La protection spéciale des propriétés olympiques et paralympiques en France
par Laurent Nowak
100 millions d’euros : c’est, peu ou prou, la somme que le fleuron français du luxe, LVMH, a investi pour devenir le dernier partenaire premium des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. Le « prix du rêve olympique » selon Bernard Arnaud, qui permettra notamment à deux maisons du groupe, Chaumet et Berluti, de mettre en avant leur savoir-faire. La première réalisera l’ensemble des médailles olympiques et paralympiques et la seconde les tenues de la délégation française pour les cérémonies d’ouverture et de clôture des Jeux.
En plus de LVMH et des quatorze top partners du Comité international olympique (CIO), 67 autres sociétés se sont engagées aux côtés du Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 (COJO) avec différents niveaux d’activation de leurs partenariats en fonction de leurs statuts de partenaires premium, officiels et de supporters officiels.
Le budget du COJO, financé à 97 % par des ressources privées, est estimé à 4,38 milliards d’euros. La vente des droits de retransmission et droits commerciaux, partenariats et licences notamment, devrait en financer plus de la moitié.
Ces partenaires officiels et licenciés jouissent donc de l’exclusivité de pouvoir apposer ou associer leurs propres marques à ces actifs extraordinaires que sont les propriétés olympiques et paralympiques (définies plus précisément ci-après) et sont essentiels pour qu’un évènement mondial comme les Jeux puisse avoir lieu essentiellement par le biais de financements privés.
En temps d’olympiades, la garantie, primordiale, de cette exclusivité revient au COJO, qui doit donc lutter quotidiennement contre les atteintes portées aux droits qu’il détient ou dont il assure la défense sur le territoire français. Hors olympiades, cette mission est normalement assurée par le Comité national olympique et sportif français (CNOSF).
Les acteurs du mouvement olympique sont organisés autour d’un texte fédérateur, la Charte olympique, qui donne, à sa règle 7.4, la première définition des propriétés olympiques, et dont la défense est assurée par le COJO : « Le symbole, le drapeau, la devise, l’hymne, les identifications (y compris, mais sans s’y restreindre, "Jeux olympiques" et "Jeux de l’olympiade"), les désignations, les emblèmes, la flamme et les flambeaux (ou les torches) olympiques, tels que définis aux règles 8-14 (…) pourront, par commodité, être collectivement ou individuellement désignés par l’expression "propriétés olympiques" (…) ».
Protection par des marques et modèles
Ces propriétés olympiques sont protégées de diverses manières, et tout d’abord par des marques et des modèles. Au niveau de l’Union européenne et à l’international, ces marques et modèles, portant sur les anneaux olympiques ou les agitos (symbole paralympique), ou encore sur les emblèmes des différentes éditions des Jeux, appartiennent au CIO ou au Comité international paralympique (IPC). Pour ses propres besoins, le COJO Paris 2024 est, quant à lui, titulaire de marques et de modèles français qui portent sur certaines des propriétés olympiques et paralympiques, mais exclusivement pour les Jeux dont il a la charge et qui lui sont donc nécessaires pour mener à bien ses missions (par ex., sur les marques Paris 2024, les emblèmes, le slogan « Ouvrons grand les Jeux » ou encore sur le modèle de la torche ou des mascotte).
Protection en tant que marque d’usage notoires au sens de l’article L. 713-5 du code de la propriété iintellectuelle
Certaines des propriétés olympiques disposent d’une protection élargie, dans la mesure où elles se sont en effet vu reconnaître le statut de marques notoires par les tribunaux français sur le fondement de l’article L. 713-5 du code de la propriété iintellectuelle. Il s’agit du sigle « JO », des termes « Jeux olympiques » et de l’adjectif « olympique » et enfin du logo des anneaux olympiques, les fameux cinq anneaux entrelacés.
Protection spéciale des propriétés olympiques et paralympiques par le code du sport
En plus d’être protégées par des marques ou d’autres droits de propriété intellectuelle traditionnels, les propriétés olympiques et paralympiques sont définies et protégées par les dispositions spéciales des articles L. 141-5 (propriétés olympiques) et L. 141-7 (propriétés paralympiques) du code du sport. Ces dispositions ont largement évolué depuis leur introduction dans le droit positif en 1984 et leurs dernières modifications notables, étendant largement leur protection, datent de 2018 et 2022.
La protection accordée par les dispositions du code du sport aux propriétés olympiques et paralympiques peut être qualifiée d’extraordinaire, puisqu’elle confère à des signes de diverses natures, verbaux comme figuratifs, une protection autonome et opposable à tous, erga omnes, et cela, indépendamment de tout titre de propriété industrielle.
