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Le droit pénal face à l’adoption « fa’a’amu »

Le 27 septembre 2023, la chambre criminelle se prononçait, notamment après avis de la première chambre civile, sur les conséquences pénales de l’adoption d’un enfant selon la pratique polynésienne, dite adoption « fa’a’amu ».

par Méryl Recotilletle 11 octobre 2023

L’adoption « fa’a’amu » fait référence à l’adoption traditionnelle en Polynésie, laquelle est décrite comme « une conception de l’adoption sans abandon : une famille donne la vie, et confie à une autre le soin d’élever l’enfant » (Rép. civ., Adoption, par F. Eudier n°s 246 et 247 ; N. Gagné, Le fa’a’amu, défi judiciaire. Les juges face au « confiage » d’enfants en Polynésie française, in Délibérée, vol. 18, La Découverte, 2023, p. 55 s. ; v. égal., S.-F. Ribot-Astier et M.-N. Charles, Le placement en vue de l’adoption des enfants de Polynésie française est-il conforme au droit français ?, JCP 1997. I. 4073 ; P. Gourdon, Quelques réflexions sur l’amélioration du processus d’adoption des enfants polynésiens, Dr. fam. 2004. Étude 18). Si l’adoption « fa’a’amu » soulève des questions principalement en matière civile, elle n’échappe pas au droit répressif, ainsi qu’en témoigne l’arrêt rendu par la chambre criminelle le 27 septembre 2023.

En l’espèce, deux hommes résidant en Polynésie française avaient pris contact avec la cellule d’adoption de la Direction des solidarités, de la famille et de l’égalité (DSFE) et déposé une demande d’agrément qu’ils ont confirmée avant de l’annuler quelques mois plus tard. Par la suite, ce couple a fait l’objet d’un signalement, auprès de la DSFE, par le centre hospitalier de la Polynésie française pour avoir distribué, à la maternité de cet établissement, des cartes de visite sur lesquelles il était mentionné qu’ils cherchaient à adopter un « enfant fa’a’amu » suivi de leurs coordonnées. Grâce à l’intervention d’un intermédiaire, les deux hommes sont entrés en contact avec une femme, alors enceinte, et son époux. Il a été convenu qu’à sa naissance, l’enfant serait remis aux deux individus afin de réduire les difficultés d’une procédure d’adoption et que l’un d’eux reconnaîtrait l’enfant comme le sien, ce qu’il fit, par une reconnaissance anticipée de paternité.

L’homme ayant reconnu l’enfant a accompagné la future mère à la clinique où elle a donné naissance à une fille qui est sortie de l’établissement avec le couple, la mère ayant regagné son domicile la veille. La DSFE a adressé un signalement au procureur de la République après la visite d’un travailleur social au domicile de la mère biologique. Celle-ci lui a, en effet, déclaré qu’elle a « donné son bébé » à l’homme qui a reconnu l’enfant comme étant le sien auprès des services de l’état civil.

Le procureur de la République a ordonné l’ouverture d’une enquête et l’enfant a fait l’objet d’un placement provisoire sur une décision du juge des enfants.

Deux procédures étaient engagées par le procureur de la République, l’une devant les juridictions civiles (Tr. civ. Papeete, 13 sept. 2021, n° 21/00399 ; Papeete, 28 juin 2022, n° 21/00370) et l’autre devant les juridictions pénales. En effet, les parents biologiques ainsi que le couple ayant emmené l’enfant ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel. Les juges du premier degré ont relaxé les prévenus. Le procureur général a relevé appel de cette décision. En cause d’appel, la cour a confirmé le jugement de première instance, relaxant les prévenus des chefs de provocation à l’abandon d’enfant, faux document administratif et obtention indue de document administratif.

Le procureur général près la Cour d’appel de Papeete s’est pourvu en cassation.

Le rejet de la provocation à l’abandon d’enfant

L’arrêt d’appel a énoncé que les parents biologiques avaient pris...

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