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Le droit en débats

Philippe Waquet

Par Antoine Lyon-Caen le 10 Février 2021

Philippe Waquet nous a quittés en ce début de mois de février. Ses proches ont perdu un homme affectueux, généreux, rieur, doté d’un immense appétit intellectuel et artistique. Les juristes du travail ont perdu un « contemporain capital ».

Ses terres juridiques d’élection ne furent pas toujours le droit du travail. Avant de devenir en 1988 conseiller à la Cour de cassation, affecté à la chambre sociale, il avait exercé, avec fougue, les fonctions d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation et, à ce titre, contribué notamment à forger un véritable droit des étrangers.

Mais dans ces colonnes, c’est l’œuvre accomplie comme grand juge du travail qui doit être évoquée. Il fut d’abord juge de cassation mû par une conception citoyenne de sa fonction. Certes, il établit rapports et projets d’arrêt. Comme doyen de la chambre sociale, il s’imposa de relire tous les projets, cent cinquante par semaine, précisa un jour un de ses collègues, car il se donna pour mission de veiller, avec une grande rigueur, à la cohérence de l’activité juridictionnelle et jurisprudentielle de sa chambre.

L’exigence qu’il portait et fit partager aux membres de la chambre sociale était de tracer une direction, de s’assurer que tous s’y tenaient et de faire comprendre aux praticiens, aux acteurs sociaux, aux universitaires, la direction prise. Il publia donc ses rapports, fit avec ses présidents des tours de France pour rencontrer juges, conseillers et avocats, participa à des colloques, anima des séminaires, présenta, dans des revues, des synthèses de décisions, qui, comme toute synthèse, en disaient plus que les arrêts mentionnés. Plus tard, il s’associa à la création de la Revue de droit du travail, où il tint la chronique consacrée à l’emploi.

Les directions prises, pendant les treize ans où il fut juge de cassation, ont marqué par leur fermeté et leur justesse. Gageons que, quoique définies de manière collégiale, elles lui doivent un peu, beaucoup même. Égrenons quelques propositions qui illustrent ces directions. Il n’appartient pas au juge d’apprécier la légitimité des revendications des grévistes. Le contrat comporte des éléments, constituant son socle, qui ne peuvent être modifiés sans l’assentiment du salarié. Un motif de licenciement doit nécessairement reposer sur des éléments objectifs. Et que dire de l’élaboration, aussi équilibrée que logique, du régime du licenciement pour motif économique ?

Pendant ces treize ans, la chambre sociale attira les regards et les réflexions de tous.

Lorsqu’il se rapprocha de l’âge où son père, médecin enraciné en Bretagne, était mort, il écrivit : « il convient donc de se préparer à cette étape, de méditer en bon chrétien que je suis aux “fins dernières”, de passer du droit à l’histoire du droit… ». À l’histoire du droit du travail, Philippe Waquet, ce noble de l’esprit, appartient.

 

V. Philippe Waquet hors-texte. L’âge d’or de la chambre sociale, entretien enregistré en octobre 2009, mené conjointement par Frédéric Géa et Antoine Lyon-Caen.