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Indemnisation personnelle du gérant d’un concessionnaire liquidé en cas d’informations inexactes transmises par la tête de réseau dans le DIP

L’arrêt contient deux enseignements totalement distincts. Premièrement, une tête de réseau ne peut pas invoquer, à l’égard du gérant, une fin de non-recevoir concernant un tiers à l’instance, à savoir le (supposé) non-respect du principe du contradictoire à l’égard du concessionnaire non attrait à la cause. Deuxièmement, la tête de réseau engage sa responsabilité lorsque les informations relatives à l’étude du marché local ne sont pas sincères. La responsabilité peut être engagée à l’égard du concessionnaire mais aussi à l’égard de son gérant pour des préjudices qui lui sont propres.

1. Le contentieux relatif au document d’information précontractuel (DIP) est intarissable. Ce contentieux soulève d’évidentes questions de fond, notamment d’indemnisation. De manière plus inattendue, ce contentieux peut également soulever des questions procédurales.

Le point de départ est bien connu : la loi impose, dans certains réseaux de distribution, la transmission d’un DIP avant la conclusion du contrat (C. com., art. L. 330-3). Les membres du réseau, souvent lorsqu’ils sont en procédure collective, n’hésitent pas à invoquer le caractère incomplet, faux, voire mensonger, des informations transmises afin d’être indemnisés. Il est encore envisageable que la tête de réseau transmette davantage d’informations que celles exigées par le législateur, ce qui n’écarte pas le risque de contentieux comme l’illustre l’arrêt commenté.

2. L’affaire concerne le réseau des cuisines Schmidt dans lequel la distribution s’opère via des concessionnaires, c’est-à-dire via un système d’achat/revente entre le fournisseur-concédant et chaque concessionnaire. Un litige s’élève relativement à certaines informations communiquées par la tête de réseau. Ce litige n’est toutefois pas engagé par le membre du réseau (la société Sophil Concept, dont la liquidation a été prononcée) mais par son seul gérant. La configuration est donc originale : une personne physique cherche à engager la responsabilité extracontractuelle de la tête de réseau relativement à des éléments financiers communiqués par celle-ci.

3. Exposons immédiatement la solution retenue après le rejet du pourvoi : la tête de réseau des cuisines Schmidt est condamnée à payer 51 000 € de dommages-intérêts au gérant du concessionnaire.

4. Cette solution actée, attardons-nous sur les deux aspects parfaitement distincts du litige.

Le premier est strictement procédural. Le second illustre, encore une fois, le contentieux relatif aux informations transmises par la tête de réseau dans le DIP.

La tête de réseau ne peut pas opposer une fin de non-recevoir concernant un tiers à l’instance

5. Devant la Cour de cassation, les cuisines Schmidt invoquent l’irrecevabilité de la demande du gérant.

On passera rapidement sur le passage du pourvoi évoquant un « manquement contractuel » lié au « contrat de franchise » (arrêt, § 6). D’abord, le contrat conclu en l’espèce n’était pas une franchise mais une concession, dont les principales différences se logent dans le savoir-faire transmis, voire les redevances payées (C. Bellet et N. Dissaux, Le guide de la franchise, 2e éd., Guides Dalloz, 2023, § 11.33). Ensuite, le manquement reproché semble plutôt légal : le gérant reprochait, en effet, à la tête de réseau d’avoir transmis des informations relatives à l’étude du marché local qui n’étaient pas sincères.

6. Ceci précisé, le pourvoi considérait que le concessionnaire, principale victime des informations inexactes, aurait dû être attrait à la procédure. Le concessionnaire n’ayant pu se défendre, le principe du contradictoire aurait été violé. L’argument est balayé : « une partie [la tête de réseau] n’a pas qualité pour opposer à une demande formée contre elle une fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance prétendue des droits d’un tiers à l’instance [le concessionnaire] » (arrêt, § 7).

7. Déjà énoncée par la première...

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