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Le droit en débats

Plaidoyer pour le droit à l’assistance de l’avocat de la défense au cours des perquisitions prévues par le code de procédure pénale

En toutes matières, qu’il soit ou non gardé à vue, si l’occupant des lieux perquisitionnés ou son représentant en fait la demande, il doit avoir le droit à la présence et à l’assistance d’un avocat choisi ou commis d’office, sans que l’exercice de ce droit n’entraîne la suspension des opérations.

Par Vincent Nioré et Elliot Bersegol le 09 Février 2024

Nombreuses sont les tergiversations, des politiques comme des parlementaires, sur ce droit fondamental qu’est le droit à l’assistance, au cours d’une perquisition prévue par le code de procédure pénale, de la personne perquisitionnée par l’avocat de la défense.

Et pourtant ces derniers prennent véritablement conscience de cette nécessité lorsque le judiciaire les rattrape.

Il ne s’agit plus seulement de se limiter à revendiquer la simple présence de l’avocat en perquisition pénale.

Nous parlons d’assistance effective avec toute « la vaste gamme d’interventions qui sont propres à l’avocat, dont la recherche des preuves favorables » au perquisitionné étant rappelé que « les avocats se voient confier une mission fondamentale dans une société démocratique, à savoir la défense des justiciables » qui doivent avoir « la possibilité de s’adresser en toute liberté » à leur avocat « dont la profession même englobe, par essence, la tâche de donner, de façon indépendante des avis juridiques à tous ceux qui en ont besoin » comme le jugent régulièrement la Cour européenne des droits de l’homme1 et la Cour de justice de l’Union européenne2.

Il est essentiel de comprendre que cette assistance ne vise nullement à entraver les enquêtes, mais à préserver l’exercice effectif des droits de la défense, sans perdre de vue que la perquisition est toujours le lieu et le moment d’une audition, voire d’un interrogatoire sauvage, sur place.

Comme l’écrivait Louis Lambert, professeur à l’École nationale supérieure de police, dans son traité de police judiciaire3 : « La perquisition est, du point de vue juridique, l’acte le plus délicat que nous ayons à accomplir au cours de nos enquêtes. Elle est d’autre part, du point de vue policier, l’acte le plus efficace pour la manifestation de la vérité. Aussi y avons-nous à tout moment recours ».

Du latin perquisitio qui désigne une « recherche attentive »4, la perquisition, de jour comme de nuit, est définie comme « la recherche, à l’intérieur d’un lieu normalement clos, notamment au domicile d’un particulier, d’indices permettant d’établir l’existence d’une infraction ou d’en déterminer l’auteur »5.

Elle constitue une atteinte à l’inviolabilité du domicile et à la vie privée. Certains auteurs relèvent que « le droit au respect de la vie privée et à la protection du domicile proclamé par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, est sans doute le droit fondamental le plus altéré par les investigations conduites dans le cadre de la procédure pénale »6. Nous pouvons y ajouter que la perquisition est sans doute la mesure la plus attentatoire à ces droits.

La protection du domicile et sa sacralisation sont anciennes. L’article 76 de la Constitution de la République française du 22 frimaire an VIII (13 déc. 1799) disposait que « la maison de toute personne habitant le territoire français est un asile inviolable […] ».

La perquisition domiciliaire doit donc être considérée comme un acte particulièrement grave qui touche au cœur de l’intimité des occupants des lieux.

Les contraintes liées à la perquisition justifient la présence et l’assistance de l’avocat aux côtés de la personne qui les subit. En effet, le degré élevé de coercition à l’égard de la personne dont le domicile est perquisitionné, place cette dernière dans une position de vulnérabilité, seule, face à de nombreux enquêteurs autour du représentant du ministère public qui investissent le pas de la porte à l’orée du matin, armés, parfois cagoulés et accompagnés de chiens, tandis que les enfants effrayés restent en éveil dans la pièce d’à côté.

