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Convention judiciaire d’intérêt public : deal de justice ?
Convention judiciaire d’intérêt public : deal de justice ?
Les députés ont adopté mardi un amendement créant la convention judiciaire d’intérêt public, avatar de la transaction pénale retirée du projet de loi Sapin II, sur la transparence de la vie économique, après les réserves du Conseil d’État.
par Pierre-Antoine Souchardle 10 juin 2016
Ce dispositif, présenté par la députée PS de Paris Sandrine Mazetier, instaure une mesure de substitution aux poursuites pénales qui ne concerne que les personnes morales. Il vise à obtenir « des sanctions plus lourdes, plus rapides et une prévention de la récidive », a-t-elle expliqué à l’Assemblée nationale.
Depuis la ratification par la France (6e économie mondiale) de la convention de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur la corruption d’agents publics étrangers en 2000, aucune entreprise hexagonale n’a été condamnée définitivement pour de tels faits. Non qu’elles soient plus vertueuses que leurs concurrentes étrangères mais le temps de la justice est long. Pour ne pas dire très long, au regard de la complexité des techniques de corruption et de la faiblesse des moyens alloués aux enquêteurs.
En février 2016, le groupe pétrolier Total a été condamné à 750 000 € d’amende pour des faits de corruption liés au programme Pétrole contre nourriture, mis en place par l’Organisation des Nations unies (ONU) entre 1996 et 2003. Lorsque les sanctions tombent, elles sont tardives, « très légères et disproportionnées par rapport à la gravité des faits », relève l’exposé des motifs de l’amendement. « Pour des faits analogues, nos entreprises sont frappées à l’étranger de sanctions lourdes » et les sommes versées « sont récupérées par d’autres États ». Tout serait donc histoire de gros sous.
Si les procédures transactionnelles existent en Allemagne, au Pays-Bas, Grande-Bretagne, c’est aux États-Unis que des entreprises françaises ont été sanctionnées. Le Foreign Corrupt Practice Act, permet de poursuivre toute entreprise étrangère cotée aux États-Unis. Cinq grands groupes français, BNP, Alstom, Total, Alcatel-Lucent, Technip, poursuivis pour corruption, ont accepté le Deferred Prosecution Agreement (DPA), la procédure transactionnelle mise en place, et se sont vues imposer de lourdes amendes évitant ainsi un procès public.
Réforme de grande portée ou impôt sur la corruption ?
Que prévoit la convention judiciaire d’intérêt public ? Elle vise les délits prévus aux articles 433-1, 435-3, 435-4, 435-9, 435-10, 445-1, 445-1-1, 445-2, 445-2-1, 8e alinéa de 434-9 et 2e alinéa de 434-9-1.La convention peut être proposée soit par le parquet avant le déclenchement de l’action publique, soit par le juge d’instruction si la personne morale, déjà mise en examen, reconnaît les faits et la qualification pénale retenue. Ce qui ne met pas fin aux poursuites contre les personnes physiques mises en examen.
Quelle sanction ? Une amende dont le montant sera calculé en fonction des « avantages tirés » de l’infraction et « dans la limite de 30 % » du chiffre d’affaires moyen annuel sur les trois dernières années. L’entreprise devra ensuite se soumettre pendant trois ans à un programme de mise en conformité sous la supervision de l’Agence française anticorruption, créée par la Loi Sapin II. La convention devra être homologuée en audience publique par un juge du siège. Celui-ci peut refuser de la valider. Si des victimes sont identifiées, elles sont convoquées à cette audience et peuvent voir leur préjudice réparé.
L’homologation, qui ne vaut pas déclaration de culpabilité, ne sera pas mentionnée au bulletin B1 du casier. Mais une condamnation peut exclure une entreprise de concourir à certains marchés financiers (dir. 2004/18/CE du Conseil de l’Europe pour les opérateurs condamnés pour corruption).
La prescription est suspendue pendant le délai de la convention. Si celle-ci n’est respectée, la procédure judiciaire reprend son cours.
Les organisations non gouvernementales sont partagées sur cette nouvelle mesure. « Une réforme de grande portée », selon Daniel Lebègue, le président de Transparency International France. « Elle donne à la justice un moyen qu’elle n’avait pas jusqu’à présent », se félicite-t-il en permettant d’engager « une transaction non seulement sur les pénalités mais sur les mesures à mettre en œuvre au sein de l’entreprise pour éviter la récidive ».
« La justice négociée conduira à l’impunité des entreprises qui auront simplement payé une amende », préviennent Sherpa et Anticor avant de dénoncer un dispositif qui risque de devenir « un impôt sur la corruption ». À ce jour, une seule reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), dont le champ a été élargi aux délits financiers, émanant du parquet national financier (PNF) a été homologuée.
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