Ces dispositions spéciales permettent donc de s’affranchir de l’analyse classique des atteintes aux droits de propriété intellectuelle, notamment sur l’appréciation du risque de confusion qui ne trouve pas à s’appliquer en l’absence de principe de spécialité. Ces signes ne semblent par ailleurs pas encourir la déchéance. Le simple fait de « déposer à titre de marque, reproduire, imiter, apposer, supprimer ou modifier ces signes et termes », ou « leurs traductions », suffit à engager la responsabilité de l’auteur de l’infraction.
Mise en œuvre de la protection accordée aux propriétés olympiques et paralympiques en France par l’INPI
L’INPI est le premier rempart contre les atteintes aux propriétés olympiques et se saisit des dispositions spéciales du code du sport pour rejeter des demandes de marques dès lors qu’elles contiennent une reproduction ou une imitation d’une propriété olympique. Ont par exemple été refusées à l’enregistrement car portant atteinte aux propriétés olympiques, des demandes de marques portant sur les signes KING PARIS 2024, JEUX olympiques TOKYO 2021, OLYMPICO ou encore LE PETIT OLYMPIEN.
Lorsqu’elles ne font pas l’objet d’un rejet de l’INPI, d’autres demandes de marques, portant atteinte aux propriétés olympiques et incluant notamment le radical OLYMP, voient engager à leur encontre des procédures d’opposition qui concluent le plus souvent à l’existence d’un risque de confusion (par ex. OLYMPIC c/ OLYMPIUM.
Les propriétés olympiques et paralympiques à l’épreuve des juges
Si une partie du contentieux concernant les propriétés olympiques est d’ordre administratif, la plupart des atteintes auxquelles doivent faire face les acteurs du mouvement olympique, et en particulier le COJO, ont lieu sur internet et notamment sur les réseaux sociaux.
Nombreuses sont les sociétés qui tentent de profiter, notamment par le biais de hashtags #JO ou #Paris2024, de l’effet d’aubaine d’un évènement tel que les Jeux olympiques et paralympiques et ainsi, de tirer indument profit de son extraordinaire renommée sans s’acquitter des droits nécessaires à l’utilisation des propriétés olympiques et paralympiques.
Ces utilisations non autorisées des propriétés olympiques par des tiers sont identifiées très rapidement et peuvent avoir des conséquences financières lourdes.
Les tribunaux français ont en effet régulièrement l’occasion de statuer sur des cas d’atteintes similaires, concernant des publications, parfois fugaces, sur les réseaux sociaux à l’approche ou pendant les Jeux. Parmi les décisions rendues ces dernières années, trois d’entre elles semblent particulièrement intéressantes :
- CNOSF c/ VDD (PIXMANIA), TGI Paris, 19 avril 2019 : concernant des bannières promotionnelles pendant les Jeux de Rio 2016 avec des anneaux et un claim « Des deals en OR » associé à une flamme, avec des renvois vers les comptes Facebook et Twitter de PIXMANIA.
- CNOSF c/ SIXT, TJ Paris, 29 mai 2020 : la société SIXT, célèbre loueur de véhicules, avait posté deux publications sur Twitter et Facebook « C’est parti pour les Jeux olympiques ! #Jeuxolympiques #JO2018 #@Jeuxolympiques » dans le cadre d’un jeu invitant les internautes à désigner les athlètes qu’ils voulaient voir gagner.
- CNOSF c/ CIC, TGI Paris, 25 octobre 2019 : dans cette affaire, le Crédit industriel et commercial avait procédé à une publication « En route pour les JO d’hiver ! #PyeongChang2018 » pendant les Jeux de PyeongChang 2018 ainsi qu’à une publication, plus ancienne, incluant la phrase « Si tu vas à Rio… » associée au visuel d’une flamme aux couleurs du Brésil pendant les Jeux de Rio 2016.
Dans ces trois cas, le CNOSF, qui agissait à l’époque, invoquait, d’une part, des atteintes à ses marques notoires sur le terrain de L. 713-5 code de la propriété iintellectuelle et aux propriétés olympiques sur le fondement de l’article L. 141-5 code du sport, et, d’autre part, des faits distincts de parasitisme sur le fondement de l’article 1240 du code civil.
