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Mise en concurrence des avocats, l’éternel débat

Avec la transposition des directives Marchés publics se pose à nouveau l’épineuse question de la mise en concurrence des avocats. Ces derniers réclament l’annulation de l’ordonnance du 23 juillet 2015. 

par Diane Poupeaule 25 janvier 2016

Les marchés de services juridiques sont-ils des marchés publics comme les autres ? La question n’est pas nouvelle. Depuis plus de quinze ans, presque chaque réforme d’ampleur du code des marchés publics s’est accompagnée d’un recours d’avocats, soucieux de voir leurs relations avec leurs clients publics exclues du champ de la commande publique. Le processus de transposition des directives européennes du 26 février 2014 n’y fait pas exception puisque le Conseil national des barreaux, la conférence des bâtonniers et l’ordre des avocats au barreau de Paris ont formé un recours en référé-suspension et un recours pour excès de pouvoir contre l’ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics. Si le référé a été rejeté pour défaut d’urgence (V. CE, ord., 16 oct. 2015, n° 393588, AJDA 2015. 1952 ), le recours au fond reste pendant.

La question pourrait toutefois paraître réglée à en juger par la jurisprudence, bien établie, du Conseil d’État en la matière. Dès 1999, celui-ci affirmait, à l’occasion d’un recours de plusieurs avocats contre l’article 5 du décret n° 98-111 du 27 février 1998 modifiant le code des marchés publics, qu’« aucun des principes régissant la représentation en justice par les avocats, relatifs notamment au respect du secret des relations entre l’avocat et son client et à l’indépendance de l’avocat, ne fait obstacle à ce que les contrats conclus entre un avocat et une collectivité publique pour la représentation en justice de celle-ci doivent être précédés d’une procédure de mise en concurrence préalable » (CE 9 avr. 1999, n° 196177, Lebon ; AJDA 1999. 834 ; ibid. 776, chron. P. Fombeur et M. Guyomar ; D. 1999. 399 , note P. Terneyre ; RFDA 1999. 951, concl. H. Savoie ; RTD com. 1999. 664, obs. G. Orsoni ), une solution confirmée à l’occasion d’un recours contre le décret du 1er août 2006 (CE, 9 juill. 2007, n° 297711, Lebon avec les conclusions ; AJDA 2007. 1383 ; ibid. 1593 , note J.-D. Dreyfus ; D. 2007. 2033, obs. E. Royer ; RDI 2007. 423, obs. J.-D. Dreyfus ; ibid. 2008. 44, obs. R. Noguellou ; RTD eur. 2008. 835, chron. D. Ritleng, A. Bouveresse et J.-P. Kovar ).

« Surtransposition » des directives

Aujourd’hui, les arguments sont différents. Le reproche fait par les avocats à l’ordonnance tient en un mot : surtransposition. Les directives 2014/24 et 2014/25, respectivement applicables aux pouvoirs adjudicateurs et aux entités adjudicatrices, excluent de leur champ d’application les services ayant pour objet la représentation légale d’un client par un avocat, mais également les services de conseil juridique fournis en vue de la préparation d’une procédure contentieuse. Les services de conseil hors contentieux sont, quant à eux, soumis à un régime très assoupli consistant en la publication d’un avis de marché et d’un avis d’attribution, à la condition que leur montant estimé soit égal ou supérieur à 750 000 € hors taxes.

L’ordonnance du 23 juillet ne prévoit pourtant aucun régime d’exclusion pour ces marchés. À en croire l’étude d’impact, « aucun motif d’intérêt général ne permet, en droit interne, de les soustraire aux principes fondamentaux de la commande publique ». Pour les organisations d’avocats requérantes, le texte de l’ordonnance serait en totale contrariété avec le droit de l’Union européenne et les objectifs poursuivis par la directive mais également avec l’article 88-1 de la Constitution.

Si les moyens varient, une question demeure : pourquoi les avocats...

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