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Le droit en débats

Pour la promotion de l’exercice des avocats à l’étranger

Près de 2 000 avocats inscrits au barreau de Paris ont fait le choix d’exercer notre profession à l’étranger. C’est donc une part substantielle du barreau de Paris qui connaît des conditions d’exercice particulières. Ces professionnels demeurent attachés à la communauté des avocats parisiens, connaissent localement – dans leurs vies professionnelle et personnelle – des spécificités qui s’imposent et participent à l’influence du barreau de Paris hors de nos frontières (sans oublier nos consœurs et confrères inscrits à d’autres barreaux de France et qui exercent également à l’étranger).

 

Une communauté professionnelle spécifique

Et pourtant, cette communauté de professionnels n’existe pas vraiment. Dans la plupart des pays, ils peuvent se croiser, échanger sporadiquement, mais aucun outil ne permet un partage d’expériences structuré permettant une sédimentation des savoirs. Très souvent, chacun exerce dans sa structure, ignorant que les questions ou difficultés rencontrées sont en réalité celles de tout avocat exerçant à l’étranger. Et nonobstant la bonne volonté du service international du barreau de Paris et de consœurs et confrères siégeant dans les conseils de nos différents ordres, obtenir une information ou une réponse de la part de nos ordres professionnels relève souvent d’un combat épuisant, parfois aggravé par le décalage horaire.

Or les questions spécifiques à l’exercice à l’étranger sont légion :

  • Quelle est la définition exacte d’un exercice à l’étranger à titre principal ?
  • Pourquoi la plupart des consœurs et confrères concernés sont-ils privés d’une clé RPVA ?
  • Comment déclarer ses revenus, et que faire des droits de plaidoirie ?
  • Pourquoi payer des cotisations professionnelles dont une partie semble dédiée à une prévoyance inopérante ?
  • Comment justifier le paiement d’assurances professionnelles alors que certains exercices sont expressément exclus de la police d’assurance obligatoire ?
  • L’obligation de domiciliation dans le ressort du barreau d’appartenance est-elle encore concevable ?
  • Comment satisfaire des obligations de formation professionnelle dont les conditions sont parfois incompatibles avec la situation des consœurs et confrères de l’étranger ?
  • Comment concilier des obligations déontologiques française et étrangère parfois contradictoires ?
  • Comment préparer au mieux sa retraite, en France ou à l’étranger ?

Au-delà de ces questions très pratiques, ces avocats font souvent le constat d’être spectateurs de la plupart des actions à l’international de nos divers ordres, sans qu’ils soient le plus souvent associés ni consultés par les personnes chargées de l’international. Ceci emporte parfois une ignorance des pratiques et des enjeux locaux, une inefficacité d’initiatives pourtant pertinentes et le désintérêt de professionnels qui pourraient utilement participer au rayonnement de la profession et du droit français. Il est assez courant de devoir constater que les différents bâtonniers de passage dans un pays ont invité les avocats y exerçant à venir échanger sur leur pratique dans ce pays le plus souvent au terme d’un voyage et d’une série de rencontres auxquelles ils étaient rarement conviés, qu’ils n’avaient pu ni préparer ni proposer, en évoquant quasi systématiquement les mêmes questions qui ne faisaient à l’évidence l’objet d’aucun suivi d’un bâtonnier à l’autre, et alors que le visiteur était en fin de mandat (rendant perplexe la communauté locale des avocats quant à l’efficacité de ce qui avait pu être convenu avant de raccompagner la toujours sympathique délégation vers l’aéroport et le retour en France…).

Organiser les échanges et une représentation qui faisaient défaut

Voilà pourquoi l’Association pour la promotion de l’exercice des avocats à l’étranger (APPEAL-E) a été créée à la fin de l’année 2021, afin de permettre des échanges et une représentation qui faisaient défaut. Une douzaine de consœurs et confrères du barreau de Paris, exerçant sur tous les continents, dans différentes traditions juridiques et représentant la diversité des cultures, ont pris l’initiative d’être les fondateurs de cette nouvelle association loi 1901 enregistrée à Paris. Elle a déjà enregistré une centaine de demandes d’adhésion.

Cette association a pour objet de favoriser la représentation, la promotion, l’exercice, la défense des intérêts et le rayonnement des avocats inscrits à un barreau de France et exerçant à l’étranger.

De manière très concrète, APPEAL-E a pour ambition d’œuvrer, d’une part, et peut-être dans un premier temps, à la mise en place d’un « guichet unique » au sein de l’ordre, dédié aux avocats exerçant à l’étranger ; la désignation d’une ou deux personnes qui auront pour mission de centraliser les questions des avocats exerçant à l’étranger paraît aujourd’hui une nécessité. D’autre part, APPEAL-E a d’ores et déjà initié une série de travaux sur les questions, les revendications et les propositions de cette communauté d’avocats pour ce qui concerne la formation, la domiciliation, l’assurance et la prévoyance, les retraites et cotisations, l’accès à une clé RPVA, les questions de conflits déontologiques, etc. Enfin, APPEAL-E propose de devenir le réseau et le facilitateur de synergies entre avocats exerçant hors de France, y compris en associant les autres barreaux dont certains membres exercent à l’étranger.

D’excellentes initiatives avaient déjà été prises par des confrères siégeant au conseil de l’ordre ou par le service des relations internationales pour mieux tenir compte de la situation particulière des avocats à l’étranger ; APPEAL-E souhaite les poursuivre, les appuyer et les renforcer pour qu’elles puissent prospérer.

Madame la bâtonnière Julie Couturier avait écouté et consulté les avocats exerçant à l’étranger pendant sa campagne électorale et les a mis à l’honneur de son discours lors de la passation de bâton du 1er décembre 2021 en invitant à « passer par les avocats français exerçant à l’étranger ». APPEAL-E est un nouvel outil pour répondre à cette invitation, et un agenda de questions et propositions sera déployé au cours des années 2022 et 2023.