Accueil
Le quotidien du droit en ligne
-A+A
Le droit en débats

« Statut du parquet français : la note de la Conférence des premiers présidents au CSM »

Le président de la Conférence nationale des premiers présidents à madame la présidente de la formation plénière du Conseil supérieur de la magistrature.

Le président de la République a saisi le Conseil supérieur de la magistrature d’une demande d’avis sur les conditions de fonctionnement du parquet national financier et implicitement sur le statut et les conditions d’exercice de ce qu’il est convenu d’appeler le « parquet à la française ».

La Conférence nationale des premiers présidents (CNPP) n’a évidemment aucune légitimité à apporter une appréciation quelconque sur les conditions dans lesquelles certaines enquêtes, dont celles relatives à un homme politique de premier plan, ont été conduites dans le passé par le parquet national financier, ni sur la manière dont la procureure générale près la cour d’appel de Paris en a suivi les divers développements, ni sur les rapports entre celle-ci et la procureure nationale financière, ni sur la réalité ou non des « pressions » de sa hiérarchie dénoncées par la procureure nationale financière devant la commission d’enquête de l’Assemblée nationale.

En revanche, la Conférence nationale des premiers présidents souhaite que la magistrature française, dont le Conseil constitutionnel1 a rappelé à plusieurs reprises que « l’autorité judiciaire comprend à la fois les magistrats du siège et du parquet », relève, sur le plan qualitatif, des plus hauts standards européens et notamment de ceux de la Cour européenne des droits de l’homme et de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ), tant sur le plan du statut de chacun de ses membres que de celui des conditions concrètes d’exercice de l’œuvre de justice.

Elle estime donc utile de vous adresser de sa propre initiative et, à toutes fins utiles, ses réflexions et propositions afin d’éviter qu’à l’avenir perdure dans une partie de la classe politique et médiatique un soupçon permanent sur l’impartialité des investigations pénales des parquets français dès lors du moins que celles-ci concernent des personnalités du monde politique, économique ou médiatique.

La Conférence nationale des premiers présidents considère que le soupçon récurrent que la conduite des enquêtes pénales par les procureurs français pourrait dans certains dossiers ne pas être animée par les strictes conditions d’impartialité posées par les dispositions de l’article 31 du code de procédure pénale (loi du 25 juillet 2013) doit s’analyser sous le triple regard :

• d’une part, des dispositions relatives à l’indépendance et à l’impartialité des magistrats au sens de la Convention européenne des droits de l’homme ;

• d’autre part, des conditions de nomination en France des magistrats du parquet ;

• et, enfin, de la manière dont le ministre de la justice dispose des moyens d’être confidentiellement informé des développements des enquêtes particulières par la réception puis l’exploitation des rapports qui lui sont adressés par les parquets généraux.

La Conférence nationale des premiers présidents porte par ailleurs un regard lucide sur :

• le faible nombre d’enquêtes confiées actuellement à des juges d’instruction par rapport à l’ensemble des poursuites correctionnelles engagées par les parquets ;

• le nombre limité de postes budgétaires de juges ou vice-présidents en charge de l’instruction alors que les besoins supplémentaires de magistrats du siège restent importants dans des secteurs aussi essentiels que les domaines civils, commerciaux, mais aussi pénaux lors de la phase de jugement ;

• l’engorgement actuel de nombreux cabinets d’instruction, notamment lorsqu’ils sont en charge de la délinquance économique et financière et de la criminalité organisée ;

• et enfin la faiblesse structurelle des moyens financiers alloués depuis de trop nombreuses années par la représentation nationale aux services judiciaires, au regard des comparaisons internationales du Conseil de l’Europe et de la CEPEJ.

Nul ne remet en cause statutairement en France l’indépendance et l’impartialité des magistrats du siège et il faut s’en féliciter.

Il aurait donc pu être imaginé une proposition de réforme qui confierait au siège des pouvoirs ou des champs d’intervention supplémentaires, telle que l’obligation pour les parquets d’ouvrir une information judiciaire dès lors que des soupçons d’infractions pénales ou des charges suffisantes ou seulement légères existeraient à l’encontre d’une des personnalités visées plus haut.

Mais quels qu’auraient pu être son intérêt et sa légitimité, cette proposition, non seulement imposerait de multiplier les postes de juges d’instruction et de greffiers mais surtout ne permettrait pas de lever les risques de suspicion sur les enquêtes qui resteraient diligentées, temporairement ou définitivement, sous l’autorité des seuls membres des parquets.

Elle laisserait entières les faiblesses actuelles du statut du parquet français et, en conséquence, la vigueur des critiques et des soupçons de partialité occasionnellement portés à son encontre.

