Accueil
Le quotidien du droit en ligne
-A+A
Article

Le liquidateur peut s’associer à une demande de retrait et remboursement de parts détenues par le débiteur au sein d’une société

Si la faculté de retrait d’un sociétaire constitue un droit personnel ne pouvant être exercé que par lui, les parts sociales font partie de son patrimoine et le liquidateur est recevable à en solliciter le remboursement. Or, si l’action en retrait et remboursement des parts a été engagée conjointement par le liquidateur et le représentant de la société, la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité du liquidateur pour exercer cette action doit être écartée.

Si l’emprise du dessaisissement du débiteur en liquidation judiciaire est forte (C. com., art. L. 641-9, I), celle-ci n’est pas absolue. Le principe souffre de deux catégories d’exceptions : les droits propres procéduraux, d’une part, et les droits personnels au débiteur, d’autre part.

Les premiers, en raison de leur célébrité, camouflent quelque peu les interrogations inhérentes à la détermination et au régime des seconds. Pourtant, les droits personnels emportent également leur lot de difficultés. Du reste, ils nous paraissent éminemment plus problématiques que les droits propres procéduraux.

Dans la pureté des notions, il vaudrait d’ailleurs mieux parler de « droits rattachés à la personne du débiteur » pour qualifier les droits qui lui sont personnels. Au demeurant, la notion n’est pas propre au droit des entreprises en difficulté, puisqu’elle est également présente au sein de l’article 1341-1 du code civil au titre des exceptions à la mise en œuvre d’une action oblique.

Les droits rattachés à la personne du débiteur sont en principe des droits dont les considérations personnelles, morales et familiales sont trop importantes pour qu’ils soient soumis au dessaisissement et partant, pour que leur exercice soit confié au liquidateur par le jeu normal de la mesure. Au demeurant, admettre le contraire conduirait à des situations cocasses. Imaginons un liquidateur divorcer en lieu et place du débiteur. Figurons-nous encore un mandataire se constituer partie civile pour le débiteur victime d’un fait infractionnel !

Cela étant, cette première présentation de la notion est trop brute pour être exacte.

Du reste, la réalité pratique est différente, déjà, parce qu’un droit personnel n’est pas obligatoirement extrapatrimonial ! En effet, la catégorie s’étend également aux droits patrimoniaux à caractère personnel, dont les principales manifestations se trouvent en matière de droit patrimonial de la famille, et spécialement, dans les domaines du divorce ou du droit des successions.

Là où les choses se compliquent encore, c’est que, dans une conception souple de la notion de droit personnel, la jurisprudence y a intégré des droits dont le « caractère personnel » n’apparait pas de prime abord. Ainsi les prérogatives que le débiteur tient de sa qualité d’associé font-elles partie de la catégorie des droits rattachés à la personne échappant à l’emprise du dessaisissement.

En l’occurrence, l’arrêt sous commentaire apporte au régime de l’exercice de ces prérogatives.

L’affaire

En l’espèce, une société – sociétaire d’une caisse locale de crédit agricole mutuel – détenait des parts sociales en dépôt à la caisse régionale de cette banque coopérative.

Hélas, la société a été placée en liquidation judiciaire et un mandataire ad hoc nommé aux fins de la représenter en justice. Par la suite, le liquidateur et le mandataire ad hoc de la société ont assigné la caisse locale pour obtenir le retrait de la banque coopérative et le remboursement des parts sociales.

Ils obtiendront gain de cause auprès des juges du fond et les caisses (locale et régionale) vont alors former un pourvoi en cassation.

En substance, selon les demanderesses, le liquidateur était irrecevable à se joindre à l’action intentée par le mandataire ad hoc, et ce, faute de qualité pour agir en remboursement des parts sociales appartenant au débiteur. Plus précisément, selon les caisses, cette demande, liée à la qualité de sociétaire du débiteur, se fonde sur la procédure de retrait régie par l’article L. 531-31 du code monétaire et financier et qui relèverait, donc, d’un droit attaché à la personne du débiteur que lui seul peut mettre en œuvre.

La solution

Le pourvoi est rejeté par la Cour de cassation.

Certes, d’abord, la Haute juridiction reconnaît volontiers que la faculté de retrait est rattachée strictement à la personne du sociétaire et ne peut être exercée que par ce dernier. Mais elle indique, ensuite, que les parts sociales détenues par un débiteur en liquidation judiciaire font partie de son patrimoine et que le liquidateur, qui exerce toutes les actions patrimoniales du débiteur, est recevable à en demander le remboursement.

Surtout, pragmatiquement, la Cour de cassation souligne le fait que l’action en retrait et en remboursement avait été engagée conjointement contre les...

Il vous reste 75% à lire.

Vous êtes abonné(e) ou disposez de codes d'accès :