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Le droit en débats

Réponse à la consultation relative à l’avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux

Sous la direction de Gaël Chantepie et Mathias Latina

 

La présente réponse à consultation a été élaborée à partir des articles du dossier spécial Avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux, publié sur Dalloz actualité. Pour des explications détaillées, on se référera à ces articles. Des différences peuvent exister entre les propositions faites dans ces articles et celles qui sont présentées dans cette réponse. Elles résultent du travail de relecture croisée qui a été effectué et des discussions qui ont eu lieu au sein du groupe de travail.

Remarques liminaires

1) Dans les contrats spéciaux examinés, l’expression « sauf stipulation contraire » a été utilisée de manière exceptionnelle et uniforme

  • Exceptionnelle d’abord, car la mention « sauf stipulation contraire » n’a été maintenue que lorsque le texte, parce qu’il contient une autre exception (v. par ex., avant-projet, art. 1711), pourrait être interprété comme excluant la possibilité pour les parties d’ajouter une dérogation à celle déjà prévue par la loi.

Ainsi, contrairement à l’avant-projet de réforme, l’utilisation de l’expression « sauf stipulation contraire » (ou de ses synonymes) n’est plus aléatoire ; elle n’est utilisée que lorsque la formulation de l’article pourrait laisser entendre qu’il est impératif.

Il conviendrait d’effectuer les mêmes modifications et suppressions dans les contrats qui n’ont pu être examinés dans la présente réponse à consultation.

  • Uniforme ensuite, car elle a été préférée, lorsqu’elle a été maintenue, à toutes les autres expressions utilisées, alternativement, par l’avant-projet de réforme et, notamment, aux expressions « sauf clause contraire », « sauf disposition contraire » ou « sauf convention contraire ».

En effet, le terme « clause » ne fait pas l’objet d’une définition claire en droit positif, contrairement à celui de « stipulation ». Le terme « disposition » est ambigu ; il peut faire référence aux dispositions légales ou contractuelles. Quant au terme « convention », il est daté, même si la notion de convention a été maintenue par la réforme du droit commun des contrats.

Par ailleurs, on notera que, dans le droit commun des contrats, c’est l’expression « sauf stipulation contraire » qui est le plus souvent utilisée.

2) Le terme de « bien » a été systématiquement préféré à celui de « chose »

La distinction faite par l’avant-projet entre la vente qui porterait sur un « bien » et le bail qui porterait sur une « chose » est peu convaincante. La commission s’appuie sur le fait qu’un bien est nécessairement approprié, à la différence d’une chose : on vendrait un bien, mais on pourrait louer une chose.

Mais comment pourrait-on conférer la jouissance d’une chose qui n’est pas appropriée, c’est-à-dire qui n’est la propriété de personne, voire qui n’est pas appropriable ?

Le terme de « bien », outre sa modernité, est, de toute façon, plus large que celui de chose. Il englobe les droits subjectifs, ce qui évite d’avoir à préciser que tel contrat vaut aussi lorsqu’il porte sur un droit.

Par ailleurs, l’avant-projet de réforme contient des anomalies. Alors que le prêt est censé, comme le bail, porter sur des « choses », l’on trouve des articles qui utilisent le terme de « bien » comme synonyme de chose (v. pour le bail, les art. 1875, 1886 et 1894 de l’avant-projet ; pour le dépôt, les art. 1952 et 1953).

A minima, il faudrait donc que ces articles soient corrigés. A maxima, il faudrait systématiquement remplacer « chose » par « bien », sauf pour l’expression « choses de genre », qui est traditionnelle.

3) Sur la définition du contractant professionnel

L’avant-projet fait référence aux contractants professionnels, en particulier au vendeur professionnel.

Ce dernier y est défini comme « celui qui se livre de manière habituelle à des ventes de biens semblables au bien vendu » (avant-projet, art. 1626 et 1641).

De même, le mandataire professionnel est « celui qui accomplit habituellement des actes de représentation » (art. 1991), tandis que le dépositaire professionnel n’est, quant à lui, pas défini.

La référence au « professionnel » n’est pas inédite dans le code civil.

On la retrouve couramment au travers de « l’activité professionnelle », notamment à l’article 2061, qui rend inopposable la clause compromissoire à celle des parties qui « n’a pas contracté dans le cadre de son activité professionnelle », ou dans le droit de la construction (art. 1792-7).

Le droit des sûretés vise également couramment le « créancier professionnel » (v. par ex., art. 2299, art. 2300).

S’agissant du contractant professionnel, la situation est moins claire. Certains textes d’origine européenne visent ainsi, indifféremment, le contrat conclu « à titre professionnel » (ex. : art. 1127-1) ou le contractant professionnel (ex. : art. 1245-14).

Aucun de ces textes ne pose une définition du professionnel, laissant à la jurisprudence le soin de déterminer les contours de cette qualification.

Par ailleurs, la notion est déjà utilisée par la jurisprudence, sans support textuel, pour apprécier notamment la portée de l’obligation d’information du vendeur, ou la validité des clauses exclusives de garantie des vices cachés.

Il apparaît donc pertinent, à l’occasion d’une réforme du droit des contrats spéciaux, d’intégrer une définition du professionnel.

Néanmoins, considérant les risques de conflits d’articulation entre les différentes occurrences du professionnel dans le code civil, et en dehors du code, il est préférable de s’aligner sur la définition la plus stable en droit positif, celle posée par l’article liminaire du code de la consommation :

« Professionnel : toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, y compris lorsqu’elle agit au nom ou pour le compte d’un autre professionnel ».

Certes, le renvoi, dans le code civil, à une disposition du code de la consommation ne va pas de soi compte tenu de la hiérarchie souvent attachée à ces deux corps de règles.

Mais cela traduirait bien la finalité générale des deux textes : le code de la consommation est le code des rapports entre professionnels et consommateurs ; le code civil est le code des rapports entre citoyens, peu important leur qualité.

Et lorsque le code civil, qui n’est plus imperméable aux considérations de justice sociale, tient compte de la qualité des contractants, il se réfère au code de la consommation.

Introduire une définition légale du professionnel, autre que celle-ci, aurait pour conséquence néfaste de graver dans le marbre de la loi une contradiction qui existe en droit positif du fait de la jurisprudence.

Il semble ainsi utile, lorsqu’il est nécessaire d’isoler la situation du contractant professionnel, de renvoyer à la définition qui figure dans le code de la consommation.

Il en ressortira une unification du droit positif qui mettra fin à la superposition des définitions du « contractant professionnel ».

Titre VI : des avant-contrats

Lors de réforme du droit commun des contrats de 2016, sous l’impulsion de la doctrine, le législateur a décidé de trancher la question de la violation de la promesse unilatérale de contrat et du pacte de préférence. Alors que ces deux contrats, comme tous les avant-contrats, sont de véritables contrats spéciaux, ils ont été traités dans la subdivision du droit commun relative aux négociations.

Or, non seulement le régime de ces deux avant-contrats n’est pas complet, mais il y manque celui de la promesse synallagmatique de contrat.

Il serait regrettable que les avant-contrats ne soient pas dotés d’un régime complet à l’occasion de la réforme du droit des contrats spéciaux, tant les questions que posent ces contrats dépassent largement celles de leur violation. Les membres de la commission ont ressenti ce besoin. Las, bridés par la lettre de mission qu’ils ont reçue, ils sont restés au milieu du gué en traitant des avant-contrats dans la seule optique de la vente, et encore, de manière parcellaire.

Il semble donc nécessaire d’envisager ces avant-contrats de manière globale, en dotant ces derniers d’un régime cohérent.

Chapitre 1 : Du pacte de préférence

Art. 1er : Le pacte de préférence est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l’autre, le bénéficiaire, pour une durée déterminée, la priorité sur la conclusion d’un contrat, pour le cas où elle se décidait à contracter.
Les éléments essentiels du contrat sur lequel porte la priorité n’ont pas à être déterminés dans le pacte de préférence.

Cet article est une modification de l’actuel article 1123, alinéa 1er, du code civil, qui serait donc déplacé.

D’abord, plutôt que de préciser, comme dans l’actuel article 1123, ce à quoi le promettant s’engage, la modification consiste à indiquer, comme dans l’article 1124, ce qu’il offre au bénéficiaire, à savoir « la priorité sur la conclusion d’un contrat ». Le renforcement de la symétrie entre les définitions du pacte de préférence et de la promesse unilatérale est destiné à mieux faire apparaître ce qui les sépare.

Par ailleurs, et dans la même optique, il est précisé que les éléments essentiels du contrat sur lequel porte la priorité n’ont pas à être déterminés dans le pacte de préférence, conformément à une jurisprudence constante1.

Surtout, cet article indique que le pacte de préférence doit nécessairement être à durée déterminée. Un pacte de préférence à durée indéterminée fragilise en effet la priorité offerte par le promettant, au risque que la validité du pacte soit compromise.

Art. 2 : Si le promettant établit une offre ou en reçoit une d’un tiers qu’il entend accepter, il la notifie au bénéficiaire.
Si le bénéficiaire n’exerce pas son droit de priorité dans le délai contractuellement prévu ou, à défaut, dans le délai, qui doit être raisonnable, fixé par le promettant, ce dernier est libre de vendre à un tiers aux mêmes conditions.

L’article 2 reprend l’article 1586 de l’avant-projet en ajoutant l’hypothèse de l’offre reçue par un tiers. Il propose, en outre, une autre formulation du délai dans lequel le bénéficiaire doit accepter l’offre qui lui est faite.

Art. 3 : Si le contrat sur lequel porte la priorité est conclu avec un tiers en violation du pacte de préférence, le bénéficiaire peut obtenir des dommages et intérêts du promettant, sur le fondement des articles 1231-1 et suivants du code civil.
Le bénéficiaire peut également obtenir des dommages et intérêts du tiers qui avait connaissance de l’existence du pacte de préférence violé, sur le fondement de l’article 1240 du code civil.

Art. 4 : Si le contrat passé avec le tiers empêche, même partiellement, l’exécution du contrat sur lequel porte la priorité, le bénéficiaire peut, s’il démontre que le tiers connaissait l’existence du pacte de préférence et son intention de s’en prévaloir, demander au juge la nullité du contrat passé avec le tiers ou sa substitution dans les liens dudit contrat.

Art. 5 : Si le contrat passé avec le tiers n’empêche pas l’exécution du contrat sur lequel porte la priorité, l’engagement du promettant envers le tiers vaut, en faveur du bénéficiaire, offre de contracter aux conditions prévues par le pacte de préférence ou, à défaut, aux conditions proposées au tiers.
Par dérogation à l’article 1116 du code civil, la rétractation de cette offre est inefficace.
À défaut d’acceptation dans un délai raisonnable, qui commence à courir du jour de la connaissance, par le bénéficiaire, du contrat passé avec le tiers, l’offre est caduque.

Les articles 3 à 5 abordent la question de la violation du pacte de préférence, traitée de manière approximative par l’actuel alinéa 2 de l’article 1123 du code civil.

D’abord, ils ont vocation à distinguer, d’une part, les actions en responsabilité que possède le bénéficiaire, de ses éventuelles actions en nullité ou en substitution.

Actuellement, le code civil se contente de dire que le bénéficiaire peut obtenir la réparation du préjudice subi. L’article 2 proposé précise de qui le bénéficiaire peut obtenir cette réparation et sur quel fondement. Il ne s’agit pas d’un renvoi au droit commun, mais d’une précision relative à la nature des responsabilités susceptibles d’être engagées : contractuelle à l’encontre du promettant ; délictuelle à l’encontre du tiers. Au sujet de ce dernier, il est suggéré de reconnaître sa faute délictuelle dès lors qu’il a contracté en connaissance de l’existence du pacte, peu important qu’il n’ait pas connu l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir. L’idée est de reprocher au tiers qui a contracté avec le promettant, alors qu’il connaissait l’existence du pacte de préférence, de ne pas avoir fait l’effort de se renseigner sur l’intention du bénéficiaire. Cette proposition est destinée à revaloriser l’action interrogatoire qui n’a pas, en droit positif, d’intérêt véritable.

Ensuite, les articles 4 et 5 abordent la question des sanctions de la nullité du contrat passé en violation du pacte et de la substitution du tiers dans les liens du contrat passé en violation du pacte.

Ces sanctions n’ont, en vérité, d’intérêt que si l’objet du contrat promis est un corps certain, le législateur de 2016 ayant uniquement pensé son modèle pour le pacte de préférence de vente d’immeuble. Dans cette dernière hypothèse, l’immeuble ne pouvant être vendu à deux acheteurs différents, il est effectivement indispensable que le contrat passé en violation de la promesse soit annulé ou que le bénéficiaire prenne la place du tiers acquéreur dans les liens de ce contrat.

Le texte ne propose pas la remise en cause de la double condition consacrée par la réforme de 2016, à savoir la connaissance, par le tiers, de l’existence du pacte de préférence et de l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir. Cette seconde condition est certes contestable. Toutefois, sa remise en cause entraînerait une nouvelle rupture dans l’application de la loi dans le temps, au détriment de la prévisibilité du droit. La rigueur des conditions de mise en œuvre de ces sanctions est, en outre, atténuée par l’assouplissement des conditions d’engagement de la responsabilité délictuelle du tiers et par la mise en valeur des hypothèses dans lesquelles le contrat passé avec le tiers n’empêche pas l’exécution du contrat sur lequel porte la priorité.

En effet, comme cela avait été parfaitement démontré2, il y a des hypothèses dans lesquelles il n’est pas nécessaire de remettre en cause le contrat passé en violation du pacte pour donner sa pleine efficacité à ce dernier. C’est le cas lorsque le contrat, objet du pacte, ne concerne pas un corps certain. Que l’on songe, par exemple, à un pacte de préférence qui porterait sur la vente de 1 000 tonnes de blé. Si les 1 000 tonnes de blé en question sont cédées à un tiers, en violation du pacte, le promettant pourra être contraint de contracter avec le bénéficiaire, à charge pour lui, dans l’exemple, de se fournir ailleurs si besoin. Il suffit pour cela de considérer que la conclusion du contrat avec le tiers équivaut à une offre, faite au bénéficiaire, aux conditions prévues par le pacte ou à défaut, aux conditions prévues par le contrat passé avec le tiers. Le risque d’inconstitutionnalité de cette sanction est faible, puisque le promettant avait lui-même aliéné sa liberté en renonçant au choix de son futur contractant.

Pour assurer la pleine efficacité de cette sanction, il faut toutefois préciser que, par dérogation au droit commun, la rétractation prématurée de l’offre est inefficace : c’est l’objet de l’alinéa 2 de l’article 5. Pour le reste, cette offre est soumise au droit commun et, en particulier, à l’article 1117, alinéa 2, du code civil.

Art. 6 : Le tiers peut demander par écrit au bénéficiaire de confirmer, dans un délai qu’il fixe et qui doit être raisonnable, l’existence d’un pacte de préférence et, dans l’affirmative, de lui indiquer s’il entend s’en prévaloir.
L’écrit mentionne qu’à défaut de réponse dans ce délai, le bénéficiaire du pacte ne pourra plus solliciter sa substitution au contrat conclu avec le tiers ou la nullité de ce contrat, ni engager la responsabilité extracontractuelle du tiers.

L’article 6 reprend l’action interrogatoire de l’article 1123 actuel.

Outre une modification purement formelle dans l’alinéa 1, il prend acte du fait que le tiers engage sa responsabilité s’il connaît l’existence du pacte de préférence. Actuellement, l’action interrogatoire, présentée en 2016 comme une innovation majeure, n’a pas d’intérêt. Le tiers est, en effet, protégé par son ignorance. S’il contracte sans connaître l’existence du pacte et/ou sans connaître l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir, il ne risque ni la nullité ou la substitution, ni une action en responsabilité délictuelle3. Dans ces conditions, pourquoi lèverait-il le doute en usant de l’action interrogatoire ?

Dans le système proposé, le tiers, qui connaît l’existence d’un pacte, devrait, au contraire, poser la question au bénéficiaire afin d’éviter d’avoir à lui payer des dommages et intérêts. Certes, il ne risquerait pas la nullité ou la substitution, dès lors qu’il ignorerait l’intention du bénéficiaire, ce qui pourrait le pousser, par calcul, à contracter tout de même avec le promettant. Il n’empêche que la situation serait plus satisfaisante que celle du droit positif, qui absout le tiers de mauvaise foi de toute sanction.

L’action interrogatoire aurait donc un effet de plus : en cas d’absence de réponse du bénéficiaire, ce dernier perdrait non seulement la possibilité d’agir en nullité ou en substitution, mais également son action en responsabilité délictuelle contre le tiers. En revanche, a contrario, il conserverait son action en responsabilité contractuelle contre le promettant.

Chapitre 2 : De la promesse de contrat

Art. 7 : (art. 1591 de l’avant-projet modifié) : La faculté de substitution stipulée dans une promesse de contrat est sans effet sur son caractère unilatéral ou synallagmatique.
Son exercice emporte cession du contrat de promesse.
L’article 1591 de l’avant-projet de réforme vise à clarifier la pratique de la faculté de substitution dans les promesses de contrat. En réaction à l’article 1589-2 du code civil, qui étend la sanction de la nullité à la cession de promesse unilatérale de vente non passée par acte authentique ou enregistrée dans un délai de dix jours, la pratique notariale a développé des clauses octroyant à l’une des parties une « faculté de substitution ». Cette clause a suscité deux questions connexes.
La première était de savoir si cette clause entraînait des effets sur la nature unilatérale ou synallagmatique de la promesse. La jurisprudence avait répondu négativement4, solution reprise par l’avant-projet.
La seconde, plus fondamentale, est celle de la nature de cette faculté de substitution conventionnelle. Or, si la Cour de cassation avait admis qu’elle ne relevait pas de la qualification de cession, et n’entrait dès lors pas dans le domaine d’application de l’article 1589-2 du code civil5, elle n’avait jamais pris parti sur la nature exacte de la faculté de substitution. Depuis l’ordonnance du 10 février 2016, la controverse avait repris, dans la mesure où l’article 1216 du code civil définit la cession conventionnelle de contrat, comme le fait de céder sa qualité de partie au contrat à un tiers6. Une réforme du droit des contrats spéciaux est l’occasion de clarifier cette solution, en posant comme principe que la faculté de substitution réalise une cession de contrat. L’avant-projet, dans sa version de juillet 2022, a modifié sa rédaction en prévoyant que « son exercice emporte les effets d’une cession du contrat de promesse ». Cela éviterait l’application « du formalisme de l’article 1216 »7. Mais à vrai dire, un tel formalisme n’est pas problématique, dans la mesure où il est seulement prévu que la cession doit être constatée par écrit. Il est préférable, compte tenu des enjeux attachés à la cession d’une promesse, d’en encadrer la mise en œuvre, de sorte que l’exigence d’un écrit est proportionnée. La suppression de l’article 1589-2 du code civil, suggérée par l’avant-projet, viderait l’essentiel du contentieux d’opportunité qui s’est noué sur la faculté de substitution.

