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Le droit en débats

Question sur la constitutionnalité de la nouvelle définition de l’agression sexuelle adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale

Par Hubert Lesaffre le 06 Juin 2025

L’Assemblée nationale a adopté en première lecture le 1er avril 2025 une proposition de loi visant à modifier la définition pénale du viol et des agressions sexuelles. L’article 222-22 du code pénal qui définit l’agression sexuelle disposerait dorénavant que : « Constitue une agression sexuelle tout acte sexuel non consenti commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur ou, dans les cas prévus par la loi, commise sur un mineur par un majeur. Au sens de la présente section, le consentement est libre et éclairé, spécifique, préalable et révocable. Il est apprécié au regard des circonstances environnantes. Il ne peut être déduit du seul silence ou de la seule absence de réaction de la victime. Il n’y a pas de consentement si l’acte à caractère sexuel est commis avec violence, contrainte, menace ou surprise, quelle que soit leur nature ». Pour les auteurs de cette proposition de loi, il s’agit d’introduire la notion de consentement dans la définition du viol et de l’agression sexuelle en s’inspirant du rapport d’information n° 792 du 21 janvier 2025 sur la définition pénale du viol déposé par la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes.

De cette nouvelle définition il ressort ainsi que le cœur de l’infraction ne serait plus le comportement violent de l’auteur, mais l’absence de consentement que ce soit pour le crime de viol ou le délit d’agression sexuelle. En effet selon la commission des lois de l’Assemblée, la « définition prévue à l’article 222-22, et modifiée par la présente proposition de loi, s’applique à l’ensemble des articles relatifs aux agressions sexuelles, qui comprennent aussi bien l’infraction de viol que les autres agressions sexuelles » (Rapport n° 1181 du 26 mars 2025).

Cela est pourtant loin d’être aussi évident. Autant le lien entre le délit et le crime se faisait sans difficulté au regard de la définition miroir de l’agression sexuelle avec celle du viol prévue par l’article 222-23 du code pénal alors composé des mêmes éléments constitutifs, à l’exception de la pénétration sexuelle qui le caractérise ; autant, en ne modifiant que l’article 222-22 sur l’agression sexuelle comme le fait l’actuelle rédaction et en laissant en l’état la définition du viol, qui lui est propre, et ce, en vertu du principe de spécialité qui prévaut en droit pénal, il n’y a pas lieu de considérer que la nouvelle définition de l’agression sexuelle puisse s’appliquer au viol. Pour cela, il faudrait que le viol soit défini comme une agression sexuelle commise avec pénétration, mais ce n’est pas l’état du droit. Pour s’en convaincre il suffit de s’en rapporter aux articles de prévention visés dans les actes de poursuite devant les cours d’assises tels que répertoriés dans la base NATINF qui visent exclusivement s’agissant du viol l’article 222-23 et non pas l’article 222-22. Mais à n’en pas douter le Sénat rétablira ce lien, et les propos qui vont suivre vaudront donc aussi bien pour l’agression sexuelle et a fortiori pour le viol, crime passible de réclusion criminelle.

Cette nouvelle définition interroge sur sa conformité aux principes constitutionnels de nécessité et de légalité des délits et des peines.

