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Le droit en débats

Loyers commerciaux et covid : en attendant l’avis de la Cour de cassation ….

Par Timothée Brault le 10 Septembre 2021

Le tribunal judiciaire (TJ) de Chartres1 a refusé d’emprunter le sillon creusé par bon nombre de juridictions qui, depuis près d’un an, se prononcent en ordre dispersé sur l’exigibilité des loyers échus durant la crise sanitaire. Il y aura préféré interroger la Cour de cassation à ce sujet.

Cette saisine pour avis de la Haute juridiction fait grand bruit, mais faut-il y voir un signe annonçant le dénouement de cette intrigue ? Rien de moins sûr.

Est-il besoin de rappeler à quel point il fut et demeure laborieux, pour les praticiens comme pour les justiciables, de savoir si ces loyers sont dus et exigibles ?

En jurisprudence, cette complexité s’est traduite par le fleurissement, aux quatre coins du pays, de décisions appliquant le droit commun des contrats (C. civ., art. 1104, 1218, 1219 et 1195), le droit des contrats spéciaux (C. civ. art. 1719 et 1722) ainsi que les normes d’exception (Ord. n° 2020-306 et n° 2020-316 du 25 mars 2020 ; loi n° 2020-1379 du 14 nov. 2020 et Décr. n° 1766 du 30 déc. 2020).

Alors, finirions-nous par le commencement ?

Un peu. Sachant à quel point la question s’est avérée épineuse, il est vrai qu’une jurisprudence unifiée aurait certainement aidé à la résolution des différends nés de l’exécution du bail commercial.

Mais la jurisprudence s’harmonise par l’effet du temps et « au cours de cette longue phase de formation, l’incertitude qui plane sur la signification de la règle est génératrice de procès. Elle incite à la multiplication des recours, chacun pouvant, dans cette situation indécise, nourrir des espoirs de succès (…) ce qui nuit à la qualité de la justice rendue et retarde davantage encore le moment où la jurisprudence finira par se fixer »2.

Il sera donc mis au crédit du TJ de Chartres d’avoir ainsi hâté les choses en provoquant l’avis que devrait rendre, le 5 octobre 2021, la troisième chambre civile.

Cette saisine pour avis soulève néanmoins de nombreuses questions et, sans avoir la prétention de répondre à toutes, nous tenterons d’en identifier quelques-unes tant sur la démarche que sur ses incidences

Sur la saisine

Si l’initiative de la juridiction d’Eure-et-Loir est saluée, il s’avère toutefois utile de se pencher davantage sur la saisine opérée en rappelant brièvement les règles qui l’encadrent, en s’intéressant aux questions posées et en se prêtant au jeu des pronostics.

Les questions posées à la Cour de cassation

La Cour de cassation a, en ces termes, été interrogée :
« Suite à l’article 8 du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020, modifié par le décret n° 2020-423 du 14 avril 2020, les établissements relevant de certaines catégories n’ont plus pu accueillir du public jusqu’au 11 mai 2020.
1) Dans le cas d’un bail commercial conclu au profit d’un preneur touché par la fermeture administrative ordonnée en vertu des décrets pris pour lutter contre la propagation de l’épidémie de covid-19, le preneur peut-il opposer l’exception d’inexécution et refuser le paiement des loyers en faisant valoir que le bailleur a manqué à son obligation de délivrance d’une chose apte à l’usage convenu, quand bien même ce manquement ne serait pas de son fait mais dû à un cas de force majeure ?
2) La fermeture administrative ordonnée en vertu des décrets pris pour lutter contre la propagation de l’épidémie de covid-19 constitue-t-elle un cas de forme majeure qui frappe la substance même du contrat de bail, de sorte que celui-ci serait alors suspendu (le bailleur serait dispensé de son obligation de délivrance pendant la durée des mesures réglementaires et le preneur serait dispensé du paiement du loyer et des charges) ?
3) L’interdiction temporaire d’exploiter les locaux commerciaux décidée par les pouvoirs publics pour lutter contre la pandémie équivaut-elle à une perte partielle de la chose louée au sens de l’article 1722 du code civil, justifiant une dispense de paiement des loyers pour la période considérée ? »

Le paragraphe introductif circonscrit d’abord le questionnement à la seule période correspondant au premier confinement et ensuite aux seuls établissements visés par l’interdiction d’accueil du public décrétée pour ladite période.

