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Le droit en débats

Plastique à usage « unique » et législation à géométrie « variable »

Par Thierry Charles le 19 Février 2019

Cette année encore, l’industrie des plastiques a fait état d’un changement considérable, que provoque la sensibilisation de l’opinion publique à la nécessité de protéger l’environnement, notamment par les importantes mesures législatives nouvelles qui ont été adoptées depuis la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine, durable et accessible à tous [dite loi EGAlim], jusqu’à la future directive sur les « Plastiques à usage unique » [Single-use plastics / SUP]1  ou la mise en œuvre de la feuille de route de l’économie circulaire [FREC].

Dans la lignée des interdictions précédemment adoptées dans le cadre de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 dite EGAlim, qui bannit les plastiques jetables, confirme la démarche de réduction des déchets plastiques initiée par les pouvoirs publics2. Il s’agit d’un bel inventaire du genre de ceux que dressait, à l’époque, le poète Jacques Prévert3.

I - La liste des plastiques interdits : un inventaire à la Prévert

La liste des plastiques interdits s’est considérablement allongée [pailles, couverts, plateaux-repas, boîtes et bâtonnets mélangeurs pour boissons, etc. qui disparaîtront dès 2020] et s’ajoute aux objets déjà dans le collimateur du législateur, alors que les barquettes de cuisson et les bouteilles d’eau en plastique ne seront plus utilisées dans la restauration scolaire4.

La loi n° 2015-992 du 17 août 2015 avait déjà prévu la fin prochaine de la mise à disposition des gobelets, verres et assiettes jetables de cuisine pour la table en matière plastique, sauf ceux compostables en compostage domestique et constitués, pour tout ou partie, de matières biosourcées (C. envir., art. L. 541-10-5)5.

L’article L. 541-10-5 précité prévoit que ses modalités d’application seront fixées par décret : « III. – Au plus tard le 1er janvier 2020, il est mis fin à la mise à disposition des gobelets, verres et assiettes jetables de cuisine pour la table, pailles, couverts, piques à steak, couvercles à verre jetables, plateaux-repas, pots à glace, saladiers, boîtes et bâtonnets mélangeurs pour boissons en matière plastique, sauf ceux compostables en compostage domestique et constitués, pour tout ou partie, de matières biosourcées. […] Les modalités d’application des trois premiers alinéas du présent III sont fixées par décret, notamment la teneur biosourcée minimale des gobelets, verres et assiettes et les conditions dans lesquelles cette teneur est progressivement augmentée. »

En réalité, la liste des produits interdits aurait même pu été plus longue.

Elle a été initiée dès 2015 par la loi sur la transition énergétique, qui chassait des supermarchés les sacs en plastique entre 2016 et 2017 [au 1er janvier 2016 pour les sacs de caisse et au 1er janvier 2017 pour les autres sacs en plastique] et, dès 2020, « les gobelets, verres et assiettes jetables en matière plastique sauf ceux qui sont compostables en compostage domestique, et constitués, pour tout ou partie, de matières biosourcées ».

Même si les exceptions devraient rester en vigueur, comme la teneur minimale en matières biosourcées précisée par le décret du 30 août 2016 : soit 50 % au minimum au 1er janvier 2020 et 60 % à partir du 1er janvier 20256, si on ajoute l’objectif « 100 % de recyclage » assigné par le Gouvernement et la « Feuille de Route Economie Circulaire » [FREC], le challenge est tout bonnement impossible à relever pour les industriels du secteur.

Aussitôt, dans un communiqué commun du 21 septembre, trois fédérations professionnelles (Elipso, PlasticsEurope et la Fédération de la Plasturgie) promettaient « des conséquences économiques lourdes, pas uniquement pour les entreprises », mais aussi pour « les finances des collectivités publiques » (elles affirmaient également que « ces dispositions législatives sont à divers titres, en infraction avec le droit européen »).

Le refus de cette surenchère législative a conduit les opposants aux projets à s’engager dans la guérilla judiciaire, voire l’action de terrain, en utilisant tous les recours et appels possibles.

II - L’approbation par le Conseil constitutionnel d’une extension de la liste des ustensiles en plastique interdits

Il s’en est suivi la saisine du Conseil constitutionnel au motif que ce texte de loi méconnaît un principe fondamental de notre Constitution qui est la liberté d’entreprendre. Certes, « des limitations peuvent être apportées à cette liberté lorsqu’elles sont liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général », mais c’est « à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi »7.

Pour autant, le 25 octobre 2018, le Conseil constitutionnel a estimé que cette interdiction n’était pas contraire à la liberté d’entreprendre, en jugeant conforme à la Constitution une disposition contestée par des sénateurs concernant la loi EGAlim (à savoir l’article 28, qui modifie le Code de l’environnement pour étendre la liste des ustensiles en matière plastique)8.

Le Conseil constitutionnel écarte notamment la critique d’ « atteinte injustifiée à la liberté d’entreprendre » (inscrite dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789] en estimant que l’« interdiction, limitée aux ustensiles en plastique à usage unique, et excluant les ustensiles jetables compostables et biosourcés, est justifiée par l’objectif poursuivi de protection de l’environnement et de la santé publique » [l’atteinte à la liberté d’entreprendre n’étant pas manifestement disproportionnée au regard de l’objectif d’intérêt général de protection de l’environnement et de la santé publique).

III - Rejet du recours contre le décret du 30 août 2016 relatif aux conditions d’application de l’interdiction de la vaisselle plastique

Dans la foulée, par arrêt du 28 décembre 2018 (n° 404792), le Conseil d’État a rejeté le recours tendant à l’annulation des dispositions du décret du 30 août 2016 relatives aux modalités de mise en œuvre de la limitation des gobelets, verres et assiettes jetables en matière plastique9.

Dans cette affaire, le Conseil d’État a été saisi d’un recours tendant à l’annulation des dispositions du décret n° 2016-1170 du 30 août 2016 relatif aux modalités de mise en œuvre de la limitation des gobelets, verres et assiettes jetables en matière plastique.

Au soutien de leur demande d’annulation, les sociétés requérantes DOPLA, FLO EUROPE, ILIP et NUPIK INTERNACIONAL invoquent, en vain, différents moyens tirés de : l’irrégularité du décret faute d’être contresigné par le ministre de l’économie et des finances ; la méconnaissance, par l’article L. 541-10-5 du code de l’environnement, des articles 34 et 35 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ; l’atteinte au principe d’égalité ; et l’atteinte aux objectifs de clarté et d’intelligibilité de la norme.

