paris, Bobigny, Créteil, etc.), soixante-quatre semaines d’audiences cumulées ont fait l’objet d’un renvoi pour respecter les consignes nationales.

Enfin, par les « télécontacts », nous avons pris des décisions pour la bonne marche du service, roulements, permanences, etc., pour satisfaire aux tâches urgentes. La cour d’assises ne dort jamais, c’est une machine dont le public qui se presse dans les audiences ne connaît rien et qu’il ne mesure pas.

Les semaines qui vont suivre seront dédiées à la future organisation, pour parvenir à juger les dossiers renvoyés et ne pas retarder ceux qui devaient être évoqués à partir de la rentrée de septembre.

De quoi penser, imaginer, angoisser… La justice est exigeante, elle ne peut être autrement.