Accueil
Le quotidien du droit en ligne
-A+A
Le droit en débats

Proposition de réforme de la procédure d’appel : le nivellement par le bas ?

« La réforme de la procédure d’appel va-t-elle enfin être simplifiée ? » La question est posée. Mais est-ce la bonne question ? S’agit-il d’un problème de simplification ? Le problème n’est-il pas ailleurs ? Et nous pouvons au demeurant nous méfier des simplifications annoncées. La procédure de première instance vient d’être simplifiée (décr. n° 2019-1333, 11 déc. 2019, réformant la procédure civile ; décr. n° 2020-1452, 27 nov. 2020, portant diverses dispositions relatives notamment à la procédure civile et à la procédure d’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions ; Dalloz actualité, 20 janv. 2020, Réforme de la procédure civile). Les avocats, magistrats, greffiers, ont-ils réellement le sentiment que la procédure de première instance est plus simple depuis 2020 ? Nous pouvons en douter. Passons au crible les propositions du CNB à la Chancellerie pour savoir de quoi il retourne. Mais tout d’abord, analysons le contexte de la demande de réforme, qui émane du CNB.

Par Christophe Lhermitte le 24 Novembre 2022

Le constat : c’est trop compliqué, de sorte qu’il y a un taux élevé de sinistralité chez les avocats

Il nous est annoncé qu’en 2014, le taux de sinistralité était de 6,6 %, et qu’il est de 25 % en 2018.

En soi, une fois cela dit, rien n’est dit, et rien n’est expliqué.

La réforme dite Magendie, du rapport éponyme du 24 mai 2008, est entrée en vigueur en 2011 (décr. n° 2009-1524, 9 déc. 2009, relatif à la procédure d’appel avec représentation obligatoire en matière civile, art. 15). Mais les avocats l’ont découverte en 2012.

Plus précisément, les avocats ont découvert la procédure d’appel en janvier 2012 puisqu’auparavant, cette procédure d’appel était prise en charge par la profession d’avoué.

Or, si les avoués connaissaient les règles de procédure, il existait néanmoins une sinistralité liée à la procédure en appel, et les avoués étaient assurés à ce titre.

Pour resituer le contexte, précisons que dès début 2011, alors que « Magendie » est à ses débuts, il était prévu que « Pour certains observateurs, la suppression des avoués pourrait avoir un impact sur la sinistralité » (L’argus de l’assurance, 27 mai 2011), au motif que « mathématiquement, plus le spectre d’interventions s’élargit, plus les risques potentiels de mise en cause s’accroissent ». La sinistralité, prévisible dès 2011, est tout sauf une surprise.

Ne faisons pas croire qu’avant Magendie, la procédure en appel était d’une facilité extrême, et que c’est le décret Magendie qui a tout compliqué. Cela serait inexact.

Bien avant 2012, il existait des irrecevabilités d’appel, des radiations avec perte de l’effet suspensif si l’appelant ne concluait pas dans son délai. L’appelant perdait alors son droit de conclure en appel, seules les conclusions de première instance étant alors regardées par la cour d’appel. Et déjà, les conclusions de l’appelant devaient être des conclusions qui déterminent l’objet du litige (Civ. 2e, 26 juin 1991, JCP 1992. II. 21821, note P. Estoup ; Paris, 5e ch. B, ord., 15 mars 1991, Bull. avoués 1991, n° 117, p. 10 ; Paris, 19e ch. A, 9 oct. 1991, Bull. avoués 1991, n° 119, p. 101 ; Versailles, 9 juin 1995, D. 1995. 107 , obs. N. Fricero). L’avoué n’était pas serein dans l’exercice de son office, et redoutait l’erreur, tout comme l’avocat aujourd’hui.

De la même manière, les avoués devaient déjà surveiller les péremptions, sachant que l’encombrement des juridictions était déjà une réalité : la durée moyenne d’une procédure en appel était de 18 mois en 2001, et de 15 mois en 2021 (v. les chiffres clés de la justice sur le site du ministère de la Justice). Si les décrets dits Magendie n’ont pas réduit le délai, il n’apparaît pas qu’ils portent la responsabilité d’un éventuel allongement.

Le constat de la sinistralité, en avançant des taux, est tronqué. Cela a autant de sens que de comparer le taux d’accidents de ski entre la Bretagne et les Alpes, et en conclure qu’il est plus dangereux de skier dans les Alpes qu’en Bretagne.