Enfin, en droit, le TJ de Chartres demande tout simplement à la Cour de cassation si l’exception d’inexécution, la force majeure ou encore la perte partielle de la chose louée sont des fondements de nature à exonérer les preneurs concernés d’avoir à payer le loyer durant cette même période.

Les questions posées à l’épreuve des conditions de saisine

Si la loi offre à toute juridiction de l’ordre judiciaire de solliciter l’avis de la Cour suprême, elle encadre cette la faculté puisque, abstraction faite des conditions purement procédurales3, il est exigé que la saisine porte sur une « question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges »4.

Sur les nombreux litiges et la difficulté sérieuse. Il ne peut être nié, d’une part, que l’exigibilité des loyers dits « covid » est la source de nombreux différends et que, d’autre part, la difficulté sérieuse que pose cette problématique se déduit du caractère épars des décisions rendues en première instance.

Traitées ensemble par facilité, ces deux premières conditions apparaissent remplies.

Sur le caractère nouveau. La Cour de cassation devra d’abord dire si, eu égard à cet amoncellement de décisions, la question qui dut être posée dès mars 2020 demeure nouvelle à l’été 2021…

Gageons que oui, sur ce point du moins.

La condition de nouveauté suppose également de prendre « en considération la jurisprudence de la Cour de cassation »5 car, lorsque « la question a été tranchée » en amont6, il n’y a lieu à avis.

C’est ainsi, en matière de baux commerciaux, que la Cour s’est par exemple refusée de rendre un avis sur l’application des dispositions relatives à la révision triennale (loi MURCEF) en rappelant simplement sa jurisprudence7.

Sur l’exception d’inexécution. Cette exception permet au débiteur d’être délié de ses engagements lorsque son cocontractant se rend coupable d’une inexécution « suffisamment grave » et, ici, il s’agit de savoir si les restrictions apportées lors du confinement peuvent être imputées au bailleur, lequel est redevable d’une obligation de délivrance.

Le TJ de Chartes, précautionneux, a d’ailleurs précisé que si ce manquement du bailleur était avéré, il « ne serait pas de son fait mais dû à un cas de force majeure ». Et, justement, il est depuis longue date jugé « qu’en cas d’impossibilité momentanée d’exécution d’une obligation, le débiteur n’est pas libéré, cette exécution étant seulement suspendue jusqu’au moment où l’impossibilité vient à cesser »8.

S’en déduit alors que le cas fortuit est « de nature à exonérer [le bailleur] de son obligation de délivrance »9 et, corrélativement, l’exception d’inexécution dont se prévaudrait le preneur en deviendrait inopérante, au moins provisoirement.

Étrangement, la question posée ne porte que sur la délivrance et passe sous silence la notion voisine de jouissance paisible, pourtant troublée de la même manière. En outre et par symétrie, « l’obligation du bailleur d’assurer au preneur une jouissance paisible de la chose louée ne cesse qu’en cas de force majeure »10.

En définitive, la première question posée à la Cour de cassation n’apparaît pas si nouvelle, puisqu’elle y a déjà répondu à travers sa jurisprudence afférente à la notion d’obligation de délivrance, solution d’ailleurs majoritairement retenue par les premiers juges, d’où la modeste utilité d’un avis sur ce point.

Sur la force majeure. La deuxième question reprend cette notion de force majeure, mais cette fois au bénéfice du preneur espérant obtenir la suspension du contrat.

Si la définition légale a quelque peu évolué11, le cas fortuit demeure celui qui, par son extériorité, son imprévisibilité et son irrésistibilité, empêche le débiteur de s’exécuter12.

Depuis que les rapports locatifs sont bouleversés par l’épidémie, les bailleurs à qui la force majeure est opposée ne manquent pas de rappeler que la Cour de cassation a, en 2014, énoncé le principe selon lequel « le débiteur d’une obligation contractuelle de somme d’argent inexécutée ne peut s’exonérer de ce cette obligation en invoquant un cas de force majeure »13.