S’agissant de la nécessité, les auteurs du texte admettent eux-mêmes que le consentement n’est évidemment pas étranger à la définition du viol. Comment pourrait-il en être autrement puisque dès 1857 la Cour de cassation affirmait que le viol était commis contre la volonté de la victime, « soit que le défaut de consentement résulte de la violence physique ou morale exercée à son égard, soit qu’il résulte de tout autre moyen de contrainte ou de surprise ». Et depuis, sa jurisprudence, et particulièrement celle liée à la notion de contrainte morale et de surprise, a permis d’embrasser toutes les situations dans lesquelles la contrainte purement physique n’était pas employée. Ainsi c’est bien l’absence de consentement ou l’incapacité à l’exprimer qui conduit la Cour à retenir l’infraction commise à l’égard d’une personne trop alcoolisée (Crim. 18 oct. 2006, n° 06-85.924), endormie, ou encore en état de sidération (Crim. 11 sept. 2024, n° 23-86.657, Dalloz actualité, 19 sept. 2024, obs. D. Goetz ; D. 2024. 1574 ; ibid. 2029, obs. G. Roujou de Boubée, C. Ginestet, M.-H. Gozzi, J.-P. Laborde, S. Mirabail et E. Tricoire ; AJ fam. 2024. 489, obs. L. Krief et V. Avena-Robardet ; AJ pénal 2024. 518, obs. A. Darsonville ; RSC 2024. 810, obs. Y. Mayaud ). La Cour de cassation a même pu juger que bien que consenti le rapport sexuel avait été pratiqué à l’issue d’un stratagème destiné à « surprendre le consentement » (Crim. 23 janv. 2019, n° 18-82.833, Dalloz actualité, 1er févr. 2019, obs. D. Goetz ; D. 2019. 361 , note E. Dreyer ; ibid. 945, point de vue M. Daury-Fauveau ; ibid. 1929, édito. D. Cohen ; ibid. 2320, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé, C. Ginestet, M.-H. Gozzi, S. Mirabail et E. Tricoire ; AJ pénal 2019. 153, obs. A. Darsonville ; RSC 2019. 88, obs. Y. Mayaud ). De cette évolution, François-Louis Coste déduisait avec une certaine circonspection que la surprise n’était donc « plus l’un des moyens de soumettre autrui pour commettre une pénétration sexuelle » mais un « moyen d’obtenir le consentement » (F.-L. Coste, Viol par surprise : vers un risque de faire de la justice l’exutoire des déceptions, Dalloz actualité, 20 mai 2021). L’affaire des viols de Mazan souvent convoquée est pourtant tout sauf de nature à appeler cette évolution législative. Il en aurait été autrement si les accusés avaient été acquittés ; mais au contraire, l’espèce a démontré que la justice était en capacité de qualifier le viol, y compris dans ces situations où chacun arguait d’une absence d’élément intentionnel face à une femme qu’ils prétendaient à tort consentante. D’ailleurs s’il fallait encore s’en convaincre, un exemple certes anachronique mais non moins paroxystique est celui des relations sadomasochistes. Il s’agit bien là de rapports sexuels commis avec violence mais qui échappent à la répression sur le seul fondement du consentement, et dès lors que les violences restent dans le cadre préalablement consenti (CEDH 17 févr. 2005, K.A. et A.D. c/ Belgique, nos 42758/98 et 45558/99, D. 2006. 1200 , obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat ; ibid. 2005. 2973, chron. M. Fabre-Magnan ; RTD civ. 2005. 341, obs. J.-P. Marguénaud ).

Néanmoins le fait qu’une disposition pénale ne réponde pas en soi à une exigence juridique particulière ne constitue par un grief susceptible d’être retenu par le Conseil constitutionnel. Comme il a pu être relevé dans le commentaire de sa décision sur la loi renforçant la lutte contre les violences de groupes, le « principe de nécessité des peines n’implique pas un principe de nécessité des délits » (Cons. const. 25 févr. 2010, n° 2010-604 DC, Dalloz actualité, 1er mars 2010, obs. E. Allain ; AJDA 2010. 413 ). Dans ces conditions, le Conseil, qui ne dispose pas d’un « pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement » (Cons. const. 3 avr. 2003, n° 2003-468 DC, consid. 42, AJDA 2003. 948 , note G. Drago ; ibid. 1625 ; ibid. 753, tribune H. Moutouh ; ibid. 1038, chron. J.-M. Belorgey, S. Gervasoni et C. Lambert , note M.-T. Viel ), ne retiendrait certainement pas un grief qui remettrait en cause le principe même de l’introduction du consentement dans la définition du viol.

Celle des modalités de son introduction retiendra d’avantage son attention au regard du principe de légalité pris en ses deux branches, la non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère et l’obligation d’établir des incriminations claires et précises.