Dans ces trois décisions, le tribunal (i) reconnaît systématiquement le statut de marques notoires aux signes « Jeux olympiques » et « JO » et l’atteinte aux propriétés olympiques sanctionnée par le code du sport, et (ii) condamne donc SIXT, le CIC et PIXMANIA à verser de façon globale au CNOSF les sommes de 20 000 € pour SIXT et de 10 000 € pour le CIC et PIXMANIA en réparation du préjudice résultant de l’atteinte aux propriétés olympiques sur le fondement des articles L. 141-5 du code du sport et L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle. Les juges condamnent aussi ces sociétés pour des faits distincts de parasitisme et ordonnent qu’elles versent au CNOSF les sommes de 10 000 € pour SIXT et le CIC, et 5 000 € pour PIXMANIA.
Outre ces condamnations, deux points particulièrement intéressants sont à retenir de la décision CNOSF c/ CIC du 25 octobre 2019 :
- d’une part, les juges confirment le régime particulier de protection dont disposent les propriétés olympiques et paralympiques et retiennent que « le sigle JO bénéficie, comme les autres propriétés olympiques, d’un régime de protection autonome et absolu. Il n’est dès lors pas nécessaire pour le CNOSF de démontrer l’existence d’une exploitation injustifiée ou d’un risque de confusion pour que l’acronyme « JO » puisse bénéficier de la protection prévue par l’article L. 141-5 du code du sport » ;
- d’autre part, concernant l’argument en défense du CIC qui était de dire que ses publications relevaient du droit à l’information, soulevant donc probablement la seule exception à cette protection si spéciale des propriétés olympiques et paralympiques, les juges écartent d’un revers de la main ce moyen en retenant que « si les Jeux olympiques sont un événement mondial à caractère exceptionnel auquel il peut être fait référence dans le cadre de la liberté d’expression et d’information, il y a lieu de considérer que le CIC, qui exerce une activité commerciale de services bancaires et d’assurances, n’a pas vocation à communiquer sur l’actualité générale ou dans un but d’intérêt général sur ses comptes Twitter et Facebook qui sont destinés à assurer sa visibilité sur les réseaux sociaux ». En maintenant accessible sur son compte Twitter le message relatif aux Jeux olympiques qu’il avait publié, le CIC a par conséquent violé les dispositions de l’article L. 141-5 du code du sport.
En conclusion, le régime de protection, autonome et absolu, accordé aux propriétés olympiques et paralympiques tel que défini aux articles L. 141-5 et L. 141-7 du code du sport se justifie par l’ampleur, planétaire, de cet évènement et des valeurs universelles qu’il véhicule, auxquelles les partenaires officiels et licenciés associent donc leur image et leurs propres actifs. Le financement sur lequel il repose en est la clé de voûte et, la protection de l’exclusivité accordée aux partenaires officiels en est l’enceinte fortifiée.
Si la tentation pour les sociétés non-partenaires de se placer dans le sillage de cet évènement sans en avoir assumé les conséquences financières, est grande, les risques encourus le sont tout autant.
La sensibilisation des services internes des entreprises est ainsi indispensable, tant par leurs conseils internes qu’externes, afin d’éviter d’exposer ces dernières à des sanctions financières importantes. Pour ce faire, le COJO Paris 2024 et le CNOSF proposent des guides fort utiles sur les pratiques interdites et celles autorisées, par exemple pour les entreprises soutenant des athlètes ou des fédérations sportives dans le cadre de la règle 40 de la Charte olympique, qu’il convient de consulter sans plus attendre.
La protection des intérêts du Comité Olympique au travers de la condamnation de l’ambush marketing
par Pierre Favilli
Les ressources issues des contrats de partenariat sont indispensables à l’organisation des Jeux olympiques et les sommes en cause sont considérables. Si la majorité des opérateurs économiques ne peut prétendre à un statut de partenaire officiel, nombre d’entre eux sont prêts à mettre en place une stratégie commerciale visant à profiter du contexte à moindres frais.