La popularité de cet arrêt, au-delà des circonstances, s’explique sans doute aussi par son caractère isolé.

Historiquement, cette règle spécifique à la créance en somme d’argent semble résulter du fait que « l’impossibilité de l’acquitter n’est ni absolue ni définitive »14.

Dans la mesure où la rédaction nouvelle tolère15 désormais la suspension de l’exécution de l’obligation en cas d’empêchement temporaire, peut-être que la Cour de cassation jugera utile de rendre un avis sur cette question pour préciser sa jurisprudence rendue sous l’empire du droit ancien.

Sur la destruction partielle de la chose louée. La question est de savoir si la fermeture administrative s’analyse en une perte partielle dispensant le preneur du paiement.

Les termes choisis surprennent car, selon l’article 1722 du code civil, lorsque le local devient impropre à la destination prévue le preneur est seulement autorisé à « demander ou une diminution du prix ».

Il a par ailleurs été admis, par le passé, que « l’interdiction équivalait à la perte de la chose louée » et que ces dispositions16 puissent recevoir application ensuite de décisions administratives même décorrélées de l’état matériel de la chose louée17.

La question n’apparaît donc pas comme nouvelle mais, là encore, la Cour de cassation pourrait juger bon de rendre un avis pour mettre fin à l’indécision ambiante : la solution dégagée sur ce point par le juge parisien18 a été infirmée par la cour d’appel19 avant d’être récemment reprise ailleurs20 .

Sur le caractère juridique de la question. Le code de procédure civile soumet la saisine à « l’exigence d’être de pur droit »21 et exclut ainsi l’admissibilité d’une question « mélangée de fait et de droit »22.

Même dans cette mission consultative, « la Cour de cassation ne connaît pas du fond des affaires »23 et, n’étant pas question pour elle de suppléer les premiers juges, elle dit n’y avoir lieu à avis lorsque la question « implique l’examen des circonstances de l’espèce »24 car l’étude « d’une situation concrète relève de l’office du juge du fond »25.

Ce grief pourrait être adressé au présent questionnement : pour se prononcer sur l’application des fondements évoqués, des considérations de fait interviendront nécessairement.

Il apparaît en effet que le manquement à l’obligation de délivrance et l’impossibilité d’user des locaux ou de payer le loyer ne pourront être caractérisées qu’en s’intéressant à la nature même de l’activité hébergée (l’interdiction d’accueillir du public entravant différemment les preneurs selon que leur activité permette la livraison par exemple) et aux ressources du preneur.

Ces considérations étant factuelles, la Cour pourrait légitimement refuser de se prononcer en des termes généraux et laisser à la juridiction saisissante le soin d’appliquer le droit aux données de l’espèce.

Si la démarche de la juridiction d’Eure-et-Loir reste salutaire, elle encourt de se heurter aux conditions de saisine.

Les réponses probables

Au vu de ce qui précède, il n’est pas exclu que la Cour de cassation s’abstienne de toute réponse.

Si, à l’inverse, elle estimait devoir émettre un avis, tentons d’anticiper les réponses envisageables.

Sur l’exception d’inexécution. Sauf à revenir sur une jurisprudence établie, la Cour devrait estimer que les circonstances ayant conduit les bailleurs à manquer, malgré eux, à leur obligation de délivrance constituent un cas de force majeure et, dès lors, ils ne pourraient être tenus responsables du contexte épidémique qui n’est pas de leur fait.

La réponse à la question semblerait donc négative, le preneur ne pouvant légitimer son refus de payer le loyer par de ce fondement.

Sur la force majeure. L’impossibilité de se prévaloir de la force majeure pour le débiteur d’une somme d’argent pourrait, quant à elle, être relativisée, la loi admettant désormais l’empêchement temporaire.

Il peut en effet être soutenu que le confinement a provisoirement empêché les preneurs d’exécuter le bail mais encore faudra-t-il, pour les exonérer, établir une réelle impossibilité de s’acquitter des loyers puisque « la seule irrésistibilité de l’événement caractérise la force majeure »26.