S’agissant notamment du moyen tiré de la méconnaissance par l’article L. 541-10-5 du code de l’environnement des articles 34 et 35 TFUE, le Conseil d’État rappelle que les objectifs poursuivis par la politique nationale de prévention et de gestion des déchets imposent de respecter la hiérarchie des modes de traitement des déchets10.

Le Conseil d’État juge qu’« en adoptant la mesure d’interdiction contestée, le législateur a poursuivi un objectif de réduction du volume des déchets plastiques afin, notamment, de prévenir et de limiter la pollution des sols et su sous-sol ainsi que les atteintes à la biodiversité » et rappelle que cette mesure d’interdiction de la vaisselle plastique poursuit un double objectif : d’une part, limiter l’offre de produits plastiques jetables pour privilégier l’utilisation de produits réutilisables et d’autre part, réduire la proportion de plastiques conventionnels dans les produits à usage unique dont la commercialisation sera maintenue.

Enfin, le Conseil d’État a rejeté les mesures de « substitution » évoquées par les sociétés requérantes, à savoir la mise en place de systèmes de collecte et de recyclage, la mise en place de programmes de prévention de déchets sauvages à destination du public ou encore la mise en place d’un tri à la source11.

En conséquence, après la décision le 25 octobre 2018 du Conseil constitutionnel qui avait déjà jugé conforme à la Constitution une disposition contestée par des sénateurs concernant la loi EGAlim (à savoir l’art. 28, qui modifie le code de l’environnement pour étendre la liste des ustensiles en matière plastique), il semble désormais vain de contester, voire espérer réviser, par voie judiciaire l’interdiction de la vaisselle jetable en plastiques.

De ce fait, l’interdiction de la mise à disposition de la vaisselle plastique entrera bien en vigueur à compter du 1er janvier 2020, laissant le temps, selon le Conseil, aux industriels de « s’adapter et, le cas échéant, de se réorienter vers la production et la commercialisation de produits compostables et constitués majoritairement de matières biosourcées », conformément aux modalités d’application de l’article L. 541-10-5 du code de l’environnement définies par le décret du 30 août 2016 attaqué.

IV - L’excès de zèle dont semblent faire preuve les villes et la grande distribution

Alors que la décision du Conseil d’État vient consolider une jurisprudence récente qui valide des mesures fortes prises par le législateur et l’exécutif (décision du Conseil constitutionnel n°2018-771 DC du 25 octobre 2018 relative à l’interdiction de produits en plastique jetable, ainsi que les affaires relatives à la reprise des déchets du BTP)12, côté pile, Michel-Édouard Leclerc déclare vouloir « anticiper la loi » et limiter la vente des objets à usage unique dès l’année prochaine dans ses grandes surfaces (en 1996, Leclerc fut la première enseigne de la grande distribution en France à avoir supprimé volontairement la distribution de sacs en plastique dans ses supermarchés).

Dans le même temps, il envisage de négocier avec les fournisseurs des nouveaux cahiers des charges, tout en effectuant un travail sur le suremballage.

Côté face, certaines villes pèchent par excès de zèle, et entament la confiance des industriels. Ainsi, la ville de Nice annonce le 21 septembre qu’elle allait bannir dès la rentrée 2019 le plastique de ses établissements scolaires.À Bordeaux, le maire de la ville, s’est également résolu à supprimer la vaisselle en plastique dans les cantines scolaires et plusieurs collectifs créés dans des villes, comme Montpellier ou Montrouge, demandent le retrait des barquettes et couverts en plastique des restaurants scolaires.

Alors que plus de 300 villes britanniques veulent réduire l’usage des plastiques à usage unique sur leur territoire, certaines collectivités françaises ont pris le même chemin13, d’autant que le « plastic bashing » bat son plein avec notamment le mouvement « plastic attack » dans les supermarchés [lancée début 2018 au Royaume-Uni, l’opération consiste à laisser les emballages en plastique jetable dans les supermarchés], des parents mobilisés pour des cantines sans plastique, les engagements d’entreprises comme Carrefour ou Mac Do (le groupe teste depuis juin 2018 des alternatives aux pailles en plastiqu), etc14.

Dans le même temps, afin de se prémunir contre d’éventuels risques sanitaires15, il est mis fin à l’utilisation de contenants alimentaires de cuisson, de réchauffe et de service en matière plastique, au profit de l’utilisation de matériaux inertes et durable, dans les services de restauration collective des établissements scolaires et universitaires ainsi que des établissements d’accueil des enfants de moins de six ans (cette interdiction s’appliquera au plus tard le 1er janvier 2025 ; un délai supplémentaire de trois ans étant accordé aux collectivités territoriales de moins de 2 000 habitants)16.

Le gouvernement demande aussi aux industriels davantage d’efforts en matière de recyclage et de matière recyclée : tout en pariant sur leurs engagements volontaires, la France a par exemple annoncé la mise en place d’un système de bonus-malus privilégiant les produits fabriqués à partir de plastique recyclé dès 201917.

En outre, le segment de la vente à emporter, du traiteur et de la restauration rapide, n’est pas le seul visé par le parlement, celui de la restauration collective l’est également18.

Par ailleurs, le 4 juillet 2018 le gouvernement annonçait un « plan biodiversité » visant notamment la lutte contre la pollution plastique, que le gouvernement espère ramener à zéro rejet en mer d’ici à 2025.

Le plan prévoit ainsi la suppression de 12 objets plastiques à usage unique: « sacs en plastique, coton-tige, assiettes, gobelets, tasses, verres, pailles, contenants en polystyrène expansé pour la consommation nomade et microbilles dans les cosmétiques rincés » dès 2020, « agitateurs pour boisson, couverts et tiges en plastique pour ballons de baudruche » d’ici à 202219.

Alors que le rythme s’accélère en France, c’est au tour de l’Europe d’entrer dans la danse sans fournir pour autant aux entreprises les outils pour participer activement à cette nouvelle ère.