Ainsi, dans le cadre d’une perquisition avec assentiment au cours d’une enquête préliminaire, sans autorisation du juge des libertés et de la détention (C. pr. pén., art. 76), comment, malgré toute la délicatesse du monde, pouvons-nous avoir foi dans le caractère libre du consentement, arraché dans les termes manuscrits suivants : « Sachant que je puis m’y opposer, je consens expressément à ce que vous opériez perquisition de mon domicile et procédiez aux saisies que vous jugerez utiles à l’enquête en cours » ?

Que faisons-nous des notions de contrainte morale et de surprise dans ce contexte intrusif ?

Cette formule de recueil du consentement manuscrit à la perquisition avec assentiment est consternante tant elle incarne un consentement extorqué.

Le droit à l’assistance d’un avocat permet à la personne qui en bénéficie de recevoir les conseils utiles lui permettant d’éviter de s’auto-incriminer et de se défendre des soupçons et accusations portés contre elle, au besoin en faisant usage de son droit de se taire. L’avocat garantit donc que la personne suspectée ne fasse pas l’objet d’une contrainte des enquêteurs la poussant à s’auto-incriminer dès l’instant de l’intrusion.

La légitimité du droit à l’assistance de l’avocat au cours des perquisitions pénales

Alors pourquoi autant d’oppositions, d’hésitations, de réticences puisqu’en dehors du cas particulier des dispositions du code de procédure pénale, le droit positif français prévoit la présence de l’avocat au cours des perquisitions des autorités administratives, perquisitions alors dénommées « visites domiciliaires » et parfois « visites de courtoisie » ?

En effet, les textes relatifs aux perquisitions des autorités administratives prévoient la présence d’un officier de police judiciaire au visa de l’article 56, alinéa 3, du code de procédure pénale qui « sans préjudice de l’application des articles 56-1 à 56-5 » fait obligation à l’officier de police judiciaire « de provoquer préalablement toutes mesures utiles pour que soit assuré le respect du secret professionnel et des droits de la défense » (v. par ex., LPF, art. L. 16 B et L. 38 ; C. mon. fin., art. L. 621-12 ; C. douanes, art. 64).

Législation incroyable, le code de procédure pénale fait de l’officier de police judiciaire en perquisition le garant du respect de l’exercice des droits de la défense sans même prévoir la présence de l’avocat, acteur et garant naturel de ce même exercice des droits de la défense !

Nous restons heureusement surpris par l’abondance des textes prévoyant cette assistance effective par l’avocat de la défense en cette matière des perquisitions des autorités administratives, qu’elles soient diligentées dans le cadre d’une mission de police judiciaire ou de police administrative :

