La loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire promulguée récemment comporte plusieurs articles relativement aux modes amiables de résolution des différends, l’un portant création d’un Conseil national de la médiation qui pourrait devenir le fer de lance d’une politique publique de développement des modes amiables au sein de l’institution judiciaire, certains articles étendant les domaines de la médiation préalable obligatoire notamment pour des litiges administratifs ou les troubles anormaux du voisinage, et une disposition plus technique, qui vise à reconnaître et promouvoir toute l’importance du rôle de l’avocat dans les modes amiables de résolution des différends. Cette disposition prévoit que les transactions et les actes constatant un accord issu d’une médiation, d’une conciliation ou d’une procédure participative, lorsqu’ils sont contresignés par les avocats de chacune des parties, peuvent être revêtus de la formule exécutoire par le greffe de la juridiction compétente, l’intention du législateur étant notamment de valoriser l’acte contresigné par avocats constatant un accord et de permettre dans ce cas une apposition rapide de la formule exécutoire sur cet accord.
Ce renforcement des outils, permettant à l’avocat d’assurer pleinement son rôle de l’avocat de l’amiable, résulte également du décret n° 2021-1322 du 11 octobre 2021 qui modifie l’article 1554 du code de procédure civile en conférant valeur de rapport d’expertise judiciaire au rapport établi par un technicien missionné en vertu d’un acte contresigné par les avocats.
Multiplication des dispositifs visant à inciter les avocats à recourir à l’amiable
Cette volonté s’inscrit d’ailleurs dans le cadre plus vaste d’une politique européenne qui vise à inciter les acteurs judiciaires à recourir davantage aux modes amiables qui sont plébiscités notamment en France par 90 % de nos concitoyens selon un sondage récent de CSA Research commandé par la commission des lois du Sénat. Dans ce sens, la Commission européenne pour l’efficacité de la justice, qui a déjà mis à disposition une boîte à outils pour développer la médiation notamment à destination des juges et des avocats, a récemment adopté le 9 décembre 2021 « les lignes directrices Saturn révisées pour la gestion du temps judiciaire », dans lesquelles elle indique que les avocats doivent davantage participer à la résolution des litiges et recourir aux modes amiables.
Outre cette volonté des pouvoirs publics de favoriser le développement de la voie amiable, la profession d’avocat également se mobilise pour inciter le recours plus fréquent aux modes amiables.
Ainsi, une modification de l’article 8-2 du règlement intérieur national de la profession d’avocat (RIN) est intervenue, incitant les avocats à envisager l’amiable avec leur client. Des protocoles de bonnes pratiques ont été conclus entre les barreaux et les associations de médiateurs, entre les barreaux et les juridictions (v. N. Fricero et F. Vert, Médiation : des bonnes pratiques à une bonne législation ?, Gaz. Pal., 16 mars 2021).
Tout récemment, le Conseil national des barreaux a lancé, le 13 décembre 2021, une campagne de communication nationale sur les modes amiables et a élaboré des boîtes à outils susceptibles d’enrichir la pratique des avocats.
Les rédacteurs du présent article, respectivement un magistrat prescripteur de plusieurs milliers de médiations et conciliations et une médiateure, magistrat honoraire et avocat honoraire, nous sommes convaincus que l’avocat a un rôle moteur dans l’accompagnement de ses clients dans les modes amiables et que ce rôle doit s’amplifier.
Évidemment, pour que l’avocat remplisse pleinement ce rôle, il faut qu’il soit convaincu de l’intérêt des modes amiables, qu’il soit formé sur ce rôle et que le droit positif offre un cadre juridique adéquat pour développer de manière harmonieuse cette pratique.
L’intérêt de la médiation, outre sa rapidité, et sa confidentialité, est de permettre aux justiciables de se réapproprier le procès, de communiquer et d’écouter la parole de l’autre, de dégonfler les conflits profonds, afin de renouer le dialogue et permettre de trouver des solutions nouvelles et équitables.
La médiation est aussi une maïeutique qui permet d’effectuer un transfert de communication dans le cadre sécurisé de la médiation. Elle n’est pas uniquement un état d’esprit et se concrétise par un processus qui doit être encadré par une déontologie stricte applicable aux médiateurs qui doivent avoir suivi une formation.
Pour être un accompagnateur efficace, l’avocat doit connaître la distinction entre les modes alternatifs de règlement des conflits, à savoir conciliation, médiation, convention de procédure participative, droit collaboratif, arbitrage.
Il a un rôle à jouer avant le processus de la médiation auprès de son client, puis pendant et après le processus de médiation.
Les étapes de l’intervention de l’avocat dans la médiation
« Le fait de savoir si un différend peut être résolu en médiation ne dépend pas du différend au fond, mais de la question de savoir si les intérêts de procédure de votre client peuvent être assouvis au travers de la procédure de médiation. »
Harold I Abramson, Mediation representation
C’est la question que l’avocat doit se poser avant d’orienter son client vers la voie amiable.