V - L’Europe, en guerre contre le plastique à usage unique

La Commission européenne propose de son côté une nouvelle directive pour lutter contre les déchets marins. Elle avance une série de mesures, allant de l’interdiction de certains produits objets à usage unique en plastique à des objectifs de recyclage.

Au demeurant, même si l’interdiction de nombreux produits jetables en plastique est en route au niveau européen, depuis la présentation, le 28 mai 2018 par la Commission européenne à Bruxelles, d’un projet de directive visant à interdire les cotons tiges, les couverts, les assiettes, les pailles, les bâtonnets mélangeurs et les tiges pour ballon [avec un degré supplémentaire d’ambition puisque tous les produits seront concernés, quel que soit leur mode de distribution, supermarché et restauration], la France reste toutefois pionnière20.

Le texte classe ces produits, en fonction des possibilités de remplacement et de l’évolution possible des modes de consommation. Elle propose d’interdire la mise sur le marché de cinq d’entre eux et soumet les autres à diverses mesures pour réduire leur usage et compenser leur impact environnemental (le texte vise les objets en plastique produits à partir d’hydrocarbures et ceux en plastique biosourcé et biodégradable)21.

Ce texte européen montre le virage opéré par l’Union européenne (EU), qui s’intéresse désormais à la prévention en amont, après avoir polarisé ses réglementations sur la gestion des déchets en aval (directive-cadre et directives sur les emballages, véhicules hors d’usage, déchets d’équipements électriques et électroniques, etc.).

Outre ces interdictions, Bruxelles recommande 6 autres mesures visant des produits différents, énumérés dans les annexes. À commencer par « une réduction significative de la consommation » des contenants alimentaires et des gobelets dans les 6 ans, les États membres conservant le choix de la stratégie pour y parvenir : mettre en place des objectifs nationaux de réduction ou de réutilisation, lancer des mesures économiques, éviter leur mise à disposition gratuite sur le territoire22.

Une filière REP (« Responsabilité Élargie du Producteur ») vise également à faire contribuer les fabricants aux frais de nettoyage des dépôts sauvages qu’ils occasionnent. De leur côté, les bouteilles en plastique sont visées par une obligation de collecte à hauteur de 90 % (par rapport aux tonnages mis sur le marché dans l’année) en 2025 et pour atteindre cette cible, Bruxelles conseille aux Etats membres de mettre en place des systèmes de consigne ou de filières REP.

Enfin, selon la proposition de la Commission, les serviettes hygiéniques, lingettes humides et ballons devront afficher leur impact sur l’environnement (ainsi mode d’élimination des déchets, effets néfastes sur l’environnement et présence de matières plastiques n’auront plus de secret pour les consommateurs). Des opérations de sensibilisation devront par ailleurs viser les impacts des dépôts sauvages de produits en plastique et d’engins de pêche.

Si le principe de « pollueur-payeur » est déjà appliqué dans l’UE avec la participation des fabricants aux frais de collecte et de traitement des déchets (filière REP), un nouveau pas est franchi avec leur contribution à venir aux frais de nettoyage et de sensibilisation pour 9 produits. Il s’agit des récipients, sachets et emballages alimentaires, récipients et gobelets pour boissons, mégots de cigarettes, lingettes humides, ballons et sacs en plastique légers. Quant aux filets de pêche contenant du plastique, qui représentent 27 % des déchets échoués sur les plages, ils devraient faire l’objet d’une nouvelle filière REP, avec installations de points de collecte dans les installations portuaires23.

Le 24 octobre, le Parlement européen ayant adopté un projet de directive européenne relative à la « réduction de l’impact de certains produits plastiques sur l’environnement » et visant à encadrer ou interdire la commercialisation d’une dizaine de produits en plastique à usage unique, a ainsi ouvert la voie à la négociation finale de la directive entre les États membres, la Commission européenne et le Parlement, en vue d’une adoption définitive prévue pour début 2019 (les eurodéputés ont même élargi la liste des produits en plastique interdits par rapport à la proposition initiale de la Commission européenne et supprimé la référence à « la liberté de placer sur le marché des emballages »)24.

En définitive, la Commission européenne, le Parlement et les représentants des États membres sont arrivés dans la nuit du 18 décembre 2018 à un accord sur le contenu de la Directive européenne relative au « Plastique à usage unique », débattu en un temps record après une proposition de la Commission européenne fin mai. Il aboutit à la fin de huit familles de produits : couverts, assiettes, pailles, contenants alimentaires et gobelets en polystyrène expansé, touillettes, cotons-tiges et tiges pour ballons (l’accord devant encore être adopté formellement par le Parlement européen et le Conseil européen)25.

L’accord prévoit également l’application du principe de responsabilité élargie du producteur : les entreprises productrices d’emballage, de mégots et de filets de pêche seront ainsi sommées de contribuer financièrement aux coûts de gestion et de nettoyage de leurs déchets, ainsi qu’aux efforts de sensibilisation du public à ces problématiques (devront également être mentionnées sur les emballages des protections hygiéniques, des lingettes et des ballons les consignes de tri à suivre et la nocivité de ces produits en cas d’abandon dans la nature)26.

À noter qu’une première version du texte prévoyait même d’imposer aux États européens un objectif de baisse de 25% des bouteilles et emballages plastiques d’ici 2025 (cette disposition a finalement été retirée de l’accord final).

Quant à l’objectif de tri de 90 % des bouteilles en plastique, initialement prévu pour 2025, il a finalement été fixé pour 2029. Enfin, l’obligation d’attacher les bouchons aux bouteilles, envisagée dans un premier temps pour 2021, a également été retardée de trois ans et les États européens ne sont pas légalement tenus de réduire leur production de contenants alimentaires, mais simplement appelés à les réduire de manière « significative »27.

Dans un communiqué du 20 décembre 2018, la Fédération de la plasturgie & des composites déclare entendre le signal donné par l’UE : « Cette directive, du fait de l’interdiction d’un certain nombre de produits, va nécessiter de repenser l’activité des plasturgistes vers une plasturgie plus durable. Il faut envisager les choses progressivement. De notre côté, nous agissons auprès des plasturgistes pour les inciter à inclure davantage de plastiques recyclés dans leur fabrication. C’est une priorité. La Fédération reste convaincue que les plastiques ont un rôle majeur à jouer dans la transition écologique, et que le développement de l’économie circulaire demeure une opportunité pour les plasturgistes. Nous souhaitons que cette directive sur les plastiques à usage unique soit transposée en France dans les meilleures conditions possibles, en s’assurant que les défis technologiques et les enjeux économiques soient bien pris en compte, explique Benoît Hennaut, président de la Fédération ».