  • en matière fiscale, les dispositions des articles L. 16 B et L. 38 du livre des procédures fiscales prévoient respectivement « la faculté pour le contribuable de faire appel à un conseil de son choix » et « la faculté pour l’occupant des lieux ou son représentant, ainsi que l’auteur présumé des infractions […], de faire appel à un conseil de son choix » ;
  • en matière de lutte contre le terrorisme, les dispositions des articles L. 229-1 et L. 229-2 du code de la sécurité intérieure prévoient « la faculté pour l’occupant des lieux ou son représentant de faire appel à un conseil de son choix ». L’article L. 253-3 du même code prévoit, en matière de contrôle des systèmes de vidéoprotection, que « la visite s’effectue […] en présence de l’occupant des lieux ou de son représentant, qui peut se faire assister d’un conseil de son choix » ;
  • en matière financière, les dispositions de l’article L. 621-12 du code monétaire et financier prévoient « la faculté pour l’occupant des lieux ou son représentant de faire appel à un conseil de son choix » ;
  • en matière douanière, les dispositions de l’article 64 du code des douanes prévoient « la faculté pour l’occupant des lieux ou son représentant, ainsi que l’auteur présumé des infractions […], de faire appel à un conseil de son choix » ;
  • en matière de concurrence, les dispositions de l’article L. 450-4 du code de commerce prévoient « la faculté pour l’occupant des lieux ou son représentant de faire appel à un conseil de son choix » ;
  • en matière routière, les dispositions de l’article L. 329-24 du code de la route prévoient que « la visite est effectuée en présence de l’occupant des lieux ou de son représentant, qui peut se faire assister d’un conseil de son choix » ;
  • en matière de transport, les dispositions de l’article L. 1711-8 du code des transports prévoient que « la visite est effectuée en présence de l’occupant des lieux ou de son représentant, qui peut se faire assister d’un conseil de son choix » ;
  • en matière de régulations postales et de télécommunications, les dispositions des articles L. 5-9-1 et L. 32-5, L. 43 du code des postes et des communications électroniques prévoient que « [la visite] est effectuée en présence de l’occupant des lieux ou de son représentant, qui peut se faire assister de l’avocat de son choix » ;
  • en matière de lutte contre les dangers sanitaires, les dispositions de l’article L. 206-1 du code rural et de la pêche maritime prévoient que « la visite est effectuée en présence de l’occupant des lieux ou de son représentant, qui peut se faire assister d’un conseil de son choix » ;
  • en matière environnementale, les dispositions de l’article L. 171-2 du code de l’environnement prévoient que « La visite est effectuée en présence de l’occupant des lieux ou de son représentant, qui peut se faire assister d’un conseil de son choix » ;
  • en matière d’énergie, les dispositions des articles L. 135-8 et L. 142-26 du code de l’énergie prévoient que « [la visite] est effectuée en présence de l’occupant des lieux ou de son représentant, qui peut se faire assister de l’avocat de son choix » ;
  • en matière de consommation, les dispositions de l’article L. 512-58 du code de la consommation prévoient que « l’occupant des lieux ou son représentant a la faculté de faire appel au conseil de son choix » ;
  • en matière de santé publique, les dispositions de l’article L. 1421-1 du code de la santé publique prévoient que « la visite est effectuée en présence de l’occupant des lieux ou de son représentant, qui peut se faire assister d’un conseil de son choix » ;
  • en matière de lutte contre le dopage, les dispositions de l’article L. 232-18-7 du code du sport prévoient « la faculté pour l’occupant des lieux ou son représentant de faire appel à un conseil de son choix » ;
  • en matière de construction, les dispositions de l’article L. 181-7 du code de la construction et de l’habitation prévoient que « la visite est effectuée en présence de l’occupant des lieux ou de son représentant, qui peut se faire assister d’un conseil de son choix » ;
  • en matière d’urbanisme, les dispositions de l’article L. 461-3 du code de l’urbanisme prévoient que « la visite est effectuée en présence de l’occupant des lieux ou de son représentant, qui peut se faire assister d’un conseil de son choix » ;
  • en matière minière, les dispositions de l’article L. 175-12 du code minier prévoient que « la visite est effectuée en présence de l’occupant des lieux ou de son représentant, qui peut se faire assister d’un conseil de son choix ».

Le rappel de ces dix-sept textes est utile puisque nul n’en parle, sauf Mme la garde des Sceaux Nicole Belloubet, en séance à l’Assemblée nationale le 23 novembre 2018, qui précisait, à propos de la « consécration du droit à l’avocat lors de la perquisition : […] de même, la comparaison avec l’intervention de l’avocat lors des perquisitions par les autorités administratives – douane, administration fiscale, autorité de la concurrence – n’a pas lieu d’être »7.

Il n’y a pas lieu de distinguer entre ces deux régimes de perquisition qui pourtant instaurent une discrimination au plan de l’exercice des droits de la défense, au préjudice du justiciable et de l’avocat, dont la présence n’est pas prévue (ni interdite) par le code de procédure pénale.

En pratique, rien ne distingue, au point de vue de l’intrusion, une perquisition judiciaire effectuée par un magistrat ou un officier de police judiciaire d’une perquisition effectuée par les agents de telle autorité administrative, également souvent autorisée et contrôlée par un magistrat judiciaire indépendant en la personne du juge des libertés et de la détention que le rapport Jacques Beaume définissait comme le « gardien naturel “de second niveau” de la liberté individuelle ou de la vie privée susceptibles d’être compromises par une enquête » et devant intervenir « pour garantir la légalité et la proportionnalité de l’investigation attentatoire à la liberté ou à la vie privée »8.