La conférence s’attachera en conséquence plutôt :

• d’une part, à définir ce que l’on doit attendre de l’impartialité des parquets et d’une forme d’indépendance fonctionnelle (I) ;

• d’autre part, à proposer de lever toute suspicion sur les conditions de nomination des procureurs de la République et des procureurs généraux (II) ;

• et enfin à recommander de supprimer ou subsidiairement d’encadrer a minima les rapports des procureurs généraux au ministre de la justice lorsque ceux-ci portent sur des dossiers individuels afin de mettre fin aux soupçons d’ingérence du pouvoir exécutif dans le déroulement des enquêtes pénales conduites par les procureurs de la République (III).

I. S’agissant de l’indépendance fonctionnelle et de l’impartialité des magistrats du parquet au sens de la CEDH et de la CJUE

Même s’il est une des deux composantes, au sens de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, de l’autorité judiciaire, le procureur de la République français ainsi que tous les membres du « parquet à la française » de première instance et d’appel sont des autorités de poursuite et non des juges.

Ils ne peuvent pas, en effet, depuis la célèbre jurisprudence Medvedyev2 de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH, gr ch., 29 mars 2010, Medvedyev et autres c. France, req. n° 3394/03) être assimilés ou considérés comme un « juge » ou un « autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires » au sens de l’article 5, § 3, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme ni constituer en tant que tel un « tribunal impartial et indépendant » au sens de l’article 6 de la même convention relatif « au droit à un procès équitable ». Ils ne bénéficient pas non plus des garanties d’inamovibilité des magistrats du siège.

Le Conseil constitutionnel a en outre rappelé dans sa décision QPC du 8 décembre 2018, d’une part, que l’indépendance du parquet « doit être conciliée avec les prérogatives du gouvernement et qu’elle n’est pas assurée par les mêmes garanties que celles applicables aux magistrats du siège », d’autre part, que l’article 5 de l’ordonnance statutaire plaçant les magistrats du ministère public sous l’autorité du garde des Sceaux n’est pas contraire à la Constitution et assure une « conciliation équilibrée » entre indépendance de l’autorité judiciaire et prérogatives du gouvernement chargé de définir la politique pénale de la nation.

Pour autant, la qualité de la justice pénale est étroitement dépendante de la qualité des investigations policières conduites sous l’autorité et la direction des parquets avant que celles-ci ne soient soumises à l’appréciation des juges ainsi que de l’impartialité avec laquelle lesdits actes d’enquête ont été conduits.

La Conférence nationale des premiers présidents ne peut donc que rejoindre le souhait de la Cour européenne des droits de l’homme et de diverses recommandations du Conseil de l’Europe que le parquet, certes autorité de poursuites, puisse accomplir ses missions en toute impartialité et indépendance, tant intellectuelle que statutaire, à l’égard des autres pouvoirs qu’ils soient gouvernementaux ou autres.

L’arrêt de la CJUE du 19 décembre 2019 relatif à la question spécifique du mandat d’arrêt européen s’inscrit également dans cette exigence et ce contrôle de l’impartialité et d’une forme d’indépendance du ministère public.

Il n’a en effet reconnu au parquet français des « garanties d’indépendance suffisantes » par rapport au pouvoir exécutif pour être qualifié d’« autorité judiciaire d’émission » dudit mandat d’arrêt, qu’après s’être assuré que celui-ci exerce préalablement à une telle décision un contrôle de proportionnalité « en prenant en compte tous les éléments à charge et à décharge » et que la législation française permet contre une telle décision « un recours juridictionnel » respectant les exigences d’une « protection juridictionnelle effective ».

La Conférence nationale des premiers présidents estime en conséquence qu’il convient de conforter sur les deux aspects fondamentaux, d’une part, des règles de nomination et, d’autre part, des rapports dits d’action publique, l’exigence européenne d’indépendance fonctionnelle et d’impartialité du parquet à l’égard du pouvoir exécutif, même si ces notions revêtiront un sens différent des règles d’indépendance et d’impartialité applicables aux magistrats du siège, notamment au regard des règles de hiérarchie et d’indivisibilité qui gouvernent l’organisation du ministère public.

II. S’agissant des conditions de nomination des procureurs de la République et des procureurs généraux

Les conditions de choix des titulaires des fonctions de chef de parquet de première instance et d’appel méritent à cet égard une attention toute particulière et justifient le souhait d’une réforme profonde des procédures de nomination afin d’éviter tout soupçon d’interférence gouvernementale et d’éventuels choix partisans ou politiques de ces hauts responsables judiciaires qui pourraient nuire « à l’apparence d’impartialité » de leur nomination puis de leur pratique professionnelle.