La réponse éventuelle ne devrait donc pas anéantir le droit de créance des bailleurs pour les loyers échus durant le confinement – évoquer la reconnaissance d’un empêchement temporaire est déjà hardi – d’autant plus que cette période est aujourd’hui révolue.

Sur la perte partielle de la chose. Sur ce point, une précision pourrait être bienfaitrice mais la jurisprudence rendue au visa de l’article 1722 du code civil n’est plus à faire et elle assimile déjà l’impossibilité administrative d’user de la chose louée à sa destruction partielle.

Là aussi, seuls les faits permettront d’apprécier si la situation du locataire correspond à cette impossibilité et, partant, si elle relève de ce texte.

En somme. Ces prévisions peuvent être résumées tel que suit :

Question Exception d’inexécution Force majeure Perte partielle de la chose louée
Avis NON

NON
à la rigueur sur la question des obligations en somme d’argent

NON
Si avis, réponse probable Ne peut être opposée aux bailleurs Si admise, tout dépend de l’irrésistibilité Selon les données de l’espèce

Sur les incidences de la saisine

Si la Cour de cassation refusait de répondre, tant le TJ de Chartres que les autres juridictions seraient contraints de conduire leur office au seul renfort du droit positif et d’attendre que la Cour de cassation soit finalement saisie d’un pourvoi soulevant les mêmes interrogations.

À l’inverse, si elle rendait un avis (même partiel), il peut être pertinent d’évoquer les conséquences attendues sur les rapports locatifs futurs et sur le sort des situations préexistantes.

Sur l’avenir

Sur le litige ayant occasionné la saisine. La loi prévoit que « l’avis rendu ne lie pas la juridiction qui a formulée la demande »27.

S’en infère que la juridiction requérante ne serait pas tenue d’appliquer les préconisations de la haute Cour qu’elles soient favorables au preneur ou qu’elles aillent dans le sens d’une parfaite exigibilité du loyer.

Sur d’autres litiges. À plus fortes raisons, les juges qui auront à connaître de cas similaires ne seront pas liés par l’avis que ne manqueraient pas de produire, selon son orientation, l’une ou l’autre des parties.

Mais l’avis pourrait avoir une résonnance hors des prétoires : les décisions médiatisées ont, par exemple, influé sur les comportements des preneurs qui, tantôt, se sont crus autorisés à suspendre tout paiement et ont tantôt jugé plus sûr de s’acquitter de tout ou partie du loyer et d’entrer en discussion avec leur bailleur.

Il en est de même pour les bailleurs qui, sachant les juges attentifs à la bonne foi, se sont montrés plus conciliants avec leur locataire, parfois pour mieux agir à leur encontre par la suite.

Sur les situations préexistantes

L’exigibilité des loyers « covid » causant problèmes depuis bientôt un an et demi, les plus diligents les ont d’ores-et-déjà résolus par voie de justice ou par une issue négociée.

Dans les deux cas, la survenance d’un avis de la Cour de cassation, défavorable à l’une ou l’autre des parties, pourrait susciter chez elle l’impression d’avoir été lésée et la volonté de remettre en cause la décision de justice intervenue ou l’accord conclu.

Sur les situations jugées au fond. Classiquement, une partie insatisfaite d’un jugement a la faculté d’en relever appel dans le délai d’un mois courant à compter de la signification28.

À ce jour il n’existe que peu de situations jugées au fond susceptibles d’être remises en cause à la lueur de l’avis qui pourrait être rendu.

Sur les situations jugées en référé. La particularité de ces situations tient au fait qu’elles sont plus fragiles.

Sur l’appel de l’ordonnance. Comme les jugements, les ordonnances de référé sont attaquables par voie d’appel dans les quinze jours suivants leur signification29.

Sur la modification de l’ordonnance. L’ordonnance de référé n’ayant pas, au principal, l’autorité de la chose jugée, elle peut par ailleurs être rapportée ou modifiée « en cas de circonstances nouvelles » (C. pr. civ., art. 488).

