Accueil
Le quotidien du droit en ligne
-A+A
Article

Responsabilité du fait des produits défectueux : office du juge

Si le juge n’a pas, sauf règles particulières, l’obligation de changer le fondement juridique des demandes, il est tenu lorsque les faits dont il est saisi le justifient, de faire application des règles d’ordre public issues du droit de l’Union européenne, telle la responsabilité du fait des produits défectueux, même si le demandeur ne les a pas invoquées.

par Thibault de Ravel d'Esclaponle 18 juillet 2017

Les premiers juges sont-ils tenus d’examiner d’office l’applicabilité du régime spécial de responsabilité des produits défectueux, issu de la directive du 12 juillet 1985 et aujourd’hui codifié aux articles 1245 et suivants du code civil (anc. art. 1386-1 s.), lorsque la victime ne l’a pas invoqué ? Dans cette importante décision du 7 juillet 2017, rendue en formation de chambre mixte, la Cour de cassation répond par la positive dans un litige impliquant un agriculteur se plaignant du préjudice qu’il avait subi dans la manipulation d’un produit – il s’agissait d’un herbicide – et notamment lié à l’inhalation de vapeurs toxiques. La victime avait engagé son action sur le fondement de l’ancien article 1382 du code civil, estimant que le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux ne pouvait s’appliquer dans la mesure où la mise sur le marché du produit était antérieure à la date d’effet de la directive.

Or les juges du fonds auraient dû examiner d’office l’applicabilité au litige de la responsabilité du fait des produits défectueux. C’est ce qu’exprime la Cour de cassation aux termes d’un attendu très net, selon lequel, « si le juge n’a pas, sauf règles particulières, l’obligation de changer le fondement juridique des demandes, il est tenu lorsque les faits dont il est saisi le justifient, de faire application des règles d’ordre public issues du droit de l’Union européenne, telle la responsabilité du fait des produits défectueux, même si le demandeur ne les a pas invoquées ». Le fondement de cette solution est solide ; sont convoqués, dans le visa, tout à la fois, la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 mettant en place le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux, les articles 1386-1 et suivants du code civil, l’article 12 du code de procédure civile, mais également les principes de primauté et d’effectivité du droit de l’Union européenne.

Et précisément, dans cette espèce, les faits justifiaient que le juge examine l’applicabilité de ce régime, quand bien même la victime l’avait écarté. En effet, elle avait acheté le produit ayant causé le dommage en avril 2004 à une coopérative agricole laquelle l’avait elle-même acheté à la société venderesse du produit. Il était donc possible que celle-ci en soit le producteur, ce qui avait pour conséquence que la date de mise en circulation du produit, qui ne pouvait résulter de la seule autorisation de...

Il vous reste 75% à lire.

Vous êtes abonné(e) ou disposez de codes d'accès :