D’ailleurs, une perquisition de l’autorité administrative peut s’avérer en fait plus contraignante qu’une perquisition effectuée par une autorité policière ou judiciaire.

Et de plus fort en faveur de cette assistance, les dispositions de l’article 56-1-1 du code de procédure pénale9, issues de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire du 22 décembre 2021, constituent une véritable incitation à cette évolution législative dans le sens du contradictoire, afin que le droit d’opposition à la saisie des documents relevant de l’exercice des droits de la défense et couvert par le secret professionnel de la défense et du conseil, puisse être effectivement préservé et exercé.

En cette matière de l’intrusion pénale, bien qu’il soit de jurisprudence ancienne que la présence de l’avocat au cours d’une perquisition n’est pas requise10, les juges, lorsqu’ils y sont invités, doivent « s’expliquer […] sur la teneur des propos consignés dans le procès-verbal de perquisition susceptibles de constituer une audition, prévue par l’article 63-4-2 du code de procédure pénale, nécessitant la présence d’un avocat »11 afin, s’ils constatent que celle-ci « [a été] privée de liberté [et] entendue sur les faits qui lui sont reprochés », de juger nécessaire qu’elle fut assistée d’un avocat12.

La chambre criminelle a donc consacré le droit à l’assistance d’un avocat au cours de toute audition et interrogatoire informel pendant l’intrusion. Rappelons en effet que le droit à l’assistance d’un avocat est prévu par le code de procédure pénale, au stade de l’enquête comme de l’instruction, en particulier à l’occasion de trois mesures majeures : l’audition libre et la confrontation du suspect (C. pr. pén., art. 61-1)13, les auditions et confrontations de la personne gardée à vue (C. pr. pén., art. 63-4-2) et les interrogatoires et confrontations de la personne mise en examen (C. pr. pén., art. 114).

Le parquet national financier n’est pas sans savoir que la conclusion d’une convention judiciaire d’intérêt public, qui mêle à la fois intrusion, coercition, coopération et négociation, s’accommode en fait et en amont de l’acceptation de l’assistance de l’avocat lors de la perquisition dans l’entreprise concernée par l’enquête, ne serait-ce que pour discuter des saisies14. Les dispositions de l’article 41-1-2, alinéa 7 du code de procédure pénale favorisent cette présence en prévoyant que « Les représentants légaux de la personne morale mise en cause […] sont informés, dès la proposition du procureur de la République, qu’ils peuvent se faire assister d’un avocat avant de donner leur accord à la proposition de convention ».

Un sinueux chemin vers le droit à l’assistance de l’avocat au cours des perquisitions pénales

Au plan des travaux parlementaires, nombreux sont celles et ceux qui se sont prononcés en faveur de l’assistance de l’avocat en perquisition judiciaire.

Cette question a connu un certain nombre de péripéties.

Dans un premier temps, à l’occasion des travaux sur la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, les premiers balbutiements du droit à l’assistance de l’avocat en perquisition s’élevaient de la commission des lois du Sénat qui adoptait l’amendement n° COM-204 présenté par MM. les députés rapporteurs, François-Noël Buffet et Yves Détraigne, aux termes duquel un nouvel alinéa de l’article 56 du code de procédure pénale prévoyait que « La personne chez qui l’officier de police judiciaire se transporte peut être assistée de son avocat »15. La chambre haute s’en faisait l’écho en première lecture en rejetant un amendement contraire de Mme la garde des Sceaux, Nicole Belloubet, selon laquelle « le contradictoire n’a pas lieu en perquisition »16.

La commission des lois de l’Assemblée nationale, rétropédalait cependant dans le sens du gouvernement17, suivi en séance publique, M. le député rapporteur Didier Paris se demandant alors « ce qu’apporterait la présence d’un avocat, puisque celui-ci ne peut s’opposer ni à la perquisition ni aux saisies qui en découlent »18.


