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Non-cumul en matière fiscale : une règle réservée aux faits de dissimulation volontaire de sommes sujettes à l’impôt

Un contribuable qui a été déchargé de l’impôt pour un motif de fond par une décision juridictionnelle définitive ne peut être condamné pour fraude fiscale en cas de poursuites pour des faits de dissimulation volontaire d’une partie des sommes sujettes à l’impôt mais non pour omission volontaire de faire une déclaration dans les délais.

par Julie Galloisle 21 juin 2017

Le dirigeant de fait d’une société établie, de manière stable, en France a été condamné en première instance et en appel du chef de fraude fiscale pour avoir omis de déclarer les résultats au titre de l’impôt sur les sociétés s’agissant de l’exercice clos au 30 septembre 2006. Le prévenu a formé un pourvoi en cassation pour violation de l’article 1741 du code général des impôts. Selon lui, en effet, il ne peut être condamné de ce chef en ce qu’un arrêt définitif rendu le 2 octobre 2013 par la cour administrative d’appel de Paris l’a déchargé des rappels d’impôts sur le revenu, de contributions sociales et des pénalités pour manœuvres frauduleuses, auxquels il avait été assujetti pour les années 2005 et 2006 au titre des bénéfices sociaux prétendument réalisés par l’établissement détenu, en France, par la société intéressée. Pour ce faire, le prévenu fondait son argumentation notamment sur les dispositions de l’article 4 du protocole additionnel n° 7 de la Convention européenne des droits de l’homme relatives au principe ne bis in idem et reprenait, à son bénéfice, la réserve d’interprétation que le Conseil constitutionnel avait dégagée, à l’occasion de plusieurs décisions rendues en matière fiscale (Cons. const. 24 juin 2016, nos 2016-545 et 546 QPC, 2 esp., § 21, in limine, Dalloz actualité, 27 juin 2016, obs. J. Gallois ; D. 2016. 2442 , note O. Décima ; ibid. 1836, obs. C. Mascala ; Constitutions 2016. 361, Décision ; ibid. 436, chron. C. Mandon ; RSC 2016. 524, obs. S. Detraz  ; v. égal. Cons. const. 22 juill. 2016, n° 2016-556 QPC, D. 2016. 1569 ).

Le droit européen est, depuis plusieurs années, hostile à la pratique du cumul de poursuites à raison de comportements semblables (v. not. CEDH 10 févr. 2009, n° 14939/03, Zolotoukhine c. Russie, AJDA 2009. 872, chron. J.-F. Flauss ; D. 2009. 2014 , note J. Pradel ; RSC 2009. 675, obs. D. Roets  ; 4 mars 2014, n° 18640/10, Grande Stevens c. Italie, D. 2015. 1506, obs. C. Mascala ; Rev. sociétés 2014. 675, note H. Matsopoulou ; RSC 2014. 110, obs. F. Stasiak ; ibid. 2015. 169, obs. J.-P. Marguénaud ; RTD eur. 2015. 235, obs. L. d’Ambrosio et D. Vozza  ; 27 nov. 2014, n° 7356/10, Lucky Dev c. Suède), à un point tel qu’il a impulsé un changement de législation. En matière de comportements boursiers, le Conseil constitutionnel, saisi sur renvoi, par la chambre criminelle, de trois questions prioritaires de constitutionnalité (Crim. 17 déc. 2014, nos 14-90.042 et 14-90.043 [2 esp.], D. 2015. 7 ; ibid. 8 ; 28 janv. 2015, n° 14-90.049, Dalloz jurisprudence), a en effet déclaré, dans une décision du 18 mars 2015, inconstitutionnelles les dispositions du code monétaire et financier relatives aux délits d’initié et manquement d’initié, en ce qu’elles autorisent, pour les mêmes faits, un cumul de poursuites et de sanctions pénales et administratives pour délit d’initié et manquement d’initié, au regard des articles 8 et 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, desquels découle le principe de nécessité des délits et des peines (Cons. const. 18 mars 2015, n° 2014-453/454 QPC et 2015-462 QPC, consid. n° 28, AJDA 2015. 1191, étude P. Idoux, S. Nicinski et E. Glaser ; D. 2015. 894, et les obs. , note A.-V. Le Fur et D. Schmidt ; ibid. 874, point de vue O. Décima ; ibid. 1506, obs. C. Mascala ; ibid. 1738, obs. J. Pradel ; ibid. 2465, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé, C. Ginestet, M.-H. Gozzi et S. Mirabail ; AJ pénal 2015. 172, étude C. Mauro ; ibid. 179, étude J. Bossan ; ibid. 182, étude J. Lasserre Capdeville ; Rev. sociétés 2015. 380, note H. Matsopoulou ; RSC 2015. 374, obs. F. Stasiak ; ibid. 705, obs. B. de Lamy ; RTD com. 2015. 317, obs. N. Rontchevsky  ; 14 janv. 2016, n° 2015-513/514/526 QPC, D. 2016. 931, et les obs. , note O. Décima ; ibid. 1836, obs. C. Mascala ; ibid. 2424, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé, C. Ginestet, M.-H. Gozzi, L. Miniato et S. Mirabail ; Rev. sociétés 2016. 246, note E. Dezeuze et G. Pellegrin ; Constitutions 2016. 183, Décision ; ibid. 261, chron. M. Disant ; RSC 2016. 293, obs. F. Stasiak ; RTD com. 2016. 151, obs. N. Rontchevsky ). Une loi a en conséquence été adoptée le 21 juin 2016 aux fins de réformer le système de répression des abus de marché et ainsi interdire tout cumul de procédures et de sanctions en matière boursière (L. n° 2016-819, JO 22 juin ; C. mon. fin., art. L. 465-3-5 nouv.).

Malgré ce contexte hautement favorable à la règle du non-cumul, les autres domaines du droit ne se trouvent pas automatiquement soumis à cette dernière, quand bien même les sanctions encourues relèvent également de la matière pénale. D’ailleurs, dans sa décision de 2015, le Conseil constitutionnel, tout en reconnaissant l’inconstitutionnalité du cumul en matière d’opérations et de communication d’initiés, a confirmé sa jurisprudence antérieure...

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