Sur le premier point la Commission des lois considère que le texte peut s’appliquer immédiatement en s’appuyant sur l’avis du Conseil d’État (CE, avis, 6 mars 2025, n° 409241). Ce dernier a effet considéré que la proposition de loi devait être regardée comme interprétative, et dès lors qu’elle pouvait immédiatement s’appliquer à des faits commis y compris antérieurement à son adoption. Il cite au soutien de son raisonnement la jurisprudence pertinente de la Cour de cassation et du Conseil constitutionnel rendue précisément à l’occasion des interventions du législateur qui est venu à plusieurs reprises préciser la notion de contrainte et de surprise. Mais cette jurisprudence valait au regard de modifications qui n’étendaient pas le champ de l’agression sexuelle, ni ne comportaient de nouveaux éléments constitutifs de l’infraction.

Ainsi, à propos des dispositions tendant à inscrire dans la loi que la contrainte pouvait résulter de la différence d’âge existant entre une victime mineure et l’auteur des faits et de l’autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce, le Conseil constitutionnel a jugé qu’elles avaient « pour seul objet de désigner certaines circonstances de fait sur lesquelles la juridiction saisie [pouvait] se fonder pour apprécier si les agissements dénoncés [avaient] été commis avec contrainte », et qu’elle n’avaient dès lors « pas pour objet de définir les éléments constitutifs de l’infraction » (Cons. const. 6 févr. 2015, n° 2014-448 QPC, D. 2015. 324 ; ibid. 2465, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé, C. Ginestet, M.-H. Gozzi et S. Mirabail ; AJ pénal 2015. 248, note E. Dreyer ; RSC 2015. 86, obs. Y. Mayaud ). Si le législateur se contentait d’introduire dans la définition actuelle une référence au consentement, et vu les éléments cités plus haut sur sa déjà prise en compte dans la qualification du viol, alors en effet, il serait tout à fait concevable de l’analyser comme un texte purement interprétatif.

Mais, en l’espèce, l’ampleur et la portée des modifications vont bien au-delà qu’une simple explication de texte. En faisant du seul défaut de consentement et en introduisant des éléments de qualité de celui-ci, le législateur ouvre le champ à des poursuites pour des faits qui ne l’auraient pas été aujourd’hui. Dans la nouvelle définition, la violence, menace, contrainte ou surprise n’est plus une infraction en tant que telle, mais une illustration de ce qui ne peut être vu comme du consentement.

Ainsi des poursuites pourront être engagées et des condamnations prononcées sur la base d’une mauvaise qualité de consentement qui n’aurait pas été suffisamment clair ou préalable, ou même spécifique à chaque acte ; ou encore seulement tacite, parce qu’en l’absence de mot ou de réaction. Il s’agit bien là d’éléments constitutifs tout à fait nouveaux de l’infraction puisque délivrés de tout lien avec la violence, la menace, la contrainte ou la surprise, quand le simple fait de ne pas prendre suffisamment de précaution pour s’assurer du consentement devient potentiellement suffisant pour qualifier le viol ou l’agression sexuelle.

Par ailleurs, la proposition de loi en l’état prohibe dorénavant les relations sadomasochistes évoquées plus haut, puisqu’en effet elle interdit tout simplement de consentir à de telles relations, en affirmant sans réserve qu’il « n’y a pas de consentement si l’acte à caractère sexuel est commis avec violence ». Là aussi il s’agit d’une incrimination nouvelle, et donc bien de dispositions pénales plus sévères.