Après la réunion d’une commission mixte paritaire en désaccord et une nouvelle lecture par chacune des chambres, le droit à l’assistance de l’avocat en perquisition était abandonné en lecture définitive par l’Assemblée nationale.

Trois ans plus tard, lors des discussions parlementaires sur le projet de loi confiance dans l’institution judiciaire, l’histoire se répétait… à l’envers. Le 19 mai 2021, l’Assemblée nationale adoptait, en première lecture publique, un amendement prometteur, présenté par Madame et Monsieur les députés Naïma Moutchou et Raphaël Gauvain et 263 autres députés, introduisant un nouvel article 57-2 au code de procédure pénale19 :

« Même s’il n’est pas procédé à l’audition de la personne, l’officier de police judiciaire ou le magistrat qui procède à une perquisition ne peut s’opposer à la présence de l’avocat désigné par la personne chez qui il est perquisitionné, si ce dernier se présente sur les lieux des opérations, y compris lorsque celle-ci a déjà débuté.
S’il existe contre la personne des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement et qu’il est prévu qu’elle soit entendue au cours de ces opérations, elle est préalablement informée de son droit d’être assistée par un avocat au cours de cette audition conformément au 4° de l’article 61-1 ou conformément aux articles 63-3-1 à 63-4-3.
L’avocat présent au cours de la perquisition peut présenter des observations écrites qui sont jointes à la procédure ; l’avocat peut également adresser ces observations au procureur de la République. Si l’avocat demande qu’il soit procédé à la saisie d’objets ou documents qu’il juge utile à la défense de son client, l’officier de police judiciaire ou le magistrat ne peut refuser de procéder à la saisie demandée que s’il apparaît que celle-ci n’est manifestement pas utile à la manifestation de la vérité.
Dans ce cas, il en est fait mention dans le procès-verbal prévu par l’article 57.
Dans les cas prévus aux deux premiers alinéas du présent article, les opérations de perquisition peuvent débuter sans attendre la présence de l’avocat. Dans le cas prévu au deuxième alinéa, si la personne a été placée en garde à vue, son audition ne peut débuter avant le délai prévu par l’article 63-4-2.
Hors le cas prévu par le deuxième alinéa du présent article, il peut être refusé l’accès de l’avocat sur les lieux de la perquisition pour des motifs liés à la sécurité de celui-ci, de la personne chez qui il est perquisitionné ou des personnes participant aux opérations. Il en est alors fait état dans le procès-verbal prévu par l’article 57 ».

Mais c’est cette fois le Sénat qui supprimait cette disposition en commission des lois, puis rejetait les amendements débattus en séance publique20. La commission mixte paritaire s’accordait alors pour renoncer à ce droit, « conformément aux souhaits du Sénat, mais aussi des forces de l’ordre »21.

Enfin, dans le cadre de sa première lecture du projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027, l’Assemblée nationale, tant en commission des lois qu’en séance publique, opérait un étonnant revirement de position et rejetait les nombreux amendements tendant à l’introduction du droit à l’avocat en perquisition22.

Le Barreau de Paris, sous l’impulsion de notre confrère Julien Brochot, avait porté un amendement insérant un alinéa à l’article 56 du code de procédure pénale :

« Sauf dans le cas où elle a été placée en garde-à-vue, la personne chez qui l’officier de police judiciaire se transporte peut librement prévenir son conseil et être assistée de celui-ci. Les opérations de perquisition peuvent débuter sans attendre la présence de l’avocat ».

N’oublions pas la présence et l’assistance de l’avocat lors de l’exécution de mesures in futurum en application des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile qui constituent en pratique de véritables perquisitions, étant rappelé que l’avocat ne se manifestera que lors des recours contre l’ordonnance du président autorisant la mesure. Il est donc nécessaire de prévoir la présence de l’avocat dès le début de l’intrusion de l’autorité judiciaire civile qui dispose de la faculté de requérir le concours de la force publique à l’initiative du commissaire de justice en charge de son exécution, d’autant que la mesure s’exécutera au domicile privé ou professionnel du justiciable qui lui accorde sa confiance.

