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par Chloé Enkaoua, Journalistele 7 juin 2024
C’est loin de sa Russie natale que Xenia Legendre, associée fiscaliste et managing partner du bureau parisien d’Hogan Lovells, a construit sa vie et son parcours professionnel. Le tout, sans jamais se départir de son tempérament volontaire et déterminé qui lui a permis de gravir tous les échelons.
Lorsqu’elle ne court pas de dossier en dossier et tombe pour un – court – instant son costume de managing partner d’Hogan Lovells Paris, Xenia Legendre chante. Membre de la chorale d’une église orthodoxe russe, elle est d’ailleurs aujourd’hui parfois amenée à la diriger. Difficile, lorsqu’elle parle avec enthousiasme de recherche d’accord et d’harmonie et de la nécessité de se mettre au diapason quoi qu’il en coûte, de ne pas faire le lien avec sa carrière et sa fonction. Car, là aussi, toutes les voix doivent se fondre pour ne faire qu’une. Xenia Legendre y veille avec la même volonté farouche que celle dont elle fait preuve au sein du bureau qu’elle chapeaute. « Le chant choral, c’est aussi un travail d’équipe » sourit celle qui, dès sa jeunesse, faisait déjà preuve d’une détermination sans faille.
Née en Russie, elle entame d’abord des études à l’Institut d’État des relations internationales de Moscou en 1986, en pleine perestroïka, au sein de la faculté d’économie, plus précisément, et « un peu par défaut ». « Il s’agissait de l’organisme de formation pour le ministère des Affaires étrangères dans différents secteurs : économique, journalistique, diplomatique et politique, mais aussi en droit », explique Xenia Legendre. « Or, presque toutes les filles se dirigeaient vers l’économie car on leur répétait qu’elles ne seraient jamais admises ailleurs. C’est donc également ce que j’ai fait. Mais lorsque j’ai découvert le droit à l’occasion d’un cours, j’ai eu un déclic : c’était cette voie-là que je voulais suivre. » À ce moment-là, l’étudiante suit les cours du soir et travaille la journée comme secrétaire au sein du comité d’arrondissement des jeunesses communistes. Très vite, l’envie de passer à l’enseignement de jour la taraude ; ce qu’elle fera donc tout en changeant de cap pour aller en droit privé. « Nous avons commencé par étudier le droit romain – qui est devenu mon dada aujourd’hui –, le droit des pays bourgeois et, bien sûr, le droit soviétique de l’époque », se souvient l’avocate. « Finalement, le code civil soviétique et russe est aujourd’hui très ressemblant au code Napoléon, malgré quelques différences de concepts. »
De Moscou à Paris
L’Institut d’État des relations internationales de Moscou étant rattaché au ministère des Affaires étrangères, un stage à l’étranger était prévu en fonction des langues apprises. Xenia Legendre, outre le russe, l’espagnol et l’anglais, parlait également le français. Une langue qui lui a été enseignée à l’école, mais dont elle était déjà familière… « Mon père, qui était professeur de mathématiques, avait été envoyé en Algérie pour enseigner au début des années 1970, à la grande époque des relations de l’URSS avec les pays en développement », raconte-t-elle. « J’y ai donc vécu près de deux ans lorsque j’étais petite, et j’ai été imprégnée de la langue française. »
