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Action en contrefaçon : être ou ne pas être utilisé dans la vie des affaires

La chambre criminelle réaffirme qu’une action en contrefaçon est conditionnée à la démonstration d’un usage de la marque dans la vie des affaires. Sa décision met en évidence l’interprétation autonome de la notion et rappelle que le préjudice causé au propriétaire de la marque doit traduire un objectif économique propre à la vie des affaires.

Bien que cette exigence ne soit pas intégrée à la lettre de l’article L. 716-10 du code de la propriété intellectuelle, la notion « d’usage dans la vie des affaires » est une condition nécessaire à l’action en contrefaçon. Cette exigence résulte de l’harmonisation des législations européennes et matérialise le fait que l’objet social protégé par les infractions de contrefaçon est exclusivement économique. Pour autant, la notion n’a jamais vraiment été définie et résulte plutôt d’une interprétation pragmatique de la jurisprudence comme le montre la décision rendue le 27 février 2024 par la chambre criminelle.

En l’espèce, au cours du mois de décembre 2018, la société BFM TV a constaté que l’affichage d’un panneau publicitaire titrait : « Les syndicats de police & BFM vous souhaitent un bon enfumage 2019 ». Par la suite, la société requérante a également constaté que le propriétaire du panneau publicitaire, un professionnel inscrit au répertoire SIRENE pour une activité d’agence de publicité, avait également publié à deux reprises, sur sa page Facebook, une photographie de cette affiche. Or, la marque BFM a été régulièrement déposée et enregistrée par la société BFM TV. Cette dernière a, dès lors, décidé de poursuivre le propriétaire du panneau en contrefaçon par usage et reproduction.

La société a été déboutée de ses demandes le 7 mars 2023 lorsque la chambre d’instruction de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a confirmé l’ordonnance de non-lieu rendue par le juge d’instruction saisi en première instance ; elle s’est alors pourvue en cassation. En son pourvoi, la société reprochait que la décision de non-lieu ait été rendue au motif que l’affiche ne s’inscrivait pas dans la vie des affaires, et ce alors qu’elle était utilisée sur un panneau publicitaire appartenant à un professionnel de la publicité. De son côté, la cour d’appel considérait ce paramètre comme inopérant dès lors que l’affiche était diffusée « de façon restreinte et pour un temps donné, présente un caractère satirique, ne contient aucune proposition de produit, ne s’inscrit dans aucune activité économique et ne procède d’aucune opération commerciale ».

C’est sans grande surprise que la chambre criminelle rejette le pourvoi en abondant dans le sens de la cour d’appel. Rappelant que les juges doivent rechercher si l’utilisation de la marque octroie un avantage de nature économique, la Cour de cassation confirme que la seule situation de la personne poursuivie est indifférente lorsque l’utilisation de la marque n’est pas intrinsèquement économique.

Une scission nette entre la vie des affaires et la commercialité

En confirmant que le propriétaire de l’affiche publicitaire peut être considéré comme un participant à la vie des affaires tout en écartant ce paramètre, la Cour de cassation rappelle que la notion de « vie des affaires » est une condition essentielle à l’action en contrefaçon tout en réaffirmant l’autonomie de son interprétation. En effet, l’usage dans la vie des affaires est depuis longtemps distinct du critère de commercialité utilisé pour caractériser les actes de commerce....

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