La proposition de loi ne comporte pas à ce stade de la navette parlementaire de disposition transitoire qui imposerait l’application immédiate de la loi, et qui serait susceptible de faire l’objet d’une censure pour éviter que les nouvelles exigences ne s’appliquent à des rapports sexuels qui auront eu lieu jusqu’à 20 ans auparavant, compte tenu des délais de prescription en vigueur (Cons. const. 16 juill. 1996, n° 96-377 DC, consid. 29 et 30, AJDA 1997. 86 , note C. Teitgen-Colly et F. Julien-Laferrière ; ibid. 1996. 693, note O. Schrameck ; D. 1997. 69 , note B. Mercuzot ; ibid. 1998. 147, obs. T. S. Renoux ; RFDA 1997. 538, note P.-E. Spitz ; RTD civ. 1997. 787, obs. N. Molfessis ). Si le texte ne s’expose pas à une censure sur ce point, il s’expose en revanche à tout le moins à une réserve d’interprétation comme le Conseil constitutionnel a déjà eu l’occasion de le faire dans d’autres circonstances, en déclarant que « s’il est du pouvoir du législateur de fixer les règles d’entrée en vigueur des dispositions qu’il édicte, il lui appartient toutefois de ne pas porter atteinte au principe de valeur constitutionnelle de non rétroactivité de la loi pénale plus sévère ; qu’en conséquence les dispositions pénales […] ne peuvent s’appliquer qu’aux faits commis après la date de promulgation de la loi » (Cons. const. 21 janv. 1997, n° 96-387 DC, consid. 21, AJDA 1997. 165 , note O. Schrameck ; D. 1999. 236 , obs. F. Mélin-Soucramanien ; RDSS 1997. 681, note X. Prétot ).

Mais là où le dispositif même du texte présente le plus de fragilités, c’est au regard de sa conformité à l’article 8 de la Déclaration de 1789 dont le Conseil constitutionnel déduit que le législateur a l’obligation « de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis […] pour exclure l’arbitraire dans le prononcé des peines, mais encore pour éviter une rigueur non nécessaire lors de la recherche des auteurs d’infractions » (Cons. const. 25 févr. 2010, n° 2010-604 DC, préc., consid. 8). Il doit également être apprécié à l’aune de l’objectif de valeur constitutionnelle « d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi » qui impose « d’adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques », et ce pour « prémunir les sujets de droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d’arbitraire, sans reporter sur des autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n’a été confiée par la Constitution qu’à la loi » (Cons. const. 28 avr. 2005, n° 2005-514 DC, consid. 14, AJDA 2005. 975 ; RTD civ. 2005. 556, obs. R. Encinas de Munagorri ). Le fait que les termes d’un texte soient connus ou familier ne le prémunit pas d’une censure comme ce fut le cas du harcèlement sexuel (Cons. const. 4 mai 2012, n° 2012-240 QPC, Dalloz actualité, 10 mai 2012, obs. M. Bombled ; AJDA 2012. 1490, étude M. Komly-Nallier et L. Crusoé ; D. 2012. 1372 , note S. Detraz ; ibid. 1177, édito. F. Rome ; ibid. 1344, point de vue G. Roujou de Boubée ; ibid. 1392, entretien C. Radé ; ibid. 2917, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé, M.-H. Gozzi, S. Mirabail et T. Potaszkin ; ibid. 2013. 1026, obs. P. Lokiec et J. Porta ; ibid. 1235, obs. RÉGINE ; ibid. 1584, obs. N. Jacquinot et A. Mangiavillano ; JA 2012, n° 460, p. 11, obs. L.T. ; AJ pénal 2012. 482, obs. J.-B. Perrier ; Dr. soc. 2012. 714, note B. Lapérou-Scheneider ; ibid. 720, chron. R. Salomon et A. Martinel ; ibid. 944, obs. L. Lerouge ; RSC 2012. 371, obs. Y. Mayaud ; ibid. 380, obs. A. Cerf-Hollender ; ibid. 2013. 436, obs. B. de Lamy ) ou encore de l’inceste au motif que la notion de « famille » n’était pas suffisamment précise (Cons. const. 16 sept. 2011, n° 2011-163 QPC, Dalloz actualité, 26 sept. 2011, obs. E. Allain ; D. 2011. 2823, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé, S. Mirabail et T. Potaszkin ; ibid. 2012. 1033, obs. M. Douchy-Oudot ; AJ pénal 2011. 588, obs. C. Porteron ; Constitutions 2012. 91, obs. P. de Combles de Nayves ; RSC 2011. 830, obs. Y. Mayaud ; ibid. 2012. 131, obs. E. Fortis ; ibid. 183, obs. J. Danet ; ibid. 221, obs. B. de Lamy ; RTD civ. 2011. 752, obs. J. Hauser ). En outre, même des termes précis n’empêchent pas de rendre l’économie globale d’un texte inintelligible. La Cour européenne des droits de l’homme le dit autrement mais tout aussi justement, en déclarant qu’on « ne peut considérer comme une "loi" qu’une norme énoncée avec assez de précision pour permettre au citoyen de régler sa conduite ; […] il doit être à même de prévoir, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences qui peuvent découler d’un acte déterminé » (CEDH 15 oct. 2015, Kudrevicius c/ Lituanie, n° 37553/05, § 108, Dr. soc. 2016. 697, étude J.-P. Marguénaud et J. Mouly ).