Il est dit que la procédure d’appel est devenue compliquée. Mais est compliqué ce que l’on ne sait pas faire.

Pour un avocat fiscaliste, la procédure de divorce est compliquée. Et si l’avocat fiscaliste souhaite faire du divorce, il devra se former à cette matière spécifique. À défaut, il demandera à un confrère, dont le divorce est le domaine de compétence, de prendre en charge cet aspect du dossier.

En définitive, la difficulté tient aussi à la formation des avocats en procédure, que ce soit celle d’appel mais également celle de première instance, la procédure d’appel n’ayant pas le monopole de la complexité.

Tout cela gomme également une réalité, que le CNB ne semble pas vouloir voir, à savoir que tout comme pour le droit du travail, le droit rural, le droit de la construction, par exemple, il existe des avocats pour lesquels la procédure d’appel est la spécialité.

Sauf à considérer que cette spécialité est un hochet offert à une profession disparue, les avoués, il faut admettre qu’elle correspond à une réalité.

Par conséquent, soit l’avocat connaît les règles de la procédure, que ce soit de première instance ou d’appel, auquel cas il peut y aller gaiement, sans se ruiner en somnifères pour lutter contre les nuits blanches, soit il ne maîtrise pas suffisamment le domaine, auquel cas il délègue à un confrère qui en assumera la responsabilité. Tout comme le fiscaliste aura délégué l’aspect familial pour le client qui souhaite divorcer, ou l’avocat familialiste qui aura interrogé l’avocat fiscaliste sur les conséquences du divorce sur le plan fiscal pour son client.

Il est préférable de partir du constat, qui nous paraît le plus proche de la réalité, que tous les avocats ne sont pas maîtres en procédure.

Cela étant, il n’est pas discutable que la procédure est devenue plus périlleuse ces dernières années, dans la mesure où des sanctions ont été ajoutées, et que dans le même temps, on a ôté les derniers filets qui pouvaient retenir ou amortir certaines chutes.

Il n’empêche que la procédure peut, si ce n’est qu’elle le doit, être réformée.

Cependant, la réforme ne doit pas être motivée par le seul fait qu’elle est devenue trop compliquée pour certains pour qui s’y risquent.

Sinon, ce n’est pas que la procédure d’appel qu’il faudrait réformer. Il faudrait aussi réformer d’autres pans de droit, comme le droit de la construction, qui n’est pas moins complexe pour un avocat qui ne la pratique pas. Le droit fiscal devrait aussi subir le même sort, car pour un non-initié, c’est indigeste. Et le droit des sociétés n’a rien à envier en termes de complexité. Et c’est ainsi tous les domaines du droit qui pourraient être simplifiés, de manière à se mettre au niveau de connaissance de l’avocat lambda.

Mais cela n’est-il pas un nivellement par le bas ?

N’oublions-nous pas que la procédure d’appel doit répondre à un objectif ?

Il ne s’agit pas d’éviter les déclarations de sinistre, mais d’assurer célérité et qualité.

Cet objectif n’a pas été atteint par les dernières réformes, et il n’est pas certain que les propositions feront mieux.

Revenir sur la rédaction de l’article 901

Le CNB propose de revenir à la rédaction antérieure de l’article 901 car il est devenu difficile de faire un appel général.

Déjà, le problème est mal posé.

Si l’intention est de revenir à l’avant 2017, ce n’est pas l’article 901 qu’il faudrait modifier, mais l’article 562.

C’est cette disposition qui traite de l’effet dévolutif de l’appel, et qui ferme l’appel général.

Si l’article 562 n’est pas modifié, et même en revenant à la rédaction ancienne de l’article 901, l’appel ne sera pas général dans le sens où un appel général saisit la cour d’appel de l’entier litige.

Il conviendrait de préciser si ce qui est souhaité par le CNB est précisément que la cour d’appel soit saisie du tout, ou si cette dévolution doit être limitée à ce qui est critiqué, nonobstant ce qui est mentionné dans l’acte d’appel.

Une réponse à cette question est essentielle pour savoir quelle modification il convient d’effectuer.

La suppression des mentions dans l’acte d’appel, sans réécriture de l’article 562, ne changera rien au fait que la dévolution sera limitée aux chefs critiqués, qui par définition doivent être des chefs critiquables.

À défaut de succombance, ce chef ne sera pas dévolu, sauf éventuel appel incident qui élargirait cette dévolution.