L’avènement inéluctable du droit à l’assistance de l’avocat au cours des perquisitions pénales

Notre garde des Sceaux, à l’occasion des discussions sur ce dernier projet de loi, indiquait que « la présence de l’avocat lors de la perquisition est une question infiniment complexe, qui pourrait être discutée à l’occasion de la refonte du code de procédure pénale »23, étant souligné qu’il s’était exprimé en faveur de l’amendement déposé par Madame et Monsieur les députés Naïma Moutchou et Raphaël Gauvain et s’était félicité de son adoption :

« (L’amendement n° 814 est adopté.)
Mme Yaël Braun-Pivet, présidente de la commission des lois. Très bien !
M. Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux. Bravo ! »24

En effet, il est temps de proposer au législateur la rédaction d’un texte qui préserve l’équilibre des droits des parties et le principe de l’égalité des armes, par exemple dans les termes suivants :

« En toutes matières, si la personne chez qui il est procédé aux opérations de perquisition en fait la demande, elle a droit à la présence et à l’assistance d’un avocat choisi ou commis d’office, que la personne soit ou non simultanément perquisitionnée et placée en garde à vue, ou qu’elle soit, au cours de la garde à vue, transportée sur les lieux de la perquisition.
L’avocat de la défense est avisé de l’exercice de ce droit par toute personne présente sur les lieux de la perquisition.
En tout état de cause, la perquisition peut débuter sans la présence de l’avocat choisi ou commis d’office et n’est pas suspendue lorsque l’avocat se présente au cours de son déroulement.
L’opposition à la présence de l’avocat n’est possible que pour prévenir une atteinte grave et imminente à la vie, à la liberté, ou à l’intégrité physique d’une personne. ».

 

Nous avons encore en mémoire les oppositions farouches à la présence de l’avocat en garde à vue dont désormais l’utilité n’est plus discutée. Plus que jamais, il est nécessaire de s’affranchir de toute forme de paranoïa. Par respect pour chaque justiciable. Sans distinction. À l’heure où la procédure pénale évolue inexorablement tous azimuts dans le sens de l’auto-incrimination, rien n’est plus urgent que de faire respecter et renforcer la présence et l’assistance de l’avocat en cette matière déterminante et sensible de l’intrusion. Et ce sera justice.

 

 

 