Cette faculté pourrait donc être mise en œuvre par une partie à l’instance de référé estimant que l’ordonnance rendue à son encontre méconnaît l’avis rendu par la Cour.

Dans le cadre d’une action en référé intentée par un bailleur et soldée par une ordonnance le déboutant au motif que ses prétentions se heurtent à une ou plusieurs contestation(s) sérieuse(s), ce dernier pourrait éventuellement demander que l’ordonnance soit modifiée, par son auteur, au vu de l’avis rendu s’il était répondu à la négative aux trois questions posées.

À l’inverse, si la Cour de cassation répondait favorablement, un preneur, à l’encontre duquel l’acquisition de la clause résolutoire aurait été constatée ou une condamnation prononcée, pourrait lui aussi attendre du juge qu’il modifie son ordonnance au regard de l’avis.

Cette hypothèse est bien sûr subordonnée à ce que la production tardive de l’avis soit considérée comme un fait nouveau ouvrant droit à cette démarche, sous toutes réserves donc.

Sur la faculté d’agir au fond. En application des dispositions précitées30, la jurisprudence considère qu’« une décision de référé étant dépourvue d’autorité de la chose jugée au principal, l’une des parties à l’instance en référé a la faculté de saisir le juge du fond afin d’obtenir un jugement »31.

La partie ayant donc succombé en référé pourrait ainsi songer à saisir la juridiction du même litige, mais cette fois au fond, en se prévalant de l’avis, si conforme à ses intérêts.

Une décision obtenue au fond et contraire à l’ordonnance de référé conduirait à son annulation en raison de son caractère provisoire32.

En d’autres termes, le preneur33 ou le bailleur34 pourraient emprunter cette voie pour indirectement obtenir l’annulation d’une ordonnance ne leur convenant pas.

Le preneur insatisfait des délais qui lui auraient été accordés sera toutefois encouragé à respecter l’échéancier fixé en référé, à défaut de quoi il s’expose à ce que, au fond, l’ordonnance rendue soit considérée comme « ayant acquis l’autorité de la chose jugée »35.

Sur les situations transigées. Les baux dont l’exécution s’avère litigeuse ont majoritairement été conclus en période « normale » ce qui peut justifier que les juridictions en atténuent la force obligatoire en période de crise.

En revanche, lorsqu’un accord a été trouvé par les parties à l’issue du premier confinement, les engagements pris l’ont été en période de crise et il sera alors plus délicat de remettre en cause les obligations qui en découlent, la force obligatoire des contrats et le principe d’intangibilité36 ne pouvant être ignorés.

Pour l’exemple, un preneur ayant, à l’été 2020, obtenu de son bailleur un étalement des loyers échus au cours du confinement ne pourra que difficilement invoquer, a posteriori, de l’avis de la Cour.

À l’extrême rigueur, la partie regrettant la convention passée pourra toujours tenter de se prévaloir d’une erreur de droit37 ayant, au moment de l’accord, vicié son consentement.

Bien que, depuis 2016, l’erreur puisse être « de droit ou de fait »38, il n’est pas certain qu’un avis suffise à la caractériser étant jugé que « ne pouvait être invoquée comme cause d’une erreur de droit susceptible de justifier la nullité d’un contrat, une décision judiciaire rendue, entre d’autres parties »39.

En somme. Un avis de la Cour de cassation pourrait inciter les parties à remettre en cause les décisions ou accords ayant tranché, entre elles, la problématique des loyers « covid » en attisant le ressentiment de celle dont le sort aurait été scellé de manière contraire à l’avis attendu.

Dans ce cas et même en l’absence d’avis, il serait utopique de croire que cette saisine dénouera la problématique des loyers « covid », l’espoir est néanmoins permis jusqu’au 5 octobre.