Mais si aucune partie n’a succombé, l’appel ne pourra en aucun cas être général, et la cour d’appel ne pourra, sauf à commettre un excès de pouvoir, confirmer un chef non dévolu car non critiqué puisque non critiquable.

Nous pensons par exemple au prononcé du divorce, lorsque ce prononcé n’est pas discuté. Alors, ce n’est pas la cour d’appel qui prononce le divorce, par confirmation, mais bien le jugement dont appel.

Même si une réécriture de l’article 901 est envisageable, pour alléger le travail de l’avocat et écarter les risques de responsabilité, encore faut-il que la modification envisagée précise si l’objectif est de rétablir l’appel général, auquel cas la modification de l’article 901 doit se faire avec une modification de l’article 562.

Cela étant dit, soulignons que la délimitation de l’appel pouvait aussi présenter un intérêt.

En effet, l’intimé, surtout dans les affaires à multiples parties, pouvait trouver un intérêt à savoir s’il était concerné par un appel principal, et s’il ne pouvait pas attendre un éventuel appel incident à son encontre avant de constituer un avocat pour le représenter. Cela évite une constitution prématurée, obligeant cette partie à conclure au rapport à justice, ce qui génère pour cette partie des frais d’avocat dont l’utilité n’est pas évidente.

Soulignons également qu’une dévolution de la seule succombance n’est pas davantage absurde. Est-il besoin qu’une cour d’appel s’oblige à confirmer un chef alors qu’aucune partie ne le discute ?

La demande d’infirmation dans les conclusions

Les parties ont l’obligation de préciser s’il est demandé l’infirmation ou l’annulation dans les conclusions.

Même si la Cour de cassation s’en défend, cette obligation paraît à tout le moins excessive pour l’appelant principal. En effet, dès son acte d’appel, l’appelant a précisé l’objet de son appel, et il nous semble excessif de lui demander de réitérer ce qui est déjà annoncé.

Et l’on sait bien que dans la quasi-totalité des procédures en appel, l’appel tend à la réformation du jugement.

En revanche, avec des rédactions de dispositif de conclusions qui laissent trop souvent à désirer, il serait utile que cette obligation continue à peser sur l’intimé appelant incident. Ainsi, toute partie est en mesure d’apprécier si l’intimé, malgré un dispositif-fleuve, ne demande pas tout simplement la confirmation du jugement.

Il est proposé par le CNB l’ajout, à l’article 954, d’un alinéa précisant que les conclusions qui demandent à la cour de statuer dans un sens contraire au jugement tendent à son infirmation et que les parties peuvent, jusqu’à l’ordonnance de clôture, régulariser leurs conclusions en intégrant dans leur dispositif des demandes qui auraient été omises dans la discussion.

La « demande à la cour d’appel de statuer dans un sens contraire au jugement » nous semble quelque peu obscure. Même si l’on comprend l’idée, une telle formulation ne sera certainement pas sans poser quelques difficultés.

La partie qui demande le débouté de l’adversaire de toutes ses demandes, et rien d’autre, demande-t-elle à la cour de statuer dans un sens contraire au jugement qui prononçait des condamnations ? On peut le penser, mais la notion de « sens contraire au jugement » semble abstraite.

N’est-il pas plus simple de préciser que l’appelant principal qui ne précise pas s’il demande la réformation dans le dispositif de ses conclusions est réputé demander la réformation ?

Quant à la proposition de rendre possible d’intégrer dans le dispositif des conclusions des demandes omises dans la discussion, elle laisse songeur.

Il s’agit de contrevenir au principe de concentration des prétentions dans le délai pour conclure, avec la possibilité, par conséquent, de présenter des prétentions nouvelles, jusqu’à la clôture de l’instruction.

Nous pouvons imaginer la position de la partie adverse qui recevra de telles conclusions. Si une demande n’est pas contenue dans le dispositif, la partie adverse n’avait pas l’obligation d’y répondre puisque la cour d’appel n’en était pas saisie. Mais si, la veille de la clôture de l’instruction, cette demande fait son apparition, il est évident que la partie qui reçoit cette prétention aura besoin d’y répondre.

Et pour ce faire, il faudra probablement reporter l’ordonnance de clôture, voire la date des plaidoiries, ou même révoquer l’ordonnance de clôture.

Il n’est pas certain que les délais d’instruction s’en trouveront réduits.

Et l’audience de plaidoirie risque de se transformer en audience de mise en état de l’affaire, pour régler ce problème de procédure de dernière heure.

