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Report du point de départ du délai de prescription de l’action en responsabilité pour manquement à l’obligation de conseil

Dans une opération d’investissement immobilier locatif avec défiscalisation comportant un emprunt dont le remboursement du capital est différé à dix ans, le point de départ de l’action en responsabilité engagée par l’acquéreur contre des professionnels pour manquement à leurs obligations d’information, de conseil ou de mise en garde est le jour où le risque s’est réalisé, soit celui où l’acquéreur a appris qu’il serait dans l’impossibilité de revendre le bien à un prix lui permettant de rembourser le capital emprunté.

Sur proposition d’une société de conseil en gestion de patrimoine, des particuliers ont acquis, le 30 juillet 2009, un appartement en l’état futur d’achèvement, moyennant un prix d’environ 240 000 €. Pour financer cet investissement locatif, un contrat de prêt était souscrit le 24 juin 2009.

Il doit être souligné que cette opération offrait aux acquéreurs de se placer sous un régime fiscal de faveur (défiscalisation « loi Girardin ») leur procurant un crédit d’impôt important, à condition de conserver le bien pendant une certaine période.

Cette précision importe puisque les modalités de remboursement du crédit bancaire se calquaient sur les exigences du dispositif fiscal. En effet, le capital emprunté sur vingt ans n’était amortissable que sur les dix dernières années ce qui devait permettre aux acquéreurs, au terme de la période de conservation, soit de garder l’appartement et de percevoir des revenus locatifs, soit de revendre le bien, les deux hypothèses étant censées assurer le remboursement du prêt.

Le bien a été achevé et livré en 2010 et, dès 2011, les acquéreurs subissaient leurs premières déconvenues en constatant que le rendement locatif n’était pas celui qu’ils escomptaient (logement vacant, loyers en baisse).

Le 14 septembre 2012, une agence tierce avisait les acquéreurs d’un risque de perte de valeur dudit bien, à concurrence de 30 % par rapport au prix d’achat. Risque confirmé le 18 juillet 2016, date à laquelle les acquéreurs étaient rendus destinataires d’une estimation chiffrant entre 80 000 € et 90 000 € la valeur du bien (soit une perte de valeur d’environ 65 %).

Comprenant que tant leur rente locative que leur faculté de revente étaient compromises, les acquéreurs ont, les 12, 16 et 17 janvier 2017, assigné l’établissement bancaire et la société de gestion de patrimoine pour manquement à leur devoir d’information, de conseil et de mise en garde, leur reprochant notamment d’avoir surévalué le bien et la rentabilité de l’opération.

Suivant jugement rendu le 18 juin 2020, le Tribunal judiciaire de Paris a déclaré irrecevable, car prescrite, l’action des acquéreurs et condamné ces derniers au paiement de diverses sommes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Les acquéreurs en relevaient appel de cette décision le 30 juillet suivant, sans davantage de succès.

Par un arrêt du 6 décembre 2021, la Cour d’appel de Paris déboutait de nouveau les acquéreurs, jugeant également que leur action était prescrite et les condamnant derechef sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Doublement déboutés, sans débat sur le fond, et redevables de plus de 10 000 € au titre des frais de procédure, les acquéreurs ont formé un pourvoi en cassation.

Bref rappel sur le point de départ du délai de prescription

Comme en dispose l’article 2224 du code civil, le délai de prescription de droit commun est de « cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ».

Cette formulation alternative laisse aux juges une marge d’appréciation quant au point de départ afin que la prescription ne puisse courir à l’égard d’une partie empêchée d’agir (contra non valentem agere non currit praescriptio) sans pour autant excuser la carence d’un plaideur qui, en mesure de le faire, n’aurait pas accompli les diligences utiles en temps et en heure.

Et le contentieux de la prescription porte ainsi régulièrement sur le point de départ du délai, étant courant de s’interroger sur la date à partir de laquelle le demandeur aurait dû pouvoir agir.

Les mots comptent puisqu’en...

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