C’est pourquoi, alors qu’on lui propose d’effectuer son stage à Cuba, elle choisit plutôt la France et l’ambassade de l’URSS à Paris. Nous sommes alors en 1990, et Xenia Legendre fait la rencontre de son futur mari à cette occasion. Les dés sont jetés : après être rentrée finir ses études à Moscou, elle s’installe définitivement en France en 1991, au moment de la chute de l’URSS, pour y fonder sa famille et établir sa carrière. En parallèle de son DEA de droit des affaires à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne – celui du professeur Gavalda, « grand russophile » –, elle effectue un premier stage au sein du bureau parisien du cabinet américain Skadden, Arps, Slate, Meagher & Flom en 1993. « On m’avait présentée à Chris Baker qui m’a raconté avoir étudié le russe lors de ses études à Oxford, et nous avons sympathisé », rapporte l’avocate. « Après mon stage et la naissance de ma première fille, il m’a donc proposé de rester en tant que collaboratrice. »
Chez Skadden Paris, qui ne compte alors qu’une poignée d’avocats, Xenia Legendre fait ses armes en fiscalité et M&A, principalement dans le cadre de dossiers concernant des sociétés américaines en France. « Je me souviens qu’à mes débuts, nous avons représenté le groupe Schneider Électric lors de la vente d’un actif. J’étais la "petite main" d’un associé de New York, et je me suis demandé pourquoi un contrat en droit français était négocié par un avocat new-yorkais », se rappelle-t-elle. « On m’a alors répondu que ce qui comptait en M&A, c’était avant tout la technique, peu importe le droit applicable. » En 1996, l’avocate travaille seule sur le dossier d’acquisition du fabricant de lingerie et maillots de bain Lejaby. Un fleuron français repris par un Américain, Warnaco, et une affaire à l’époque assez médiatisée. « Lors de mon arrivée à Lyon, j’ai vu les ouvrières de l’entreprise qui manifestaient avec des pancartes sur lesquelles étaient accrochées des sous-vêtements. Cela m’avait beaucoup marquée. »
« Sleeping beauty »
En tout, Xenia Legendre restera quinze ans chez Skadden, d’abord en tant que collaboratrice puis comme counsel. Mais en 2007, l’envie de devenir associée devient plus forte que son attachement au cabinet… « J’ai pris la liste des cabinets installés à Paris et j’ai fait ma sélection : j’ai d’abord éliminé tous les cabinets franco-français, car mon profil était trop international, puis les cabinets anglais car j’ai toujours été plus proche de la culture américaine », détaille l’avocate. C’est alors qu’elle voit passer une annonce dans la presse : celle du départ d’un associé fiscaliste du cabinet américain Hogan & Hartson à Paris. Un hasard qui fait bien les choses ; quelques minutes plus tard, Xenia Legendre prend son téléphone et appelle le managing partner du bureau parisien de l’époque, Bill Curtin, qu’elle rencontrera le jour même. Au bout de deux jours, ce sont les équipes américaines qu’elle part rencontrer à Washington. Et en janvier 2008, Xenia Legendre intègre définitivement Hogan & Hartson à Paris en tant qu’associée du département fiscal, aux côtés du transfuge de Freshfields, James Vaudoyer. Puis, en 2010, arrive la fusion du cabinet avec la firme anglaise Lovells, donnant naissance à Hogan Lovells, l’un des dix premiers cabinets d’avocats d’affaires internationaux. Alors que Hogan & Hartson regroupait une trentaine d’avocats à Paris, le bureau de Lovells en comptait pour sa part environ 130 : naturellement, la crainte de se faire absorber pointe chez les associés français de l’ex-Hogan & Hartson… « Comme je suis une éternelle optimiste, j’ai quant à moi vu toutes les opportunités que cela pouvait engendrer », sourit l’avocate.