Cette proposition est tout de même dans le seul objectif d’éviter des déclarations de sinistre, au mépris de la célérité et même de la qualité de la justice.

Tout ce qui est de nature à bousculer une date d’audience, en provoquant ou permettant des conclusions tardives, n’a peut-être pas sa place, surtout avec une procédure d’appel qui ne connaît plus de phase d’instruction, devant un conseiller de la mise en état qui appelait les dossiers, en présence des représentants, pour discuter et orienter chaque affaire.

Délais de signification

Il apparaît effectivement que la notification de la déclaration d’appel avant de notifier les conclusions ne paraît pas indispensable.

L’intimé a déjà reçu, du greffe, la déclaration d’appel. Il suffirait de le citer à comparaître avec la signification des conclusions.

Il conviendrait aussi de prévoir que même en l’absence d’un avis d’avoir à signifier la déclaration d’appel, cet acte de procédure doit être signifié au plus tard avec les conclusions.

En effet, en l’état des textes, en l’absence d’un avis 902, il est permis de signifier des conclusions, sans que cette signification ne contienne la moindre mention. Alors que la signification de la déclaration d’appel vaut citation (Civ. 2e, 24 mars 2022, n° 19-25.033 P, AJ fam. 2022. 243, obs. F. Eudier et D. d’Ambra ), cette citation n’est pas obligatoire, en circuit ordinaire avec désignation d’un conseiller de la mise en état, s’il n’y a pas d’avis 902.

Cela n’est pas très satisfaisant en termes de droits de la défense.

Quant à la procédure à bref délai, le délai de dix jours de l’article 905-1 est manifestement trop court (v. cependant Civ. 2e, 9 sept. 2021, n° 19-25.187 P, Dalloz actualité, 4 oct. 2021, obs. C. Lhermitte ; D. 2021. 1679 ; ibid. 2022. 625, obs. N. Fricero ; Rev. prat. rec. 2021. 55, chron. D. Cholet et C. Simon ; JCP 2021. 1050, note N. Fricero). Un délai d’un mois ne serait pas excessif, ne serait-ce que pour permettre à l’avocat exerçant seul de pouvoir partir sereinement en vacances plus d’une semaine.

L’automaticité des délais

Il est proposé de réinstaurer le calendrier de procédure qui avait cours avant « Magendie ».

Il est rappelé à cet égard que ces calendriers étaient alors arrêtés en conférence de mise en état, après avis des représentants.

Remettre en place les conférences physiques de mise en état est une idée intéressante, mais qui paraît difficile, même si ceux qui les ont connues ne peuvent que reconnaître leur utilité et leur efficacité.

Avec des échanges qui sont exclusivement effectués par voie électronique, par courriers, cette proposition paraît parfaitement inapplicable, ou à tout le moins inefficace.

En effet, il est évident que si ce n’est pas un texte qui prévoit un délai, c’est une automaticité de fait qui se mettra en place. Il est vraisemblable qu’en pratique, les greffes délivreront systématiquement des avis ou injonctions d’avoir à conclure dans le délai de trois mois, sans qu’il soit concevable un traitement dossier par dossier.

L’automaticité imposée par les textes sera remplacée par une automaticité de fait.

La proposition revient à faire peser sur les greffes et les conseillers de la mise en état une lourde charge, dont l’intérêt est difficilement perceptible.

Pis, le conseiller de la mise en état devrait arrêter une date pour l’appelant, puis reprendre le dossier lorsque l’intimé aura constitué avocat pour lui donner une autre date.

Ce qui est proposé pouvait parfaitement fonctionner avant, avec la présence d’avoués pour conférer des affaires avec le conseiller de la mise en état.

C’est impensable aujourd’hui.

Le pouvoir d’appréciation du conseiller de la mise en état

Cette proposition est peut-être la meilleure fausse bonne idée.

Il est tentant de donner un pouvoir d’appréciation pour appliquer une sanction.

Toute la difficulté est de ne pas rompre une égalité de traitement entre les parties.

Ainsi, pour une partie qui n’aurait pas conclu au motif qu’elle a omis de noter la date pour conclure sur l’agenda, un conseiller de la mise en état pourrait considérer que le motif est valable, tandis que le collègue de la chambre voisine appliquera quant à lui la sanction. Et chacun aura raison, dès lors qu’il n’est mis aucune condition.