Section 1 : De la promesse unilatérale de contrat

Art. 8 : La promesse unilatérale est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l’autre, le bénéficiaire, le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat dont les éléments essentiels sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire.
Lorsque la promesse unilatérale est à durée indéterminée, le promettant ne peut la résilier qu’après avoir mis le bénéficiaire en demeure de lever l’option dans un délai raisonnable, qu’il fixe lui-même.
La promesse unilatérale de contrat est soumise, en tant que de raison, aux règles applicables au contrat promis.

Cet article réunit, en son sein :

  • la définition de l’article 1124, alinéa 1, du code civil, qui serait déplacé. On se souvient que l’on a proposé une définition du pacte de préférence reprenant la structure de l’article 1124, alinéa 1. Les deux définitions se répondraient donc l’une à l’autre pour une meilleure accessibilité.
  • la proposition de l’avant-projet relative au régime des promesses unilatérales à durée déterminée (art. 1589 de l’avant-projet), cette proposition étant satisfaisante.
  • la proposition de l’avant-projet Capitant, reprise par l’avant-projet commenté (art. 1588, al. 3), d’appliquer, en tant que de raison, les règles du contrat promis au contrat de promesse unilatérale. La règle est simplement élargie, au-delà de la seule promesse unilatérale de vente.

Art. 9 : Une somme d’argent peut être convenue dans la promesse unilatérale de contrat, en contrepartie de l’exclusivité consentie au bénéficiaire. Son montant est sans effet sur le caractère unilatéral de la promesse.
Elle est acquise au promettant si le bénéficiaire choisit de ne pas lever l’option. En cas de conclusion du contrat promis, elle s’impute, le cas échéant, sur le prix.

Cet article reprend les deux premiers alinéas de l’article 1590 de l’avant-projet, en élargissant la formulation à tous les contrats de promesse unilatérale. Ils ne sont pas absolument nécessaires, mais consacrent une pratique contractuelle bien établie. Par ailleurs, la requalification de la promesse unilatérale de contrat, en contrat assorti d’une clause de dédit, lorsque la somme d’argent demandée porte une atteinte manifestement excessive à la liberté de ne pas opter n’est pas reprise. Cette requalification est, en effet, susceptible de brouiller la frontière entre les clauses d’indemnité d’immobilisation et de dédit, voire de laisser entendre qu’un dédit ne peut être accordé qu’à titre onéreux, ce qui briserait la jurisprudence actuelle8.

En outre, elle ne « sanctionne » en rien la prétendue « atteinte manifestement excessive à la liberté du bénéficiaire », dont la situation est inchangée après la requalification : il doit toujours payer le prix prévu pour se dégager du contrat. En revanche, il est important de clarifier le droit positif sur ce point, et ce même si la potentielle suppression de l’enregistrement des promesses unilatérales supprimera l’essentiel du contentieux. La solution juridiquement la plus sûre est de considérer que le montant du prix n’a pas d’effet sur le caractère unilatéral de la promesse.

Comme l’avait fort bien expliqué la Cour de cassation dans son arrêt du 1er décembre 20109, le bénéficiaire est toujours juridiquement libre d’opter, ou non, indépendamment du prix de l’exclusivité. Dès lors qu’il a accepté de se placer dans cette situation, il doit l’assumer, sauf à démontrer qu’il n’a consenti que sous l’effet d’un vice du consentement, en ce compris l’abus de dépendance. Il n’est donc pas nécessaire d’introduire une règle spéciale sur ce point, le bénéficiaire étant suffisamment armé par le droit commun des contrats.

Art. 10 : La révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n’empêche pas la formation du contrat promis.

Cet article reprend l’alinéa 2 de l’actuel article 1124 du code civil qui, brisant la jurisprudence Cruz du 15 décembre 199310, a consacré l’inefficacité de la rétractation du promettant. Il annonce les articles suivants, qui traitent de l’hypothèse dans laquelle le promettant ne s’est pas contenté de tenter de se rétracter, mais a conclu le contrat promis avec un tiers.

Art. 11 : Si le contrat promis au bénéficiaire est conclu avec un tiers en violation de la promesse unilatérale, le bénéficiaire peut obtenir des dommages et intérêts du promettant, sur le fondement des articles 1231-1 et suivants.
Le bénéficiaire peut également obtenir des dommages et intérêts du tiers qui avait connaissance de l’existence de la promesse unilatérale violée, sur le fondement de l’article 1240.

Art. 12 : Si le contrat passé avec le tiers empêche, même partiellement, l’exécution du contrat promis, le bénéficiaire peut en demander la nullité, s’il démontre que le tiers connaissait l’existence de la promesse unilatérale.
Par exception, l’inexécution d’une promesse unilatérale de contrat réel ne se résout qu’en dommages et intérêts.

L’article 11 énonce que le bénéficiaire peut obtenir des dommages et intérêts en cas de conclusion du contrat promis avec un tiers. Il précise que ces dommages et intérêts peuvent être réclamés au promettant (sur le fondement de la responsabilité contractuelle) et au tiers (sur le fondement de la responsabilité délictuelle), le tiers étant en faute dès lors qu’il a conclu le contrat en connaissance de l’existence de la promesse unilatérale.

Cet article comble, d’abord, un vide textuel. Il ne fait pas de doute, en droit positif, que le bénéficiaire peut obtenir des dommages et intérêts du promettant et/ou du tiers. Reste que l’actuel article 1124 du code civil ne le précise pas, à la différence de l’article 1123, qui traite du pacte de préférence. Il y a donc un défaut de symétrie entre les textes.

Il a vocation, ensuite, à préciser les contours de la faute délictuelle du tiers. La seule connaissance de la promesse suffirait, indépendamment de la connaissance, par le tiers, de la volonté du bénéficiaire de lever l’option. Il faut donc lire cette proposition à l’aune de celle relative au pacte de préférence. Les conditions d’engagement de la responsabilité du tiers seraient ainsi identiques en cas de violation d’un pacte de préférence et d’une promesse unilatérale de contrat. Dans les deux cas, la connaissance de l’avant-contrat par le tiers serait nécessaire, mais suffisante.

En outre, et à la même condition, l’article 12, alinéa 1er, énonce que le bénéficiaire peut demander la nullité du contrat passé entre le promettant et le tiers. Tout juste est-il précisé, ce qui fait défaut en droit positif, que l’annulation ne peut être demandée que si le contrat passé en violation de la promesse fait obstacle, même partiellement, à l’exécution du contrat promis. Si tel n’est pas le cas, il suffit en effet au bénéficiaire de lever l’option ; il n’a donc pas intérêt à demander la nullité du contrat passé avec le tiers. Par ailleurs, cette proposition corrige la maladresse rédactionnelle de l’article 1124 qui précise que « le contrat conclu en violation de la promesse unilatérale avec un tiers qui en connaissait l’existence est nul ». Or, les nullités de plein droit n’existent plus depuis la consécration de la théorie moderne des nullités. Le contrat passé en violation de la promesse n’est pas nul ; il est annulable à la demande du bénéficiaire, ce qui fait de cette nullité une nullité relative.

La différence de régime entre le pacte de préférence et la promesse unilatérale est, par ailleurs, reprise. Il est plus simple de demander la nullité du contrat passé en violation de la promesse unilatérale que la nullité du contrat passé en violation du pacte de préférence. Dans cette deuxième hypothèse, il faudra, en effet, démontrer que le tiers connaissait, et l’existence du pacte, et la volonté du bénéficiaire de s’en prévaloir. En toute logique, cette différence peut surprendre. Elle résulte peut-être d’une inadvertance du législateur de 2016, qui avait réintroduit, in extremis, la condition relative à la connaissance de l’intention du bénéficiaire, dans le régime du pacte de préférence11. Il n’est toutefois sans doute plus temps de modifier cette règle, et ce afin de ne pas compliquer l’application de la loi dans le temps.

Enfin, l’alinéa 2 de l’article 12 vient intégrer, dans le droit commun de la promesse unilatérale de contrat, une règle que l’avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux a consacrée à propos du prêt désintéressé et du dépôt, à savoir que la promesse unilatérale de prêt désintéressé12 et de dépôt13 ne se résout, en cas d’inexécution, qu’en dommages et intérêts. En effet, lorsque le contrat promis est réel, ce qui est le cas des deux contrats cités, la levée d’option par le bénéficiaire ne suffit pas à entraîner la formation du contrat promis. Encore faut-il que la chose soit remise. Or, si l’on pouvait forcer cette remise, il n’y aurait plus de distinction entre le contrat de promesse et le contrat réel promis. Dès lors, l’inexécution de la promesse unilatérale de contrat réel ne peut se résoudre qu’en dommages et intérêts, obtenus du promettant ou du tiers, conformément à l’article 10 de la présente proposition, le bénéficiaire n’ayant pas intérêt à obtenir l’annulation du contrat passé avec le tiers. Cette règle est nécessaire afin que soit respectée la particularité des contrats réels, quoi que l’on puisse penser, par ailleurs, de cette catégorie de contrats…

Section 2 : De la promesse synallagmatique de contrat

Art. 13 : La promesse synallagmatique de contrat est le contrat par lequel les parties s’engagent réciproquement à conclure un contrat déterminé.
Les règles de forme et les formalités prescrites par la loi à peine de nullité du contrat promis doivent être respectées, sous la même sanction, lors de la conclusion de la promesse synallagmatique.

Afin de respecter la cohérence d’ensemble des textes sur les avant-contrats, il convient de doter la promesse synallagmatique d’une définition, ce que ne fait pas, à l’heure actuelle, l’avant-projet.

L’intérêt de l’article 13 réside essentiellement dans son alinéa 2, qui a pour objet d’interdire les promesses synallagmatiques consensuelles de contrat solennel. Le débat roule en doctrine sur la possibilité de distinguer selon que la forme a été imposée pour protéger une partie – la promesse consensuelle serait interdite – ou pour protéger les tiers – elle serait autorisée14. Il est impossible de consacrer, dans les textes, une telle distinction. Nul n’est en effet capable de dire, avec certitude, si une forme a été imposée pour protéger les parties ou les tiers, les deux objectifs pouvant d’ailleurs se cumuler.

La promesse d’hypothèque, tolérée en droit positif, serait donc définitivement condamnée par ce texte. Est-ce grave ? Ce n’est pas certain, et ce pour trois raisons. D’abord, parce que la forme notariée de l’hypothèque ne protège pas que les tiers, mais également le constituant. La distinction précitée devrait donc condamner cette promesse en droit positif15. Ensuite, parce que l’inexécution de la promesse d’hypothèque ne se résout qu’en dommages et intérêts, ce qui est une piètre protection du prêteur16. Enfin, parce que la banque, qui prête afin de permettre l’acquisition de l’immeuble qui sera hypothéqué, peut obtenir une hypothèque sur celui-ci. En effet, depuis que la réforme des sûretés a autorisé l’hypothèque sur immeuble futur17, l’emprunteur peut, lors de la conclusion du crédit, hypothéquer l’immeuble qu’il va acquérir avec les fonds, un instant de raison plus tard18. Certes, le contrat de crédit doit alors être notarié. Mais c’est d’ores et déjà le cas des crédits importants.

§ 1 : De la promesse synallagmatique de contrat valant contrat promis

Art. 14 : La promesse synallagmatique de contrat équivaut au contrat promis lorsque les parties se sont accordées sur les éléments essentiels de ce dernier.
Si les parties se sont obligées à réitérer leur accord dans une certaine forme, le refus de l’une d’elles n’affecte pas la formation du contrat promis.

Art. 15 : Si le contrat promis est conclu avec un tiers en violation de la promesse synallagmatique de contrat valant contrat, le contractant victime peut obtenir, sur le fondement des articles 1231-1 et suivants, des dommages et intérêts de son cocontractant.
Le contractant victime peut également obtenir des dommages et intérêts du tiers qui avait connaissance de la promesse synallagmatique violée, sur le fondement de l’article 1240.
Si le contrat passé avec le tiers empêche, même partiellement, l’exécution du contrat promis, le bénéficiaire peut en demander la nullité, s’il démontre que le tiers connaissait l’existence de la promesse synallagmatique.

L’article 14 reprend, en la généralisant et en la modernisant, la formule de l’article 1587 de l’avant-projet. Il précise également, dans son alinéa 2, que si les parties se sont obligées à « réitérer leur accord », formule qui a été retenue pour toutes les occurrences de « réitération », le refus de l’une d’elles de réitérer n’affectera pas la formation du contrat promis. Le contrat promis est, en effet, valablement formé, la partie victime du refus pouvant prendre des mesures pour pallier l’absence de forme, comme obtenir un jugement (vente d’immeuble), voire si la forme n’est pas nécessaire à l’efficacité ou à l’opposabilité de l’acte, en demander l’exécution forcée.

Quant à l’article 15, il traite de la violation de la promesse synallagmatique de contrat qui vaut contrat, sur le modèle de ce qui a été proposé en matière de promesse unilatérale.

§ 2 : De la promesse synallagmatique de contrat ne valant pas contrat promis

Art. 16 : La promesse synallagmatique de contrat n’équivaut pas au contrat promis lorsque les parties ont ajouté à ce dernier un élément essentiel à sa formation, comme la réitération de leur accord dans une certaine forme.
La promesse consensuelle de contrat réel est valable, mais n’équivaut pas au contrat réel promis.
Le défaut de réalisation de la condition de formation dans le délai prévu par les parties ou, à défaut, dans un délai raisonnable, entraîne la caducité du contrat de promesse synallagmatique.

Art. 17 : L’inexécution d’une promesse synallagmatique de contrat ne valant pas contrat promis ne se résout qu’en dommages et intérêts.
Le promettant, victime de l’inexécution, est en droit de réclamer des dommages et intérêts de son cocontractant, sur le fondement des articles 1231-1 et suivants ou du tiers avec lequel un contrat a été passé en violation de la promesse synallagmatique, sur le fondement de l’article 1240, si ce tiers avait connaissance de la promesse synallagmatique.

En traitant de la promesse synallagmatique de contrat, en général, il est possible de soumettre toutes les promesses synallagmatiques à un même régime, ce qu’échoue à faire l’avant-projet. En effet, celui-ci règlemente, plus ou moins complètement, la promesse synallagmatique de vente ne valant pas vente, mais ne prévoit que deux articles isolés pour la promesse synallagmatique de prêt intéressé (art. 1877-1) ou de faire et recevoir en dépôt (art. 1922, al. 3)

L’article 16 permet d’indiquer, dans ses deux premiers alinéas, qu’il existe uniquement deux hypothèses de promesse synallagmatique de contrat ne valant pas contrat promis.

- La première est celle dans laquelle les parties ont ajouté une condition de formation, qui n’était pas exigée par la loi, au contrat promis.

En l’absence de cette condition de formation, le contrat promis n’est pas encore formé ; il lui manque un « élément essentiel ». La promesse synallagmatique est donc, cette fois, un contrat autonome, qui prépare cette possible formation. L’expression « élément essentiel » est importante. Elle permet de faire une référence implicite à l’article 1186, alinéa 1, du code civil, qui traite de la caducité, et donc de relier le droit spécial avec le droit commun. En outre, aucune confusion avec une condition suspensive n’est possible, puisque c’est bel et bien la formation du contrat qui est affectée par cet élément essentiel, là où la condition suspensive ne concerne que les effets d’un contrat valablement formé. On pourrait nommer ce type de condition, conformément à une proposition doctrinale qui a été faite : condition de perfection19.

On notera que la réitération de l’accord dans une certaine forme peut être soit une obligation lorsque la promesse de contrat vaut contrat, soit un élément essentiel lorsque la promesse de contrat ne vaut pas contrat. Compte tenu des conséquences radicalement différentes de ces deux situations, il est nécessaire que les textes soient clairs, afin que les praticiens optent pour la formule qui convient le mieux à la situation qu’ils souhaiteraient voir naître.

Par ailleurs, le délai fixe d’un an dans lequel l’élément essentiel doit survenir n’a pas été repris. Il est, en effet, anachronique, alors que le législateur, depuis 2016, a constamment choisi de faire référence à un « délai raisonnable », en l’absence de précision contractuelle. Il n’est plus à démontrer que, dans l’abstrait, ce type de délai est toujours soit trop long, soit trop court. Dans des cas particuliers, comme en matière de vente d’immeuble, un délai fixe peut se justifier, dès lors qu’il tient compte des particularités du contrat promis en cause (v. infra).

- La seconde hypothèse est celle dans laquelle les parties ont conclu un contrat préparatoire à un contrat réel.

L’avant-projet valide ce type de promesse synallagmatique20 à propos du prêt désintéressé (art. 1877-1) ou de la promesse de mise en dépôt (art. 1921) ; il limite alors la sanction de l’inexécution de cette promesse aux seuls dommages et intérêts. Cette proposition, qui est de droit positif21, est reprise.

En revanche, la limitation des dommages et intérêts à « la perte des avantages attendus du contrat » est supprimée. D’abord, il est pour le moins curieux que la commission ait repris la formulation de l’article 1112, dans sa version de 2016, alors que le Parlement l’a modifiée à l’occasion de la loi de ratification de 2018 en incluant expressément la perte de chance d’obtenir lesdits avantages. Surtout, il est important de bien distinguer la négociation non contractualisée qui, compte tenu de sa précarité, ne peut pas ouvrir à la compensation d’avantages encore hypothétiques, de la négociation contractualisée dont la sanction doit nécessairement être plus forte : même si l’exécution forcée n’est pas possible, encore faut-il que la réparation soit complète.

Art. 18 : La promesse synallagmatique de contrat ne valant pas contrat promis est soumise, en tant que de raison, aux règles applicables à ce dernier.

L’article 18, enfin, tire les conséquences de l’autonomie de la promesse synallagmatique, qui ne vaut pas contrat promis. Il s’agit d’un contrat distinct, que l’on soumet, en tant que de raison, aux règles applicables au contrat promis.

Titre VII : De la vente

Art. 19 : (1582 de l’avant-projet) – La vente est le contrat par lequel, en contrepartie d’un prix, le vendeur cède, au profit de l’acheteur, la propriété d’un bien corporel ou incorporel.
Le prix consiste en une somme d’argent. Il peut être complété par la fourniture d’un bien ou d’un service.

(Alinéa supprimé) Les contrats qui ont pour objet une cession de droits sont, en tant que de raison, soumis aux dispositions du présent titre.

Le terme de « bien » englobe les droits, de sorte que l’alinéa 3 de l’article 1582 de l’avant-projet proposé est inutile.

Chapitre 1 : Dispositions communes à toutes les ventes

Section 1 : De la formation de la vente

Le titre de la section est modifié. Il traite, non de la conclusion de la vente, mais de sa formation. Cette modification est également destinée à harmoniser le plan des différents contrats spéciaux règlementés.

Art. 20 : Le contrat de vente est formé dès que les parties sont convenues du bien et du prix.

L’ajout de cet article est proposé afin que la loi précise, non pas que le contrat de vente est consensuel, ce qui résulte suffisamment du droit commun, mais que les éléments essentiels du contrat de vente, au sens de l’article 1114 du code civil, sont le bien et le prix.

Sous-section 1 : Du consentement

Art. 21 : Si la vente a été conclue avec des arrhes, chacune des parties peut rétracter son consentement : celle qui les a données en les abandonnant et celle qui les a reçues en restituant le double.

