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L’opposition des minoritaires au coup d’accordéon après l’arrêt du plan de redressement judiciaire peut être surmontée par la nomination d’un mandataire ad hoc

L’arrêt sous commentaire met en relief le pouvoir de nuisance dont peuvent disposer certains associés dans le cadre d’une reprise interne décidée dans un plan de redressement judiciaire. Le droit des entreprises en difficulté contient des dispositions spéciales permettant de briser l’opposition des associés pendant la procédure de redressement judiciaire. L’intérêt du présent arrêt est de mettre en lumière les ressources du droit commun permettant de faire plier des associés récalcitrants lorsque les modifications statutaires sont votées après l’arrêt du plan.

L’affaire

En janvier 2019, une société a été placée en redressement judiciaire et le plan a été arrêté en mai 2020. Postérieurement, une assemblée a été réunie pour mettre en œuvre les mesures de restructuration financières prévues par le plan. Il s’agissait d’un coup d’accordéon avec suppression du droit préférentiel de souscription au profit d’un repreneur. Au vu des besoins financiers de la société débitrice, l’opération aboutissait par l’effet de la contribution aux pertes à faire perdre aux associés en place la totalité de leurs titres et à les exclure de l’augmentation de capital subséquente par suppression de leur droit préférentiel de souscription. Des associés en place se sont opposés à ces résolutions. La société les a alors assignés devant le président du tribunal, statuant en référé, pour faire cesser le trouble manifestement illicite qui, selon elle, était créé par l’opposition de ces actionnaires, car la situation exposait la société à un dommage imminent. Elle a ainsi réclamé la désignation d’un mandataire ad hoc chargé de voter dans l’intérêt social en lieu et place des actionnaires minoritaires à l’occasion de la prochaine assemblée générale extraordinaire. Un mandataire a été désigné et les actionnaires opposants ont finalement formé un pourvoi en cassation.

D’une part, il était soutenu en substance que la cour d’appel ne pouvait pas nommer le mandataire en application des articles L. 631-9-1 et L. 626-3 du code de commerce, car l’opération ne peut être imposée par application de ces textes et car elle ne permettait pas d’atteindre le minimum légal de reconstitution des capitaux propres. Ensuite, il était reproché à l’arrêt d’avoir dénaturé le contrat d’émission d’obligations convertibles qui imposait, selon le pourvoi, l’accord préalable de la masse des obligataires en cas de réduction du capital et d’avoir violé les règles relatives à la consultation des porteurs de valeurs mobilières donnant accès au capital en cas de décision modificative du contrat d’émission.

D’autre part, il était soutenu que le dommage imminent n’était pas caractérisé par le seul risque de liquidation judiciaire et que la mesure de restructuration financière ne figurait pas dans le dispositif qui seul a autorité de chose jugée. Ils arguaient que seul l’abus de minorité autoriserait le juge à nommer un mandataire ad hoc pour représenter des minoritaires défaillants afin de voter des décisions conforme à l’intérêt social.

La solution

Tous ces arguments ont été écartés par la Cour de cassation.

Elle considère, en premier lieu, que les griefs relatifs à la possibilité de nommer le mandataire fondé sur les règles dérogatoires du droit commun des sociétés applicables pendant la procédure de redressement judiciaire sont inopérants. En effet, la demande de nomination du mandataire ad hoc n’a pas été présentée pendant la période d’observation par l’administrateur judiciaire sur la base du projet de plan de redressement. Elle a été introduite après l’arrêt du plan par la société de sorte que les articles L. 626-3 et L. 631-9-1 sont inapplicables. Elle retient ensuite que le contrat d’émission n’a pas été dénaturé et que les porteurs de valeurs mobilières donnant accès au capital social ne doivent autoriser que les modifications du contrat d’émission. En revanche, les porteurs sont simplement consultés sur les décisions touchant aux conditions de souscription ou d’attribution des titres de capital déterminés au moment de l’émission. Ce dernier point ne retiendra pas ici notre attention.

Enfin, la Cour de cassation considère que l’existence d’un dommage imminent était justifiée par l’exercice abusif du droit de vote des minoritaires. Le vote des associés s’inscrivait dans le prolongement du contexte conflictuel entre le dirigeant de la holding majoritaire et celui d’une société minoritaire au capital de la société qui avait proposé une offre de cession non retenue par le tribunal. L’usage du droit de vote était ainsi dans l’intérêt exclusif des minoritaires qui cherchaient à récupérer les actifs de la société. De plus, l’usage du droit de vote apparaît abusif en ce qu’il fait obstacle à la mise en œuvre des mesures de restructuration financière jugées indispensables au redressement de la société...

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