Ou alors, il faut néanmoins enfermer cette possibilité avec une condition. Mais c’est déjà le cas, puisque le code de procédure civile connaît la force majeure (C. pr. civ., art. 910-3), qui laisse une marge d’appréciation.

L’option serait alors de prévoir un degré moindre que la force majeure, comme le motif grave ou légitime par exemple, que le code connaît déjà.

Mais pour éviter les excès dans un sens ou dans un autre, il faudra définir ce qu’est ce motif.

Quoi qu’il en soit, cela reviendra à faire venir devant le conseiller de la mise en état tout manquement à une obligation procédurale. Or, aujourd’hui, un appelant qui a loupé son délai connaît le sort qui lui est réservé et, dans bien des cas, il ne discutera pas. Le problème est alors vite réglé par le conseiller de la mise en état, sans que son ordonnance fasse immanquablement l’objet d’un déféré.

En insérant une marge d’appréciation, tout sera discuté devant un conseiller de la mise en état et le cas échéant devant la cour d’appel en déféré.

En soi, l’idée est bonne, pour l’avocat et la partie. Toutefois, il n’est pas certain que cette proposition sera de nature à raccourcir les délais, et qu’il n’y aura pas inflation des incidents et déférés.

En tous les cas, le gagnant ne sera probablement pas le conseiller de la mise en état.

Il est aussi envisagé de modifier les sanctions, avec une radiation – dont il n’est pas précisé la nature ni les effets particuliers – pour l’appelant et une clôture partielle pour l’intimé.

Les sanctions en appel sont pour le moins radicales, cela n’est pas discutable.

Pourquoi, effectivement, ne pas adoucir la peine ?

Encore une fois, l’idée n’est pas mauvaise.

Mais il faudra enfermer cette radiation, et préciser dans quelles conditions un rétablissement est possible, voire un déféré, et si l’intimé n’a pas alors la possibilité de demander qu’il soit jugé au vu des conclusions de première instance, ce qui était prévu à l’ancien article 915 du code de procédure civile. Car n’oublions pas qu’une radiation n’éteint pas l’instance.

Quant à la clôture partielle, le code de procédure civile la connaît (C. pr. civ., art. 800).

Ici aussi, il faudra définir si cette clôture peut être révoquée, à quelles conditions, voire déférée devant la cour d’appel. Cette sanction n’est pas neutre, si la clôture partielle est une mesure d’administration judiciaire susceptible ni d’un recours, ni d’un déféré. Mais sur pourvoi, la clôture partielle pourrait être discutée, ce qui pourrait aboutir à une cassation de l’arrêt au fond, et donc à un allongement de l’instance d’appel.

Une clôture partielle est-elle une sanction adaptée ? Rien n’est moins sûr.

Les autres propositions

Il est proposé que les pièces ne soient pas communiquées simultanément mais « en temps utile ».

C’est une excellente proposition, sauf qu’elle a déjà cours depuis quelques années désormais (Cass., ass. plén., 5 déc. 2014, n° 13-19.674 P, Dalloz actualité, 12 déc. 2014, obs. M. Kebir ; D. 2014. 2530, et les obs. ; ibid. 2015. 287, obs. N. Fricero ; RDI 2015. 135, obs. J.-P. Tricoire et O. Tournafond ; D. avocats 2015. 80, obs. C. Lhermitte ; RTD civ. 2015. 201, obs. N. Cayrol ; BICC 1er mars 2015, p. 7 (arrêt n° 1), rapp. Andrich, avis Lesueur de Givry ; Gaz. Pal. 2015. 394, note Blanc ; ibid. 1008, note Zalewski-Sicard ; JCP 2014. 1300, obs. Gerbay ; ibid. 2015. 424, obs. Serinet ; ibid. 2015. 10, note N. Fricero ; ibid. N 2015. 504, obs. Delpérier ; ibid. 1097, note Poumarède ; ibid. 1112, obs. A. Mekki ; Procédures 2015, n° 28, note Croze ; RLDC mai 2015, p. 73, obs. Raschel ; Gaz. Pal. 24 mars 2015, p. 32, note Malherbe ; ibid. 16 juin 2015, p. 27, note Raschel ; Defrénois 2015. 428, note Périnet-Marquet ; v. aussi, Civ. 2e, 19 mars 2015, n° 14-16.238).

Quant à la dispense de communication des pièces en appel, c’est opportun.

