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Forum delicti et fraude aux gaz d’échappement : des précisions sur le lieu de matérialisation du dommage

En application du règlement Bruxelles I bis, lorsqu’un véhicule, prétendument équipé par son constructeur, dans un premier État membre, d’un dispositif illégal d’invalidation réduisant l’efficacité des systèmes de contrôle des émissions, a fait l’objet d’un contrat de vente conclu dans un deuxième État membre et a été remis à l’acquéreur dans un troisième État membre, le lieu de la matérialisation du dommage se situe dans ce dernier État.

Lorsqu’un véhicule, illégalement équipé d’un dispositif affectant l’efficacité des systèmes de contrôle des émissions, a été construit, acquis et remis aux acquéreurs dans des États membres distincts, quel est le juge compétent pour connaître de l’action délictuelle ?

C’est à cette difficulté, en partie réglée à l’aune d’une jurisprudence antérieure, que la Cour de justice a eu à connaître dans l’arrêt rendu 22 février 2024.

I. En l’espèce, des acheteurs domiciliés en Autriche ont fait l’acquisition en 2019 d’un camping-car auprès d’un concessionnaire établi en Allemagne. La remise a par la suite eu lieu en Autriche, par l’intermédiaire de l’entrepôt de livraison du vendeur.

Estimant que le véhicule avait été illégalement équipé d’un dispositif d’invalidation réduisant l’efficacité des systèmes de contrôle des émissions, les acquéreurs ont saisi, sur le fondement de l’article 7, point 2, du règlement Bruxelles I bis n° 1215/2012 du 12 décembre 2012, une juridiction autrichienne d’une action en responsabilité délictuelle contre les deux sociétés italiennes ayant respectivement construit le véhicule et son moteur.

On sait qu’en vertu de cette disposition, une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite, en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire. Ce chef de compétence concerne à la fois le lieu de la matérialisation du dommage et celui de l’événement causal qui en est à l’origine, de telle manière que le défendeur peut être attrait, au choix du demandeur, devant la juridiction de l’un ou de l’autre de ces lieux (v. not., CJUE 29 juill. 2019, Tibor-Trans, aff. C-451/18, D. 2019. 1656 ; ibid. 1956, obs. L. d’Avout, S. Bollée et E. Farnoux ; Rev. crit. DIP 2020. 129, note L. Idot ; RTD eur. 2019. 907, obs. L. Idot ).

Devant les juridictions autrichiennes, le litige s’est plus spécifiquement cristallisé sur l’interprétation de l’article 7, point 2, du règlement Bruxelles I bis d’après les termes de l’arrêt rendu le 9 juillet 2020 par la Cour de justice dans le cadre du Dieselgate.

Selon cet arrêt, lorsque des véhicules ont été illégalement équipés par le constructeur d’un logiciel manipulant les...

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