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Le quotidien du droit en ligne

Sabrina Lavric, Maître de conférences, Université de la Nouvelle-Calédonie

Liberté d’expression : mise en œuvre du contrôle de proportionnalité pour les délits d’entrave à la circulation et de dénonciation calomnieuse

En cas d’atteinte alléguée à la liberté d’expression, il appartient au juge, après s’être assuré, dans l’affaire soumise, du lien direct entre le comportement incriminé et la liberté d’expression sur un sujet d’intérêt général, de vérifier le caractère proportionné de la déclaration de culpabilité, puis de la peine. Un tel contrôle nécessite un examen d’ensemble, devant prendre en compte, entre autres éléments, les circonstances des faits, la gravité du dommage ou du trouble éventuellement causé. 

La condamnation du Point dans l’affaire Bygmalion n’a pas enfreint la liberté d’expression

La Cour européenne des droits de l’homme estime que, pour condamner les journalistes, les juridictions internes se sont prononcées par des motifs pertinents et suffisants, sans excéder leur marge d’appréciation, et ont ainsi pu considérer que l’ingérence dans leur droit à la liberté d’expression était nécessaire, dans une société démocratique, à la protection de la réputation et des droits d’autrui.  

Affirmer que des faits ont été commis en application de la charia constitue une diffamation raciale

Constitue une diffamation publique envers une personne à raison de l’origine, de l’ethnie, la nation, la race ou la religion, en application des articles 29 et 32, alinéa 2, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, le fait d’imputer à la partie civile, sur internet, d’avoir commis les faits pour lesquels elle a été condamnée en application des règles de la charia. 

Référé en matière de presse : délai de comparution et office du juge de l’urgence

Le délai de vingt jours entre la citation et la comparution, prévu par l’article 54 de la loi sur la presse, ne s’applique pas devant le juge des référés appelé à faire cesser un trouble manifestement illicite sur le fondement de l’article 835, premier alinéa, du code de procédure civile

Diffamation sur internet : la modification du nom du titulaire du site ne constitue pas une nouvelle publication

Lorsque des poursuites pour diffamation publique sont engagées à raison de la diffusion d’un message figurant sur un site internet, le délai de prescription de l’action publique et de l’action civile court à compter de la première mise à disposition du message aux utilisateurs et la modification ultérieure du seul nom du titulaire du site ne constitue pas un nouvel acte de publication. 

Atteinte à la vie privée et mouvement #Metoo : la volonté de la victime de rester anonyme doit être considérée

L’identité d’une plaignante, souhaitant rester anonyme, ne peut être révélée que si cette information contribue à nourrir le débat d’intérêt général. Ainsi méconnaît l’article 455 du code de procédure civile la cour d’appel qui rejette toute atteinte illégitime à la vie privée sans répondre aux conclusions de la plaignante qui soutenait qu’elle n’avait pas souhaité médiatiser l’affaire la liant à un célèbre producteur de cinéma, à la différence des victimes s’inscrivant dans les mouvements #Metoo et #Balancetonporc. 

Procédure de presse : l’exclusion de certains délits n’est pas contraire à la Constitution

Le second alinéa de l’article 397-6 du code de procédure pénale, qui permet de recourir à la comparution immédiate pour certains délits de presse, de même que le second alinéa de l’article 65-3 de la loi du 29 juillet 1881 sur la presse, qui exclut pour certains d’entre eux l’exigence d’articulation et de qualification des faits dans les réquisitions aux fins d’enquête, ne sont pas contraires à la Constitution. 

Injure et provocation publique à la discrimination : conditions pour se constituer partie civile

L’impossibilité pour la personne qui s’estime attaquée à raison de sa religion, alors qu’elle n’est pas personnellement et directement visée par les propos ou dessins, de mettre en mouvement l’action publique pour provocation publique à la discrimination et injure publique aggravée est justifiée par la nécessité de limiter les atteintes à la liberté d’expression et ne porte pas atteinte au droit à un procès équitable. 

CEDH : la France n’a pas méconnu la liberté d’expression de Tariq Ramadan

Eu égard aussi à la marge d’appréciation élargie dont disposait la France, s’agissant de propos ne se rattachant pas à un débat d’intérêt général, la condamnation du requérant pour avoir diffusé l’identité d’une victime d’agression sexuelle constituait une ingérence proportionnée au but légitime poursuivi.

CEDH : la condamnation pour un courriel dénonçant une agression sexuelle est contraire à la Convention

Soulignant la nécessité d’apporter une protection appropriée aux personnes dénonçant les faits de harcèlement moral ou sexuel dont elles s’estiment les victimes, la Cour européenne considère qu’en refusant d’adapter aux circonstances de l’espèce les critères de la bonne foi, les juridictions françaises ont porté une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression garantie par l’article 10 de la Convention.Â