 

1. TJ Chartres, demande n° 21-70.013.
2. J. Normand cité par J. Buffet, président de la 2e ch. civ., exposé du 29 mars 2000.
3. C. pr. civ., art. 1031-1.
4. COJ, art. L. 441-1.
5. Cass., avis, 10 janv. 2011, n° 01000007P.
6. Cass., avis, 7 avr. 2008, n° 0080001P.
7. Cass., avis, 29 avr. 2002, n° 0020004, sur l’application dans le temps des modifications apportées par la loi n° 2001-1168 du 11 déc. 2001 (dite loi « MURCEF ») à l’art. 145-38 c. com.
8. Civ. 1re, 24 févr. 1981, n° 79-12.710.
9. Civ. 3e, 22 févr. 2006, n° 05-12.032, Stives (Mme) c/ Agencement général du bois (Sté), D. 2006. 2972, obs. Y. Rouquet , note S. Beaugendre ; ibid. 2007. 1827, obs. L. Rozès ; AJDI 2006. 640 , obs. M.-P. Dumont ; RTD civ. 2006. 764, obs. J. Mestre et B. Fages .
10. Civ. 3e, 29 avr. 2009, n° 08-12.261, D. 2009. 1481, obs. Y. Rouquet ; ibid. 2010. 1168, obs. N. Damas ; AJDI 2009. 875 , obs. V. Zalewski .
11. Comp., C. civ., art. 1148 anc.
12. Cass., ass. plén., 14 avr. 2006, n° 02-11.168, D. 2006. 1577, obs. I. Gallmeister , note P. Jourdain ; ibid. 1566, chron. D. Noguéro ; ibid. 1929, obs. P. Brun et P. Jourdain ; ibid. 2638, obs. S. Amrani-Mekki et B. Fauvarque-Cosson ; RTD civ. 2006. 775, obs. P. Jourdain ; RTD com. 2006. 904, obs. B. Bouloc .
13. Com. 16 sept. 2014, n° 13-20.306, Cappelletti c/ Banque populaire provençale et corse (Sté), D. 2014. 2217 , note J. François ; Rev. sociétés 2015. 23, note C. Juillet ; RTD civ. 2014. 890, obs. H. Barbier .
14. Civ., 23 avr. 1967, Bull. civ., n° 138.
15. C. civ., art. 1218.
16. Com. 19 juin 1962, n° 60-12.941.
17. Civ. 1re, 29 nov. 1965, n° 63-13.621.
18. TJ Paris, JEX, 20 janv. 2021, n° 20/80923 : application de l’art. 1722 en faveur du preneur.
19. Paris, 3 juin 2021, n° 21/01679.
20. TJ Toulouse, 1er juill. 2021, n° 21/02415.
21. Cass., avis , 12 déc. 2011, n° 01100010P.
22. Cass., avis, 10 oct. 2011, n° 01100008P.
23. COJ, art. L. 411-2.
24. Cass., avis, 23 mai 2016, n° 16004P.
25. Cass., avis, 17 déc. 2012, n° 01200010.
26. Civ. 1re, 6 nov. 2002, n° 99-21.203, RTD civ. 2003. 301, obs. P. Jourdain .
27. COJ, art. L. 441-3.
28. C. pr. civ., art. 528 et 538.
29. C. pr. civ., art. 490.
30. C. pr. civ., art. 488.
31. Civ. 3e, 25 févr. 2016, n° 14-29.760.
32. Civ. 3e, 2 mars 2017, n° 15-29.022, RTD civ. 2017. 727, obs. N. Cayrol .
33. À l’encontre duquel l’ordonnance constaterait l’acquisition de la clause résolutoire ou ordonnerait le paiement d’une provision.
34. En raison, par exemple, de l’octroi de délais à son locataire ou de l’existence de contestations sérieuses.
35. Civ. 3e, 2 avr. 2003, n° 01-16.834, Société foncière Burho c/ Clayton (Sté), D. 2003. 1366 , obs. Y. Rouquet ; AJDI 2003. 583 , obs. J.-P. Blatter .
36. C. civ., art. 1103 et 1193.
37. Sur l’idée qu’elle se faisait de l’exigibilité du loyer.
38. C. civ., art. 1132.
39. Civ. 1re, 27 juin 2006, n° 05-13.337, D. 2006. 1913 ; RTD civ. 2006. 761, obs. J. Mestre et B. Fages .