Concernant la suppression de la justification de la communication des pièces à la partie adverse, nous pouvons nous interroger sur l’intérêt de cette proposition. Les juges doivent respecter et faire respecter le principe de la contradiction. Il est donc opportun que les juges aient connaissance des pièces communiquées, de manière à pouvoir appuyer leur décision dessus.

En revanche, l’appel compétence (C. pr. civ., art. 83 s.) est une véritable usine à gaz, et les risques d’erreurs sont nombreux. Il ne serait certainement pas inutile de prévoir des modalités différentes. Mais son cousin, le jugement d’orientation, doit subir les mêmes modifications. Un appel selon la procédure à jour fixe, pour les jugements statuant sur la compétence et pour les jugements d’orientation (CPCE, art. R. 322-19), pourra utilement être remplacé par un circuit court.

Sur la péremption d’instance, sauf à la supprimer purement et simplement, nous ne voyons pas ce qui peut être réformé. Sauf à prévoir que la péremption n’est pas encourue lorsque la juridiction est encombrée, ce qui laisse une marge d’appréciation très dangereuse. Ou alors, ce qui serait peut-être plus pertinent, prévoir qu’une demande de fixation ne constituerait pas seulement une diligence interruptive de péremption, mais suspendrait le délai de péremption, si l’affaire est en état d’être jugée et tant qu’elle reste en état d’être jugée.

Et si on allait plus loin ?

Les propositions du CNB ne sont pas très convaincantes, et il est dommage qu’elles partent d’un constat erroné, sans se poser la question de la finalité de la procédure et de l’appel.

Il faut des règles, avec des principes, des exceptions, et des sanctions adaptées.

Dès lors que la mise en état des affaires ne se fait plus autour d’une table avec un conseiller de la mise en état et les représentants des parties, il faut trouver autre chose pour mettre le dossier en état d’être jugé.

Il n’est pas discutable que depuis « Magendie », les dossiers sont mis en état beaucoup plus rapidement qu’auparavant. Malheureusement, ils restent trop longtemps en état, sans que rien ne se passe, avec des risques évidents de péremption.

Enlever tout délai, toute sanction, n’aboutira certainement pas à aller plus vite.

Devant les tribunaux judiciaires, où il n’existe pas de délai-sanction, les dossiers tardent à se mettre en état, les conférences virtuelles de mise en état permettant des renvois de conférence en conférence sans impulsion processuelle. Ça ne fonctionne donc pas mieux, et la simplification annoncée n’a rien simplifié.

Il n’en demeure pas moins que la procédure d’appel mériterait une réforme.

Il faudrait mieux délimiter les pouvoirs du conseiller de la mise en état, sans renvoi à des dispositions de première instance, et définir davantage les pouvoirs du président que ce soit en circuit court ou sur renvoi de cassation.

La procédure sans audience, que le tribunal connaît désormais (COJ, art. L. 212-5-1), pourrait faire son entrée devant les cours d’appel.

Et à l’audience, le président pourrait demander à entendre les parties sur tel ou tel point, après avoir demandé leur avis aux avocats.

Revenir sur certaines mentions obligatoires dans l’acte d’appel, ou dans les conclusions, pourrait s’envisager, pour faciliter le travail de l’avocat, et éviter les risques d’erreurs.

Cela étant, même si des réformes de simplification sont possibles, la procédure d’appel gardera toujours sa part de complexité.

La matière prud’homale connaîtra des exceptions qui lui sont propres (jugement partiel, action en substitution, absence d’interruption en cas de procédure collective, présence de Pôle emploi et des AGS, présence d’un défenseur syndical, etc.), et qui peuvent être lourdes de conséquences en cas d’erreurs. Une simplification de ces règles n’est pas évidente.

Un appel incident ou un appel incident provoqué restera dans certains cas une notion au maniement délicat, avec des cas dans lesquels il est fermé.

Des appels seront irrecevables, parce que la voie de recours n’est pas ouverte, ou qu’elle est différée, qu’il faut une autorisation, ou qu’il faut procéder par assignation.

Ce qu’il faut, surtout, ce sont des règles claires, compréhensibles, prévisibles, qui ne s’apparentent pas à des chausse-trappes et qui sentent la gestion des flux.

Mais il faut aussi que l’avocat, qui n’a pas l’obligation de représenter les parties en appel, et qui peut confier à un confrère cette charge procédurale, accepte ses propres limites, qui sont celles de ses connaissances.

Et à cet égard, le CNB serait bien avisé de reconnaître, enfin, qu’il existe une spécialisation en procédure d’appel.