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Cour d’assises : interdiction de motivation de la peine prononcée

En cas de condamnation par la cour d’assises, la motivation consiste dans l’énoncé des principaux éléments à charge qui l’ont convaincue de la culpabilité de l’accusé ; mais en l’absence d’autre disposition légale le prévoyant, la cour et le jury ne doivent pas motiver le choix de la peine qu’ils prononcent. 

par Sébastien Fucinile 21 février 2017

Par trois arrêts du 8 février 2017, la chambre criminelle a affirmé que, selon l’article 365-1 du code de procédure pénale, « en cas de condamnation par une cour d’assises, la motivation consiste dans l’énoncé des principaux éléments à charge qui l’ont convaincue de la culpabilité de l’accusé » et elle a ajouté « qu’en l’absence d’autre disposition légale le prévoyant, la cour et le jury ne doivent pas motiver le choix de la peine qu’ils prononcent dans les conditions définies à l’article 362 » du même code. Elle a, sur le fondement de ce principe, cassé pour violation de la loi les arrêts d’assises qui lui étaient soumis en ce qu’ils avaient motivé la peine prononcée. En d’autres termes, la chambre criminelle affirme que, si les cours d’assises doivent motiver la déclaration de culpabilité, elles ont l’interdiction, à peine de nullité, de motiver la peine prononcée, la présence d’une motivation de la peine, aussi succincte soit-elle, constituant un motif de cassation. Ces décisions appellent deux séries d’observations, tenant à la motivation des arrêts d’assises et à la cassation des arrêts en cause.

La motivation des arrêts d’assises a été instaurée par la loi n° 2011-939 du 10 août 2011, à la suite des positions exprimées par le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Le Conseil constitutionnel n’avait vu aucune contrariété à la Constitution dans l’absence de motivation des arrêts d’assises (Cons. const., 1er avr. 2011, n° 2011-113/115 QPC, Dalloz actualité, 5 avr. 2011, obs. S. Lavric ; ibid. 1156, point de vue J.-B. Perrier ; ibid. 1158, chron. M. Huyette ; ibid. 2012. 1638, obs. V. Bernaud et N. Jacquinot ; AJ pénal 2011. 243, obs. J.-B. Perrier ; Constitutions 2011. 361, obs. A. Cappello ; RSC 2011. 423, obs. J. Danet ). En revanche, la CEDH avait critiqué cette absence de motivation, qui est contraire au droit au procès équitable protégé par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme lorsque les questions posées combinées avec l’acte d’accusation ne permettent pas de comprendre les raisons ayant conduit à la condamnation (CEDH 16 nov. 2010, Taxquet c. Belgique, n° 926/05 ; Dalloz actualité, 25 nov. 2010, obs. O. Bachelet , note J.-F. Renucci ; ibid. 48, note J. Pradel ; Just. & cass. 2011. 241, étude C. Mathon ; AJ pénal 2011. 35, obs. C. Renaud-Duparc ; RSC 2011. 214, obs. J.-P. Marguénaud ). Il n’était pas en soi nécessaire de prévoir une motivation explicite des arrêts d’assises : si les questions sont suffisamment précises et nombreuses pour comprendre les raisons ayant conduit à la condamnation, il n’y a pas violation de l’article 6 de la Convention européenne (CEDH 10 janv. 2013, Légillon c. France, n° 53406/10, D. 2013. 615 , note J.-F. Renucci ; AJ pénal 2013. 336, note C. Renaud-Duparc ). Le législateur a cependant préféré prévoir une motivation plus explicite qui doit être rédigée par le président ou l’un des magistrats assesseurs en cas de condamnation et qui consiste « dans l’énoncé des principaux éléments à charge qui, pour chacun des faits reprochés à l’accusé, ont convaincu la cour d’assises. Ces éléments sont ceux qui ont été exposés au cours des délibérations menées par la cour et le jury en application de l’article 356, préalablement aux votes sur les questions » (C. pr. pén., art. 365-1). La Cour de cassation exerce ainsi...

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