Dans le même temps, la Fédération entend renforcer ses engagements en matière d’économie circulaire : « La directive européenne prévoit d’introduire des objectifs contraignants d’au moins 25 % de plastiques recyclés pour les bouteilles de boisson en PET à partir de 2025. Dès 2030, toutes les bouteilles en plastique devront respecter un objectif d’au moins 30 % de contenu recyclé. Les matières plastiques représentent de véritables atouts pour minimiser notre empreinte carbone. La Fédération dialogue actuellement avec le gouvernement pour aller plus loin, et renforcer ses engagements en matière d’économie circulaire. Elle soutient l’action des plasturgistes, qui sont déjà très impliqués pour accroître la part des matières recyclées dans la fabrication d’objets plastiques, ajoute Benoît Hennaut ».

En parallèle, une guerre picrocholine oppose à nouveau les sénateurs et les députés divisés sur la mise en œuvre par les industriels de ces mesures.

VI – Nouveau revirement avec la loi Pacte ou quand le Sénat repousse d’un an l’interdiction de certains ustensiles en plastique

Lors de l’examen du projet de loi pour la croissance et la transformation des entreprises (loi Pacte) le 30 janvier 2019, les sénateurs votent deux nouveaux amendements. Le premier28, porté par la sénatrice Elisabeth Lamure (LR, vice-présidente de la commission des Affaires économiques), redéfinit le champ des interdictions d’objets en plastique votées fin 2018. Le second29, défendu par le sénateur Jean-Noël Cardoux (LR, Affaires sociales), complète l’amendement Lamure et prévoit une expérimentation jusqu’en 2023 pour les produits compostables et constitués, pour tout ou partie, de matières biosourcées. Aussitôt, les soutiens à ces dispositions ont salué ces aménagements qui « laissent le temps à la filière pour se transformer », tandis que les opposants se sont émus du « balayage en une heure » de mesures votées il y a plusieurs mois30.

En effet, inquiets d’une distorsion de concurrence avec le reste de l’Europe et des risques sur les emplois industriels, les sénateurs modifient à nouveau le 30 janvier 2019 (deuxième jour d’examen au Sénat du projet de loi Pacte) l’une des dispositions adoptées en 2018 dans la loi « alimentation et agriculture » (une initiative partagée dans le même temps par le gouvernement)31. Le délai était trop court pour s’adapter, a estimé une majorité au Sénat, qui a repoussé cette interdiction d’un an, soit au 1er janvier 2021 (en pratique, il s’agit simplement de s’aligner sur la date prévue par une directive européenne, qui doit être transposée dans le droit français cette année).

Toutefois, la modification sénatoriale ne modifie pas les interdictions décidées en 2015 (loi de transition énergétique) et 2016 (loi biodiversité), qui prévoient l’interdiction en 2020 des gobelets et assiettes plastiques (en effet sur ces produits, les entreprises ont eu le temps de s’adapter, estiment les sénateurs). En revanche, les sénateurs s’inquiètent du risque d’une distorsion de concurrence avec les voisins européens en restant sur une interdiction dès 2020 pour les produits visés par la loi « Egalim »32.

Pour la majorité sénatoriale, l’interdiction des couverts en plastique dès 2020 est un exemple frappant de « surtransposition » d’une décision européenne33.

Pour autant, d’autres sénateurs ont eu une vision différente du pragmatisme économique, notamment le sénateur [apparenté PS], Bernard Jomier qui met en garde contre le « syndrome Kodak », du nom du célèbre fabricant de pellicules photo, qui a mal négocié le virage du numérique dans les années 2000. « Des industries hésitent à sauter le pas […] Des alternatives existent […] D’autres pays ont pris de l’avance. À regarder vers le XXe siècle, nous allons rater cette transition », avertit le sénateur de Paris34.

Le Sénat revient également sur l’interdiction des contenants en plastique pour le service dans les cantines scolaires. Mais pour être définitivement adoptée, la modification sénatoriale doit être reprise en commission mixte paritaire, qui doit parvenir à un compromis entre les deux textes des deux chambres.

Enfin un autre amendement, rédigé par Jean-Noël Cardoux et d’autres sénateurs LR, a aussi introduit la possibilité d’utiliser [à titre expérimental] des couverts biodégradables et fabriqués dans des matières biosourcés. Mais selon la secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des Finances, Agnès Pannier-Runacher, la directive européenne n’autorisera pas d’exception de ce type. Contrairement à l’amendement qui était défendu par le sénateur LREM Frédéric Marchand, l’amendement adopté par le Sénat a aussi limité l’interdiction de contenants alimentaires en plastique dans les milieux scolaires et de la petite enfance aux seuls usages de cuisson et de réchauffe. Les sénateurs ont donc supprimé l’interdiction de leur emploi pour le service, cette « contrainte » ayant été jugée, « excessive » et « non justifiée sur le plan sanitaire ».

À ce stade, il convient de rappeler que selon le professeur Philippe Malaurie une loi inintelligible est une « mascarade juridique », et seule une « loi claire, simple, limpide, transparente, compréhensible de tous peut être respectée, devenir efficace et assurer ce que l’on peut attendre du droit »35.

VII - Cacophonie des interventions, des intérêts et risque de « fragmentation »

Nul doute que la campagne menée par le front antiplastique est marquée par une cacophonie des interventions juridiques. Or, il est légitime qu’une évaluation des retombées des réformes déjà mises en œuvre ou encore en cours et de la façon dont elles s’articulent avec les propositions européennes (notamment l’articulation entre la directive « usage unique »36 et celles relative aux emballages et aux déchets d’emballages (PPWD) 9462/CE et à la directive cadre sur les déchets (DCE) 2008/98/CE) soient faites37.

Plusieurs organisations (parmi lesquels on compte Elipso, IK ou Plastics Europe, mais aussi le Conseil national de l’emballage, la Copacel, l’Ania ou encore Aluminium Danmark, Bulgarian soft drink association, Cosmetics Europe, etc.) refusent en effet dans un appel commun que la future directive « SUP » devienne le texte de référence ou « Lex specialis » en la matière38.