Art. 22 : Si la vente a été conclue avec faculté de dédit, l’acheteur peut rétracter son consentement dans le délai stipulé, le cas échéant en versant ou en abandonnant au vendeur la somme convenue.

Art. 23 : Le versement d’une somme d’argent par l’acheteur au vendeur est présumé l’être à titre d’acompte. Cette somme produit des intérêts au taux légal en matière civile, à l’expiration d’un délai de trois mois à compter du versement jusqu’à la délivrance du bien.

La subdivision relative au consentement dans la vente est considérablement allégée compte tenu du déplacement/transformation des articles relatifs aux avant-contrats dans un titre autonome.
C’est ainsi, en premier lieu, qu’il est proposé de supprimer l’article 1584 de l’avant-projet, considérant que les usages relatifs à la vente à l’agréage ou à l’essai ne nécessitent pas le support de la loi. Si le texte de la commission propose déjà une simplification, en fusionnant ventes à l’essai et à l’agréage, il n’apparaît pas nécessaire d’en maintenir le principe dans le code civil, alors, d’une part, que la jurisprudence en cantonne l’application au strict domaine des usages courants22, lesquels persisteraient en l’absence même de disposition y renvoyant expressément, et, d’autre part, que les parties peuvent en écarter l’application23.

En deuxième lieu, la question des acompte, dédit et arrhes mériterait d’être réglée par un texte du droit commun des contrats à la suite de l’article 1122 du code civil consacré aux délais de réflexion et de rétractation. Néanmoins, s’il paraissait impossible d’insérer un nouveau texte au sein du droit commun, les textes proposés par la commission mériteraient quelques ajustements, pour tenir compte notamment du fait que la faculté de dédit n’est pas nécessairement consentie à titre onéreux.

Sous-section 2 : Des parties à la vente

(texte supprimé) (art. 1595 avant-projet) : Tous ceux auxquels la loi ne l’interdit pas peuvent acheter ou vendre.

Cet article n’ajoute rien au droit commun. Il n’est donc pas utile.

Art. 24 : Est réputé vendeur ou acheteur professionnel toute personne répondant à la qualification de professionnel au sens du code de la consommation.

L’article 24 est ajouté afin de renvoyer au droit de la consommation pour la définition du vendeur ou de l’acheteur professionnel, des règles spécifiques étant prévues pour ces derniers dans le droit de la vente. V. les remarques liminaires.

Art. 25 (art. 1596 avant-projet) : Ne peuvent se rendre acheteurs, ni par eux-mêmes, ni par personnes interposées :
1° celui qui assure légalement la représentation ou l’assistance d’une personne protégée, des biens de cette personne ;
2° le mandataire, ou l’intermédiaire, des biens qu’il est chargé de vendre ou de négocier ;
3° l’administrateur, des biens des personnes publiques qu’il administre ;
4° le fiduciaire, des biens ou droits qui composent le patrimoine fiduciaire.
L’acte accompli est nul, à moins que le représenté ou le constituant ne l’ait autorisé ou ne le ratifie.

Art. 26 (art. 1597 avant-projet) : Sauf l’exercice d’un droit de préemption défini par la loi, la vente est conclue entre le vendeur et l’acheteur qu’il s’est choisi.
La préemption n’a pas lieu quand elle obligerait le vendeur à contracter à des conditions différentes de celles convenues avec l’acheteur initial, sauf disposition légale contraire.

Dans l’alinéa 2 de l’article 26 est ajouté le terme « légale ». Le terme « disposition », seul, pourrait en effet renvoyer à des dispositions contractuelles dont on voit mal dans quel contrat elles pourraient figurer.

Sous-section 3 : Du contenu de la vente

Cette sous-section est considérablement allégée. Les articles 1598, 1600, 1602, 1606 et 1607 de l’avant-projet sont supprimés tandis que les articles 1599, 1601 et 1608 sont respectivement déplacés, parfois avec des modifications substantielles, dans les subdivisions consacrées au transfert de propriété, aux obligations du vendeur et de l’acheteur.

Pour l’essentiel (v. les explications détaillées sur le site Dalloz actualité, dans les articles « Le prix dans la vente » ; « Le contenu de la vente »), les articles supprimés se bornaient à reprendre, en matière de vente, des solutions qui figurent dans le droit commun (art. 1598, 1602, 1606 et 1607).

Art. 27 : Le prix doit être déterminé ou déterminable lors de sa conclusion.
À défaut de détermination du prix, la vente est nulle, de nullité relative.

Cet article est un regroupement et une modification des articles 1603 et 1604 de l’avant-projet.

L’article 27 indique, d’abord, que le prix doit être déterminé ou déterminable, sans autre ajout. Le droit commun suffit en effet pour préciser le sens du terme « déterminable ». Quoi qu’il en soit, le contrat de vente, conclu en exécution du contrat-cadre, devra toujours comporter un prix déterminé ou déterminable lors de sa conclusion, contrairement à ce que laisse entendre, sans doute en raison d’une maladresse de plume, l’article 1604, alinéa 1, de l’avant-projet, dont la formulation n’est pas reprise. Cette maladresse de plume devrait, quoi qu’il en soit, être corrigée.

Ensuite, l’alinéa 2 énonce que l’indétermination du prix entache la vente d’une nullité relative, et non absolue, et ce, pour deux raisons :

  • d’une part, parce la jurisprudence avait opté, à partir des années 2000, pour la nullité relative fondée sur l’intérêt privé du contractant ;
  • d’autre part, pour éviter toute velléité de retour à la conception classique de la nullité fondée sur la gravité du vice, ce qui serait en contradiction avec le droit commun.

Art. 28 (art. 1605 avant-projet modifié) : La détermination du prix peut être confiée à un tiers. Le cas échéant, celui-ci procède à sa fixation de manière loyale et indépendante. Les parties sont solidairement tenues de la rémunération du tiers.
Si le tiers n’est pas désigné par le contrat, et à défaut d’accord entre les parties sur la désignation d’un tiers, le juge procède à sa nomination à la demande de la partie la plus diligente.
Si le tiers ne peut ou ne veut pas procéder à la fixation du prix ou si celle-ci était annulée, faute d’accord entre les parties sur la désignation d’un nouveau tiers, le juge procède à la nomination de ce dernier à la demande de la partie la plus diligente.
En cas d’erreur grossière commise par le tiers dans la détermination du prix, et à défaut d’accord entre les parties sur la désignation d’un nouveau tiers, le juge pourra, à la demande de la partie la plus diligente, procéder à une nouvelle nomination ou bien prononcer la nullité de la vente.

L’article 28 concerne, comme l’article 1605 de l’avant-projet, la fixation du prix par un tiers. Il est substantiellement modifié.

En effet, la combinaison des alinéas 2 et 3 de l’article 1605 de l’avant-projet, relatif à l’estimation du prix par un tiers, interroge.

Dans l’alinéa 2, il est indiqué qu’au cas où le tiers ne serait pas désigné, ou bien qu’il ne pourrait ou ne voudrait pas faire l’estimation ou encore que celle-ci viendrait à être annulée, le juge « nomme[rait] » le tiers remplaçant à défaut d’accord sur sa désignation. Ces précisions sont opportunes puisque la jurisprudence décidait jusqu’alors que le tiers ne pouvait être choisi par le juge que si le contrat l’avait expressément prévu-. L’utilisation d’un présent d’habitude « le juge le nomme », à connotation impérative, semble indiquer qu’il s’agira là d’un devoir et non d’une simple faculté.

L’alinéa 3, qui vise l’hypothèse de l’erreur grossière du tiers quant à la détermination du prix, met en place, en faveur de la partie victime, une alternative. Elle pourra soit « faire prononcer la nullité de la vente », soit « accepter la nomination d’un nouveau tiers ». Cette hypothèse se situe, chronologiquement, en aval de la situation exposée par le premier alinéa. Ici, le tiers, désigné par les parties ou bien nommé par le juge, a commis une erreur grossière dans la détermination du prix. Il s’agit donc de savoir quels sont les effets de cette erreur grossière, à la fois sur l’estimation, sur la désignation du tiers et sur le contrat de vente.

En droit positif, l’erreur grossière ayant pour effet de « remettre en cause » la détermination du prix, les parties doivent s’accorder sur la désignation d’un nouveau tiers, car le juge n’a pas la possibilité de le faire. À défaut de désignation par les parties, la jurisprudence n’a, en revanche, pas tranché la question de savoir si la vente était nulle ou bien si le juge pouvait nommer un nouveau tiers. L’alternative proposée par l’article 1605 semble clarifier l’interrogation puisqu’à défaut d’acceptation d’une nouvelle nomination, la vente serait annulée. La difficulté tient ici au vocabulaire utilisé. Si la partie lésée accepte « la nomination d’un nouveau tiers », n’est-ce pas dire qu’elle doit ratifier la nomination faite par le juge ? Alors que le premier alinéa énonce que le juge « nomme », les parties devraient, en revanche, en cas d’erreur grossière, consentir à la nomination par le juge. Cela signifie-t-il qu’en cas d’erreur grossière, les parties ne pourront pas s’accorder sur la désignation d’un nouveau tiers et devront obligatoirement demander la nomination au juge ?

Enfin, la construction syntaxique du deuxième alinéa de l’article 1605 de l’avant-projet mène à une impasse. Si le juge peut nommer un tiers qui n’a pas été désigné par la convention, en revanche, il ne peut pas faire « de même » dans l’hypothèse où un tiers, désigné par les parties, ne pourrait ou ne voudrait plus effectuer sa mission. Dire que le juge fait « de même », c’est signifier qu’il nommera le même tiers, alors qu’il devrait, dans ce cas, nommer un autre tiers.

Compte tenu de ces défauts, l’article 28 opère une modification formelle et substantielle de l’article 1605 de l’avant-projet :

  • d’une part, l’alinéa 1, fixe désormais clairement la fonction et les obligations du tiers qui s’est vu confier la détermination du prix. À la manière d’un mandataire, le tiers ne doit pas seulement effectuer une estimation du prix de la chose vendue, mais bien procéder à sa fixation. À ce titre, il est soumis à des obligations de loyauté et d’indépendance ;
  • d’autre part, l’article 28 restaure la cohérence entre les alinéas 2, 3 et 4 puisque, d’abord, les hypothèses de non-désignation d’un tiers par les parties et celles dans lesquelles le tiers a été désigné, mais ne veut ou ne peut plus effectuer sa mission, sont formellement séparées. Ensuite, parce qu’en cas d’erreur grossière, les parties retrouvent la possibilité de désigner elles-mêmes un nouveau tiers, ce que ne semble pas permettre l’article 1605 de l’avant-projet. C’est, en effet, seulement à défaut d’accord que le juge pourra procéder à une nouvelle nomination du tiers ou bien prononcer la nullité de la vente. L’échange est ainsi sécurisé : la nullité n’interviendra qu’en second recours et l’option est laissée au juge et au choix de la partie lésée.

Art. 29 (art. 1604, al. 2 avant-projet): Quand les éléments objectifs tirés du contrat le lui permettent, le juge est autorisé à liquider le prix.

L’alinéa 2 de l’article 1604 de l’avant-projet est repris dans l’article 29, sans modification. Laisser au juge la possibilité de liquider lui-même le prix, sans que les parties soient obligées de recourir à un tiers expert, facilite les échanges et participe de leur célérité.

Section 2 : Les effets de la vente

Sous-section 1 : De l’effet translatif

Remarques générales sur la sous-section consacrée à l’effet translatif :

Cette subdivision est enrichie d’une disposition sur la vente du bien d’autrui (art. 32). En revanche, les articles 1612 à 1614 de l’avant-projet ne sont pas repris.

Les articles 1612 et 1613 ont, en effet, vocation à consacrer la jurisprudence Lamborghini du 9 octobre 197924 qui concerne les chaînes de contrats translatives de propriété.

Dans une chaîne de ventes, la Cour de cassation a en effet décidé que l’action du sous-acquéreur contre le vendeur initial était nécessairement contractuelle25. Cette jurisprudence est justifiée par le principe, bien commode, de la transmission des accessoires avec le principal. Aussi, l’action en responsabilité de l’acquéreur serait transmise, avec le bien, au sous-acquéreur, ce que consacre l’alinéa 1 de l’article 161226. Si tel était réellement le cas, l’acquéreur, dépouillé de son action, ne pourrait donc plus agir contre le vendeur initial : seul le sous-acquéreur le pourrait. Or, ce n’est pas ce que décide la Cour de cassation, qui permet au vendeur intermédiaire d’agir contre son propre vendeur s’il y a intérêt, après qu’il a cédé la chose27. L’article 1612, alinéa 2, du code civil a vocation à reprendre ce tempérament jurisprudentiel. En somme, les accessoires sont moins transmis que dupliqués… Contrairement à ce qui est parfois affirmé28, la transmission de l’action au sous-acquéreur n’a rien d’une faveur pour ce dernier : c’est une contrainte. S’il veut agir contre le vendeur initial, il n’a pas d’autre choix que d’user de l’action contractuelle du sous-acquéreur, ce qui lui ferme la porte de l’action délictuelle, et permet au vendeur initial de lui opposer tous les moyens de défense qu’il peut tirer de son contrat. Cette fois, c’est l’article 1613 de l’avant-projet qui entend graver cette solution dans le marbre de la loi. À cela s’ajoutent des problèmes de prescription d’une complexité sans nom, la Cour de cassation n’ayant pas réussi, jusqu’à présent, à adopter des solutions uniformes29, problèmes que la commission s’est prudemment abstenue d’aborder. Notons simplement qu’il n’est pas rare que le sous-acquéreur hérite d’une action contractuelle d’ores et déjà prescrite, ce qui ne manque pas de sel.

Il serait donc temps de se passer de cette jurisprudence qui, au demeurant, vaut, depuis 1986, pour toutes les chaînes de contrats translatives de propriété, quelle que soit la nature des contrats de la chaîne30. L’angle des articles proposés est donc déjà trop étroit. Cette question doit être traitée dans le cadre de la réforme de la responsabilité civile. Il s’agit d’une hypothèse d’un problème plus large, à savoir celui de la responsabilité du contractant qui, en exécutant mal ses obligations, a causé un dommage à un tiers.

La proposition de l’avant-projet de réforme de la responsabilité civile est, d’ailleurs, sur ce point, cohérente31. Elle imposerait, en principe, au tiers d’agir sur le fondement de la responsabilité délictuelle, à charge pour celui-ci de prouver un fait générateur de responsabilité délictuelle32. Elle autorise, par exception, le tiers ayant un intérêt à l’exécution du contrat, comme le sous-acquéreur ou le sous-locataire, à agir sur le fondement de la responsabilité contractuelle s’il le souhaite, à charge de se soumettre alors au contrat servant de base à cette action. Le système est équilibré, qui préserve les intérêts du tiers victime, sans sacrifier ceux du contractant fautif.

Les articles 1612 et 1613 auraient alors le tort de perpétuer la jurisprudence Lamborghini, en dépit de l’adoption de la réforme de la responsabilité civile33  ! Par exception, le droit spécial de la vente maintiendrait l’impossibilité pour le sous-acquéreur d’agir contre le vendeur initial autrement que par la voie de l’action contractuelle qui lui a été transmise. Les chaînes de vente resteraient alors le dernier bastion de cette jurisprudence, les chaînes translatives de propriété hétérogènes étant soumises, pour leur part, faute de texte spécial les concernant, au droit commun de la responsabilité. L’introduction des articles 1612 et 1613 aurait donc, à terme, des conséquences malheureuses. Certes, dans le silence des textes spéciaux, nul doute que la jurisprudence sur les chaînes de contrats translatives de propriété se maintiendra. Mais, il faut entretenir l’espoir que le législateur se saisisse enfin de la réforme de la responsabilité civile et qu’il traite, globalement, de la question des dommages causés au tiers par un contractant.

Quant à l’article 1614 de l’avant-projet, il se contente, dans son alinéa 1, d’énoncer que les fruits du bien, objet de la vente, profitent à leur propriétaire, ce qui va de soi. C’est en tout cas le sens littéral de cet alinéa, la commission ayant peut-être eu l’intention de dire que les fruits profitent au propriétaire du bien. Dans tous les cas, il n’est pas besoin d’une règle spéciale pour affirmer ce principe. L’article 1614 comprend ensuite, dans son alinéa second, une règle relative à la charge des risques, dont la formulation est curieuse. Cet alinéa énonce en effet que « la perte fortuite du bien est à ses risques », l’adjectif possessif « ses » renvoyant au propriétaire des fruits dont traite l’alinéa 1. De toute façon, la question de la charge des risques est traitée, pour tous les contrats translatifs de propriété, par l’article 1196, alinéa 3. Autant dire que l’article 1614 de l’avant-projet ne s’impose pas avec la force de l’évidence.

Art. 30 (art. 1610 avant-projet modifié) : Lorsque l’objet de la vente est un bien fongible, le transfert de propriété a lieu lors de l’individualisation du bien.

Les biens fongibles sont, notamment, individualisés par leur pesée, leur compte ou leur mesure.

L’article 1609, alinéa 1, de l’avant-projet a pour fonction de consacrer, à nouveau, le transfert de propriété solo contractu. La répétition de cette règle de droit commun n’a pas d’intérêt. Elle ne s’imposait que dans le contexte du droit commun de 1804. De la même manière, il n’est pas utile de donner la permission aux parties à la vente « de retarder le transfert de la propriété jusqu’à la délivrance du bien ou jusqu’au paiement du prix », d’une part, parce que l’article 1196, alinéa 2, précise déjà que le transfert « peut être différé par la volonté des parties, la nature des choses ou par l’effet de la loi ». D’autre part, en raison de l’existence de dispositions propres à la réserve de propriété dans le code civil34. Quant à l’obligation faite à l’acheteur de conserver la chose lorsqu’il est entré en possession de celle-ci avant que le transfert de propriété se soit produit, elle est sans doute nécessaire, mais doit figurer dans la subdivision consacrée aux obligations de l’acheteur. Autant dire que l’article 1609 de l’avant-projet peut ne pas être repris.

Les articles 1610 et 1611 de l’avant-projet traitent, ensuite, des hypothèses dans lesquelles le transfert de propriété est différé en raison de la nature de la chose, ce qu’annonce d’ailleurs l’article 1193, alinéa 2. Au vrai, ces règles, qui concernent, dans l’avant-projet, les biens futurs et les biens fongibles, auraient pu être insérées dans le droit commun des contrats puisqu’elles ne concernent pas tant la vente, en tant que telle, que tous les contrats translatifs de propriété. Toujours est-il qu’elles sont utiles puisqu’elles apportent des précisions que le droit commun ne comporte pas. Leur introduction dans le droit de la vente, archétype du contrat translatif de propriété, n’est donc pas incongrue.