Pour ce faire, il doit écouter les demandes de son client, examiner les pièces, les délais, le risque de la prescription, l’état du droit et de la jurisprudence.
Il interroge son client pour essayer de déterminer si l’affaire est éligible à la médiation en analysant les intérêts de celui-ci, ceux de la partie opposée, en essayant de déterminer le nœud du problème (relation, réputation, reconnaissance, argent, etc.). Il l’aide à identifier ce qui est important pour lui.
Il s’interrogera sur le mode alternatif de règlement des différends à choisir.
Le choix entre conciliation et médiation peut tenir à l’importance, la complexité de l’affaire, la nature des relations entre les parties.
La médiation, qu’elle soit conventionnelle ou judiciaire, peut être préconisée dans l’hypothèse d’un aléa judiciaire et lorsque l’application stricte du droit risque de porter atteinte à l’équité ou de conduire à un déséquilibre entre les parties. Il procédera à l’analyse des risques liés aux coûts.
La médiation est l’un des outils adaptés aux besoins de régulation des différends.
Elle permet de renouer ou maintenir la pérennité des relations commerciales, sociales, familiales tout en restant confidentielle, puisque la solution adoptée a été trouvée par les médiés eux-mêmes, sous l’égide du médiateur (v. M. Boittelle-Coussau, Comment choisir entre médiation et conciliation, Gaz. Pal., 12-13 juin 2015).
Il présentera l’option de la médiation à son client en lui expliquant la rapidité du processus, le moindre coût par rapport à des années de procédures, la confidentialité, la possibilité de maintenir ou rétablir le lien.
La médiation permet aux parties de se réapproprier le litige et la solution avec l’aide du médiateur.
Un tandem médiateur-avocat accompagnateur de son client pendant le processus de médiation
Lorsque la mesure de médiation est acceptée par son client, l’avocat formalise l’acceptation et la désignation du médiateur et peut proposer le nom d’un médiateur.
Il présente la problématique suivante à son client : « Votre position est la demande sans nuance que vous affichez avec détermination. Vos intérêts c’est ce qui vous motive à exposer ainsi cette position » (R. Fisher et W. Ury, Getting to Yes-Negociating Agreement Without Giving In).
Il prépare son client et essaie de comprendre sa position tout en le préparant au déroulement de la médiation et à la formalisation de ses intérêts. Il est souhaitable que ce soit toujours le même avocat qui assiste à la médiation afin que son client soit sécurisé par sa présence ; il doit être bienveillant et attentif, constructif, imaginatif, tout en tenant compte des besoins de son client et participer à l’élaboration des pistes possibles en lien avec le médiateur, souvent en apartés, et accepter que ceux-ci peuvent se tenir aussi uniquement entre le médiateur et le médié.
Il travaille aussi sur les solutions de rechange.
Le rôle de l’avocat n’est pas d’attiser le conflit opposant son client à un tiers mais de l’apaiser en l’analysant dans toutes ses dimensions, non seulement juridiques, mais aussi humaines et psychologiques.
L’avocat aide son client à sortir du conflit dans un cadre pacifié et à trouver une solution durable.
Lors de la médiation, il essaiera de comprendre avec le médiateur également les intérêts de l’autre médié pour être imaginatif dans une solution qu’il pourra proposer.
En effet, le médiateur, tiers facilitateur, ne donne pas son avis mais reformule, en retraitant les émotions, pour mieux déterminer les besoins de parties et les amener à trouver par elles-mêmes les solutions.
Il identifie les nœuds, leurs causes pouvant être à l’origine de besoins, valeurs, préoccupations.
L’avocat, dans le cadre de la médiation, accompagne son client dans le processus, en présence du médiateur ; il ne plaide pas mais écoute, comme le médiateur afin de comprendre quels sont les intérêts et besoins des médiés.
Il veille aussi à l’équilibre de l’accord trouvé avec la partie adverse ainsi qu’à la préservation des intérêts de son client et rédige le protocole. Le juge qui est le garant de la liberté individuelle et de l’ordre public peut homologuer l’accord transactionnel.
Une médiation réussie peut aussi, au-delà d’une contribution à la paix sociale dans le cadre son rôle d’auxiliaire de justice, présenter un intérêt personnel pour l’avocat, comme la fidélisation d’un client satisfait (v. H. Dehghani-Azar, Médiation : quels intérêts pour l’avocat, D. avocats 2019. 224 ).
Paul Valéry écrivait : « Les hommes élèvent trop de murs et ne construisent pas assez de ponts ». L’avocat accompagnateur de médiation s’inscrit dans cette perspective humaniste et est résolument tourné vers l’avenir.