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Revendication d’un bien absent du patrimoine du débiteur à l’ouverture de la procédure : incompétence du juge de la faillite !

Il résulte de la combinaison des articles L. 624-9, L. 624-16 et R. 662-3 du code de commerce que le juge-commissaire n’est compétent pour connaître de la revendication des biens mobiliers que lorsque le demandeur se prévaut d’un droit de propriété né antérieurement à l’ouverture de la procédure collective. Au contraire, la revendication d’un droit de propriété né postérieurement à celle-ci relève de la compétence du juge du droit commun.

La connaissance de la situation patrimoniale du débiteur sous procédure collective est essentielle, puisque d’elle, dépend le périmètre des biens soumis à l’effet réel de la procédure collective. Pour cela, l’identification des biens et droits dont le débiteur est propriétaire au jour du jugement d’ouverture de la procédure est nécessaire. Or, cette détermination implique un tri, au sein de l’actif apparent du débiteur, entre les biens qui lui appartiennent effectivement et ceux dont il n’est que détenteur précaire et qui sont donc susceptibles d’être revendiqués par des tiers (F. Pérochon et alii, Entreprises en difficulté, 11e éd., LGDJ, 2022, n° 2907). Le « tri » évoqué s’incarne alors dans cette action en revendication.

Le contexte de l’arrêt

La demande de revendication doit être faite dans un délai de trois mois après la publication du jugement d’ouverture de la procédure et concerne tous les biens qui existent en nature (C. com., art. L. 624-9).

Il surgit immédiatement de cette règle une interrogation : à quel moment l’existence en nature du bien doit-elle s’apprécier ? La réponse à cette question est fournie, d’une part, par la jurisprudence et, d’autre part, par les textes.

D’une part, la Cour de cassation a déjà eu l’occasion de juger que lorsque le bien n’est pas dans le patrimoine apparent du débiteur au jour de l’ouverture de sa procédure collective, il ne peut exister « en nature » au sens de l’article L. 624-16 du code de commerce (Com. 4 mai 2017, n° 15-14.065 NP). D’autre part, d’une façon plus spécifique, le deuxième alinéa de l’article précité indique que peuvent être revendiqués, s’ils se retrouvent en nature au moment de l’ouverture de la procédure, les biens vendus avec une clause de réserve de propriété.

Du reste, il faut déduire de ce qui précède que la procédure prévue au Livre VI du code de commerce concernant la revendication des biens meubles corporels ne concerne que les droits acquis sur la propriété avant le jugement d’ouverture de la procédure collective.

À tout le moins, c’est également ce que rappelle l’arrêt sous commentaire.

Déjà intéressante sous cet aspect, la décision va en réalité plus loin, car elle apporte, de surcroît, des précisions quant à la compétence du juge saisi d’une action en revendication portant sur des droits acquis postérieurement au jugement d’ouverture de la procédure collective.

Les faits de l’arrêt

En l’espèce, une société a été mise en redressement judiciaire le 31 mai 2017. Pendant la période d’observation, durant les mois de septembre et décembre 2017, la société débitrice a commandé des outillages à une autre société qui les a vendus sous clause de réserve de propriété. La livraison des biens a eu lieu fin février 2018.

Par la suite, le 1er juin 2018, un jugement a arrêté le plan de cession de la débitrice et a prononcé sa liquidation judiciaire. Quelques jours plus tard, le vendeur sous réserve de propriété a revendiqué les matériels auprès du liquidateur qui a refusé d’acquiescer à cette demande. Le 30 juillet 2019, la société venderesse a saisi le juge-commissaire qui s’est déclaré incompétent. Elle a formé opposition à l’encontre de cette décision et a, par la suite, interjeté appel de celle statuant sur l’opposition et confirmant la position du premier juge.

Le vendeur sous réserve de propriété sera plus heureux en appel ! En effet, pour déclarer le juge-commissaire compétent, et sur opposition, le tribunal de la procédure collective, les juges d’appel ont retenu que les dispositions relatives à la revendication des biens meubles n’excluent pas l’hypothèse d’une revendication dont la cause est née durant la période d’observation. En outre, la cour d’appel a également indiqué que les effets de la clause de réserve de propriété relevaient de la juridiction de la procédure collective, laquelle, aux termes de l’article R. 662-3 du code de commerce, connaît de tout ce qui concerne la sauvegarde, le redressement et la liquidation judiciaires.

Le liquidateur de la société débitrice forme un pourvoi en cassation contre cet arrêt.

Selon le demandeur, l’action en revendication d’un bien meuble exercée en vertu d’une créance née postérieurement à l’ouverture d’une procédure collective, assortie d’une clause de réserve de propriété sur le bien revendiqué, devait être soumise au droit commun et ne pouvait être exercée, en conséquence, que devant le juge du droit commun, et non devant le juge de la procédure collective.

La Cour de cassation est séduite par l’analyse et casse l’arrêt d’appel au visa des articles L. 624-9, L. 624-16 et R. 662-3 du code de commerce.

La solution

Pour la Haute juridiction, il résulte de la combinaison des textes susvisés que le juge-commissaire n’est compétent pour connaître de la revendication des biens mobiliers que lorsque le demandeur se prévaut d’un droit de propriété né antérieurement à l’ouverture de la procédure collective. Au contraire, la revendication d’un droit de propriété né postérieurement à celle-ci relève de l’application des dispositions du code civil.

Par conséquent, les juges du fond ne pouvaient...

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