D’abord, l’article 1610 de l’avant-projet a pour objet de clarifier l’actuel article 1585. Lorsque la vente porte sur un bien fongible35, le transfert de propriété est reporté au jour de l’individualisation du bien. La solution est classique. Quant à l’alinéa 2 de l’article 1610, ensuite, il précise que lorsque le bien vendu est une « marchandise » qui se compte, se pèse ou se mesure, l’individualisation a lieu lors du compte, de la pesée ou de la mesure. Là encore, c’est la fidélité au texte de 1804 qui l’a emporté. Pourtant, la dissymétrie entre les deux alinéas étonne. Dans le premier, il est fait référence aux biens fongibles, c’est-à-dire, si l’on en croit le vocabulaire juridique de l’association Capitant, aux biens « qui n’étant déterminés que par leur nombre, leur poids ou leur mesure, peuvent être employés indifféremment l’une pour l’autre dans un paiement ». Or, dans le second, plutôt que de préciser comment se fait l’individualisation des biens fongibles, le texte reprend la référence aux « marchandises » du code de 1804, terme qui, selon le même vocabulaire juridique, vise les « meubles corporels faisant l’objet d’un contrat commercial ». L’utilisation du terme « marchandise » n’a donc pas d’utilité particulière.

Il semble donc nécessaire, dès lors, d’harmoniser les deux alinéas en énonçant, dans le second, que « les biens fongibles sont, notamment, individualisés par leur pesée, leur compte ou leur mesure », l’adverbe « notamment » permettant de ne pas fermer le champ des possibles. En particulier, l’individualisation d’un bien standardisé, pour peu qu’on le considère comme un bien fongible, peut se faire lors de la remise au transporteur, comme le précisait le projet Capitant.

Art. 31 (art. 1611 avant-projet) : Si la vente porte sur un bien futur, le transfert de propriété a lieu dès que le bien vient à exister.

L’article 1611 de l’avant-projet traite de la question du transfert de propriété dans la vente de biens futurs. Reprenant l’article 24 du projet Capitant36, il énonce que si le bien vendu n’existe pas lors de la conclusion du contrat, le transfert de propriété ne pourra se produire qu’au moment où le bien viendra à existence. En soi, cet article n’appelle pas de commentaire. On notera simplement que la cession de créance se singularise, sur ce point, depuis la réforme du droit des sûretés du 15 septembre 2021, le transfert de la propriété de la créance future se faisant à la date de l’acte37. Il n’est pas opportun d’harmoniser les solutions. En effet, si le bien était détruit pendant le processus de fabrication, il ne serait pas juste, qu’en principe, la perte soit pour l’acheteur, celui-ci étant totalement étranger à ce processus. Évidemment, il se pourrait qu’un débat judiciaire survienne sur le moment de l’existence du bien et donc du transfert de propriété et des risques. Reste qu’il n’est ni possible ni souhaitable de tenter de tout prévoir dans un texte, fût-il spécial.

Art. 32 : Si la vente porte sur le bien d’autrui, le transfert de propriété a lieu dès son acquisition par le vendeur.
La vente du bien d’autrui oblige le vendeur à l’acquérir avant le moment prévu pour le transfert de propriété. Le transfert de propriété a lieu dès l’acquisition du bien. En cas d’inexécution de cette obligation, l’acheteur peut mettre fin unilatéralement au contrat sans mise en demeure préalable.

Il est proposé de renverser le principe actuel de nullité de la vente de la chose d’autrui. Celle-ci serait alors conçue comme une variété de vente portant sur une chose future, le vendeur de la chose d’autrui étant alors obligé d’acquérir la propriété de la chose, notamment par une vente ou par l’effet déclaratif d’un partage, sauf à permettre la résolution du contrat par l’acquéreur.
Cette solution rejoint la proposition de l’avant-projet Capitant (art. 19). Par conséquent, la question serait traitée au titre de l’effet translatif de propriété.
Quelques précisions sont apportées. Le moment du transfert de propriété est précisé, afin d’éviter d’éventuels conflits avec des créanciers du vendeur. L’automaticité de la résolution de plein droit serait tempérée en recourant à une résolution par notification, ce qui permettrait de préserver la possibilité, admise actuellement par la jurisprudence, d’acquérir la propriété avant l’action en nullité. La mise en demeure ne serait toutefois pas requise.

Art. 33 (art. 1615 avant-projet) : Il peut être stipulé, au profit du vendeur, une faculté de rachat ; elle lui ouvre le droit de reprendre le bien vendu moyennant restitution du prix, des frais de la vente, des réparations nécessaires et de celles qui ont augmenté la valeur du bien, jusqu’à concurrence de cette augmentation.
À peine de nullité absolue, la faculté de rachat doit être convenue par écrit, pour une durée qui ne peut excéder cinq ans.
Le vendeur qui rachète ne peut entrer en possession qu’après avoir satisfait à toutes ses obligations envers l’acquéreur.

Art. 34 (art. 1616 avant-projet) : Le rachat anéantit les droits acquis par les tiers, ainsi que les charges et servitudes consenties pas l’acquéreur, à l’exception de ceux qui l’ont été avec l’accord du vendeur.
Lorsqu’elle porte sur un immeuble, la faculté de rachat ne peut s’exercer au préjudice d’un tiers que si elle a été publiée au fichier immobilier.

Ces articles n’ont pas fait l’objet d’un examen.

Sous-section 2 : Des obligations du vendeur

L’article 1617 de l’avant-projet (« le vendeur est tenu d’exprimer clairement ce qui se rapporte aux qualités et caractéristiques du bien qu’il cède. Dans cette mesure, les obscurités et ambiguïtés du contrat s’interprètent contre lui ») n’est pas repris. Le contrat de vente ne justifie pas une règle d’interprétation spécifique. De plus, le vendeur a déjà une obligation d’information de droit commun (1112-1) et dans le droit spécial (v. infra, art. 37).

Art. 35 (art. 1618 avant-projet modifié) : Le vendeur a l’obligation de délivrer le bien.
Il doit également garantir l’acheteur contre les défauts affectant le bien et contre l’éviction.

Le terme de « vice » est supprimé. Il est remplacé par celui de « défaut », qui couvre dans la présente proposition aussi bien les « vices » que la non-conformité, v. infra.

§ 1 : De l’obligation de délivrance

Art. 36 (art. 1619 de l’avant-projet modifié) : Le vendeur est tenu de mettre le bien vendu à la disposition de l’acheteur.
Le bien doit être délivré dans l’état où il se trouve au moment de la vente.
L’obligation de délivrer le bien comprend ses accessoires, notamment tout autre bien que requiert son usage.

L’article 36 reprend la formule de l’article 1619 de l’avant-projet. L’obligation de délivrance est définie comme la mise à disposition de l’acheteur du bien vendu. La mention de l’information, qui fait l’objet d’un texte spécifique, est supprimée (v. infra, art. 37). Il est ajouté un deuxième alinéa relatif à l’état du bien vendu. Dans l’avant-projet, l’article 1641 prévoit, au titre de la garantie des vices, qu’« en cas de vente d’un bien d’occasion, le bien doit être délivré dans l’état où il se trouvait au moment de la conclusion de la vente. » Cette disposition relève de l’obligation de délivrance et peut être généralisée. À titre de règle supplétive, il est donc proposé que le bien soit délivré dans l’état où il se trouvait au jour de la vente.

Art. 37 (création) : Le vendeur est tenu de fournir à l’acheteur les informations lui permettant de retirer du bien l’utilité attendue au regard de l’usage qu’il lui aura spécifié.
Le vendeur professionnel est tenu de s’assurer des besoins de l’acheteur et de l’informer de l’adéquation du bien vendu à l’usage projeté.

Dans le prolongement de l’avant-projet, qui intègre expressément l’information dans les accessoires du bien vendu, il est proposé d’ajouter un texte relatif à l’obligation d’information du vendeur, visant spécifiquement l’utilité attendue du bien et son usage, ce qui la démarque de l’obligation générale d’information de l’article 1112-1.

L’article 37 consacrerait ainsi la jurisprudence de la Cour de cassation. D’une part, en définissant clairement l’obligation d’information qui pèse sur tout acheteur ; d’autre part, en prévoyant que le vendeur professionnel est tenu d’une obligation plus rigoureuse de conseil38.

Art. 38 (art. 1620 de l’avant-projet modifié) : La délivrance s’opère principalement par la livraison ou le retirement du bien.
Si, lors de la vente, le bien vendu est déjà détenu par l’acheteur, le seul consentement des parties suffit à opérer la délivrance.

Art. 39 (art. 1621 de l’avant-projet modifié) : Dans le silence du contrat, la délivrance s’opère au lieu où se trouve le bien lors de la conclusion du contrat et dans un délai raisonnable.

Art. 40 (art. 1622 de l’avant-projet) : Les frais de la délivrance sont à la charge du vendeur.

Les articles 38 à 40 reprennent quasiment à l’identique les articles 1620 à 1622 de l’avant-projet.
L’article 38 modifie légèrement l’article 1620 de l’avant-projet, lequel vise de manière étonnante la « puissance de l’acheteur », par écho à l’article 1604 du code civil, dont la rédaction, tirée de Domat, est pourtant abandonnée par l’article 1619. Le terme mériterait d’être modifié, d’autant que l’article 1609, alinéa 3 de l’avant-projet vise la mise en possession du bien. Un souci de pédagogie pourrait justifier que soient mentionnés les modes principaux de délivrance, livraison et retirement, ne serait-ce que pour mettre fin à une confusion historique entre délivrance et livraison.
Les articles 1621 et 1622 sont repris aux articles 39 et 40, sous réserve de modifications purement rédactionnelles.

Art. 41 : La non-conformité du bien aux spécifications du contrat relève exclusivement de la garantie des défauts du bien vendu.

L’article 41 est important. Il indique que la non-conformité du bien n’est pas sanctionnée, au titre de l’inexécution de l’obligation de délivrance, par le droit commun des sanctions contractuelles. La non-conformité relève exclusivement d’une garantie spéciale, mise en place par le paragraphe 2, à savoir la garantie des défauts. A contrario, le défaut de délivrance, la délivrance partielle et le retard dans la délivrance relèvent de l’obligation de délivrance et des sanctions du droit commun.

Cette précision manque à l’actuel avant-projet. Sur le fondement de ce dernier, rien ne pourrait empêcher un plaideur de tenter d’obtenir une sanction du défaut de délivrance conforme, non sur la garantie des vices cachés telle que prévue par cet avant-projet, mais sur le fondement de l’inexécution de l’obligation de délivrance, notamment pour échapper au délai de forclusion de deux ans.

§ 2 : De la garantie des défauts du bien vendu

L’avant-projet fait le choix d’absorber le défaut de délivrance conforme dans la notion de « vice ». Ce choix est contestable pour au moins deux raisons.

- D’abord, parce que l’avant-projet n’exclut pas formellement que le défaut de délivrance conforme soit sanctionné au titre de l’inexécution de l’obligation de délivrance. En somme, des plaideurs pourraient être tentés de contourner le régime spécial de la garantie des « vices » en agissant sur le fondement de l’inexécution de l’obligation de délivrance. C’est là un risque important de contentieux.

- Ensuite, parce que le défaut de conformité n’est pas un « vice ». Autrement dit, si l’on peut considérer que le vice est un défaut de conformité, comme le fait la Convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises, il est beaucoup plus difficile d’admettre que le défaut de conformité serait un « vice ».

Dans la présente proposition, il est donc suggéré de fondre le défaut de conformité et la garantie des vices cachés dans une garantie des « défauts », ce qui était, semble-t-il, l’intention initiale de la commission chargée de rédiger un avant-projet.

Vice et non-conformité sont, en effet, des « défauts » qu’il est important de soumettre à un régime identique afin que cessent les problèmes de frontières que connaît le droit positif.

Art. 42 (art. 1641 avant-projet modifié) : Le vendeur est tenu de garantir l’acheteur des défauts du bien qui existent au moment du transfert des risques.
Le bien vendu présente un défaut lorsqu’il est impropre à l’usage habituellement attendu d’un bien semblable ou lorsque son usage est tellement diminué que l’acheteur ne l’aurait pas acquis ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il avait connu le défaut.
Le bien vendu présente également un défaut lorsqu’il n’est pas conforme aux spécifications du contrat.

Cet article énonce les conditions de fond de la garantie des défauts. Il confirme la proposition de l’avant-projet de mettre fin à la distinction entre défaut de conformité et vice caché et de retenir une conception moniste du défaut. Il ajoute, en revanche, l’hypothèse du vice qui diminue fortement l’usage de la chose, celui-ci devant continuer à donner lieu à la garantie du vendeur.

En outre, il restaure la condition d’antériorité du défaut au transfert des risques, qui est le moment le plus pertinent juridiquement. Dans l’avant-projet, les vices ne sont pas couverts par la garantie lorsqu’ils ne sont pas antérieurs à la délivrance. Ainsi, le moment retenu pour apprécier la condition d’antériorité est différent du droit positif. Actuellement, en effet, le vice doit être antérieur au transfert des risques, c’est-à-dire, dans la plupart des cas, au transfert de propriété. Cette solution est plus opportune que celle proposée, car elle est une conséquence logique de la théorie des risques et de la règle res perit domino. Une fois le transfert des risques intervenu, le vendeur ne saurait être tenu de répondre des défauts de la chose, puisqu’il n’a plus la maîtrise de celle-ci.

Art. 43 (art. 1642 avant-projet modifié) : Le vendeur est tenu des défauts du bien vendu même s’il n’en avait pas connaissance, à moins que, dans ce cas, il soit stipulé, dans le contrat, qu’il ne sera obligé à aucune garantie.
Le vendeur professionnel est présumé, jusqu’à preuve du contraire, connaître ces défauts.

L’article 1642 est maintenu en l’état, sous réserve d’une modernisation de sa formulation. L’affaiblissement de la portée de la présomption de connaissance du défaut pesant sur le vendeur professionnel est digne d’approbation.

Art. 44 (art. 1643 avant-projet modifié) : Le vendeur ne répond pas des défauts apparents ou de ceux dont l’acheteur a eu connaissance.
Est apparent un défaut qu’un acheteur normalement diligent peut déceler au premier examen. À cet égard, il est tenu compte de la qualité de profane ou de professionnel de l’acheteur. L’acheteur professionnel est présumé, jusqu’à preuve contraire, avoir pu déceler le défaut.
Toutefois, lorsque le défaut est apparent dans son principe mais demeure caché à raison de son ampleur ou de ses conséquences, le vendeur en répond.

Sur le fond, l’exclusion des défauts apparents de la garantie due par le vendeur est maintenue.

Toutefois, la formulation est quelque peu modifiée pour réparer un oubli. La garantie des défauts doit être également écartée lorsque l’acheteur a découvert lui-même le défaut ou qu’il en a été informé.

Les exigences afférentes aux réserves que l’acheteur est susceptible de formuler en présence d’un défaut apparent sont supprimées, car elles encadrent trop strictement la possibilité qu’a l’acheteur de mentionner des réserves.

Dans la rédaction proposée de l’article 1643 de l’avant-projet, sont intégrées les précisions relatives à l’appréciation du caractère apparent énoncées à l’article 1643-1 de l’avant-projet. Il est de notre point de vue plus cohérent de regrouper dans une même disposition les règles qui régissent les défauts apparents (caractérisation et conséquences).

Sur le fond, aucune modification n’est proposée. S’agissant de la prise en compte de l’ampleur et des conséquences du défaut, la formulation est quelque peu modifiée.

Art. 45 (avant-projet 1643-2 modifié) : Est assimilé à un vendeur ou un acheteur professionnel toute personne possédant les compétences techniques nécessaires à la connaissance du défaut invoqué.

L’alinéa 1 de l’article 1643-2 de l’avant-projet est supprimé. On rappellera qu’il est suggéré, dans cette réponse à consultation, de renvoyer à la définition du professionnel du code de la consommation : article 24.

L’article 45 consacre une jurisprudence assimilant au vendeur professionnel certains vendeurs disposant de compétences techniques leur permettant d’être réputées avoir eu connaissance du vice. Dans le contexte d’une réforme législative, cette solution pourrait être discutée. D’une part, elle crée un flottement autour de la notion de professionnel, que le renvoi à la définition du code de la consommation visait à supprimer. C’est d’autant plus regrettable que le critère utilisé, celui de la compétence, a été écarté en droit de la consommation. D’autre part, la protection particulière de l’acheteur pourrait être assurée principalement par la technique contractuelle, en évitant la clause, devenue de style, d’exclusion de la garantie des vices cachés dans les contrats de vente immobilière. La suppression de ce texte pourrait donc être envisagée.

Art. 46 (art. 1644 et 1645 avant-projet modifiés) : Quand le vendeur est tenu à garantie, l’acheteur peut provoquer la résolution du contrat, obtenir la réduction du prix ou exiger du vendeur la mise en conformité du bien, dans les conditions prévues par les articles 1217 et suivants.
L’exercice de ce choix n’a pas à être justifié auprès du vendeur.
L’acheteur peut également demander réparation du dommage subi si le vendeur connaissait le défaut affectant le bien.

La possibilité pour l’acheteur de demander au vendeur la mise en conformité du bien plutôt que la résolution de la vente ou la réduction du prix est reprise. En revanche, contrairement à ce que prévoit l’avant-projet, l’acheteur pourrait également imposer la mise en conformité du bien dans les conditions et limites prévues par le droit commun des contrats.

Le principe d’une action indemnitaire ouverte à l’acheteur lorsque le vendeur est de mauvaise foi est, par ailleurs, confirmé.

Art. 47 (art. 1648 avant-projet modifié) : L’action résultant des défauts se prescrit par deux ans.
Ce délai commence à courir à compter du moment où l’acheteur a découvert ou aurait dû découvrir le défaut, sans que l’action puisse être exercée au-delà du délai fixé à l’article 2232 qui court à compter du jour de la vente.
Toute clause contraire est réputée non écrite.

Le délai biennal dans lequel l’acheteur doit agir en garantie contre le vendeur est repris, ainsi que son point de départ. Le délai butoir dans lequel est également enfermée l’action doit être celui de l’article 2232 du code civil, qui prévoit un délai de vingt ans à compter de la naissance du droit. En effet, il n’est pas justifié d’appliquer le délai butoir de dix ans, qui joue notamment en matière de responsabilité du fait des produits défectueux (délai qui court en la matière à compter non pas de la délivrance, mais de la mise en circulation du produit), l’action en garantie des défauts cachés ne s’assimilant pas à une action en responsabilité du fait des produits défectueux.
À l’argument juridique, s’ajoutent plusieurs arguments d’opportunité. D’une part, l’application du délai butoir de vingt ans aurait l’avantage de soumettre à la même règle de délai les ventes civiles et commerciales, aucune raison ne justifiant que le vendeur non-commerçant soit moins bien protégé que le vendeur commerçant. D’autre part, il est très fréquent qu’un défaut se révèle plus de cinq ans, voire plus de dix ans après l’achat de la chose. Mieux vaut alors privilégier le délai butoir le plus long. Cette solution aurait également pour avantage de donner toute sa portée à l’admission de l’action directe en garantie des défauts cachés dans les chaînes de vente, dans l’attente de la réforme de la responsabilité civile. L’existence de ventes successives induit inévitablement l’écoulement d’un certain temps entre la première vente et le moment où l’acquéreur final de la chose l’utilise et découvre le défaut, sans compter le temps nécessaire à l’acquéreur final pour identifier le fabricant, le constructeur ou le vendeur initial de la chose, et donc agir contre lui. Le choix d’un délai butoir plus long accroît les chances de succès d’une telle action directe.