A minima, la Conférence nationale des premiers présidents souhaite l’adoption du projet en cours de réforme constitutionnelle afin que le parquet français bénéficie enfin du double bénéfice de l’obligation d’un avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature à tout projet de nomination de parquetier présenté par la chancellerie ainsi que de l’alignement des procédures disciplinaires relatives aux magistrats du parquet sur celles applicables au siège.

Pour laborieuse que cette mesure, pourtant de bon sens, apparaisse déjà puisqu’elle est vainement engagée depuis 19963 et réactivée à ce jour sans succès depuis 2018, son adoption pourtant nécessaire ne paraît pas suffisante à la Conférence nationale des premiers présidents.

En effet, les pratiques suivies, de notoriété publique y compris très récemment, par de nombreux gardes des Sceaux et même par le président de la République de recevoir eux-mêmes et/ou de faire recevoir par les membres éminents de leur cabinet, avant toute saisine du Conseil supérieur de la magistrature et toute proposition de nomination (via une « transparence »), les magistrats candidats aux fonctions les plus importantes du parquet pour des entretiens en réalité de recrutement ne peuvent qu’encourager le soupçon que les choix de proposition de ces hauts magistrats procèdent certes de leur parcours professionnel antérieur, de leurs compétences reconnues mais aussi d’une appétence qui leur est prêtée à décliner, plus ou mieux que d’autres candidats, les priorités gouvernementales en matière judiciaire et partant à gérer de manière plus satisfaisante certains dossiers politiquement sensibles.

Même s’il est constitutionnellement le gardien de l’indépendance de la magistrature, l’implication personnelle du président de la République dans le choix de certains procureurs de la République ou de procureurs nationaux pose nécessairement la question, sinon de l’allégeance ultérieure possible du titulaire choisi à l’égard de celui qui l’a sélectionné puis nommé, du moins du risque qu’il en soit soupçonné injustement.

La circonstance que ces candidats reçus aient été ou non préalablement sélectionnés par le directeur des services judiciaires, lui-même membre à part entière de la haute fonction publique et totalement dépendant fonctionnellement du pouvoir exécutif, ne peut constituer une justification d’impartialité réelle ou apparente, compte tenu de la proximité légitime, voulue et revendiquée par les ministres de la Justice avec leurs directeurs d’administration centrale.

La Conférence nationale des premiers présidents recommande donc avec conviction que la procédure de nomination des procureurs de la République et des procureurs généraux soit totalement alignée sur celle des présidents et premiers présidents, c’est-à-dire confiée, au prix d’une nouvelle réforme constitutionnelle, au seul Conseil supérieur de la magistrature.

C’est à ce prix que l’apparence d’impartialité et l’impartialité réelle des choix des procureurs de la République et des procureurs généraux seront consacrées et que le lien, jugé par certains auteurs comme « incestueux » ou cause de soupçons entre le ministère public français et le pouvoir exécutif, sera clairement rompu.

III. S’agissant des soupçons d’ingérences du pouvoir exécutif dans le déroulement des enquêtes pénales conduites par les procureurs de la République

Traditionnellement, au nom du principe que conformément à l’article 20 de la Constitution, le gouvernement détermine et conduit la politique de la nation dont il est le responsable devant le Parlement, les parquets appliquent la politique du gouvernement en matière de justice et les grandes orientations ou priorités de celui-ci.

L’article 30 du code de procédure pénale précise explicitement dans son actuelle rédaction que « le ministre de la justice conduit la politique pénale déterminée par le gouvernement » et « veille à la cohérence de son application sur le territoire de la République ».

Le garde des Sceaux estime donc légitime de pouvoir vérifier la bonne application de ses directives par des demandes de rapports à « ses » parquets tant annuellement (rapports dits de « politique pénale ») que ponctuellement dans les affaires dites signalées.

Les magistrats du parquet rédigent en conséquence de très nombreux rapports par lesquels ils rendent très fréquemment compte, non seulement des politiques publiques qu’ils mettent en œuvre (par type d’infraction ou au titre de politiques partenariales avec diverses administrations), mais aussi de l’évolution d’enquêtes pénales touchant des individus « signalés ».

Ce vocable « d’affaires signalées » signifie en réalité toute affaire intéressant ou susceptible d’intéresser le pouvoir exécutif par sa gravité, son retentissement médiatique possible ou la personnalité des personnes visées par des enquêtes pénales ou des évènements portés à la connaissance des parquets.

