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Confusion de peines : motivation et articulation avec le cumul plafonné au maximum légal

Une demande de confusion facultative de peines doit être motivée précisément. Et la réduction, au maximum légal le plus élevé, de plusieurs peines de même nature prononcées pour des poursuites séparées, pour des infractions en concours, n’exclut pas que soit prononcée, par la suite, leur confusion totale ou partielle.

par Cloé Fonteixle 18 septembre 2017

L’article 132-4 du code pénal, relatif aux peines applicables en cas de concours d’infractions, dispose que, « lorsque, à l’occasion de procédures séparées, la personne poursuivie a été reconnue coupable de plusieurs infractions en concours, les peines prononcées s’exécutent cumulativement dans la limite du maximum légal le plus élevé. Toutefois, la confusion totale ou partielle des peines de même nature peut être ordonnée soit par la dernière juridiction appelée à statuer, soit dans les conditions prévues par le code de procédure pénale ». Par deux arrêts rendus le 11 juillet 2017, la chambre criminelle a apporté d’intéressantes précisions sur les conditions de présentation et d’examen de la demande de confusion facultative de peines (celle qui est présentée lorsque les peines, ajoutées entre elles, n’atteignent pas le maximum légal).

D’une part, elle a fait application des nouvelles dispositions de l’article 710 du code de procédure pénale. C’est sur le fondement de ce texte, relatif aux incidents contentieux, qu’une demande de confusion facultative de peines doit être formulée. Cette disposition donne compétence à l’une des juridictions ayant prononcé les condamnations. La loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales a précisé que la juridiction devait tenir compte « du comportement de la personne condamnée depuis la condamnation, de sa personnalité, ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale ». Jusqu’alors, la loi ne posait aucun critère d’examen de ces demandes et la Cour de cassation laissait aux juges le pouvoir souverain d’octroyer ou de refuser la confusion sollicitée (Crim. 20 juin 1977, n° 77-90.686, Bull. crim. n° 266 ; 13 déc. 1988, n° 88-81.480, Bull. crim. n° 427), sous réserve toutefois de l’exactitude des affirmations de fait ou de droit sur lesquelles ils se fondaient (Crim. 13 juin 1989, n° 88-86.466, Bull. crim. n° 255).

Dans cette affaire, la chambre criminelle était saisie du pourvoi d’un condamné formé contre un arrêt d’une cour d’appel qui avait rejeté sa demande de confusion de peines. Celle-ci avait considéré que l’individu avait déjà été condamné avant la commission des faits à l’origine des condamnations objet de la requête et que ces faits étaient de nature distincte et non concomitante, et ajouté que le requérant avait persisté ultérieurement dans la délinquance astucieuse, sans justifier de l’indemnisation des parties civiles ni d’éléments particuliers au soutien de sa demande. Au soutien de son pourvoi, le demandeur critiquait l’exploitation par la cour d’appel de « considérations pénales tournées vers le passé et tenant à l’infraction et à la nature des faits », et au contraire l’absence de prise en compte des éléments de personnalité, matériels, familiaux et sociaux. Il reprochait également à la cour d’appel de n’avoir pas motivé sa décision au regard des critères prévus par l’article 710 du code de procédure pénale. La chambre criminelle pose en principe que « la juridiction statuant sur une demande de confusion facultative de peines doit motiver sa décision notamment sur le fondement des dispositions de l’article 710 du code de procédure pénale ». Néanmoins, elle estime ne pas devoir entrer en voie de cassation, considérant qu’il appartenait au requérant « de produire des éléments de nature à justifier de l’évolution de son comportement, de sa personnalité et de sa situation matérielle, familiale et sociale, pour permettre à la juridiction, au besoin après vérifications ou investigations complémentaires, d’apprécier le mérite de sa demande ».

D’autre part, la chambre criminelle a précisé l’articulation entre réduction de plusieurs peines au maximum légal de l’une d’entre elles et confusion de ces peines. En l’espèce, une personne avait été condamnée, par arrêts distincts respectivement rendus en 2003, 2004 et 2008, à trois peines de réclusion criminelle pour des faits entrant en concours réel commis au cours de l’année 2001. Postérieurement à ces condamnations, le procureur de la République – chargé de l’exécution des sentences pénales en application de l’article 707-1 du code de procédure pénale – avait notifié à l’administration pénitentiaire que ces trois peines devaient être exécutées dans la limite de trente ans de réclusion criminelle. En 2013, le condamné avait sollicité la confusion de ces deuxième et troisième peines avec la première d’entre elles. Pour rejeter cette requête, la chambre de l’instruction de la cour d’appel avait jugé qu’aucune confusion facultative de peines ne pouvait être prononcée concomitamment ni postérieurement à leur réduction au maximum légal, précisant que celle-ci était « non seulement de droit mais prioritaire ». La chambre criminelle a censuré ces motifs erronés et rappelé, au visa de l’article 132-4 du code pénal, que « la réduction, au maximum légal le plus élevé, de plusieurs peines de même nature prononcées, à l’occasion de poursuites séparées, pour des infractions en concours, n’exclut pas que soit prononcée, par la suite, leur confusion totale ou partielle ». Elle a cassé l’arrêt attaqué et renvoyé l’affaire devant la chambre de l’instruction autrement composée afin qu’elle procède à l’examen de la requête au fond.