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Nouvelle loi relative aux violences intrafamiliales : l’union du droit civil et du droit pénal

La loi du 18 mars 2024 instaure un principe du retrait de l’autorité parentale en cas de crime ou d’agression sexuelle incestueuse commis sur la personne de son enfant ou de crime commis sur la personne de l’autre parent, et étend la suspension de droit de l’exercice de l’autorité parentale pour la durée de la procédure pénale.

La lutte contre les violences intrafamiliales fait partie intégrante des grandes causes défendues par les pouvoirs publics. À cet égard, plusieurs lois ont été promulguées, les dernières en date étant la loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille (A. Sannier, Actualités des violences intrafamiliales, AJ fam. 2020. 7 ), la loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales (L. Mary, Présentation de la loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales, AJ fam. 2020. 384  ; L. Saenko, La loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales : une loi pour rien ?, D. 2020. 2000 ) et la loi n° 2023-140 du 28 février 2023 créant une aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales (A. Matteoli, Les aides à dimension économique dans le cadre des violences au sein des couples, AJ fam. 2023. 629  ; F. Monéger, La loi du 28 février 2023 créant une aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales, RDSS 2023. 1099 ). La loi du 18 mars 2024, fruit d’une proposition présentée par une députée socialiste, s’inscrit dans cette succession de réformes.

La loi du 18 mars 2024 peut aussi être rattachée à un mouvement contemporain du droit de la famille, qui tend à le mêler au droit pénal (sur ce mouvement, v. A.-S. Laguens, Articulation des dispositifs de protection pénaux/civils avec un exercice conjoint de l’autorité parentale, AJ fam. 2023. 24  ; J. Léonhard, La dualité des mesures civiles et pénales dans la lutte contre les violences intrafamiliales : entre symphonie et dissonances, AJ pénal 2024. 68 ). Ainsi, les principaux apports de la loi mettent en lien la commission d’infractions pénales avec l’autorité parentale dont est titulaire le parent condamné ou poursuivi. Notion civile, l’autorité parentale est définie à l’article 371-1 comme étant un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant. Elle appartient en principe aux parents, qui doivent protéger leur enfant dans sa sécurité, sa santé, sa vie privée et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne. À cet égard, il est important de distinguer deux notions : la titularité de l’autorité parentale et l’exercice de l’autorité parentale. En principe, les titulaires de l’autorité l’exercent, mais les circonstances peuvent dissocier la titularité de l’exercice. Ainsi, il arrive que l’exercice de l’autorité parentale ne soit confié qu’à un seul des deux parents (C. civ., art. 373-2-1). L’autre parent est alors privé du pouvoir d’accomplir certains actes pour l’enfant. Mais il reste tout de même titulaire de l’autorité parentale, ce qui implique qu’il maintienne des prérogatives fondamentales et un droit d’entretenir des relations personnelles avec l’enfant (Rép. civ.,  Autorité parentale, par A. Gouttenoire, nos 70 s.).

Tant l’exercice de l’autorité parentale que sa titularité peuvent être retirés par le juge répressif. L’article 228-1 du code pénal, créé par la loi du 18 mars 2024, indique dans quels cadres ces sanctions peuvent être prononcées. À ce titre, il reprend des cas qui étaient déjà en vigueur, tout en incluant ceux qui résultent de la loi nouvelle. Outre ces dispositions relatives à l’autorité parentale et son exercice, la loi réforme d’autres mécanismes du droit de la famille articulés avec des règles de droit ou procédure pénale.

Dispositions relatives à l’exercice de l’autorité parentale

L’article 1er de la loi du 18 mars 2024 entraîne une réécriture complète de l’article 378-2 du code civil pour redéfinir les hypothèses de suspension de plein droit de l’exercice de l’autorité parentale. Il s’agit d’une disposition phare de la loi, qui était présente dès le dépôt de la proposition le 15 décembre 2022, et qui s’inspire d’une préconisation de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (CIIVISE, Violences sexuelles : protéger les enfants, conclusions intermédiaires, 31 mars 2022, p. 53 s.). Depuis le 30 décembre 2019, l’exercice de l’autorité parentale du parent poursuivi ou condamné pour un crime commis sur la personne de l’autre parent était suspendu de plein droit pour une durée maximale de six mois. Constatant que cette disposition n’avait jamais trouvé application en pratique (Ass. nat., Commission des lois, Rapp. n° 800, 1er févr. 2023, p. 14...

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