Et alors que les conclusions du 2e trilogue concernant la SUP ont été publiées le 10 décembre (le 3e trilogue étant prévu pour le 18 décembre), les signataires ont appelé les décideurs politiques européens « à garantir la sauvegarde du marché intérieur des emballages et des produits emballés et à éviter la fragmentation ».

Ils se disent également « profondément préoccupées » par l’intention du Conseil d’introduire des dispositions qui « porteraient atteinte au fondement juridique de la directive relative aux emballages et aux déchets d’emballages (PPWD) 9462/CE et à la directive cadre sur les déchets (DCE) 2008/98/CE », refusent que la future directive « SUP » devienne le texte de référence en la matière (« Lex specialis ») et comptent sur le Parlement pour défendre l’amendement 11 qui stipule que la directive en préparation « ne préjuge en rien des dispositions du PPWD ».

Sur le plan juridique à propos du débat autour de la « Lex specialis », les constats que l’on peut établir montrent, d’une part, que dans le passé la Cour de justice de l’Union européenne a déjà pu constater que « contrairement à ce que prétend le Parlement, le principe lex specialis derogat legi generali est applicable même si la lex generalis et la lex specialis émanent de la même institution » (CJUE 12 févr. 2015, Parlement c/ Conseil, aff. C-48/14, ECLI :EU :C :2015 :91, pt 49).

D’autre part, qu’une directive « ne devrait pas avoir d’incidence sur l’application de toute autre législation pertinente dans d’autres domaines » et en cas de chevauchement entre la directive du Parlement européen et du Conseil et le champ d’application d’une directive, cette dernière prévaut en tant que « lex specialis ».

Enfin, les signataires s’inquiètent de « l’intention du Conseil de donner aux États membres la possibilité d’utiliser des restrictions de mises sur le marché pour réduire la consommation d’article considérés comme des emballages ». Or « si les États membres prenaient des mesures unilatérales en matière d’emballages, leur capacité d’importer ou d’exporter des produits emballés aux frontières intérieures de l’UE serait d’autant plus limitée » (avec son lot de conséquences graves sur les investissements, l’innovation, la croissance et l’emploi, ainsi qu’en termes de choix et de pouvoir d’achat pour le consommateur, etc.)40.

À cet égard, rappelons qu’en juin 2018, la FIM et la Fédération de la plasturgie et des composites publiaient une position sur la « surrèglementation et la surtransposition ». Il apparaît en effet que la « surrèglementation et la surtransposition » sont des freins à l’investissement et à l’emploi, affectent de façon significative la compétitivité des entreprises françaises exposées au commerce international et nuisent à l’attractivité de la France en matière industrielle : « Malgré l’origine communautaire de la plupart de ces législations, la réglementation applicable en France présente des différences significatives avec certains États membres de l’Union Européenne, principalement liées à de la surtransposition ou de la surrèglementation. Si cette démarche de l’État membre français est légale – il a la faculté de prendre des mesures de protection renforcées par rapport à la législation communautaire, en particulier en matière environnementale, ou de légiférer au niveau national -, elle est contestable dans la mesure où elle induit des différentiels de compétitivité avec les fabricants des autres pays de l’UE, sans avoir nécessairement des effets notables sur la santé ou sur l’environnement »41.