Définition de l’ambush marketing
L’ambush marketing, également dénommé marketing d’embuscade, s’entend d’une pratique publicitaire visant à profiter d’un évènement, sportif ou culturel, afin d’y associer son image et se rendre visible du public, sans pour autant rétribuer l’organisateur dudit événement. S’il n’est pas interdit par principe, l’ambush marketing peut être condamné sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle, au titre du parasitisme économique, lequel se définit comme « l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire » (Com. 26 janv. 1999, n° 96-22.457, D. 2000. 87 , note Y. Serra ). Plus précisément, les actes d’ambush marketing peuvent être assimilés à des actes d’agissement parasitaire. Contrairement aux actes de concurrence parasitaire, les actes d’agissement parasitaire ne supposent pas de rapport concurrentiel entre les acteurs en cause ni de risque de confusion entre les produits et services respectivement proposés. Les juges de la Cour d’appel de Paris résument ainsi que « Le fait pour une entreprise de se rendre visible du public lors d’un évènement sportif ou culturel afin d’y associer son image tout en évitant de rétribuer les organisateur et de devenir un supporter officiel constitue une situation d’ambush marketing qui constitue une faute au regard des dispositions de l’article 1382 du code civil (…). Mais il importe peu au regard des dispositions de l’article 1382 du code civil que la société (…) soit ou non en situation de concurrence avec la société (…) dès lors qu’il appartient au demandeur à l’action de démontrer que le comportement de la personne morale qu’il poursuit est fautif du fait qu’elle n’a pas respecté les règles de loyauté et de probité qui préside à toutes relations commerciales » (Paris, 10 févr. 2012, n° 10/23711).
Les Jeux olympiques sont fréquemment le théâtre d’actes d’ambush marketing. Citons ainsi deux cas identifiés lors de l’édition de Londres en 2012. En réalisant son sprint avec au poignet une montre Richard Mille à 500 000 dollars, l’athlète Yohan Blake a offert une grande visibilité à l’horloger, au détriment d’Omega, partenaire officiel de la compétition. De son côté, en distribuant à de nombreux athlètes ses casques audios, la société Beats a bénéficié d’une visibilité supérieure à celle de Panasonic, pourtant sponsor.
Variété des condamnations au titre du parasitisme économique
Si les actes d’ambush marketing peuvent prendre de multiples formes, il ressort de la jurisprudence française que ceux-ci seront condamnés sur le fondement du parasitisme économique dès lors qu’ils concourent à créer un lien, dans l’esprit du public, entre l’opérateur économique ne bénéficiant pas du statut de sponsor officiel et l’événement auquel il se rattache, afin de tirer profit, sans rien dépenser, des efforts réalisés par l’organisateur.
La reproduction du nom d’une compétition sportive faite par un tiers en vue de mettre en avant son activité est ainsi condamnable dès lors qu’il ne saurait justifier d’un usage nécessaire (Paris, pôle 5 - ch. 1, 14 oct. 2009, n° 08/19179, D. 2010. 400, obs. Centre de droit et d’économie du sport, Université de Limoges ). Dans cette affaire, un site de paris sportif était poursuivi du fait de l’utilisation de la dénomination « Internationaux de France » laquelle constitue la désignation officielle du tournoi de Roland Garros. Les juges ont considéré que la publication « Pariez sur les Internationaux de France […] Pariez aujourd’hui sur les deux demi-finales homme opposant Roger Federer à Nikolay Davydenko et Novak Djokovic à Rafael Nadal » n’avait pas servi à promouvoir les seuls paris sportifs relatifs au tournoi de Roland Garros mais plus généralement l’ensemble des paris proposés par la société défenderesse, portant également sur l’Open d’Australie, assimilant ainsi cette stratégie commerciale à des actes d’agissement parasitaire.
Aussi, la simple loterie adressée aux clients d’une société dans le but de faire remporter des billets d’accès à une compétition peut être condamnée dès lors qu’elle alimente l’idée d’un statut de partenaire officiel (Versailles, 1re ch. - 1re sect., 10 mars 2016, n° 14/00536).
Il en va de même de la publicité associant une entreprise à des sportifs ou à une équipe concourant à une compétition (TJ Paris, 27 juin 2014, FFR / Wilkinson c/ JWT, n° 12/12555). Quelques jours avant la finale de la Coupe du monde de Rugby 2011, la société ENERGIZER GROUP FRANCE a publié une affiche associant sa marque Wilkinson à la mention « Allez Marc, rase-nous cette moustache (…) Wilkinson encourage Marc Liévremont et le XV de France pour leur finale ». Les juges ont ainsi considéré que cette publicité, mentionnant directement l’équipe de France de rugby et son sélectionneur suscitait l’idée d’un partenariat officiel. Ils relèvent également l’importance de la prise en compte du contexte commercial afin d’apprécier les actes d’agissement parasitaire, parmi lesquels la date de publication de la communication incriminée. Ainsi, plus un acte d’ambush marketing est réalisé à une date proche de la tenue d’une compétition, plus il y a de risques pour que celui-ci soit condamné au titre du parasitisme économique.