Le Conseil d’État, sous réserve de quelques suggestions rédactionnelles reprises par la commission des lois, a estimé que le texte répondait à ces exigences. Néanmoins il le fait, comme déjà indiqué, au prix d’une interprétation neutralisante qui lui permet dans ces conditions de ne voir dans toutes ces nouvelles dispositions que des outils au service des enquêteurs et non des éléments constitutifs d’une nouvelle infraction ; ce qui semble encore une fois en deçà de la réalité de ce texte, tant dans sa lettre que dans ses potentialités interprétatives.

En l’espèce les termes du texte sont en eux-mêmes connus et relativement précis, que ce soit le terme de consentement et ceux qui viennent l’entourer. Encore qu’à cet égard les travaux de la mission d’information évoqués précédemment démontrent qu’il n’existe pas de conception unanimement acceptée de la notion même du consentement, une frange de la doctrine allant jusqu’à écarter toute possibilité de consentement d’une femme à un rapport sexuel avec un homme. Pris un par un chacun des mots utilisés, libre, éclairé, préalable, spécifique et révocable est parfaitement intelligible. Mais une fois mis ensemble, bout à bout, qui peut dire avec certitude la conduite à tenir pour recueillir ce consentement ? Et plus encore qui peut dire de quelle manière la preuve de ce consentement peut être établie et sous quelle forme elle doit l’être ? Le texte dit uniquement ce qui ne peut pas l’être, à savoir le silence ou l’absence de réaction, mais il ne dit rien d’autre. La commission des lois se garde bien de le faire. Sa rapporteure, dans la discussion sur le rapport, le reconnaît et le justifie en affirmant que « la rédaction que nous proposons ne crée pas d’obligation positive de s’assurer d’une manière convenue du consentement d’autrui ». N’y-a-il pas là cependant, pour paraphraser la Cour de cassation, une forme de contradiction dans les motifs ? Ainsi le législateur prendrait-il la peine d’introduire la notion de consentement, d’en fixer les contours, de dire ce qu’il ne peut être, tout en se défendant d’inviter l’autorité judicaire à s’assurer du respect et des conditions de son recueil ?

La réalité en l’état de ce texte est que seul le parquet puis le juge, a posteriori, seront amenés au cas par cas et rétroactivement à dire ce qui aurait dû caractériser ou non la qualité du consentement et la preuve de celui-ci. Le quoi et le comment de l’incrimination, autrement dit son élément matériel, sont ainsi intégralement reportés sur les autorités juridictionnelles, sans permettre à tout un chacun de régler utilement sa conduite au préalable. Que l’autorité judicaire interprète les incriminations est consubstantielle à sa fonction, qu’elle soit conduite in fine comme ce serait le cas ici à les déterminer elle-même, a fortiori en matière criminelle, va au-delà de son office.

D’un point de vue légistique pourtant, l’objectif poursuivi par le législateur serait tout aussi bien atteint en introduisant le consentement, et sans créer pareille insécurité juridique, en adoptant un texte ainsi rédigé : « Constitue une agression sexuelle tout acte sexuel non consenti commis avec violence, contrainte, menace ou surprise, quelle que soit leur nature ».