D’autant qu’à la suite du départ de l’associé fiscaliste de Lovells, Hervé Israel, Xenia Legendre retrouve ses habitudes aux côtés de James Vaudoyer, qui s’occupait alors également de la gestion du bureau en tant que co-managing partner avec Marie-Aimée de Dampierre. Laquelle, en 2018, prend le poste de managing partner pour l’Europe continentale et laisse une place à prendre. « J’ai souhaité l’occuper et assurer la gestion du bureau de Paris d’Hogan Lovells car j’estimais qu’il fallait le dynamiser un peu », rapporte Xenia Legendre. « Nous étions en effet une firme déjà très solide, mais qui se reposait un peu sur ses acquis. C’était en quelque sorte une "sleeping beauty", avec un discours parfois lénifiant. Je voulais débrider les ambitions. » Aux termes d’une campagne au cours de laquelle elle a présenté son approche à tous les associés du bureau, l’associée est nommée en 2018 à la tête d’Hogan Lovells Paris face à deux autres candidats. « Je suis d’avis que qui n’avance pas, recule. Ce qui compte, c’est l’état d’esprit conquérant », glisse-t-elle simplement. « Ceux qui n’étaient pas d’accord avec cette vision sont déjà partis. »
Un point de vue tranché et ambitieux qui, s’il n’a pas fait l’unanimité, a en tout cas permis au cabinet de se déployer davantage sur la place parisienne. « Xenia a de véritables qualités de leader ; elle sait entraîner les gens dans son sillage et gérer les égos » estime Dominique Mendy, ex-associée en droit social d’Hogan Lovells Paris partie à la retraite il y a peu. « Elle a en outre une vraie vision stratégique. Depuis qu’elle est devenue managing partner, les chiffres du développement du cabinet sont assez remarquables. » À l’occasion de diverses restructurations et réorganisations, elle a également eu souvent l’occasion de travailler aux côtés de Xenia Legendre, dont elle salue la capacité de gérer à la fois le bureau d’une main de maître et sa propre activité professionnelle. « C’est une femme qui a deux cerveaux ! Elle est toujours dans le "faire", pas dans le paraître. »
Opiniâtreté
Au-delà de sa casquette de managing partner, Xenia Legendre est en effet toujours une associée reconnue dans son secteur, à savoir celui de la fiscalité transactionnelle pour une clientèle majoritairement composée de grands groupes français et multinationaux et de fonds d’investissement. Dans ce cadre, elle a notamment travaillé sur de nombreux dossiers de structuration d’opérations de fusions-acquisitions, de joint-ventures ou encore de restructurations et contentieux fiscaux. Parmi ses clients, des noms tels que Schneider Électric, Eurofins, Claranova, AccorInvest ou encore Elaia Partners. Auparavant, une partie de sa clientèle était également des entités russes qu’elle accompagnait dans le cadre de leur structure commerciale. Mais le contexte géopolitique a changé la donne et, pour l’heure, l’associée ne sait pas encore si la firme se positionnera sur les nombreux contentieux qui se profilent… L’une de ses affaires les plus emblématiques reste toutefois celle de la construction de la cathédrale orthodoxe de Paris, au cours de laquelle elle accompagnait la Fédération de Russie. Un dossier fleuve démarré en 2009 et achevé en 2016 qui a brassé plusieurs matières (fiscal, immobilier, contentieux,…) et mobilisé beaucoup d’énergie, d’interlocuteurs,… et de pédagogie. « C’était un vrai choc des cultures juridiques » se souvient-elle, amusée. « Dans le cadre de l’acquisition du terrain, j’avais indiqué aux russes qu’il fallait verser l’argent au notaire. Mais ils avaient peur que celui-ci parte avec l’argent ! J’ai donc dû expliquer le fonctionnement en remontant jusqu’à la loi sur le notariat en France. » À la suite de cela, un concours architectural a été lancé avec un cahier des charges qui, là encore, a généré beaucoup de discussions animées. « J’avais indiqué que ce qui caractérisait le plus une église russe, c’était le bulbe d’or », poursuit l’avocate. « Les architectes ont donc soumis leur projet en incluant ce bulbe, du plus discret au plus extravagant, malgré les réticences de certains qui disaient que cela ne passerait pas dans le cahier des charges. Finalement, j’ai eu gain de cause. Je suis heureuse de ne pas avoir fait de concessions sur ce point ! » La cerise sur le gâteau ? Les contentieux liés notamment aux retombées du procès Loukos qui ont suscité de nombreuses questions, dont celle de la saisie ou non de ces fameux bulbes.
