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Quelle qualification juridique pour un sérum augmentant la croissance des cils : médicament ou produit cosmétique ?

Pour la Cour de justice de l’Union européenne, la qualification de médicament par fonction peut s’appuyer sur des preuves scientifiques concernant non pas la substance active du produit lui-même, mais un analogue structurel, et suppose que ce produit possède des effets bénéfiques concrets sur la santé humaine.

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a été saisie par le tribunal administratif de Cologne d’une série de questions préjudicielles concernant l’interprétation des définitions de médicament et de produit cosmétique. Par un arrêt du 13 octobre 2022, la Cour a répondu que les autorités nationales, lorsqu’elles vérifient si un produit composé d’une nouvelle substance est susceptible de répondre à la définition du médicament par fonction, peuvent s’appuyer sur des preuves scientifiques concernant non pas la substance active du produit lui-même, mais un analogue structurel. Elle a également précisé que la qualification de médicament par fonction suppose que le produit en cause possède des effets bénéfiques concrets pour la santé, une amélioration de l’apparence esthétique qui induit un bénéfice médiat par l’augmentation de l’estime de soi ou du bien-être qu’elle suscite, étant jugée suffisante seulement si elle permet le traitement d’une pathologie reconnue. En revanche, si le produit améliore l’apparence physique sans présenter de propriétés nocives et s’il est dépourvu d’effets bénéfiques concrets sur la santé, il ne saurait être qualifié de médicament.

Cadre juridique et contexte contentieux

On rappellera au préalable que le droit de l’Union définit un médicament comme « toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ; ou toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l’homme ou pouvant lui être administrée en vue soit de restaurer, de corriger ou de modifier des fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique, soit d’établir un diagnostic médical » (dir. 2001/83/CE modifiée, art. 1er, repris sous CSP, art. L. 5111-1).

Un produit cosmétique s’entend de « toute substance ou tout mélange destiné à être mis en contact avec les parties superficielles du corps humain (épiderme, systèmes pileux et capillaire, ongles, lèvres et organes génitaux externes) ou avec les dents et les muqueuses buccales en vue, exclusivement ou principalement, de les nettoyer, de les parfumer, d’en modifier l’aspect, de les protéger, de les maintenir en bon état ou de corriger les odeurs corporelles » (règl. [CE] n° 1223/2009 modifié, art. 1er, repris sous CSP, art. L. 5131-1).

Ces définitions n’étant pas mutuellement exclusives, la Cour de justice a dégagé une série de critères pour permettre aux autorités nationales de savoir dans quelle mesure un produit répond à la définition du médicament ou à celle d’un autre produit réglementé (cosmétique, biocide, dispositif médical, complément alimentaire, etc.).

Contrairement à la notion de médicament par présentation (première partie de la définition), dont l’interprétation extensive a pour objet de préserver les consommateurs des produits qui n’auraient pas l’efficacité qu’ils seraient en droit d’attendre (CJCE 30 nov. 1983, aff. C-227/82, Van Bennekom ; 21 mars 1991, aff. C-60/89, Monteil, D. 1993. 136 , obs. J.-P. Storck ; RDSS 1991. 430, obs. J.-M. Auby ; RTD eur. 1992. 687, chron. J. G. Huglo ), celle de médicament par fonction (seconde partie de la définition) vise à englober les produits dont les propriétés pharmacologiques ont été scientifiquement constatées (CJCE 15 nov. 2007, aff. C-319/05, Commission c. Allemagne, RDSS 2008. 176, note J. Peigné ; RTD eur. 2008. 885, chron. A.-L. Sibony et A. Defossez ; 5 janv. 2009, aff. C-140/07, RDSS 2009. 370, obs. J. Peigné ; RTD eur. 2010. 129, chron. A.-L. Sibony et A. Defossez ).

Il appartient ainsi aux autorités compétentes, sous le contrôle du juge, de se prononcer au cas par cas, en tenant compte de l’ensemble des caractéristiques du produit, principalement de ses propriétés pharmacologiques, immunologiques ou métaboliques, telles qu’elles peuvent être établies en l’état actuel des connaissances scientifiques, mais également de sa composition, de ses modalités d’emploi, de l’ampleur de sa diffusion, de la connaissance qu’en ont les consommateurs et des risques que peut entraîner son utilisation (CJCE 9 juin 2005, aff. C-211/03, HLH Warenvertriebs et Orthica c. Allemagne ; 3 oct. 2013, aff. C-109/12, D. 2014. 2021, obs. A. Laude ).

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