On peut regretter, enfin, que l’avant-projet n’apporte pas de précisions sur le point de départ du délai de vingt ans. La Cour de cassation estime, quant à elle, que le jour de la naissance du droit visé à l’article 2232 du code civil correspond à la date de conclusion du contrat (Civ. 3e, 1er oct. 2020, n° 19-16.986, D. 2020. 2157 , note P.-Y. Gautier ; ibid. 2154, avis P. Brun ; ibid. 2021. 186, point de vue L. Andreu ; ibid. 310, obs. R. Boffa et M. Mekki ). Une telle solution est satisfaisante puisque le droit à garantie de l’acheteur naît dès la conclusion du contrat. En outre, il est plus opportun que le délai butoir ait un point de départ qui soit fixe, et non pas glissant, contrairement à un délai de prescription afin qu’aucune incertitude n’existe quant à la date d’extinction de la garantie des défauts cachés.

Art. 48 (art. 1649 avant-projet) : La garantie des défauts du bien vendu n’a pas lieu dans les ventes faites par autorité de justice et dans les ventes aléatoires.
Les ventes d’animaux font l’objet de dispositions spéciales énoncées dans le code rural aux articles L. 213-1 et suivants.

L’exclusion de la garantie des défauts cachés dans les ventes aléatoires est ajoutée, de même que le renvoi au régime spécial de garantie auquel sont soumises les ventes d’animaux.

Art. 49 (art. 1649 avant-projet modifié) : Le cas échéant, l’existence d’un défaut ne fait pas obstacle au droit de l’acheteur d’agir en nullité du contrat pour vice du consentement.

§ 3 : De la garantie en cas d’éviction de l’acheteur

Pour les explications détaillées des propositions de modification, on se référera aux articles d’Hania Kassoul :

Art. 50 : Le vendeur garantit à l’acheteur l’exercice libre et paisible de son droit de propriété.
La garantie est de droit, que l’éviction soit totale ou partielle.

Art. 51 : Si le trouble émane d’un tiers, la garantie n’est due que si ce dernier fait valoir un droit, antérieur à la vente, qui vient troubler l’acheteur dans l’exercice libre et paisible de son droit de propriété.
Elle n’est pas due si, au moment de la vente, l’acheteur connaissait ou ne pouvait légitimement ignorer le risque d’éviction, ou s’il a acheté à ses risques et périls.

Art. 52 : La clause limitant ou excluant la garantie contre l’éviction du fait personnel du vendeur est réputée non écrite.

Art. 53 : Les parties peuvent stipuler que la garantie contre l’éviction d’un tiers est limitée ou exclue, sans que cette stipulation puisse être opposée par le vendeur ayant eu connaissance, au moment de la vente, de l’existence du risque d’éviction.
La clause est réputée non écrite si elle est conclue en faveur d’un vendeur professionnel, à moins que l’acheteur soit un professionnel.

Art. 54 : Si l’éviction a lieu par l’effet d’une décision exécutoire non contradictoire à l’égard du vendeur, ce dernier est libéré de son obligation de garantie, à moins que l’acheteur ne prouve que les arguments du vendeur n’auraient pas permis d’éviter l’éviction.

Art. 55 : Lorsque l’acheteur n’a pu éviter l’éviction que par le paiement d’une somme d’argent, le vendeur satisfait à son obligation de garantie en lui remboursant cette somme, ainsi que les intérêts et les frais.

Art. 56 : Le vendeur doit restituer à l’acheteur évincé le prix perçu augmenté du taux d’intérêt légal à compter du jour de la vente, nonobstant toute stipulation contraire.
La restitution n’est pas due si l’acheteur connaissait l’existence du risque d’éviction au moment de la vente, ne pouvait légitimement l’ignorer, ou qu’il a acheté à ses risques et périls.

Art. 57 : L’acheteur évincé peut demander au vendeur :

  • soit la restitution de la valeur du bien au jour de l’éviction, augmentée du taux d’intérêt légal à compter de la vente, sans que le montant total ne puisse être inférieur au prix de vente ;
  • soit, la restitution du prix de vente augmenté du taux d’intérêt légal à compter de la vente et du montant des dépenses nécessaires ou utiles.

Si l’éviction n’est que partielle, la restitution s’applique à la portion du bien dont l’acheteur est évincé, à moins que celui-ci ne préfère demander la résolution du contrat.

Art. 58 : L’acheteur évincé a également droit :

  • 1. au remboursement de tous les frais engagés par lui afin de mettre en œuvre la garantie du vendeur et, le cas échéant, à toutes les sommes qu’il a été condamné à verser au propriétaire ;
  • 2. au remboursement des frais et loyaux coûts du contrat ;
  • 3. à des dommages et intérêts en cas de faute du vendeur.

Sous-section 2 : Des obligations de l’acheteur

Art. 59 (art. 1651 avant-projet modifié) : L’acheteur a deux obligations, celle de payer le prix et celle de retirer le bien.

Si l’acheteur est mis en possession du bien avant le transfert de propriété, il a l’obligation de le conserver.

L’article 59 propose de supprimer la référence aux obligations « essentielles » de l’acheteur. En soi, une telle référence est intéressante, en ce qu’elle renvoie directement à l’article 1170 du code civil. Néanmoins, elle est à même de susciter une interprétation discutable du texte, suivant que les obligations ont été expressément ou non qualifiées d’essentielles. Il ne faudrait pas, en effet, que l’on puisse prétexter que telle obligation du bailleur ou du vendeur ne serait pas essentielle, au sens de ce texte, au seul motif qu’elle n’est pas expressément qualifiée ainsi dans le droit des contrats spéciaux. Par conséquent, loin d’écarter le caractère essentiel des obligations de l’acheteur, la suppression de cette mention rend au juge le pouvoir de déterminer l’étendue des obligations essentielles du contractant dans l’application de l’article 1170 du code civil.

L’article 1609, alinéa 3, qui concerne les obligations de l’acheteur, a été ajouté à l’article 59.

Art. 60 (art. 1652 avant-projet) : Il doit également l’intérêt du prix de la vente jusqu’au paiement du principal, soit s’il en a été convenu ainsi lors de la vente, soit si le bien vendu et livré a produit des fruits.

Art. 61 (art. 1653 avant-projet modifié) : Les frais de retirement, les frais d’acte et autres accessoires de la vente sont à la charge de l’acheteur.

L’article 1608, qui énonce que « les frais d’actes et autres accessoires à la vente sont, sauf stipulation contraire, à la charge de l’acheteur », a été fusionné à l’article 1653. La mention de la stipulation contraire a été supprimée, conformément aux directives suivies dans cette proposition : v. dispositions liminaires).

Art. 62 (art. 1654 de l’avant-projet) : L’acheteur est fondé à ne pas retirer le bien si celui-ci est affecté d’un défaut apparent.

Art. 63 (art. 1655 de l’avant-projet modifié) : Dans le silence du contrat, les obligations de l’acheteur doivent être exécutées au lieu et au moment de la délivrance, après l’exécution de celle-ci.

L’alinéa 1 de l’article 1655 de l’avant-projet, qui énonce que « Les obligations de l’acheteur doivent être exécutées au lieu et au moment convenus par les parties », n’a pas été repris. Il n’a pas de portée normative puisqu’il se contente de renvoyer à la volonté des parties.

Art. 64 (art. 1656 de l’avant-projet) : En matière de vente de biens périssables, la résolution de la vente aura lieu de plein droit et sans sommation, au profit du vendeur, après l’expiration du terme convenu pour le retirement.

Chapitre 2 : Dispositions propres à certaines ventes

Section 1 : Des ventes d’immeubles

Sous-section 1 : Des promesses de vendre ou d’acheter (non modifiée)

Art. 65 (1657 avant-projet). – Est nulle, de nullité relative, toute offre ou toute promesse unilatérale d’achat souscrite en vue de l’acquisition d’un bien ou d’un droit immobilier pour lequel il est exigé ou reçu de celui qui s’engage un versement, quelle qu’en soit la cause et la forme.
En pareil cas, le bénéficiaire de la promesse est tenu de restituer au promettant le double du versement exigé ou reçu.

Art. 66 (1658 avant-projet modifié). – La promesse synallagmatique de vente d’immeuble doit être réitérée devant notaire dans un délai d’un an à compter de sa signature, sauf autre délai convenu entre les parties. À défaut, et en l’absence de demande en justice visant à faire constater la vente, elle est caduque, sans préjudice des clauses destinées à produire effet en cas de non-réitération.

L’article 1658 de l’avant-projet est destiné à libérer automatiquement les parties lorsque l’une d’elles refuse de se rendre chez le notaire, en violation de sa promesse. En droit positif, en effet, le vendeur, confronté par exemple au refus de réitérer de l’acquéreur, est prisonnier du contrat qu’il a signé. Sauf à résoudre unilatéralement le contrat à ses risques et périls, il doit agir en justice pour obtenir la résolution ou s’entendre avec l’acquéreur pour résoudre à l’amiable le contrat. L’acquéreur utilise alors souvent sa position de force pour obtenir, par exemple, une réduction du montant de la clause pénale. La caducité permettra ainsi d’éviter ce type de blocage, le vendeur retrouvant sa liberté au bout du délai contractuel prévu ou, à défaut, au bout d’un an. La question pourrait toutefois se poser de savoir si certaines clauses du contrat peuvent, ou non, survivre à la caducité, notamment pour sanctionner celui qui, par son mauvais vouloir, a empêché la réitération.

La Cour de cassation a certes déjà décidé que « que la caducité n’affect(e) pas la clause pénale qui devait précisément produire effet en cas de non-réitération de la vente en la forme authentique dans le délai stipulé, par suite de la défaillance fautive de l’une des parties » (Civ. 3e, 11 janv. 2011, n° 10-10.038). Il pourrait toutefois être utile de consacrer cette solution et de l’étendre à toutes les clauses qui ont vocation à jouer en cas de non-réitération, à l’image de ce qu’énonce l’article 1230 du code civil à propos de la résolution.

Sous-section 2 : De la révision pour cause de lésion

La réforme des contrats spéciaux pourrait être l’occasion d’opter pour une suppression pure et simple de la lésion dans les ventes d’immeuble. Cela pour deux raisons : la disharmonie affichée de la notion de lésion, d’une part, et l’anachronisme de la protection du vendeur dans la législation des ventes d’immeuble, d’autre part. Force est de constater en effet qu’en la matière, l’acquéreur seul a les faveurs du législateur contemporain. Réintroduite dans le code civil après l’intermède révolutionnaire, la rescision pour lésion dans la vente immobilière fait figure de legs historique dont le rattachement à une mesure d’équité ne se justifie plus guère désormais. La question de la justice contractuelle est sans doute traitée plus efficacement au stade du droit commun du contrat ou, du moins, de droits transversaux (droit de la consommation ; droit des pratiques restrictives de concurrence), plutôt que dans un type de contrat spécifique.

L’option d’une suppression de l’action en révision pour lésion ne doit pas être balayée d’un revers de la main. Une étude d’impact de la lésion dans la vente d’immeuble mériterait d’être réalisée, afin d’apprécier l’intérêt de conserver cette mesure de protection du vendeur, qui est maintenue ici par tradition.

Quoi qu’il en soit, les articles 1673 à 1681 de l’avant-projet sont totalement refondus, la présente réponse à consultation proposant de consacrer une révision pour cause de lésion et non une rescision.

Art. 67 : Si la vente d’un immeuble a été conclue à un prix inférieur aux cinq douzièmes de sa valeur, le vendeur peut demander au juge la révision du prix selon les conditions prévues ci-après.

Art. 68 : Le prix révisé ne pourra excéder la valeur de l’immeuble appréciée au jour du jugement définitif.
Le complément de prix produit des intérêts à compter du jour où le jugement est devenu exécutoire.

Les articles 67 et 68 ont vocation à simplifier et à réduire la portée de la lésion. Pour davantage de cohérence avec le droit commun, notamment l’article 1169 qui prévoit la nullité du contrat en présence d’une « contrepartie illusoire ou dérisoire », le déséquilibre ici présenté ne pourra avoir pour conséquence qu’une modification du prix de vente. Aussi le juge ne pourrait-il, si le seuil lésionnaire était atteint, que procéder à une augmentation du prix.

Cette faculté de révision sera néanmoins significativement restreinte. Au même titre que le juge ne peut réviser le montant de la clause pénale à un montant inférieur au préjudice effectivement subi39, le prix ne pourra pas, dans le présent contexte, excéder la valeur du bien.

La suppression de la rescision a pour finalité de neutraliser définitivement la problématique liée à la sécurité des échanges et des transferts. L’institution actuelle permet en effet au vendeur lésé d’agir, dans un délai de deux ans, en rescision. Toutefois, le choix de la restitution de l’immeuble ou du paiement du juste prix, qui, lui, appartient à l’acheteur, n’est pas automatiquement enfermé dans un délai. De la sorte, si le jugement ne prévoit pas un délai pour opter, le vendeur peut demeurer dans l’incertitude durant des années. Si la Cour de cassation a estimé récemment que le choix était tout de même soumis à un délai raisonnable, il avait été jugé qu’un délai de quatre années n’était, justement, pas déraisonnable40.

Il n’y a pas lieu, en revanche, de maintenir la règle selon laquelle le juge devra déduire du juste prix une somme équivalente à 10 % du prix total. S’il est des cas où les acquéreurs auraient, effectivement, acheté à un prix inférieur à la valeur de l’immeuble, cette hypothèse ne saurait être généralisée.

Par ailleurs, la suppression de la faculté de rescision rejoint certaines hypothèses existantes de révision pour lésion, sans qu’il soit possible pour le juge de prononcer la nullité (ou la rescision) du contrat lésionnaire : en matière de cession d’exploitation d’une œuvre de l’esprit41 ou d’achat d’engrais et de semences42.

Art. 69 : La lésion est appréciée suivant l’état et la valeur de l’immeuble au jour de la vente, même lorsque la vente ou la promesse est conclue sous condition suspensive.
Dans le cas d’une promesse unilatérale de vente, la lésion s’apprécie au jour de la levée d’option.
Dans le cas d’une promesse synallagmatique ne valant pas vente, la lésion s’apprécie au jour de la réalisation de la condition à laquelle les parties ont subordonné leur engagement.

Art. 70 : L’action doit être exercée, sous peine de forclusion, dans un délai de deux ans à compter de la vente.
Ce délai court et n’est pas suspendu pendant la durée du temps stipulé pour le pacte de rachat.

L’article 69 maintient le principe de l’évaluation de la valeur au jour de l’échange des consentements. Le déséquilibre doit être apprécié au moment de la conclusion de la vente.

Par application du principe, le déséquilibre en matière de promesse unilatérale doit s’apprécier au jour de la levée de l’option puisque la vente n’a lieu qu’à ce moment. De la même façon, dans le cadre d’une vente et d’une promesse conclue sous condition suspensive, le déséquilibre doit s’apprécier au jour de la conclusion du contrat, la condition n’affectant que les effets d’une vente ou d’une promesse valablement conclue. Cette modification permettrait, par ailleurs, contrairement au droit positif, d’unifier la date d’appréciation du déséquilibre avec le point de départ du délai de l’action.

En outre, dans le cadre d’une promesse synallagmatique ne valant pas vente, les parties ayant subordonné leur engagement à une condition spécifique, la date de l’estimation doit être reportée à la réalisation de celle-ci.

Enfin, la nature du délai de deux ans, conservé par la commission à l’article 1676, mériterait d’être précisée. Si celle-ci avait pu susciter des interrogations, tant en doctrine43 qu’en jurisprudence44, la chose est désormais certaine. Aussi la Cour de cassation fait désormais toujours état d’un délai préfix, lequel ne peut être suspendu et est sanctionné par une forclusion45.

Art. 71 : S’il y a plusieurs vendeurs, l’action de l’un profite à tous.

Dans la mesure où la faculté de rescision aurait disparu, il serait opportun de maintenir le principe d’indivisibilité de l’action prévu par la commission en présence de plusieurs vendeurs.

Art. 72 : Le déséquilibre n’est sanctionné ni dans les ventes faites par autorité de justice ni dans les ventes aléatoires sauf lorsque les circonstances donnent au juge le moyen de déterminer la valeur des obligations soumises à l’aléa.

Si, de manière générale, il est exact que le caractère aléatoire de certains contrats empêche nécessairement leur révision, car le déséquilibre a été précisément accepté par les contractants46, tels que les contrats de jeu, de pari ou bien de loterie. Toujours est-il que l’aléa n’exclut pas toujours tout à fait la lésion lorsqu’il devient possible de comparer les prestations des cocontractants47. La jurisprudence considère ainsi, depuis 1937, que « la rescision reste possible lorsque les circonstances donnent au juge le moyen de déterminer la valeur des obligations soumises à l’aléa »48. Le contrat de vente avec pour contrepartie une rente viagère en est un exemple topique.

Par exemple, la lésion a pu jouer lorsque, initialement fixé en capital, le prix de vente a été converti en rente viagère, celle-ci n’était plus dès lors qualifiée que de modalité de paiement.

Sous-Section 3 : De la contenance de l’immeuble

Art. 73 : Le vendeur est tenu de délivrer la contenance de l’immeuble telle qu’elle est portée au contrat.
La différence entre la contenance promise et la contenance délivrée relève exclusivement du régime de la garantie des défauts des articles 40 et suivants.

La garantie de contenance est actuellement prévue aux articles 1616 et suivants du code civil. L’avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux prévoit d’en déplacer le contenu au sein de la section relative aux ventes immobilières, suivant en cela l’évolution de la jurisprudence.

Le dispositif de la garantie de contenance est, en droit positif, supplétif de volonté, sauf à l’égard des vendeurs professionnels ou ayant commis une faute lourde ou dolosive49. L’avant-projet de réforme propose de maintenir cette situation, au risque de faire perdurer un effet pervers déjà dénoncé.

En effet, de manière paradoxale, les articles 1618 et 1619 du code civil permettent aux vendeurs professionnels de s’exonérer de leur obligation de délivrance dès lors que la différence entre la superficie convenue et celle délivrée n’excède pas 5 %50.

Or, la suppression de la garantie de contenance n’entraînerait aucune différence sensible de régime, tout en limitant les possibilités d’exonération conventionnelle. Il suffirait, pour ce faire, de soumettre l’action consécutive à la délivrance d’une contenance insuffisante au régime de la garantie des défauts de l’article 40. Les recours de l’acheteur déçu seraient préservés, et l’unification des régimes d’action limiterait les conflits de qualification.

Section 2 : De la cession de droits litigieux (non étudié)

Art. 74 (art. 1686 de l’avant-projet). – En cas de cession d’un droit litigieux, le débiteur peut exercer un droit de retrait auprès du cessionnaire en lui remboursant le prix de la cession avec les frais et loyaux coûts et les intérêts à compter du jour où le cessionnaire a payé le prix.

Art. 75 (art. 1687 de l’avant-projet). – Un droit est litigieux dès lors que, au moment de sa cession et de l’exercice du droit de retrait par le débiteur, il y a procès sur le fond du droit.
Il n’est pas litigieux si le litige ne porte que sur un ou plusieurs de ses accessoires.

Art. 76 (art. 1688 de l’avant-projet). – Le droit de retrait ne peut être exercé par le débiteur cédé que s’il est défendeur à l’action ayant rendu litigieux le droit cédé.

