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Incidences du principe de réparation intégrale du préjudice

Par son arrêt du 23 janvier 2024, la Cour de cassation, statuant en matière de réparation du préjudice corporel, apporte des précisions sur l’indemnisation des dépenses de santé et du déficit fonctionnel permanent, eu égard au principe de réparation intégrale.

Le code civil dispose, en son article 1240, que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Sur le fondement de cette disposition, les juges ont déduit un principe de réparation intégrale du préjudice. En matière de dommage corporel, il s’agit ainsi, par le biais du versement d’une indemnité financière, de rétablir aussi exactement que possible l’équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation dans laquelle elle se trouverait si l’acte dommageable n’avait pas eu lieu.

La difficulté tient dans la détermination de l’étendue du préjudice subi. Afin de guider les praticiens de l’indemnisation des préjudices, la nomenclature Dintilhac a été établie et répertorie les postes d’indemnisation selon des définitions qui peuvent être communément partagées (A. Coviaux, La nomenclature Dintilhac, la belle aubaine !, AJ pénal 2017. 8 ).

Par l’arrêt commenté, la Haute juridiction vient donner des précisions concernant la réparation de deux postes de préjudice : les dépenses de santé et le déficit fonctionnel permanent. Cette décision trouve son origine dans la reconnaissance de la culpabilité d’un prévenu du chef de blessures involontaires par conducteur de véhicule terrestre à moteur, lequel a été condamné au paiement d’un montant au titre de l’indemnisation du préjudice de la victime ne satisfaisant par cette dernière.

L’étendue de la preuve en matière de dépenses de santé

S’il est établi que l’indemnisation des dépenses de santé est conditionnée à la production de la preuve de la dépense, la Cour de cassation exige par ailleurs l’établissement du caractère médical de la dépense.

L’exigence de production de la preuve de la dépense

La catégorie des dépenses de santé regroupe les frais médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et hospitaliers. Ce poste de préjudice requiert que la victime rapporte la preuve des frais restés à sa charge. Cette exigence probatoire peut ainsi être satisfaite par la production de décomptes adressés aux assurés sociaux à l’occasion du remboursement des frais par les organismes de sécurité sociale obligatoire, du décompte final de l’organisme de mutuel ou de factures ou notes d’honoraires en cas d’absence de prise en charge.

Cette exigence s’explique par le principe de réparation intégrale qui implique l’absence de profit, la victime ne pouvant être indemnisée que pour les frais restés à sa charge. Le conditionnement de l’indemnisation aux éléments probatoires se justifie pleinement en matière de dépenses de santé et il s’agit de l’un des postes de préjudice qui fait le moins l’objet de débats devant les juridictions. Mais il constitue également le poste pour lequel les pertes sont essentiellement recensées. En effet, encore faut-il que les victimes aient le réflexe de conserver les justificatifs nécessaires, ce qui en pratique n’est pas nécessairement le cas en ce qui concerne les frais ne faisant l’objet d’aucune prise en charge par les organismes de sécurité sociale et les mutuelles.

La Cour de cassation, par son arrêt du 23 janvier 2024, vient davantage encadrer l’exigence probatoire.

La nécessité d’établissement du caractère médical de la dépense

Le cas d’espèce visait la demande de remboursement d’un matelas et cadre de lit anti-escarres. Les demanderesses au pourvoi alléguaient qu’en rejetant la demande de la victime aux motifs que « la facture d’achat ne précise pas s’il s’agit d’un matériel médical, ni la classe de ce matelas anti-escarres », la cour d’appel a méconnu le principe de la réparation intégrale du préjudice, lequel n’implique pas de contrôle sur l’utilisation des fonds alloués à...

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