En conclusion, au lieu de perdre les entreprises dans une surenchère législative qui les place sous « tutelle », c’est aux entreprises de trouver les solutions aux défis environnementaux et, à tout le moins, de soumettre les projets de législation ou de réglementation à une étude d’impact préalable, afin de comparer les bénéfices et les coûts, en particulier en matière de compétitivité des entreprises. Cet appel à la simplification et à l’intelligibilité sera-t-il entendu. Peut-être ? À défaut, « on peut être sceptique sur ce panjuridisme rempli d’effets pervers : [car] plus notre époque se voue au droit, plus le droit est morcelé, compliqué, technique, précis, obscur »42.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1. Cf. « Plastique à usage unique » / https://ec.europa.eu/commission/news/single-use-plastics-2018-may-28_fr
2. Au demeurant, quand les Etats généraux de l’alimentation se sont ouverts en juillet 2017 en présence du président de la République Emmanuel Macron, l’emballage n’était pas vraiment concerné. Les débats devaient porter sur l’équilibre des relations entre l’agriculture, l’industrie et la grande distribution. L’objectif majeur était d’améliorer le revenu des agriculteurs, de promouvoir des aliments sains et sûrs et d’encadrer les mécanismes des promotions. Le coup de tonnerre est venu d’un amendement du député François-Michel Lambert. En seconde lecture, l’Assemblée nationale a, le 14 septembre, adopté, contre toute attente, l’interdiction de la mise à disposition de nouveaux objets en plastique dès 2020 [c’est donc le segment de la vente à emporter, du traiteur et de la restauration rapide qui est directement mis en cause par cette mesure].
3. On devrait parler de la loi fourre-tout, parce que le gouvernement a inséré dans cette loi EGAlim du 30 octobre 2018 une habilitation à une réécriture du Code de commerce concernant les pratiques restrictives de concurrence [le texte devait ainsi modifier le régime de la rupture brutale des relations commerciales et les voies d’action en justice].
4. Lire à ce propos T. Charles, Plastiques interdits : quand la loi n’a pas tous les droits ! Plastiques & Caoutchoucs, 21.09.2018 / http://www.plastiques-caoutchoucs.com/Plastiques-interdits-quand-la-loi....
5. L’article 28 de la loi EGAlim vient compléter cette liste par des pailles, couverts, piques à steak, couvercles à verre jetables, plateaux-repas, pots à glace, saladiers, boîtes et bâtonnets mélangeurs pour boissons en matière plastique [la mise à disposition de ces ustensiles plastiques étant interdite à compter du 1er janvier 2020]. Voir également « Questions / Réponses sur la limitation des gobelets, verres et assiettes jetables de cuisine pour la table en matière plastique » / https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/FAQ_vaissel...
6. Cf. décret n° 2016-1170 du 30 août 2016 relatif aux modalités de mise en œuvre de la limitation des gobelets, verres et assiettes jetables en matière plastique / https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000033076... . A noter que le décret d’août 2016 exclut tous les plastiques entrant dans le champ de la directive sur les emballages.
7. Pour un autre exemple d’évaluation des principes juridiques fondamentaux à l‘aune de considérations économiques, la Cour de justice de l’Union européenne « a décidé, dans son arrêt Viking, que le respect de la dignité humaine devait être concilié avec la libre concurrence, la libre circulation des marchandises et des capitaux et la libre prestation de service. […] Le recours au principe de proportionnalité permet ici clairement de ramener toute espèce de règle à un calcul d’utilité et de faire disparaître du raisonnement l’idée de loi intangible ». Lacoste, Olivier. « Le nombre contre le droit », L’Économie politique, vol. 70, no. 2, 2016, pp. 78-90.
8. Décision n° 2018-771 DC du 25 octobre 2018 / https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2018/2018771DC.htm
9. Conseil d’État n°404792 / https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmi... Voir également « Le Conseil d’État rejette le recours des industriels contre le décret interdisant la vaisselle jetable » / https://www.zerowastefrance.org/conseil-etat-recours-decret-vaisselle-je... « Les juges ont rappelé avec vigueur les objectifs poursuivis par la politique nationale de prévention et de gestion des déchets. En effet, l’article L541-1 du Code de l’environnement dispose qu’il est nécessaire, « dans un but de protection de l’environnement », « de donner la priorité à la prévention et à la réduction de la production de déchets, puis de mettre en œuvre une hiérarchie des modes de traitement des déchets privilégiant la préparation en vue de la réutilisation et le recyclage par rapport aux autres formes de valorisation et à l’élimination » [voir aussi en ce sens la décision CE, 30 mai 2018, n°406667 / . https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?idTexte=CETATEXT000036...
10. « L’article L. 541-1 du code de l’environnement définit les objectifs poursuivis par la politique nationale de prévention et de gestion des déchets et impose à ce titre, dans un but de protection de l’environnement, de donner la priorité à la prévention et à la réduction de la production de déchets, puis de mettre en œuvre une hiérarchie des modes de traitement des déchets privilégiant la préparation en vue de la réutilisation et le recyclage par rapport aux autres formes de valorisation et à l’élimination. »
11. La haute juridiction juge que ces mesures ne suffisent pas à remplacer une mesure d’interdiction visant à la réduction de la production de déchets plastiques, dans la mesure où ces mesures de substitution ne constituent « qu’une réponse partielle à l’objectif de prévention de la pollution tant qu’une partie des déchets continue d’échapper aux circuits permettant leur gestion selon la hiérarchie fixée par la loi ». Elle estime par ailleurs que l’interdiction de mise à disposition des gobelets, verres et assiettes jetables en matière plastique constitue une « mesure nécessaire au regard de l’exigence impérative de protection de l’environnement, proportionnée et justifiée au regard de l’objectif poursuivi ».
12. Voir Conseil d’État, 16 août 2018, n°399713 / https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?idTexte=CETATEXT000037... . Dans une décision du 17 janvier 2017 [n°2016-605 QPC / https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2017/2016605QPC.htm ], le Conseil constitutionnel a considéré que l’obligation de reprise des déchets par les distributeurs, bien que contraignante pour les professionnels du bâtiment et des travaux publics, n’est pas contraire à la liberté d’entreprendre. La conciliation de celle-ci avec la protection de l’environnement [objectif poursuivi par le législateur] avait pourtant pu conduire à une censure en 2013, au sujet de l’utilisation d’une quantité minimale de matériaux en bois dans les constructions nouvelles [n°2013-317 QPC du 24 mai 2013 / https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2013/2013317QPC.htm .