Art. 77 (art. 1689 de l’avant-projet) : Une cession globale de droits litigieux ne fait pas obstacle à l’exercice du droit de retrait à l’égard d’un droit qui y est inclus, à condition que son prix soit déterminable.

Art. 78 (art. 1690 de l’avant-projet) : Si le droit litigieux est l’accessoire d’un droit principal, il ne peut faire l’objet d’un droit de retrait.

Art. 79 (art. 1691 de l’avant-projet) : Le droit de retrait ne peut être exercé lorsque la cession est faite à un créancier en paiement de ce qui lui est dû, ou à un cohéritier ou un copropriétaire du droit litigieux, ou encore au possesseur du bien qui est l’objet du droit cédé.

Art. 80 (art. 1692 de l’avant-projet) : Les magistrats, les greffiers, les huissiers, les avocats ainsi que les notaires ne peuvent devenir cessionnaires de droits, objets d’un litige né ou à naître, qui ressortissent de la compétence d’un tribunal dans le ressort duquel ils exercent leurs fonctions, à peine de nullité absolue de la cession.

Titre IX : Du contrat de location

Chapitre 1 : Dispositions communes à toutes les locations

Art. 1er (art. 1709 avant-projet modifié) : La location, aussi dénommée bail, est le contrat par lequel le loueur, ou bailleur, assure la jouissance paisible d’un bien au locataire, ou preneur, en contrepartie du paiement d’un loyer.

Art. 2 (art. 1710 avant-projet modifié) : Le loyer consiste en une somme d’argent. Il peut être complété par la vente d’un bien ou la fourniture d’un service. En ces cas, les règles prescrites en matière de vente ou d’entreprise s’appliquent en tant que de raison.

Art. 3 (art. 1711 avant-projet modifié) : Le locataire fait les fruits siens, sauf stipulation contraire ou sous-location interdite.

Art. 4 (art. 1712 avant-projet modifié) : Le bien loué peut être mobilier ou immobilier, corporel ou incorporel, sous réserve des adaptations rendues nécessaires par la nature du bien et les dispositions particulières qui s’y appliquent.

(Alinéa supprimé) Lorsque la location porte sur une chose incorporelle, et que les parties ont manqué à y adapter les modalités d’exécution du contrat, notamment quant à la délivrance, l’usage et la restitution, les règles du présent titre s’appliquent autant qu’elles sont compatibles avec la nature de la chose louée.

La définition du contrat de location donnée par l’avant-projet appelle plusieurs remarques.

D’abord, si le maintien de la double appellation, location ou bail, est une bonne chose, on s’étonne toutefois que la définition de la location mette en regard le locataire et le bailleur, plutôt que le locataire et le loueur, d’une part, ou le preneur et le bailleur, d’autre part. La commission s’en explique en disant que le terme « preneur » est « trop connoté par la matière immobilière » et que le terme « loueur » fait « trop référence à la profession exercée (loueur de voitures, loueur de costumes…) »51. Reste que mélanger les terminologies nuit à l’accessibilité des dispositions et à la précision du vocabulaire juridique, auquel la commission a pourtant semblé marquer son attachement puisqu’elle a réinstauré le terme de « commodat ».

Ensuite, la définition du contrat de location peut être améliorée, l’obligation principale du loueur étant assez mal mise en valeur. L’article 1709 de l’avant-projet, dans sa version initiale, se contentait de dire que le loueur devait « mettre une chose à disposition du locataire », sans mentionner l’obligation qu’a ce dernier d’assurer la jouissance paisible de la chose. Cette définition n’était donc pas en cohérence avec les textes suivants. En effet, la mise à disposition de la chose est la définition que donne l’article 1721 de l’avant-projet de l’obligation de délivrance52, laquelle n’est, aux termes mêmes de l’avant-projet, qu’une des facettes de l’obligation d’assurer la jouissance paisible de la chose qui pèse sur le bailleur53. Autrement dit, c’est l’obligation d’assurer la jouissance paisible de la chose, obligation principale du bailleur, qui doit figurer dans la définition de la location, en regard de celle de payer le loyer, qui pèse sur le locataire. Certes, dans la version soumise à consultation, une référence à l’obligation de jouissance paisible a été ajoutée in extremis, sans que la commission ne fournisse d’explication sur l’omission initiale. Toutefois, la formulation de la définition est imparfaite, qui fait de la jouissance une simple conséquence de la mise à disposition, alors que la mise à disposition est une composante de la jouissance.

Enfin, par fidélité au texte de 1804, la définition proposée mentionne toujours l’obligation de fournir la chose « pendant un certain temps ». Cette mention est inutile, sachant que l’obligation d’assurer la jouissance paisible d’une chose, archétype de la prestation à utilité continue54, ne se conçoit que dans la durée. C’est dire qu’il est quasiment tautologique de préciser que le contrat de location suppose une « certaine durée », la location à exécution instantanée n’ayant pas de sens. Cette référence au « temps » a été insérée, aux dires de la commission, pour permettre de requalifier en convention d’occupation précaire les contrats dans lesquels le locataire n’a « aucune certitude quant à la stabilité de sa jouissance »55. Cette explication peut ne pas convaincre. Une convention d’occupation, quoique précaire, permet bien d’obtenir la jouissance « pendant un certain temps », de sorte que le texte proposé n’a pas l’intérêt que la commission lui prête.

La définition proposée dans l’article 1er tient compte de ces remarques : l’obligation essentielle du loueur (jouissance paisible) et celle du locataire (loyer) sont mises en regard ; la référence à la durée est supprimée et la double appellation des parties (loueur/bailleur et locataire/preneur) est mentionnée à des fins pédagogiques. Dans la suite des textes, ce sont les termes « loueur »/« locataire » qui sont systématiquement utilisés, car ils sont plus accessibles.

Dans l’article 2, la mention directe de la vente d’un bien, qui peut compléter un loyer, est préférée à celle, plus ambiguë, de « fourniture d’un bien », utilisée dans l’article 1710 de l’avant-projet.

Quant à l’article 3, il simplifie l’article 1712 de l’avant-projet, son objet étant toujours de préciser que la location peut porter sur tout type de choses, avec les adaptations qu’imposent la nature de la chose et les règles spéciales propres à celle-ci.

Section 1 : De la formation de la location

Art. 5 (art. 1713 modifié) : Le contrat de location est formé dès que les parties sont convenues du bien et du loyer.
Les dispositions des articles [27 à 29] sont applicables au loyer.

Les articles 1714, 1715 et 1716 de l’avant-projet, qui ne font qu’appliquer au contrat de location des règles du droit commun des contrats, sont supprimés.

De la même manière, préciser que le contrat de location est consensuel, comme le fait l’article 1713 in limine n’a pas d’intérêt, le droit commun précisant suffisant que tous les contrats sont, en principe, consensuels.
L’article 1713 est, en revanche, conservé pour le surplus. Il a le mérite de préciser que le loyer et la chose sont des éléments essentiels du contrat de location au sens de l’article 1114 du code civil. Il fait écho à l’article 20 relatif aux éléments essentiels de la vente. En leur absence, le contrat de location est donc nul.

Bien évidemment, les règles relatives à la détermination ou à la déterminabilité d’une prestation (art. 1163 du code civil) sont applicables à la chose et au loyer, dans le silence du droit spécial. Malheureusement, certaines règles relatives à la fixation du prix n’étant prévues, même après la réforme de 2016, que dans le droit de la vente, il est nécessaire d’y effectuer un renvoi exprès.

Section 2 : Des effets de la location

Sous-section 1 : Des obligations du loueur

Remarques générales sur la sous-section 1. Il est proposé de reconstruire les obligations du loueur autour de deux obligations essentielles : l’obligation de délivrance et l’obligation d’assurer au locataire la jouissance paisible du bien loué tout au long du contrat. Ces deux obligations, distinguées par un critère chronologique, présentent évidemment un lien de continuité. Contrairement à l’avant-projet, il a paru préférable de ne pas les rattacher à une obligation matricielle, dont le statut et le régime demeureraient indéterminés. Par conséquent, la référence à une obligation générique, celle « d’assurer au locataire la jouissance paisible de la chose louée », qui transcenderait les quatre obligations, est abandonnée au profit de deux obligations connexes, mais distinctes. Au sein de ces deux obligations, divers aménagements sont possibles, dans le prolongement de la jurisprudence actuelle.
Le texte d’annonce n’apportant aucune plus-value au regard des obligations ci-après développées, il est proposé de le supprimer.

§ 1 - De l’obligation de délivrance du bien loué

Art. 6 (art. 1721 de l’avant-projet modifié) : Le loueur est tenu de mettre le bien loué à la disposition du locataire.
L’obligation de délivrance du bien emporte celle de ses accessoires, notamment tout autre bien que requiert son usage.

Art. 7 (création) : Le loueur est tenu de fournir à l’acheteur les informations lui permettant de retirer du bien l’utilité attendue au regard de l’usage convenu.

Il est proposé d’ajouter un texte relatif à l’obligation d’information du bailleur. Une telle obligation d’information est déjà admise dans de nombreux textes spéciaux et il paraît opportun de la formaliser dans un texte qui ne recoupe pas le droit commun de l’obligation précontractuelle (C. civ., art. 1112-1). Contrairement à la vente (v. art. 37, al. 2), un renforcement de l’obligation à la charge du bailleur professionnel ne s’impose pas, considérant la multiplicité des régimes spéciaux du bail.

Art. 8 (art. 1722 de l’avant-projet modifié) : Le loueur est tenu de délivrer un bien propre à servir à l’usage convenu et en bon état de réparations de toute espèce.
L’état du bien loué est dressé contradictoirement et par écrit. À défaut, le bien est présumé avoir été délivré en bon état apparent.

Modification rédactionnelle du premier alinéa. La formule « en bon état de réparations de toute espèce » est connue et mérite d’être conservée.
La règle supplétive relative à l’état des lieux apparaît pertinente, généralisant sans contraindre, au niveau des règles communes au bail, une exigence posée à titre impératif par de nombreux statuts spéciaux (v. not., C. com., art. L. 145-40-1 ; L. 6 juill. 1989, art. 3-2).

Art. 8 (art. 1723 de l’avant-projet modifié) : Dans le silence du contrat, la délivrance s’opère au lieu où se trouve le bien lors de la conclusion du contrat et dans un délai raisonnable.

Art. 9 (art. 1724 de l’avant-projet) : Les frais de la délivrance sont à la charge du loueur.

Les articles 8 et 9 reprennent, sous réserve de modifications purement rédactionnelles de concordance avec le droit de la vente, les articles 1723 et 1724 de l’avant-projet.

§ 2 – De l’obligation d’assurer au locataire la jouissance paisible du bien loué

Art. 10 (art. 1725 de l’avant-projet modifié) : Le loueur est tenu d’assurer au locataire la jouissance paisible du bien loué tout au long du contrat.
À ce titre, le loueur entretient la chose en l’état de servir à l’usage convenu.
Il est notamment tenu de toutes les mesures de remise en état devenues nécessaires au cours du contrat, hormis les mesures d’entretien courant.

Prenant la suite, chronologiquement, de l’obligation de délivrance, l’obligation d’assurer au locataire la jouissance paisible du bien loué est définie à l’article 10. Elle renferme nécessairement l’obligation d’entretien laquelle, ne présentant plus d’autonomie, constituerait seulement une modalité d’application.

Par ailleurs, il est proposé de ne pas reprendre les articles 1725-1 et 1725-2 de l’avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux.

D’une part, s’agissant de l’article 1725-1, sa suppression découle de la redéfinition des obligations du loueur. La suppression de la garantie des vices (v. infra) ne rend plus nécessaire sa distinction avec l’obligation d’entretien, les deux relevant de l’obligation générale visée à l’article 1725.

D’autre part, s’agissant de l’article 1725-2, l’ajout de la disposition suivant laquelle « sauf stipulation contraire, les travaux prescrits par l’autorité administrative sont à la charge du bailleur » permettrait de consacrer dans la loi une jurisprudence constante (v. not., Civ. 3e, 13 juill. 1994, n° 91-22.260, AJDI 1994. 835 , obs. J.-P. Blatter ; 10 mai 2001, n° 96-22.442, D. 2001. 3523 , obs. L. Rozès ; 28 sept. 2005, n° 04-14.577, AJDI 2006. 114 , obs. V. Zalewski ). Son utilité n’est toutefois pas certaine, dans la mesure où la Cour de cassation l’avait déduite de l’obligation d’entretien (visa de l’art. 1719, 2°, c. civ.). La réserve, ajoutée par la commission, de travaux requis « pour rendre le bien conforme à sa destination contractuelle », aboutirait à restreindre la portée de la jurisprudence actuelle. Il ne paraît donc pas nécessaire de maintenir ce texte, « les travaux prescrits par l’autorité administrative » ressortissant à la catégorie des « mesures de remise en état devenues nécessaires au cours du contrat ».

Enfin, il est proposé de déplacer l’article 1725-3 de l’avant-projet au titre des obligations du locataire. L’obligation faite au locataire d’avoir à supporter les travaux réalisés sur le bien loué relève d’une modalité particulière de son obligation de jouir de la chose en personne raisonnable. Il paraît préférable de déplacer ce texte dans la sous-section relative aux obligations du locataire.

Sur la garantie des vices cachés dans le bail

Il est proposé de supprimer la garantie des vices cachés dans le bail (art. 1726 à 1726-2 de l’avant-projet). Les vices cachés ou apparents relèveraient du régime commun à l’obligation d’assurer la jouissance paisible du bien loué.

Dans l’hypothèse d’un vice existant au jour de la délivrance, l’action pourrait être fondée sur un manquement à l’obligation de délivrer un bien propre à l’usage convenu voire, si la question n’a pas été réglée autrement, en bon état de réparation. La différence entre vice caché et vice apparent qui figure dans l’avant-projet (art. 1726) serait donc abandonnée au profit d’une distinction suivant la gravité du vice, et son incidence sur l’usage de la chose louée.

Dans l’hypothèse d’un vice apparu en cours de bail, il faudra démontrer que celui-ci empêche le locataire de jouir paisiblement du bien loué.

En toute hypothèse, les sanctions du droit commun sont applicables, le locataire pouvant en principe solliciter qu’il soit remédié au vice.

Art. 11 (art. 1728 de l’avant-projet modifié) : Le loueur est tenu de faire cesser les troubles que cause au locataire quiconque invoque un droit limitant ou entravant sa jouissance paisible du bien, dès lors que ces troubles lui ont été dénoncés en temps utile.

Art. 12 (art. 1729 de l’avant-projet modifié) : Le loueur n’est pas tenu des troubles que des tiers apportent à sa jouissance paisible par des voies de fait, à moins qu’il soit légalement ou contractuellement en mesure de prévenir ou de faire cesser le trouble.

Sur la garantie des troubles dans le bail

La garantie des troubles causés par le fait du bailleur est nécessairement intégrée au sein de l’obligation d’assurer la jouissance paisible du bien loué. Il ne saurait en effet être question, pour le bailleur, de faire supporter au locataire des charges non prévues dans le contrat initial, de modifier la forme du bien loué. La question des travaux rendus nécessaires par l’entretien peut être traitée au titre des obligations du preneur. Par conséquent, il n’est pas nécessaire de prévoir, comme le fait l’article 1727 de l’avant-projet, une garantie personnelle des troubles de droit. Il est proposé sa suppression. Subsisteraient alors deux textes, relatifs aux troubles causés par des tiers.

Quant aux troubles de droit, d’une part, l’article 11 (art. 1728 de l’avant-projet modifié) tire les conséquences de la disparition d’une « garantie d’éviction » dans le contrat de bail, en les rattachant directement à l’obligation d’assurer au locataire la jouissance paisible du bien loué. Il est utile de préciser, comme le fait l’avant-projet, que le bailleur est tenu de faire cesser les troubles de droit causés au locataire dans la stricte limite où celui-ci les lui a fait connaître en temps utile.

Quant aux troubles de fait, d’autre part, l’article 12 (art. 1729 de l’avant-projet modifié) traite des troubles de fait causés par un tiers. En son absence, l’obligation d’assurer la jouissance paisible du bien ne céderait, en l’absence de clause contraire, qu’en cas de force majeure. Or il paraît préférable que les risques de faits commis par un tiers soient supportés par le locataire, qui est le mieux à même de s’assurer et de mettre en œuvre les mesures appropriées (par ex., un vol au sein du local loué, sauf à montrer que le bailleur a favorisé l’entrée de tiers par son comportement).

Il en va différemment dès lors que le bailleur disposait d’un pouvoir de prévenir ou de faire cesser le trouble (par ex., un vol commis par des salariés du preneur, à l’occasion d’une mission au sein du local loué). Dans ce cas, et de nouveau sauf clause contraire, il paraît logique de lui faire supporter la charge de tels troubles.

Titre XI : Des prêts

Art. 1er (art. 1874 avant-projet) : Il y a deux sortes de prêt :
Celui des biens dont on peut user sans les détruire ;
Et celui des biens qui se consomment par l’usage qu’on en fait.
La première espèce s’appelle « prêt à usage » ou commodat.
La seconde s’appelle « prêt de consommation » et peut donner lieu à la perception d’intérêts.

Chapitre 1 : Du prêt à usage ou commodat

Art. 2 (art. 1875 avant-projet) : Le prêt à usage est le contrat par lequel le prêteur remet, à titre gratuit, un bien à l’emprunteur pour s’en servir, à charge de la rendre.
L’emprunteur ne fait pas les fruits siens, sauf si la nature du bien le commande ou si le prêteur l’y autorise.

Art. 3 (art. 1876 avant-projet) : Ce prêt peut être intéressé ou désintéressé.
Le prêt est intéressé lorsque le prêteur agit, au su de l’emprunteur, en vue de l’obtention d’un avantage économique.
Le prêt fait par le prêteur dans le cadre de son activité professionnelle est présumé intéressé.

Section 1 : De la formation du prêt à usage

Art. 4 (art. 1877 avant-projet modifié) : Le prêt intéressé est consensuel.
Le prêt désintéressé est réel. Il est consensuel lorsque l’emprunteur est déjà en possession du bien.

Art. 5 (art. 1878 avant-projet modifié) : Le prêt à usage peut porter sur un bien corporel ou incorporel.

Dans l’article 4, la dualité du prêt à usage, proposée par l’article 1877 de l’avant-projet, est conservée tandis que le texte est quelque peu modifié. En effet, la précision selon laquelle la formation du prêt désintéressé requiert, outre l’accord des parties, la remise de la chose à l’emprunteur, est supprimée pour une meilleure articulation entre le droit commun et le droit des contrats spéciaux.

La dernière phrase de l’article est remplacée pour éviter l’expression « le consentement des parties vaut remise ». La même formulation pourrait être retenue pour le contrat de dépôt.

L’article 1920 serait ainsi modifié : « Le dépôt est un contrat réel. Il est consensuel lorsque le dépositaire est déjà en possession du bien ».

S’agissant de l’article 5, qui correspond à l’article 1878 de l’avant-projet, il ne comporte plus qu’un seul alinéa afin d’éviter, là encore, que ne soit rappelé ce que le droit commun des contrats dispose déjà.