Autre dossier phare : le rachat en 2008 d’un actif du géant mondial des produits chimiques Dow Chemical, Revocoat, par un véhicule appartenant à Charles Churet, ex-président de Dow France, que Xenia Legendre accompagnait. Un carve-out complexe qui a ouvert la porte à de nombreux autres dossiers réalisés pour ce client. « J’ai rencontré Xenia Legendre en 2007 » raconte Charles Churet, aujourd’hui président du fonds d’investissement Oyat Invest AG. « J’étais alors encore cadre supérieur chez Dow Chemical, et un ami co-investisseur qui avait travaillé avec elle sur un autre dossier me l’avait conseillée. Elle m’a appris les rouages du LBO et du M&A et m’assiste depuis sur toutes les opérations que nous réalisons au sein de notre family office. » L’entrepreneur salue chez elle une « force de travail phénoménale » et une réactivité à toute épreuve. « Contrairement à certains autres avocats d’affaires qui passent beaucoup de temps à vous expliquer au préalable toutes les complexités et les risques d’un dossier, Xenia Legendre, elle, est immédiatement orientée vers la solution », affirme-t-il. « Elle met tout de suite les "vrais" choix sur la table, de manière concise et structurée. Elle a en outre une mémoire phénoménale et se souvient de tout ce que l’on a fait depuis 2007. À tel point que je me demande parfois si elle ne pense qu’à mes dossiers ! »
Travail de maïeutique
En trente ans, Xenia Legendre a vu la fiscalité muer et se transformer au gré des évolutions de la société et des nouvelles réglementations. « Auparavant, les avocats en droit fiscal étaient beaucoup plus agressifs et débridés, notamment sur les prix de transfert et les structures offshore », se remémore-t-elle. « C’était surtout le cas chez les Big Four. Mais aujourd’hui, et surtout depuis les nouvelles règles de l’OCDE, les choses ont changé. Le travail du fiscaliste est devenu de ce point de vue non pas moins créatif, mais plus encadré. » L’associée déplore en outre l’attitude plus hostile et inflexible du fisc sur les contrôles, pouvant mener parfois à des situations compliquées. Pour elle, plus que jamais, l’avocat en droit fiscal doit donc se montrer vigilant. « Il faut avoir une image complète de la situation et du client », assure Xenia Legendre. « On ne peut pas se permettre d’être approximatif. Il faut en outre toujours se poser toutes les questions, même si cela diffère de ce que demande initialement le client. » Quitte à, parfois, créer de la tension… « C’est souvent nécessaire », balaye l’avocate. « Par ailleurs, il est important de "sentir" le client par rapport à son appétit au risque, notamment lorsque l’on fait de l’optimisation fiscale. Le tout, bien sûr, de manière raisonnable et en respectant toujours les tendances de la fiscalité internationale. » Évoquant l’anecdote d’un client qu’elle accompagne actuellement sur une vente d’actifs, l’associée l’atteste : les amener vers une solution donnée malgré leurs réticences relève parfois d’un vrai travail de maïeutique. Un exercice de longue haleine, donc, tout comme celui que les fiscalistes doivent souvent faire au quotidien pour être associés en amont d’un dossier au sein des cabinets… « Il n’est pas rare de voir les avocats en droit fiscal arriver sur un dossier beaucoup trop tard, lorsque tout est déjà négocié », déplore Xenia Legendre. « Ce n’est heureusement pas le cas chez Hogan Lovells, où nous travaillons main dans la main avec les associés en transactionnel. Cela permet d’éviter beaucoup de frustrations de chaque côté. » La clé ? Toujours penser la matière fiscale comme intégrée dans la vie économique de l’entreprise. « Il faut que cela fasse sens par rapport au business, et que la réalité de la vie économique d’une société soit respectée et préservée », conclut l’avocate. « Ensuite, on s’adapte ! »
Legendre Xenia

Xenia Legendre est associée fiscaliste et managing partner au sein du bureau de Paris du cabinet Hogan Lovells. Diplômée de l’Institut d’État des relations internationales de Moscou (droit privé), elle est également titulaire d'un DEA de droit des affaires de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.