Une décision particulièrement intéressante a été rendue à la suite de la reprise des couleurs olympiques (TGI Paris, 3e ch., 13 juin 2014, n° 12/09737). Environ trois mois avant le début des Jeux olympiques de Londres, la société Le Coq Sportif a présenté de nouvelles baskets dont la semelle reprenait les couleurs olympiques, sans que celles-ci ne soient présentées sous la forme d’anneaux. Précisons également que ces chaussures, désignées sous le signe « Le rêve olympique », étaient associées à l’image de l’athlète Joakim Noah, censé participer à la compétition. C’est en appréciant l’aspect des produits et leurs conditions de présentation que les juges ont considéré que la société française cherchait à s’insérer dans le sillage des Jeux olympiques de Londres. L’inspiration d’attributs du Comité olympique faite peu de temps avant le début de la compétition a ainsi été reconnue comme un acte de parasitisme. En l’espèce, l’association commerciale avec un athlète mondialement connu et censé participer aux Jeux n’a fait que conforter l’idée de lien, dans l’esprit du public, entre l’évènement et la société Le Coq Sportif. Cette dernière se défendait en rappelant que les chaussures litigieuses n’avaient pas étaient soumises à la vente mais étaient seulement présentées sur son site internet et proposées en pré-commandes dans de rares boutiques. Précisons en effet que seule une cinquantaine de baskets étaient disponibles et que leur prix dépassait à peine les 100 €. Dans ce contexte, les juges n’ont pas pour autant considéré que le préjudice subi par le Comité olympique était faible. Au contraire, ils ont jugé que le but poursuivi par la prévente de ces baskets était de créer un événement autour de leur sortie et d’offrir une visibilité à la marque, plus que de réaliser des bénéfices résultant directement de la commercialisation du modèle. Au regard de l’engouement suscité auprès du grand public, le Comité a subi un manque à gagner pouvant être chiffré au montant qu’il aurait normalement dû recevoir pour cette opération de communication si la défenderesse avait souscrit auprès de lui un partenariat rémunéré. En relevant également que cette dernière a subi un préjudice d’image auprès de ses partenaires officiels, pouvant douter de l’intérêt de solliciter le statut de partenaire officiel des Jeux, les juges ont ainsi condamné la société Le Coq Sportif à verser au Comité olympique la somme de 100 000 € de dommages et intérêts.
Au regard de la diversité des condamnations d’actes d’ambush marketing dans le contexte de grandes compétitions sportives, il est légitime de s’interroger sur la possibilité de capitaliser sur une telle stratégie de communication. De rares décisions permettent de constater que la condamnation judiciaire n’est pas automatique. Le critère reste celui de l’ambiguïté sur le potentiel statut de sponsor officiel. C’est ainsi que la Cour de Cassation n’a pas condamné la société FIAT à la suite d’une publicité reproduisant un simple résultat sportif et la date d’un prochain match, associés au message de félicitations « La Fiat 500 félicite l’Angleterre pour sa victoire et donne rendez-vous à l’équipe de France le 9 mars pour France-Italie » (Com. 20 mai 2014, n° 13-12.102).
Pour conclure, le cas de l’ambush marketing en période de Jeux olympiques rappelle l’importance de la loyauté devant présider toute activité économique. Malgré tout, il y a fort à parier que la jurisprudence française s’enrichisse d’ici peu au regard de certaines campagnes récemment lancées…
Les restrictions relatives à l’exploitation des attributs de la personnalité des athlètes
par Alexandre Minot-Chartier
Si les Jeux olympiques et paralympiques sont l’opportunité de briller sportivement pour les athlètes sélectionnés, c’est aussi une chance de nouer de nouvelles relations avec des sponsors. Mais pendant la période des Jeux, la règle 40 de la Charte olympique empêche les participants de disposer d’une totale liberté pour exploiter leurs attributs de la personnalité, au nombre desquels figure leur image. L’objectif visé par les instances olympiques est la lutte contre l’ambush marketing.
La règle 40 restreint l’exploitation publicitaire des attributs de la personnalité et des performances sportives des « concurrents, officiels d’équipe et autres membres du personnel d’équipe qui participent aux Jeux olympiques », par les participants eux-mêmes, leurs sponsors, partenaires institutionnels, clubs et fédérations. Sans faire partie intégrante des attributs de la personnalité, les performances sportives telles qu’un podium ou un record olympique sont concernées par la règle 40.