1. CEDH, gr. ch., 27 nov. 2008, Salduz c/ Turquie, n° 36391/02, AJDA 2009. 872, chron. J.-F. Flauss .
2. CJUE, gr. ch., 8 déc. 2022, Orde van Vlaamse Balies, aff. C-694/20, §§ 27-28, D. 2024. 76, obs. T. Wickers ; AJ pénal 2023. 85, obs. E. Daoud ; RTD eur. 2023. 294, obs. A. Maitrot de la Motte .
3. L. Lambert,Traité théorique et pratique de police judiciaire, à l’usage des commissaires de police ainsi que des procureurs de la République, des juges d’instruction et des autres officiers de police judiciaire, 3e éd., Joannès Desvigne, 1951, p. 488.
4. F. Gaffiot, Dictionnaire latin-français, Hachette, 1934, p. 1157.
5. Crim. 29 mars 1994, n° 93-84.995 P, D. 1995. 144 , obs. J. Pradel .
6. F. Desportes et L. Lazergues-Cousquer, Traité de procédure pénale, 4e éd., Economica, 2015, p. 431, n° 581.
7. JO, Ass. nat., XVe législature, session ordinaire de 2018-2019, compte rendu intégral, séances du 23 nov. 2018, p. 12610.
8. J. Beaume, Rapport sur la procédure pénale, juill. 2014, p. 32.
9. C. pr. pén., art. 56-1-1, « Lorsque, à l’occasion d’une perquisition dans un lieu autre que ceux mentionnés à l’article 56-1, il est découvert un document mentionné au deuxième alinéa du même article 56-1, la personne chez qui il est procédé à ces opérations peut s’opposer à la saisie de ce document. Le document doit alors être placé sous scellé fermé et faire l’objet d’un procès-verbal distinct de celui prévu à l’article 57. Ce procès-verbal ainsi que le document placé sous scellé fermé sont transmis sans délai au juge des libertés et de la détention, avec l’original ou une copie du dossier de la procédure. Les quatrième à neuvième alinéas de l’article 56-1 sont alors applicables. ».
10. Crim. 30 mai 1933 P ; 5 juill. 1962 P.
11. Crim. 10 mars 2015, n° 14-86.950.
12. Crim. 3 avr. 2013, n° 12-88.428 P, D. 2013. 1940, obs. M. Lena , note S. Detraz ; ibid. 1993, obs. J. Pradel ; AJ pénal 2013. 420, obs. L. Belfanti . De même lorsqu’une personne gardée à vue est interpelée par les enquêteurs sur la nécessité de donner le code de déverrouillage de son téléphone pour permettre l’exploitation des données y figurant, assimilable à une perquisition (Crim. 12 janv. 2021, n° 20-84.045 P, D. 2021. 82 ; AJ pénal 2021. 214, obs. É. Clément ; Dalloz IP/IT 2021. 294, obs. O. de Maison Rouge ; RSC 2021. 128, obs. R. Parizot ), ou que des objets sont présentés à la personne dont le domicile est perquisitionné pour qu’elle les reconnaisse (Crim. 6 févr. 2018, n° 17-84.380 P, D. 2018. 352 ; AJ pénal 2018. 204, obs. Y. Capdepon ; 22 oct. 2013, n° 13-81.945 P, D. 2014. 115 , note H. Matsopoulou ; ibid. 311, chron. B. Laurent, C. Roth, G. Barbier et P. Labrousse ; AJ pénal 2013. 668, note L. Ascensi ; D. avocats 2014. 24, obs. J. Danet ).
13. À condition que l’infraction pour laquelle elle est entendu constitue un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement.
14. M. Aron, Comment le parquet national financier est devenu la machine à cash de la République, L’Obs, 1er févr. 2024.
15. Sénat, XVe législature, session ordinaire 2018-2019, Rapport n° 11 fait par MM. les sénateurs F.-N. Buffet et Y. Détraigne au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et de l’administration générale, tome I, 3 oct. 2018, p. 412.
16. Sénat, XVe législature, session ordinaire de 2018-2019, Compte rendu intégral, séance du mercredi 10 oct. 2018, p. 13608.
17. Sénat, XVe législature, session ordinaire 2018-2019, Rapport nos 1396 et 1397 fait par Mme et M. les députés L. Avia et D. Paris au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, tome II, 9 nov. 2018, p. 318-321.
18. JO, Ass. nat., XVe législature, session ordinaire de 2018-2019, Compte rendu intégral, séances du vendredi 23 nov. 2018, p. 12609.
19. Amendement n° 814 déposé le 14 mai 2021 ; JO, Ass. nat., XVe législature, session ordinaire de 2020-2021, 278e séance, Compte rendu intégral, 2e séance du mercredi 19 mai 2021, p. 5326-5328.
20. JO, Sénat, XVe législature, session extraordinaire de 2020-2021, Compte rendu intégral, séance du mardi 28 sept. 2021, p. 8531-8533.
21. Rapport fait au nom des commissions mixtes paritaires par M. le député S. Mazars et Mme et M. les sénateurs, A. et P. Bonnecarrère, 21 oct. 2021, p. 4.
22. JO, Ass. nat., XVIe législature, session extraordinaire de 2022-2023, Compte rendu intégral, 2e séance du mercredi 7 juill. 2023, p. 6998-7000.
23. Ass. nat., XVIe législature, session ordinaire de 2022-2023, Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, Compte rendu n° 64, séance du mercredi 21 juin 2023 à 9 h., p. 17 et 18.
24. JO, Ass. nat., XVe législature, session ordinaire de 2020-2021, 278e séance, Compte rendu intégral, 2e séance du mercredi 19 mai 2021, p. 5328.