13. La marge de manœuvre des villes n’en est pas moins limitée par la « liberté d’entreprendre ». En effet, elles ne peuvent pas s’attaquer à la vente de produits dans les magasins, ni interdire des produits dans les bars. Pour cela, une loi ou une directive est nécessaire. Les collectivités peuvent toutefois réglementer l’usage de produits sur le domaine public, comme les terrasses des bars, et lors d’événements particulièrement émetteurs de déchets. Comme celle de Bayonne, la mairie de Rennes a ainsi rendu obligatoire l’utilisation de gobelets en plastique réutilisables dans les bars et en terrasse lors de la fête de la musique. Un choix également assumé par la ville d’Annecy lors de matchs de rugby. Si elles ont la main sur l’occupation de l’espace public, et notamment les terrasses, les parcs et jardins, et les événements municipaux, elles peuvent aussi prendre des mesures de restriction dans le cadre de leurs marchés publics. C’est justement le levier du marché qu’a actionné la ville de Strasbourg pour bannir le plastique de ses cantines au profit de l’inox. Dans son cahier des charges, elle a mis au point un système de notification environnementale privilégiant les fournisseurs n’utilisant pas de barquettes en plastique.
14. De son côté, le député LREM des Bouches-du-Rhône François-Michel Lambert a présenté à la presse, le 25 juillet 2018, les grandes lignes de sa démarche pour « sortir du plastique inutile », en concertation avec les collectivités, les représentants politiques, les ONG, les citoyens et les entreprises. La démarche s’appuie sur 4 leviers : la fiscalité, la réglementation, les aides économiques et les stratégies d’information. Lire à cet égard « Pas de plastique dans nos assiettes » par l’association Cantine sans plastique, Editions du Détour, 2018.
15. Les matières plastiques pouvant contenir des substances reconnues comme des perturbateurs endocriniens. La migration des molécules de synthèse [additifs dont les bisphénols] dans l’alimentation serait favorisée par la chaleur, les aliments gras ou acides, le phénomène étant aggravé en cas d’usure des plastiques.
16. Au plus tard le 1er janvier 2020, il est également mis fin à l’utilisation de bouteilles d’eau plate en plastique dans le cadre des services de restauration collective scolaire. Des exceptions sont prévues : d’une part, lorsque les services de restauration sont situés sur des territoires non desservis par un réseau d’eau potable ; et d’autre part, lorsqu’une restriction de l’eau destinée à la consommation humaine pour les usages alimentaires est prononcée par le préfet de département [les modalités d’application de ces interdictions devant être fixées par décret]. Soutenue par le collectif des parents d’élèves #cantinessansplastique, la députée LREM Laurianne Rossi a fait adopter en première lecture cet amendement.
17. Dans le même temps, le fonds souverain norvégien a enjoint aux quelque 900 sociétés dans lesquelles il a investi de l’intégrer dans leurs stratégies et la banque britannique HSBC a publié une note où elle suggère à Coca-Cola de revenir aux bouteilles réutilisables.
18. Les produits compostables à domicile [respectant la norme Afnor OK Compost Home] sont rarissimes [seuls quelques sacs en plastique respectent ces critères] contrairement aux produits destinés aux installations industrielles de compostage. Ce qui réduit le champ de la valorisation des plastiques, pourtant recommandée par la feuille de route sur l’économie circulaire.
19. Cf. le « Plan Biodiversité » du Comité interministériel biodiversité, 4 juillet 2018 / https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/18xxx_Plan-...
20. La directive vise à restreindre l’utilisation d’une dizaine d’objets, dont les coton tiges, les pailles, la vaisselle jetable et les engins de pêche, qui représentent environ 70% des déchets marins européens. La mesure la plus radicale est l’interdiction de mise sur le marché de certains produits pour lesquels « des solutions de remplacement sont facilement disponibles et peu coûteuses ». Il s’agit des bâtonnets de coton-tige [hors usage médical spécifique], des couverts jetables [fourchettes, couteaux, cuillères, baguettes et assiettes], des pailles [hors usage médical spécifique], des agitateurs à boissons, et des bâtons utilisés pour fixer les ballons gonflables ainsi que leur dispositif de fixation. Cette interdiction pourrait entrer en vigueur au plus tard 2 ans après l’adoption de la directive, soit dès 2021 si le texte est adopté l’an prochain. Ces produits devront être substitués par des alternatives compatibles avec l’objectif environnemental de la directive. Une mesure similaire concerne les bouteilles et les récipients pour boissons à usage unique fabriqués en plastique. La Commission veut interdire la commercialisation de ceux dont le bouchon ou le couvercle en plastique peut être détaché du récipient. La mesure doit entrer en vigueur dans les 3 ans qui suivent l’adoption du texte. Le projet de directive prévoit la création de standards européens qui encadreront l’application de cette mesure. Le texte fixe aussi un objectif de collecte de 90% des bouteilles plastique à l’horizon 2025, via, notamment, un dispositif de consigne.
21. Voir la liste https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-31351-listes-produits-...
22. Une mesure spécifique vise les emballages pour les aliments prêts à être consommés sur place ou à emporter [essentiellement les emballages de fast food]. Leur usage devra être réduit de façon « significative » dans un délai de 6 ans après la transposition de la directive. Interdire la fourniture gratuite de ces produits est l’une des pistes suggérées par la Commission.
23. La proposition est désormais entre les mains du Parlement et du Conseil, la Commission souhaitant dans l’idéal une adoption du texte avant la fin de son mandat en 2019, pour une entrée en vigueur en 2022.
24. Par ailleurs, les récipients pour boissons à usage unique fabriqués à partir de plastique ne pourront être mis sur le marché que si leurs bouchons et couvercles demeurent attachés au récipient et le texte de la Commission fixe pour 2025 l’objectif de 90 % de collecte pour les bouteilles en plastique « en mettant en place, par exemple, des systèmes de consigne ».
25. En France, la loi sur la biodiversité de 2016 prévoyait déjà la fin des cotons-tiges à partir de 2020. Toutefois, un éventail plus large de produits sont concernés par le texte européen [ notamment les gobelets en polystyrène expansé utilisé pour distribuer des boissons chaudes, des boîtes de la même matière dont se servent les kebabs ou les tiges pour ballons de baudruche]. La mesure s’appliquera également au plastique oxo-fragmentable, qui se décompose en microparticules mais ne se biodégrade pas. La France va également devoir durcir les interdictions déjà prévues, dans la mesure où le ministère de l’Environnement français prévoyait par exemple des exemptions pour les assiettes et couverts en plastique biosourcé ou compostable. Les Etats membres auront deux ans pour transposer ses règles dans leur législation, soit avant 2021 et si la France veut encore aller plus loin en interdisant d’autres plastiques jetables, elle le pourra.
26.Un 3e groupe de produits devrait faire l’objet d’une filière de responsabilité élargie du producteur [REP]. On retrouve les équipements de pêche, qui « représentent 27 % de l’ensemble des déchets qui jonchent les plages », les récipients de la restauration rapide, aux côtés d’une dizaine de produits : les paquets et emballages souples contenant de la nourriture prête à l’emploi [chips ou sucreries, par exemple], les bouteilles en plastique, les gobelets et leur couvercle, les filtres de cigarette, les lingettes domestiques ou à usage industriel, les ballons gonflables et les sacs plastique légers [la Commission envisageait encore d’inclure dans la liste les serviettes hygiéniques, les tampons et leur applicateur, mais ces produits n’y apparaissent plus].