Les dispositions relatives à la promesse de prêt (art. 1877-1 et 1877-2) seraient, quant à elles, supprimées au bénéfice d’un droit commun des avant-contrats (v. supra). Le droit commun des avant-contrats ici proposé prévoit, en effet, dans ses articles 12 et 16, le cas particulier de la promesse (unilatérale et synallagmatique) de contrat réel.

Enfin, le deuxième alinéa de l’article 1877-2 de l’avant-projet serait déplacé dans la troisième section « De la fin du prêt à usage » (v. art. 27)

Section 2 : Des effets du prêt à usage

Dans l’avant-projet, les effets du prêt à usage sont traités dans deux sections distinctes. La commission reste ainsi fidèle au code de 1804. Une telle subdivision est bienvenue : elle permet au lecteur de se repérer plus facilement dans le texte. Cependant, on peut regretter un manque d’harmonisation entre les différents chapitres de l’avant-projet.

S’agissant de la vente et du bail, par exemple, les obligations respectives des parties sont l’objet, non pas de deux sections, mais de deux sous-sections rassemblées dans une section relative aux effets du contrat.

Le même plan pourrait être retenu pour le prêt à usage.

Sous-section 1 : Des effets du prêt quant à l’emprunteur

Pour les explications détaillées, v. M. Mille-Delattre, Avant-projet de réforme des contrats spéciaux : des effets du prêt à usage quant à l’emprunteur, Dalloz actualité, 28 sept. 2022.

Art. 6 (art. 1880 de l’avant-projet non modifié) : L’emprunteur doit user personnellement du bien emprunté.
Toutefois, s’il y a été expressément autorisé, il peut la prêter ou la louer.

Art. 7 (art. 1881 de l’avant-projet non modifié) : L’emprunteur ne peut se servir du bien qu’à l’usage déterminé par sa nature ou par la convention.
Il est tenu de veiller à sa conservation et à sa garde comme le ferait une personne raisonnable.

Art. 8 (art. 1882 de l’avant-projet non modifié) : Toutes les dépenses nécessaires à l’usage et à la conservation du bien sont à la charge de l’emprunteur.
Toutefois, si la conservation suppose une dépense manifestement disproportionnée à la valeur actuelle du bien, l’emprunteur n’en est pas tenu. Il doit notifier sans délai la nécessité de cette dépense au prêteur.

Art. 9 (art. 1883 avant-projet modifié) : Si le bien est fongible et que, sans y avoir été autorisé, l’emprunteur l’a confondu avec les siens propres, le prêteur peut, à défaut de restitution, revendiquer tout bien de même espèce et de même qualité détenue par l’emprunteur.

L’article 1883 est modifié. Ses premier et troisième alinéas sont supprimés de manière à éviter les redondances.

Art. 10 (art. 1884 de l’avant-projet non modifié) : La restitution se fait là où le bien a été remis à l’emprunteur et à ses frais.

Art. 11 (art. 1885 de l’avant-projet non modifié) : Quoi que lui doive le prêteur, l’emprunteur n’a pas de droit de rétention sur le bien, sauf si le prêt est intéressé.

Art. 12 (art. 1886 avant-projet modifié) : L’emprunteur répond de la dégradation, comme de la perte du bien, lorsqu’elle est causée par sa faute.

Art. 13 (art. 1886-1 avant-projet modifié) : L’emprunteur n’est pas tenu de la dégradation qui résulte de l’usage pour lequel le bien a été emprunté, sous réserve d’en avoir usé raisonnablement.

Art. 14 (art. 1886-2 avant-projet modifié) : L’emprunteur n’est tenu ni de la dégradation ni de la perte du bien survenue par cas de force majeure, sauf les exceptions ci-après.

Art. 15 : Si l’emprunteur emploie le bien à un autre usage, ou pour un temps plus long qu’il ne le devait, il sera tenu de la perte comme de la dégradation survenue, même par cas de force majeure.

Art. 16 : Si le bien prêté périt par un cas de force majeure dont l’emprunteur aurait pu le garantir en employant le sien propre, ou si, ne pouvant conserver que l’un des deux, il a préféré le sien, il est tenu de la perte de l’autre lorsque le prêt est désintéressé.

Art. 17 : Il appartient à l’emprunteur de démontrer son absence de faute ou un cas de force majeure.
Cette présomption est écartée si le prêteur a continué à user du bien, en même temps que l’emprunteur.
S’il n’a pas été établi un état contradictoire lors de la remise du bien, l’emprunteur est présumé l’avoir reçu en bon état apparent.

Art. 18 : Lorsque le prêt est désintéressé, la responsabilité de l’emprunteur est appréciée avec plus de rigueur qu’en cas de prêt intéressé.

Art. 19 : En tout état de cause, si le bien a été perdu ou dégradé par force majeure et que l’emprunteur a reçu un prix ou quelque chose à la place, il doit remettre au prêteur ce qu’il a reçu.

Art. 20 : Si plusieurs personnes ont conjointement emprunté le même bien, elles en sont solidairement responsables envers le prêteur.

Les articles 12, 13 et 14 indiquent lequel des contractants est tenu responsable de la dégradation ou de la perte du bien en fonction de l’origine du dommage.

Les deux exceptions à l’article 14 sont détaillées aux articles 15 et 16. La première a une portée générale tandis que la seconde est propre au prêt désintéressé.

L’article 17 rassemble les règles de preuve.

Les articles 18, 19 et 20 reprennent à l’identique les articles 1886-3, alinéa 1er, 1886-4 et 1887 de l’avant-projet, étant précisé que le terme « détérioré » est remplacé par le terme « dégradée » à l’article 19.

Sous- section 2 : Des effets du prêt quant au prêteur

Art. 21 (art. 1888 avant-projet modifié) : Lorsque le prêt à usage est consensuel, le prêteur est tenu de mettre le bien prêté à la disposition de l’emprunteur.
L’accord des parties, lorsque le prêt est consensuel, ou la remise du bien, lorsque le prêt est réel, emporte l’obligation d’en délivrer les accessoires, notamment tout bien ou information que requiert son usage.

L’article 1888 de l’avant-projet est réécrit pour tenir compte de la dualité du prêt à usage qui est tantôt un contrat réel, tantôt un contrat consensuel.

Art. 22 (art. 1889 de l’avant-projet non modifié) : Le prêteur est tenu de laisser l’emprunteur user du bien ainsi qu’il a été convenu, mais il n’est pas obligé de lui en conférer la jouissance paisible.

Art. 23 (art. 1890 de l’avant-projet modifié) : Lorsque le bien prêté comporte des défauts tels qu’il puisse causer un dommage à celui qui s’en sert, le prêteur est responsable si le défaut était caché, qu’il le connaissait et n’en a pas averti l’emprunteur.
Lorsque le prêt est intéressé, le prêteur est également responsable dans l’hypothèse où il aurait dû connaître le vice.

Lorsque le prêt est intéressé, le prêteur est également responsable s’il ne pouvait légitimement ignorer le défaut.

« Lorsque la chose prêtée comporte des vices tels qu’elle puisse causer un dommage à celui qui s’en sert, le prêteur est responsable si le vice était caché, qu’il le connaissait ou aurait dû le connaître et n’en a pas averti l’emprunteur » : la commission reprend la disposition contenue à l’article 1891 du code civil en y apportant deux modifications.

Premièrement, le texte contient la précision selon laquelle le vice doit être caché. Se trouverait ainsi codifiée la solution retenue par la Cour de cassation, qui consiste à refuser d’indemniser l’emprunteur lorsque le défaut de la chose était apparent.

Deuxièmement, il est indiqué que le prêteur est responsable s’il connaissait le défaut ou aurait dû le connaître. Le code civil envisage uniquement le défaut connu, mais la jurisprudence pose une présomption de connaissance des défauts de la chose par le prêteur professionnel. La formulation retenue par la commission permet assurément le maintien de cette solution. Les juges pourront considérer que le prêteur, en raison de sa qualité de professionnel, aurait dû connaître le défaut dont il s’agit. Pour autant, il faut reconnaître que le texte va plus loin. Il permet d’engager la responsabilité du prêteur non professionnel qui n’aurait pas eu une connaissance effective du défaut ayant causé le dommage. La proposition est donc moins favorable au prêteur.

Sur ce point, il est particulièrement étonnant qu’une distinction n’ait pas été opérée entre prêt désintéressé et prêt intéressé. Pourquoi ne pas considérer, comme cela a pu être suggéré par certains auteurs56, que le prêteur intéressé est responsable lorsqu’il connaissait ou aurait dû connaître le vice tandis que le prêteur désintéressé n’est, quant à lui, responsable que dans l’hypothèse où il le connaissait ? Imaginons, par exemple, qu’un particulier prête son matériel à un ami, que ce matériel est défectueux et qu’il cause une blessure à l’emprunteur. Puisque le prêt est ici désintéressé, on pourrait admettre que la responsabilité du prêteur n’est pas engagée, sauf si celui-ci avait une connaissance effective du défaut à l’origine du dommage. À l’inverse, si ce matériel est prêté par une entreprise à son client pour lui permettre de l’essayer avant de l’acheter, la responsabilité de cette entreprise pourrait être engagée quand bien même elle n’aurait pas eu connaissance du défaut, compte tenu du caractère intéressé du prêt. La commission affirme explicitement, dans le commentaire de l’avant-projet, qu’une telle distinction ne lui a pas paru souhaitable : « Même désintéressé, il est des cas où le prêteur aurait dû connaître le défaut affectant son bien et en avertir le prêteur ». Il n’est cependant pas certain que le texte soit interprété de cette façon. Les juges pourraient parfaitement appliquer deux régimes différents en lisant l’article 1890 à la lumière de l’article 1891, dont il résulte que la responsabilité du prêteur est appréciée avec plus de rigueur lorsque le prêt est intéressé.

C’est ce que propose l’article 23.

Art. 24 (art. 1891 avant-projet non modifié) : Lorsque le prêt est intéressé, la responsabilité du prêteur est appréciée avec plus de rigueur.

Section 3 : De la fin du prêt à usage

Dans l’avant-projet, les articles de cette section sont envisagés dans une section 2 intitulée « De la durée du prêt à usage ». Par définition, le prêt à usage s’inscrit dans la durée. Le prêteur permet à l’emprunteur d’utiliser une chose pour un temps, laquelle lui est restituée le moment venu. Que les membres de la commission aient fait le choix de consacrer une section du chapitre consacré au prêt à usage à la durée n’a donc rien d’étonnant. Il convient toutefois de remarquer que cette structure n’a pas été retenue pour le prêt de consommation. Le chapitre 2 ne contient aucune section relative à la durée du prêt. Les dispositions qui intéressent cette question figurent, de ce fait, dans la section intitulée « Des effets du prêt de consommation ». Comment justifier une telle différence ? La structure des deux chapitres ne mériterait-elle pas d’être harmonisée pour une meilleure lisibilité ?

Ce travail d’harmonisation pourrait, d’ailleurs, s’opérer à plus grande échelle. Pour le bail, par exemple, c’est encore un autre plan qui a été retenu. Le chapitre 1 « Dispositions communes à toutes les locations » contient une troisième et dernière section intitulée « Fin du contrat de location ». Dans la mesure où la fin du contrat est envisagée en lieu et place de sa durée, la section ne succède pas immédiatement aux dispositions relatives à la formation du contrat – comme c’est le cas pour le prêt à usage –, mais vient clore le chapitre.

Cette approche chronologique pourrait tout à fait être retenue dans les deux chapitres consacrés au prêt, de manière à réduire les variations dans la structure des différents textes.

Art. 25 (art. 1879 avant-projet modifié) : Si le bien a été prêté en vue de répondre à un besoin ponctuel et déterminé, le prêt a pour terme l’expiration du temps normalement nécessaire pour y satisfaire.

Cet article reprend l’article 1879 de l’avant-projet. Il est toutefois proposé de supprimer l’alinéa 1 et l’alinéa 3, qui n’ajoutent rien au droit commun.

Art. 26 (art. 1879-1 avant-projet modifié) : Si le prêt est désintéressé, il prend fin, même avant terme et nonobstant toute stipulation contraire, par notification motivée, s’il survient au prêteur un besoin pressant et imprévu de son bien.
L’emprunteur peut saisir le juge pour contester la réalité de ce besoin ou obtenir un délai, suivant les circonstances.

L’article 1879-1 de l’avant-projet est conservé. L’alinéa 2 est modifié pour permettre un éventuel contrôle a posteriori de la part du juge.

Art. 27 (art. 1877-2, al. 2 avant-projet modifié) : Si l’emprunteur manque à retirer le bien, le prêteur peut, après mise en demeure, résoudre le prêt intéressé sans formalité.

Les termes « après avoir levé l’option » de l’article 1877-2, alinéa 2, sont supprimés, ce qui permet au texte d’avoir une portée plus large et, de ce fait, de quitter la section relative à la formation du contrat ou celle relative aux avant-contrats. Cette modification se justifie à deux égards. D’abord, la levée de l’option signifie que le contrat de prêt est formé. Ensuite, l’hypothèse visée peut se produire alors même que le prêt à usage intéressé n’a pas été précédé d’une promesse unilatérale.

Art. 28 (art. 1879-2 avant-projet non modifié) : Le prêt prend fin par le décès de l’emprunteur, non par celui du prêteur.
Si l’emprunteur est une personne morale, sa dissolution met pareillement fin au prêt.

Art. 29 (art. 1879-3 avant-projet modifié) : La cession du bien prêté met fin au contrat.

La cession de la chose prêtée met-elle fin au contrat de prêt ? Ni le code civil ni l’offre de réforme de l’association Henri Capitant ne traitent de cette question. Les membres de la commission y apportent, quant à eux, une réponse en s’inspirant de la solution qui prévaut en matière de bail. L’article 1739, alinéa 1er, de l’avant-projet précise : « La cession du bien loué emporte transfert du contrat de location au cessionnaire, dès lors qu’il a une date certaine ou que le cessionnaire avait connaissance de son existence. À l’égard du locataire, le cédant est libéré pour l’avenir ». La formule est reprise à l’identique en matière de prêt à usage (art. 1879-3).

Ce choix est expliqué dans le texte de présentation. Ainsi peut-on lire : « S’il y a quelque intuitus personae dans le commodat, il se concentre dans la personne de l’emprunteur, non dans celle du prêteur ». Cependant, la solution retenue peut difficilement se justifier au regard de ce seul argument. Le fait que le contrat n’ait pas été conclu en considération de la personne du prêteur lève effectivement une difficulté en permettant d’envisager la cession. Cela ne veut cependant pas dire que celle-ci soit réellement opportune. À ce sujet, Garance Cattalano-Cloarec explique, dans sa thèse, que la cession du contrat de bail est pleinement justifiée car elle assure au locataire une sécurité dans la jouissance du bien sans, pour autant, nuire gravement aux intérêts de l’acquéreur57. En effet, celui-ci, en devenant bailleur, est amené à percevoir les loyers. Or, poursuit l’auteur, tel n’est pas le cas en matière de prêt à usage compte tenu de son caractère gratuit : « Il serait injuste d’imposer au nouvel acquéreur d’assumer la jouissance gratuite du bien prêté : on ne saurait le charger d’assumer sans contrepartie un service qu’il n’a pas souhaité rendre »58. Dès lors, il semble préférable de considérer que la cession de la chose prêtée met fin au contrat, d’autant que l’emprunteur a toujours la possibilité de demander des dommages et intérêts au prêteur sur le fondement du droit commun.

Chapitre 2 : Du prêt de consommation (non examiné)

Titre XIII : Des contrats aléatoires

Remarques générales sur la proposition d’introduire dans le code civil la notion de contrats essentiellement aléatoires (art. 1964 de l’avant-projet) :

Avant la réforme du droit commun des contrats, le code civil définissait deux fois la catégorie des contrats aléatoires. D’abord, au sein de l’ancien article 1104, qui énonçait que « lorsque l’équivalent consiste dans la chance de gain ou de perte pour chacune des parties, d’après un événement incertain, le contrat est aléatoire ». Ensuite, dans l’ancien article 1964 du code civil, qui définissait le contrat aléatoire « comme une convention réciproque dont les effets, quant aux avantages et aux pertes, soit pour toutes les parties, soit pour l’une ou plusieurs d’entre elles, dépendent d’un événement incertain ». Cette dualité de définition était largement critiquée. Définir deux fois une même notion, avec des mots différents, n’était pas une bonne méthode, et ce d’autant que les deux définitions étaient imparfaites. En effet, la définition de l’ancien article 1104 laissait entendre que chacun des avantages attendus par les parties au contrat devait nécessairement reposer sur une chance, comme dans le pari. Or, matériellement, l’incertitude peut n’affecter que la prestation d’une des parties, comme dans le contrat d’assurance59. Quant à l’ancien article 1964, il semblait indiquer que le contrat aléatoire pouvait n’être incertain que pour une des parties seulement alors que l’aléa doit nécessairement exister dans l’esprit des deux parties, chacune acceptant un risque de perte dans l’espoir d’une chance de gain. En 2016, le législateur fit donc le choix de reprendre la définition de l’ancien article 1964 en en gommant l’imperfection. Depuis, le contrat aléatoire est défini dans l’article 1108, alinéa 2, du code civil, et uniquement dans cet article : un contrat est aléatoire « lorsque les parties acceptent de faire dépendre les effets du contrat, quant aux avantages et aux pertes qui en résulteront, d’un événement incertain ».

La commission a toutefois regretté que ce soit la définition de l’ancien article 1964 du code civil qui ait été choisi, et non celle de l’ancien article 1104. La définition issue de l’ordonnance de 2016 serait beaucoup trop large60. Elle permettrait d’intégrer dans le giron des « contrats aléatoires », pour reprendre les mots de Portalis, non seulement les contrats par lesquels les parties tentent la fortune (jeux et paris, rente viagère, etc.), mais également ceux par lesquels elles souhaitent être rassurées contre ses caprices (assurance de dommages)61. Or, pour la commission, seuls les premiers seraient des « contrats aléatoires purs »62. Les seconds appartiendraient à une autre catégorie de contrats : les contrats de couverture au sein desquels l’assurance de dommages devrait être rangée63. Reste que la commission n’avait la compétence ni pour modifier la définition des contrats aléatoires (afin d’en réduire le périmètre), ni pour créer une nouvelle catégorie de contrats (les contrats de couverture). Elle propose ainsi, dans l’article 1964 ressuscité, de créer au sein de la catégorie des contrats aléatoires de l’article 1108, une sous-catégorie, celle des « contrats aléatoires par essence ». Autrement dit, les contrats aléatoires de l’article 1108 seraient composés de deux sous-catégories : les contrats essentiellement aléatoires et les contrats aléatoires « par détermination de la loi »64, dont on pressent, sous la plume de la commission, qu’ils n’ont d’aléatoires que le nom.