Ces rapports très nombreux, même si des instructions ont été données depuis 20144 pour en réduire la fréquence ou le volume et ont posé le principe d’une non-transmission des pièces de procédures sauf exceptions5, font des parquets une précieuse centrale d’information et d’analyse juridique du ministre de la justice, concurrente ou complémentaire des « remontées d’information » permanentes des services de police et de gendarmerie mais aussi des préfets, là encore sur des enquêtes qui devraient rester strictement judiciaires et à l’abri d’interférence administrative, mais qui, depuis que les services de police et de gendarmerie existent, font l’objet de comptes rendus exhaustifs de leur part à leurs autorités administratives et politiques de tutelle.

Dans ces rapports, les parquets se livrent fréquemment à des analyses précises et détaillées des charges pénales provisoires ou définitives concernant des individus clairement identifiés ainsi qu’à la justification des qualifications juridiques ou des choix procéduraux envisagés ou décidés.

Si, depuis la réforme du 25 juillet 2013 de l’article 30 du code de procédure pénale, le ministre de la Justice ne peut donner « aucune instruction dans des affaires individuelles » à « ses » parquets, ces remontées d’information « en temps réel » via les parquets généraux à une autorité politique à propos d’affaires judiciaires susceptibles de concerner des personnalités politiques jettent nécessairement le doute et le soupçon sur l’usage qui peut être fait de ces informations par le directeur des affaires criminelles et des grâces (DACG), destinataire de ces rapports, puis par le ministre de la justice et son cabinet qui nécessairement en sont lecteurs ou en capacité de l’être.

La décision de la Cour de justice de la République en date du 30 septembre 2019 , rendue à l’égard de monsieur Urvoas, poursuivi du chef de violation du secret professionnel, sur l’usage et la diffusion à un tiers d’un rapport judiciaire dit d’action publique a montré de manière paroxystique la confidentialité relative de ces rapports adressés à la DACG.

Cette jurisprudence laisse, en outre, entière la double question de fond, d’une part, de la légitimité du ministre de la justice à recevoir confidentiellement des rapports d’autorités judiciaires sensées être indépendantes et impartiales à l’égard du pouvoir exécutif dans la direction et la conduite des enquêtes pénales et, d’autre part, des conditions dans lesquelles la divulgation ultérieure de ces rapports à un tiers extérieur au ministère de la justice pourrait être, elle aussi, considérée comme légitime.

Ainsi, sur le terrain de l’apparence d’impartialité, au sens que lui donne la Cour européenne des droits de l’homme, l’obligation des parquets de rendre compte des affaires « signalées » ou que ceux-ci estiment de leur propre initiative devoir être « signalées » à leur ministre de tutelle leur fait encourir le risque et la suspicion devant l’opinion publique d’être ensuite perméables à d’éventuels « conseils » ministériels occultes sur l’orientation de ces mêmes enquêtes.

Dès lors, tout en conservant au ministre de la justice le pouvoir d’exiger des parquets des rapports dits de politique pénale qui ne traitent que de sujets généraux de lutte contre la délinquance et n’évoquent aucun dossier particulier, la Conférence nationale des premiers présidents considère indispensable de proposer la prohibition des rapports des parquets généraux à la DACG sur les dossiers individuels.

Cette mesure radicale, il est vrai étrangère à toute la culture du ministère public français, imposerait nécessairement aux procureurs généraux concernés de revoir et d’améliorer de manière substantielle leur propre communication sur ces « affaires sensibles » qui ne seraient plus « signalées ».

Un tel impératif serait d’autant plus nécessaire dans l’hypothèse d’affaires suscitant des appréciations publiques de personnalités politiques ou des commentaires des médias.

Une telle réforme protégerait en tout cas également le ministre de la justice qui, en l’état des textes, n’a aucun pouvoir d’influencer une enquête judiciaire mais doit cependant répondre et souvent se justifier, de manière paradoxale et injuste, en son nom personnel ou au nom du gouvernement, sur la proportionnalité ou la pertinence de la réponse judiciaire à tel ou tel fait divers, tant devant la représentation nationale que devant les médias.

Elle le protégerait ainsi du soupçon permanent, bien qu’injuste, d’en faire trop ou pas assez dans le traitement des affaires judiciaires et d’instrumentaliser celles-ci lorsqu’elles concernent ses propres intérêts politiques.

En alternative à cette option radicale ou à titre transitionnel, la Conférence nationale des premiers présidents propose de lever le secret, source du soupçon, sur les remontées d’information des parquets au ministre de la justice.