27. Le dernier axe de la stratégie européenne concerne l’information des consommateurs. Certains produits devront faire l’objet d’un étiquetage clair et normalisé indiquant, notamment, le mode d’élimination des déchets. Il s’agit des serviettes hygiéniques et tampons, des lingettes domestiques et des ballons gonflables. La Commission fixera les informations à communiquer sur les produits un an avant l’entrée en vigueur de la mesure. Les Etats membres devront aussi sensibiliser les consommateurs aux effets néfastes des déchets issus des produits plastique à usage unique. La plupart des produits concernés par les différentes mesures du texte son concernés. L’information concernera les alternatives réutilisables, les dispositifs de gestion des déchets et l’impact des dépôts sauvages. Voir https://www.actu-environnement.com/ae/news/projet-directive-interdiction...
28. Cf. http://www.senat.fr/amendements/2018-2019/255/Amdt_932.html
29. Cf. http://www.senat.fr/amendements/2018-2019/255/Amdt_944.html
30. Le projet de loi Pacte est examiné jusqu’au 7 février au Sénat avant un vote définitif prévu pour le 12 février 2019.
31. Les sénateurs ont adopté en séance un amendement, proposé par la commission spéciale, revenant sur l’une des dispositions de la loi dite « Egalim » entrée en vigueur le 30.10.2018 : la fin de la vente de certains éléments en plastique à compter du 1er janvier 2020 [couverts, pailles, touillettes, etc.]. Un sénateur du groupe La République en marche, Frédéric Marchand, soutient un amendement similaire à celui de la commission. Celui-ci a reçu le soutien du gouvernement, qui s’était opposé en septembre au souhait des députés d’interdire les couverts en plastique dès 2020 : « Il est illusoire de penser que nous serons prêts en 2020 », considère Frédéric Marchand. Cf. https://www.publicsenat.fr/article/parlementaire/loi-pacte-le-senat-repo...
32. « C’est une rédaction qui préserve les emplois menacés en France, mais qui sera conforme à la future directive européenne, une rédaction qui libère les entreprises de contraintes qui ne s’appliqueront pas à leurs concurrentes européennes », explique la co-rapporteure [LR] Élisabeth Lémure.
33. « Ici, on veut laver plus blanc que blanc. Les directives européennes sont celles-ci, et nous on veut aller plus loin », déplore le sénateur Jean-François Longeront [union centriste]. 1.500 à 2.000 postes seraient menacés dans le secteur de la plasturgie, selon la commission spéciale. « Il faut que nous arrêtions ce que nous sommes un certain nombre à appeler le plastique-bashing […] De grâce, laissons le temps à cette industrie de pointe de s’adapter », déclare de son côté le centriste Olivier Cigolotti. Les sénateurs évoquent les conséquences en termes d’emploi dans leurs départements, qu’ils soient de droite, du centre, ou même du Parti socialiste. « Nous sommes pour les progrès en faveur de l’environnement. Mais rappelons que dans l’environnement, il existe aussi l’espèce humaine et qu’elle a besoin de travailler. Avoir un travail n’est quand même pas quelque chose de négligeable », déclare le socialiste Jean-Pierre Sueur, concerné par la présence de cette filière industrielle dans le Loiret. « L’écologie contre l’emploi, ce n’est pas quelque chose qui serait bien perçu et défendable », note Jean-Pierre Sueur [PS].
34. L’écologiste Guillaume Gontard [groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste] déclare qu’il y avait « urgence » dans les combats environnementaux. « Regardez un peu l’état des océans ! À un moment donné, il faut peut-être agir ! » Quant à la présidente [LR] de la commission des Affaires économiques, Sophie Primas, elle a tenté de faire la synthèse entre les arguments des uns et des autres : « Il n’y pas un côté ceux qui regardent l’arrière et qui voudraient que du plastique, et de l’autre côté, ceux qui voudraient éliminer le plastique. »
35. Malaurie, Philippe. « L’intelligibilité des lois », Pouvoirs, vol. 114, no. 3, 2005, pp. 131-137.
36. Le 18 janvier 2019, les Ambassadeurs des États membres de l’Union européenne ont signé l’accord provisoire sur la proposition de directive sur les plastiques à usage unique [SUP]. La nouvelle directive est l’un des volets principaux de la stratégie plastique annoncée par la Commission européenne le 16 janvier 2018, déployée pour protéger l’environnement, en réduisant les déchets marins et en inscrivant la production des plastiques dans une logique d’économie circulaire. L’accord sera voté par le Parlement européen fin mars, puis adopté par le Conseil au printemps 2019 [avant les élections européennes] / Cf. https://gallery.mailchimp.com/f26ccc3fa2933c78379d3c439/files/e61e954f-e...
37. Le texte sur l’économie circulaire pourrait être présenté fin février 2019 en Conseil des ministres, puis examiné dès avril à l’Assemblée nationale. Le calendrier pourrait cependant encore bouger. L’avant-projet de loi comporte 6 articles dont on retient notamment : l’obligation d’information du consommateur sur les qualités et les caractéristiques environnementales des produits proposés à la vente, par exemple sur leur recyclabilité ; l’habilitation du Gouvernement à transposer par ordonnances les trois Directives européennes sur les déchets ainsi que certaines dispositions prévues par la « Feuille de route pour l’économie circulaire ». La Directive sur les plastiques à usage unique [SUP], en cours de finalisation à Bruxelles, devrait elle aussi être transposée de cette façon.
38. Cf. Usage unique : 73 organisations appellent à la protection du marché intérieur européen / http://www.plastiques-caoutchoucs.com/Usage-unique-73-organisations.html « Protéger le marché intérieur européen de la fragmentation que pourrait entrainer l’adoption de la future directive sur les plastiques à usage unique ou Single-use plastics. »
39. Au niveau de l’Union européenne, les trilogues sont des réunions informelles entre les institutions européennes lorsque le Parlement européen et le Conseil des ministres doivent se mettre d’accord sur un projet de loi. La Commission européenne se joint aux négociations et l’objectif est d’aboutir à un compromis. A noter que s’ils sont aujourd’hui une partie intégrante des décisions communautaires, les trilogues n’existent pas sur le plan juridique et n’apparaissent pas dans les traités de l’Union européenne. Cette pratique a d’ailleurs été plusieurs fois remise en cause et a fait l’objet d’une enquête de la médiatrice européenne.
40. « Une telle perte de masse critique pour la production irait également à l’encontre de la mise en place d’une économie circulaire à l’échelle de l’UE », craignent également les 73 organisations signataires. Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà !
41. Position FIM é Fédération de la Plasturgie sur la surrèglementation publié le18/06/2018 / https://www.fim.net/fr/sites-fim/accueil/la-fim/prises-de-position/posit... « Par ailleurs, si les textes nationaux réglementant la mise sur le marché des produits doivent être appliqués par l’ensemble des fabricants, qu’ils soient nationaux ou pas, il peut apparaître que certaines exigences nationales soient disproportionnées par rapport à l’objectif poursuivi ou bien difficile à contrôler. Les fabricants doivent par ailleurs développer plusieurs versions du même produit, du fait de divergences réglementaires avec leurs marchés à l’export. »
42. Valérie Lasserre-Kiesow, La Technique législative. Étude sur les codes civils français et allemand, LGDJ, 2002, préface de Michel Pédamon, expose, p. 219, les inconvénients des techniques législatives « de précision » et, p. 345, les avantages des techniques « souples ». Car, « répétons-le, tout est lié : la complexité du droit, sa fragmentation, sa technicité, son ignorance du réel, des situations vécues, l’inflation des lois, leur surabondance, la crise du droit – et sa difficile intelligibilité » Cf. Malaurie, Philippe. « L’intelligibilité des lois », op. cit.