Cette règle a pour origine le fondement du mouvement olympique qui faisait se rencontrer des sportifs amateurs. La règle se perpétue par la volonté des instances olympiques de préserver le modèle économique des Jeux modernes, face à des annonceurs en quête de publicité en dehors de tout partenariat officiel. La professionnalisation du sport a toutefois mené la règle à évoluer, pour passer d’une interdiction totale de l’exploitation des attributs de la personnalité vers plus de souplesse, sans toutefois contenter les athlètes.
Les restrictions à la libre exploitation des attributs de la personnalité des participants sont relativement limitées dans le temps ce qui justifie qu’elles puissent être intrusives pour les athlètes. Ces limitations s’appliquent pendant la période des Jeux olympiques, du 18 juillet 2024 au 13 août 2024 et pendant la période des Jeux paralympiques, qui commence le 21 août pour se terminer le 10 septembre 2024.
Un comité ad hoc est chargé de faire respecter la règle 40, avec le pouvoir de réprimer les participants indélicats, les sanctions pouvant consister en un avertissement, la suspension, l’exclusion des Jeux, le retrait de l’accréditation ou encore des sanctions financières.
Pendant la période des Jeux, les partenaires officiels ayant signé un contrat avec un participant sont donc libres d’utiliser ses attributs de la personnalité à des fins publicitaires en lien avec les propriétés olympiques. Avec le risque que les partenaires officiels, qui ont déboursé d’importants montants auprès des instances olympiques pour sécuriser un partenariat, soient limités financièrement pour sponsoriser des athlètes impactant in fine les participants qui jouissent d’une visibilité moindre.
Quant aux sponsors non-partenaires des Jeux, ces derniers ne pourront pas utiliser d’images ou vidéos des Jeux, d’images de lieux emblématiques de Paris qui signifieraient qu’il y a un lien avec les Jeux ou avec des propriétés olympiques. Seule est autorisée la publicité générique, sous réserve que le plan de publicité soit notifié avant le 18 juin 2024 via un portail dédié. La publicité reproduisant les attributs de la personnalité d’un participant doit être constante pendant la période des Jeux et avoir débuté au moins 90 jours avant le début de cette période (soit avant le 18 avr. 2024). Méfiance pour les sponsors qui seraient tentés d’augmenter la récurrence des publicités diffusées pendant la période des Jeux puisqu’ils contreviendraient ainsi à la règle 40.
En dehors des publicités génériques, chaque participant pourra adresser un message de remerciement à chaque sponsor personnel non-officiel, par partage simultané sur tous les réseaux sociaux personnels du participant, sans utilisation des propriétés olympiques, sans tag du partenaire non-officiel dans le post de remerciement et sans que le post puisse être sponsorisé. Le message ne devra pas inclure de déclaration ou laisser entendre qu’un produit ou un service a amélioré la performance du participant ni comporter d’approbation personnelle du produit ou du service en question par le participant.
En réponse, les sponsors sont autorisés à publier un message de félicitations, en repartageant la publication existante du participant et sans pouvoir créer de post distinct sur les réseaux sociaux.
À noter que les clubs français ne seront pas autorisés pendant la période des Jeux à promouvoir les participants ni exploiter les attributs de leur personnalité, ce qui est regrettable pour les disciplines et, ou clubs disposant de financements limités. L’application de la règle 40 aux clubs qui forment et financent des sportifs tout au long de leurs carrières semble sévère et mériterait d’être assouplie pour que les clubs puissent profiter des retombées économiques des Jeux.
Surtout, une évolution de la règle 40 permettrait une meilleure valorisation de l’image et des performances des participants, qui sont le cœur des Jeux. L’Autorité de la concurrence allemande a d’ailleurs depuis 2019, à l’issue d’une procédure pour abus de position dominante contre le CIO et la Confédération allemande des sports olympiques, provoqué une évolution de la règle 40 dont certaines dérogations bénéficient aux participants allemands. En Allemagne, la notification préalable du plan de publicité n’est qu’une simple faculté et les nouvelles activités publicitaires sont autorisées au cours des Jeux quand bien même le plan de publicité n’aurait pas commencé 90 jours avant la période des Jeux, ce qui justifierait que soit menée une refonte générale de la règle 40 pour tous les participants.
À noter, le sponsoring publicitaire d’athlètes ayant participé à des Jeux antérieurs et qui n’auraient plus de lien avec les Jeux actuels permettrait aux sociétés non-partenaires des Jeux, qui n’ont pas amorcé leur plan de communication dans les délais avec des participants aux Jeux de Paris, de ne pas être contraintes par la règle 40.