En effet, le régime commun proposé dans les articles 1965 et 1966 de l’avant-projet ne serait applicable qu’aux contrats essentiellement aléatoires de l’article 1964, à l’exclusion des contrats aléatoires par détermination de la loi. L’intention de la commission est très claire : « Cet article et le suivant (art. 1965 et 1966) fixent, en s’inspirant de la jurisprudence, quelques règles communes à tous les contrats aléatoires au sens de l’article 1964 proposé »65. Ce cantonnement est pourtant contestable. Il revient à priver les contrats aléatoires par détermination de la loi de ce régime commun. Or, au premier rang de ces contrats figure le contrat d’assurance de dommages… Ainsi, l’article 1108 serait vidé de sa substance, le régime commun aux contrats aléatoires ne valant plus que pour les contrats essentiellement aléatoires. Par un choc en retour, l’enjeu de qualification serait considérable, et ce, alors que la définition donnée des contrats essentiellement aléatoires est, pour le moins, obscure.

L’article 1964 de l’avant-projet énonce en effet que « sont aléatoires par essence les contrats dans lesquels chacune des parties court une chance de gain en même temps qu’un risque de perte, dépendant en leur totalité d’un événement incertain ». À lire le commentaire de la commission, l’on comprend que cette définition a pour objet de rejeter hors de la catégorie des contrats aléatoires purs ou véritables, ceux dans lesquels l’aléa n’affecte qu’une des prestations. C’est la raison pour laquelle l’assurance est qualifiée, par l’article 1964 de l’avant-projet, soit de « contrat essentiellement aléatoire » (assurance sur la vie au sens historique du terme), soit de « contrat aléatoire par détermination de la loi » (assurance de dommages). Autant dire que la définition proposée des contrats essentiellement aléatoires n’a plus rien à voir avec celle donnée par la doctrine. En droit positif, l’expression « contrats essentiellement aléatoires » désigne en effet les contrats qui, parce que leur structure même intègre l’aléa, ne peuvent pas être envisagés sans celui-ci66. Tel est le cas, par exemple, du jeu ou du pari. À côté de ces derniers, il est possible qu’un contrat, en principe commutatif, devienne aléatoire en raison de ses stipulations, et donc par la volonté des parties. C’est le cas, par exemple, de la vente dans laquelle l’acheteur « prend en charge certains risques sans recours contre son vendeur : le prix apparaît [alors] comme ayant un caractère forfaitaire, de telle sorte que l’acquéreur peut tout aussi bien faire une “bonne affaire” si tout se passe bien, que perdre sa “mise” »67. Ces contrats sont alors dits « exceptionnellement » aléatoires68 ou encore « aléatoires par accident »69. Ainsi, cet article 1964 est déceptif. Il utilise une terminologie connue, mais en modifie radicalement le sens. On en voudra pour preuve que l’assurance de dommages, classée en droit positif au sein des contrats essentiellement aléatoires, en serait exclue sous l’empire de l’avant-projet.

La création d’une sous-catégorie de contrats aléatoires pose beaucoup plus de problèmes qu’elle n’en résout. Elle aboutirait à réserver aux contrats essentiellement aléatoires la majeure partie du régime des contrats aléatoires. Quoique qualifiés d’aléatoires, les contrats aléatoires par détermination de la loi seraient alors orphelins de régime. La refonte de la théorie des contrats aléatoires ne peut donc être faite par la voie subreptice de la création d’une sous-catégorie. Pour cette raison, l’article 1964 proposé n’est pas repris.

Art. 1er (art. 1965 avant-projet) : Est incertain l’événement dont les parties ignorent, lors de la conclusion du contrat, s’il s’accomplira ou même qu’il est déjà accompli.

Art. 2 (art. 1965, al. 2 et 1966 avant-projet modifiés) : La lésion ne donne jamais lieu à sanction dans les contrats aléatoires.

Toutefois, le contrat aléatoire est nul de nullité relative si l’incertitude était, au jour de la conclusion du contrat, inexistante, illusoire ou dérisoire, sauf requalification en contrat commutatif.

D’abord, l’article 1965, alinéa 1 est repris, qui consacre la conception subjective de l’incertitude.

Ensuite, si la consécration de l’adage « L’aléa chasse la lésion » est opportune, la substance de l’article 1966, alinéa 2, est perfectible. D’une part, viser la « rescision » est réducteur. Après tout, la sanction d’un partage lésionnaire n’est pas la rescision, mais la possibilité d’obtenir un complément de part. Dès lors, en cas de partage aléatoire, les copartageants ne devraient pas pouvoir demander la correction de la lésion. C’est dire que ce n’est pas la rescision qui doit être mentionnée dans le texte, mais, plus largement, la sanction de la lésion. D’ailleurs, dans la présente proposition, il est proposé de remplacer la rescision/nullité par une révision judiciaire.

L’utilisation de l’adverbe « jamais » dans l’article 2, alinéa 1, a pour but d’éviter toute interprétation a contrario de l’article. La lésion n’est jamais sanctionnée dans les contrats aléatoires, même lorsque le législateur a décidé, par dérogation à l’article 1168, de la prendre en compte. D’autre part, la référence à l’énormité de la lésion, qui n’apporte rien à la règle, est supprimée.

Enfin, il est proposé de regrouper, à titre d’exception à l’absence de sanction de la lésion dans les contrats aléatoires, l’alinéa 2 de l’article 1965 et l’alinéa 2 de l’article 1966. L’hypothèse de l’inexistence de l’incertitude à la même nature que celle du caractère dérisoire ou illusoire de la chance de gain. L’inexistence de l’incertitude n’est en effet rien d’autre que l’inexistence de toute chance de gain. Suivant la jurisprudence, lorsque l’incertitude n’existe pas ou lorsqu’elle n’est pas sérieuse, le contrat doit être annulé, au moins si l’on est en présence d’un contrat essentiellement aléatoire au sens contemporain de l’expression.

En effet, si le contrat n’est aléatoire que par la volonté des parties, comme dans une vente sans garantie et avec prix forfaitaire, l’inexistence, le caractère dérisoire ou illusoire de l’incertitude doit entraîner une requalification du contrat en contrat commutatif. Il n’a pas semblé utile d’introduire, dans le code civil, la distinction entre contrat essentiellement et accidentellement aléatoire, telle qu’elle est comprise par la doctrine contemporaine. Il suffit en effet de préciser que le contrat est nul, sauf à ce qu’il puisse être requalifié, ce qui n’est possible que dans l’hypothèse où l’aléa n’est pas indispensable à la structure du contrat.

Chapitre 1 : Le jeu et le pari (non examiné)
Chapitre 2 : La rente viagère (non examiné)
Chapitre 3 : La tontine (non examiné)

 

 

1. Civ. 1re, 6 juin 2001, n° 98-20.673, RTD civ. 2002. 88, obs. J. Mestre et B. Fages ; ibid. 115, obs. P.-Y. Gautier ; RTD com. 2002. 146, obs. B. Bouloc .
2. S. Pellet, Négociations et avant-contrat, in M. Latina (dir.), La réforme du droit des contrats en pratique, Dalloz, 2017, p. 25.
3. V. en ce sens, Civ. 3e, 4 mars 2021, n° 19-22.971, D. 2021. 525 ; ibid. 2022. 310, obs. R. Boffa et M. Mekki ; AJDI 2021. 713 , obs. F. Cohet ; RTD civ. 2021. 634, obs. H. Barbier ; ibid. 663, obs. P.-Y. Gautier ; v. déjà, Civ. 3e, 29 juin 2010, n° 09-68.110, AJDI 2010. 721 .
4. Civ. 3e, 28 juin 2006, n° 05-16.084, D. 2006. 2439 , note M. Behar-Touchais ; AJDI 2007. 594 , obs. F. Cohet-Cordey ; RTD civ. 2006. 755, obs. J. Mestre et B. Fages .
5. Civ. 3e, 19 mars 1997, n° 95-12.473, D. 1997. 341 , obs. P. Brun .
6. Pour une vue d’ensemble, v. G. Chantepie et M. Latina, Le nouveau droit des obligations. Commentaire théorique et pratique dans l’ordre du code civil, 2e éd., Dalloz, 2018, n° 602.
7. Commentaire sous l’art. 1591.
8. Com. 30 oct. 2000, n° 98-11.224, D. 2001. 3241 , obs. D. Mazeaud .
9. V. supra.
10. Civ. 3e, 15 déc. 1993, n° 91-10.199, D. 1994. 507 , note F. Bénac-Schmidt ; ibid. 230, obs. O. Tournafond ; ibid. 1995. 87, obs. L. Aynès ; AJDI 1994. 384 ; ibid. 351, étude M. Azencot ; ibid. 1996. 568, étude D. Stapylton-Smith ; RTD civ. 1994. 584, obs. J. Mestre .
11. Il faut se souvenir que, dans l’avant-projet d’ordonnance de 2015, le bénéficiaire pouvait demander la nullité du contrat conclu en violation du pacte à la seule condition de prouver que le tiers avait eu connaissance de l’existence du pacte de préférence avant de contracter.
12. Avant-projet, art. 1877-1.
13. Avant-projet, art. 1921 au sujet de la promesse de remise. En revanche, la solution semble contraire pour la promesse de recevoir, art. 1922.
14. V., F. Terré, P. Simler, Y. Lequette, F. Chénedé, Droit civil. Les obligations, 12e éd., 2018, Dalloz, spéc. n° 202.
15. Ibid., n° 208.
16. Civ. 3e, 7 avr. 1993, n° 91-10.032, AJDI 1993. 868 ; RDI 1993. 402, obs. P. Delebecque et P. Simler ; Civ. 1re, 3 nov. 2004, no 01-15.614.
17. C. civ., art. 2414.
18. M. Grimaldi, Présentation de la réforme, RDC déc. 2021, n° 200j5, p. 75, spéc. n° 22.
19. M. Bleusez, La perfection du contrat, thèse Paris II, 2021, dactyl.
20. Pour des références jurisprudentielles à la promesse de contrat réel, Civ. 1re, 6 janv. 1994, n° 91-21.646 ; Com. 28 janv. 1997, n° 94-20.554, D. 1997. 214 , obs. A. Honorat ; ibid. 1998. 140, obs. M.-N. Jobard-Bachellier ; RTD com. 1997. 504, obs. B. Bouloc ; ibid. 516, obs. A. Martin-Serf .
21. Civ. 1re, 20 juill. 1981, n° 80-12.529.
22. V. par ex., Nîmes, 11 oct. 2018, n° 16/03896.
23. Civ. 1re, 24 mars 1998, n° 96-12.645, D. 1998. 114 ; RTD civ. 1999. 377, obs. J. Mestre ; RTD com. 1998. 908, obs. B. Bouloc .
24. Civ. 1re, 9 oct. 1979, n° 78-12.502.
25. Plus largement, est nécessairement contractuelle l’action d’un maillon de la chaîne contre un autre, même s’il n’est pas son cocontractant direct.
26. Le texte propose aussi la transmission des « charges », ce qui ne laisse pas d’étonner. La commission vise-t-elle le transfert, propter rem, des dettes attachées à la chose ? Ce serait une révolution, la jurisprudence ayant toujours refusé une telle transmission de plein droit des dettes. Par exemple, l’acquéreur d’une maison n’a pas à payer le prix des travaux de ravalement commandés par le précédent acquéreur : c’est l’effet relatif des contrats.
27. Civ. 3e, 27 juin 2001, n° 99-14.851, D. 2002. 1004 , obs. P. Brun ; AJDI 2002. 807 , obs. F. Cohet-Cordey .
28. V., D. Mainguy, Nouveaux aspects des actions directes dans les contrats, AJ contrat 2018. 377 qui qualifie, au moins dans une première approche, l’action du sous-acquéreur « d’heureuse surprise ».
29. V., M. Latina, La prescription dans les chaînes de contrats translatives de propriété, RDC sept. 2021, n° 200d4, p. 8.
30. Cass., ass. plén., 7 févr. 1986, n° 84-15.189.
31. Avant-projet de réforme de la responsabilité civile, art. 1234 : « Lorsque l’inexécution du contrat cause un dommage à un tiers, celui-ci ne peut demander réparation de ses conséquences au débiteur que sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle, à charge pour lui de rapporter la preuve de l’un des faits générateurs visés à la section II du chapitre II.
Toutefois, le tiers ayant un intérêt légitime à la bonne exécution d’un contrat peut également invoquer, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, un manquement contractuel dès lors que celui-ci lui a causé un dommage. Les conditions et limites de la responsabilité qui s’appliquent dans les relations entre les contractants lui sont opposables. Toute clause qui limite la responsabilité contractuelle d’un contractant à l’égard des tiers est réputée non écrite ».
32. Ce qui briserait les jurisprudences Bootshop (Cass., ass. plén., 6 oct. 2006, n° 05-13.255, D. 2006. 2825, obs. I. Gallmeister , note G. Viney ; ibid. 2007. 1827, obs. L. Rozès ; ibid. 2897, obs. P. Brun et P. Jourdain ; ibid. 2966, obs. S. Amrani-Mekki et B. Fauvarque-Cosson ; AJDI 2007. 295 , obs. N. Damas ; RDI 2006. 504, obs. P. Malinvaud ; RTD civ. 2007. 61, obs. P. Deumier ; ibid. 115, obs. J. Mestre et B. Fages ; ibid. 123, obs. P. Jourdain ) et Bois rouge (Cass., ass. plén., 13 janv. 2020, n° 17-19.963, D. 2020. 416, et les obs. , note J.-S. Borghetti ; ibid. 353, obs. M. Mekki ; ibid. 394, point de vue M. Bacache ; ibid. 2021. 46, obs. P. Brun, O. Gout et C. Quézel-Ambrunaz ; ibid. 310, obs. R. Boffa et M. Mekki ; AJ contrat 2020. 80 , obs. M. Latina ; RFDA 2020. 443, note J. Bousquet ; Rev. crit. DIP 2020. 711, étude D. Sindres ; RTD civ. 2020. 96, obs. H. Barbier ; ibid. 395, obs. P. Jourdain ).
33. L’expérience démontre que le législateur est plus que réticent à modifier ou supprimer des textes récents. En conséquence, si la réforme des contrats spéciaux intervenait avant celle de la responsabilité civile, il est peu probable que le législateur propose la suppression des art. 1612 et 1613, insérée lors de la première, à l’occasion de la seconde.
34. C. civ., art. 2367.
35. Le projet Capitant utilisait l’expression « choses de genre ». Les expressions « choses de genre » et « choses fongibles » étant plus ou moins synonymes, le choix de l’une plutôt que l’autre ne semble pas avoir d’incidence.
36. Avec le remplacement du terme « chose » par le terme « bien ».
37. C. civ., art. 1323.
38. V. not., Civ. 1re, 28 oct. 2010, n° 09-16.913 : « iI incombe au vendeur professionnel de prouver qu’il s’est acquitté de l’obligation de conseil lui imposant de se renseigner sur les besoins de l’acheteur afin d’être en mesure de l’informer quant à l’adéquation de la chose proposée à l’utilisation qui en est prévue », D. 2010. 2580, obs. X. Delpech ; ibid. 2011. 2891, obs. P. Delebecque, J.-D. Bretzner et I. Gelbard-Le Dauphin ; RDI 2010. 616, obs. P. Malinvaud .
39. V. par ex., Com. 4 nov. 2021, n° 15-17.479.
40. Civ. 3e, 5 janv. 2022, n° 20-18.918, D. 2022. 501 , note S. Tisseyre ; AJDI 2022. 545 , obs. F. Cohet .
41. CPI, art. L. 131-5 : « En cas de cession du droit d’exploitation, lorsque l’auteur a subi un préjudice de plus de sept douzièmes dû à une lésion ou à une prévision insuffisante des produits de l’œuvre, il peut provoquer la révision des conditions de prix du contrat ».
42. Loi du 8 juill. 1907, mod. par la loi du 10 mars 1937 et la loi n° 79-595 du 13 juill. 1979.
43. Sur ce point, v. G. Chantepie, La lésion, LGDJ, 2006, p. 485 s., nos 775 s.
44. Civ. 3e, 15 déc. 2010, n° 09-16.838 P, D. 2011. 159 ; AJDI 2011. 890 , obs. F. Cohet-Cordey
45. Civ. 3e, 20 mai 2009, n° 08-13.813 P, D. 2009. 1536, obs. G. Forest ; ibid. 2183, obs. J.-J. Lemouland, D. Noguéro et J.-M. Plazy ; AJDI 2009. 896 , obs. F. Cohet-Cordey ; AJ fam. 2009. 302, obs. L. Pécaut-Rivolier ; 5 juill. 2011, n° 10-19.280, AJDI 2011. 730 .
46. J. Deprez, La lésion dans les contrats aléatoires, RTD civ. 1955. 1.
47. Rép. civ., La lésion, par D. Mazeaud (actu M. Latina, avr. 2018), n° 47.
48. Req. 22 nov. 1937, DP 1939. 1. 81, 1re esp., note Savatier, cité par D. Mazeau, Rép. civ. préc. note 47.
49. V. not., Civ. 3e, 24 mars 1999, n° 97-18.547, D. 1999. 118 ; AJDI 1999. 642 ; RDI 2000. 192, obs. C. Saint-Alary-Houin .
50. Pour des explications détaillées, v. G. Chantepie, Avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux : la garantie de contenance, Dalloz actualité, 3 juin 2022.
51. Avant-projet de réforme du droit des contrats, p. 52.
52. « Le bailleur est tenu de mettre la chose louée à la disposition du locataire ».
53. Avant-projet, art. 1719.
54. Pour reprendre l’expression de l’art. 1229 c. civ.
55. Avant-projet de réforme du droit des contrats, p. 52.
56. F. Grua et N. Cayrol, Prêt à usage – Obligations du prêteur, LexisNexis, 2021, n° 48.
57. G. Cattalano-Cloarec, Le contrat de prêt, LGDJ, 2015, n° 514.
58. Ibid.
59. Qui était d’ailleurs classé dans la catégorie des contrats aléatoires par l’ancien article 1964.
60. P. Stoffel-Munck et A. Seriaux, Les contrats aléatoires – Présentation, in Avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux, p. 145.
61. Fenet, Recueil complet des travaux préparatoires du code civil, t. 14, Paris, 1836, spéc. p. 535.
62. V. le commentaire sous l’art. 1964 de l’avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux.
63. P. Stoffel-Munck et A. Seriaux, préc.
64. Avant-projet, art. 1964.
65. V. le commentaire sous l’art. 1965 de l’avant-projet. On notera toutefois que si le cantonnement voulu par la commission ressort clairement des termes de l’article 1966 qui vise « ces contrats », soit ceux de l’art. 1964 proposé, la lettre de l’article 1965 est moins nette, qui ne laisse pas deviner l’exclusion des contrats non essentiellement aléatoires.
66. A. Bénabent, Droit des contrats spéciaux civils et commerciaux, 14e éd., LGDJ 2021, spéc. n° 926 ; Y.-M. Laithier, Aléa et théorie générale du contrat, in L’aléa, Association Henri-Capitant, Journées nationales, t. XIV, Dalloz, coll. « Thèmes et commentaires », 2010, p. 7 s., spéc. p. 12. Certains auteurs utilisent l’expression de contrats aléatoires par nature, J.-Cl. civ., Art. 1964 - Fasc. unique : contrats aléatoires – Généralités, par P. Simler, spéc. n° 4.
67. A. Bénabent, op. cit., n° 935.
68. Ibid., n° 934.
69. Y.-M. Laithier, art. et loc. cit., qui utilise l’expression « contrat aléatoire par accident ».