Elle recommande que le ministre de la justice ou les procureurs généraux concernés fassent régulièrement et au moins annuellement un rapport sur les dossiers judiciaires particuliers à propos desquels ces derniers ont estimé devoir spontanément établir à l’attention du garde des Sceaux un rapport ou ont répondu à une sollicitation de sa part.

Il est évident que l’instauration d’une telle transparence serait de nature à modifier radicalement les pratiques actuelles de remontées d’information et à en diminuer drastiquement le nombre.

Pourrait aussi être envisagée d’inscrire législativement dans l’article 35 du code de procédure pénale la prohibition de la transmission par les parquets généraux au garde des Sceaux des pièces de procédure puisqu’en droit positif seule une annexe à la circulaire précitée de la DACG en date du 31 janvier 2014 pose un « principe » de « non-transmission », ce qui à l’évidence constitue une norme réglementaire de « faible intensité ».

Par parallélisme des formes et par cohérence, une telle interdiction devrait aussi imposée aux services de police et de gendarmerie en charge d’enquêtes judiciaires à l’égard de leurs propres autorités ministérielles.

De telles réformes contribueraient en tout cas utilement à conforter l’indépendance fonctionnelle des magistrats du parquet et spécifiquement celles des procureurs de la République ainsi que leurs signes apparents d’indépendance sur la direction et le contrôle des enquêtes préliminaires et de flagrance dont ils ont la charge.

Telles sont les observations et les propositions que la Conférence nationale des premiers présidents estime devoir vous transmettre à propos de la demande d’avis dont le Conseil supérieur de la magistrature a été saisi.

Elle se tient à votre disposition pour vous apporter tout commentaire ou précision complémentaire que vous estimeriez nécessaire.

Fait à Rennes, le 1er septembre 2020 

Le président de la CNPP
Xavier Ronsin

 

 

Notes

1. « […] l’autorité judiciaire qui, en vertu de l’article 66 de la Constitution, assure le respect de la liberté individuelle, comprend à la fois les magistrats du siège et du parquet » (v. Cons. const. 11 août 1993, n° 93-326 DC, § 5) ; Cons. const., 30 juill. 2010, n° 2010-14/22 QPC, AJDA 2010. 1556 .

2. « le magistrat doit présenter des garanties requises d’indépendance à l’égard de l’exécutif et des parties, ce qui exclut notamment qu’il puisse agir par la suite contre le requérant dans la procédure pénale, à l’instar du ministère public, et il doit avoir le pouvoir d’ordonner l’élargissement, après avoir entendu la personne et contrôlé la légalité et la justification de l’arrestation et de la détention ». Position confirmée par la Cour de cassation en 2010. Cette dernière, dans un arrêt rendu le 15 décembre 2010 (39), a estimé que le ministère public, parce qu’il « ne présente pas les garanties d’indépendance et d’impartialité requises par ce texte et qu’il est partie poursuivante » ne saurait être, au sens de l’article 5, § 3, de la Convention européenne des droits de l’homme, « un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires » devant lequel « toute personne arrêtée ou détenue doit être aussitôt traduite ».

3. Le projet est annoncé dans une déclaration de M. Jacques Chirac le 12 décembre 1996 (« Je pense qu’aujourd’hui il faut sérieusement examiner la possibilité de rendre le parquet indépendant du garde des Sceaux »). Le 20 janvier 1997, à la veille de l’installation de la commission Truche sur la justice, le président de la République déclare : « Le temps est venu de se fixer une grande ambition pour notre justice […]. Je veux mener à bien cette grande réforme pendant le septennat. « Le projet est présenté en conseil des ministres le 15 avril 1998. Il est adopté en deuxième lecture à l’Assemblée nationale le 6 octobre 1998 ; au Sénat le 18 octobre 1998 par 274 voix contre 17. Le 2 décembre, le président de la République annonce qu’il souhaite une « réforme globale » de la justice, et lie la convocation du Congrès à la présentation au Parlement des textes relatifs à la présomption d’innocence et à l’autonomie du Parquet. Le 27 octobre 1999, M. Jacques Chirac annonce la convocation du Congrès, le 24 janvier 2000, souhaitant, dans l’intervalle que « le gouvernement puisse approfondir son dialogue avec les deux assemblées ». La procédure est suspendue en raison du report du Congrès qui aurait dû se réunir le 24 janvier 2000. 

4. Circulaire de la DACG en date du 31 janvier 2014 et annexe « remontée d’information ».

5. « exceptions faites des réquisitoires définitifs ou des ordonnances de renvoi, des jugements ainsi que des arrêts ».