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Attentat de Nice : relaxe requise pour la policière jugée pour diffamation

Le procureur de la République de Paris a retenu vendredi la bonne foi et demandé la relaxe de la policière municipale de Nice poursuivie pour diffamation par Bernard Cazeneuve. Elle avait affirmé avoir subi des pressions pour modifier son rapport sur le déroulé de l’attentat du 14 juillet 2016.

Sandra Bertin, responsable du centre supervision urbain (CSU) de Nice est poursuivie par l’ancien ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve et l’administration de la police nationale. M. Cazeneuve, qui vient de rejoindre comme associé le cabinet d’avocats August Debouzy, reproche à la policière municipale des propos diffamatoires dans un article du Journal du Dimanche du 24 juillet 2016 (V. Dalloz actualité, 8 juin 2017, art. P.-A. Souchard185327)

Celle-ci y affirmait avoir été « harcelée » le 15 juillet par des émissaires de « la place Beauvau » pour modifier son rapport sur le déroulé de l’attentat survenu la veille. Ses interlocuteurs lui auraient demandé « de bien préciser que l’on voyait la police nationale sur deux points dans le dispositif de sécurité », avait-elle déclaré avant d’ajouter « or la police nationale était peut-être là mais elle ne m’est pas apparue sur les vidéos ».

La veille, un camion de 19T avait foncé dans la foule massée sur la promenade des Anglais pour la fête du 14 juillet, tuant 86 personnes et en blessant près de 450 autres. Le chauffeur avait été abattu par les forces de l’ordre.

« Quand on lit l’article, on impute au ministre d’avoir fait pression sur Mme Bertin. Dire qu’on ordonne à un policier municipal de faire un faux, l’aspect diffamatoire est incontestable », a déclaré le représentant du ministère public, Anabelle Philippe.

À l’audience du 7 juin, Mme Bertin a indiqué que deux fonctionnaires de la police nationale s’étaient relayés, à la demande d’un commissaire du « ministère de l’intérieur », pour visionner avec elle les images vidéo du drame afin de localiser les forces de l’ordre.

Les débats ont montré que cette « commande » émanait de la Direction centrale de la sécurité publique (DCSP) afin d’avoir toutes les informations nécessaires à la bonne information du Directeur général de la police nationale et du ministre. « Ni Bernard Cazeneuve ni son cabinet n’ont, ni de près, ni de loin, de rapport avec cette commande », a souligné le procureur.

Alors pourquoi Mme Bertin a-t-elle pu comprendre qu’il lui était demandé d’écrire ce qu’elle ne voyait pas ? La réponse tient à la tension et à la fébrilité qui régnaient après le drame. Citée par l’avocat de Bernard Cazeneuve, la commissaire à la Direction centrale de la sécurité publique, Myriam Benrahla, à l’origine du rapport, avait expliqué le 7 juin au tribunal, d’un ton rogue et sans appel, qu’il fallait que l’information remonte le plus vite possible.

Sur sa sollicitation, deux policiers locaux avaient été dépêchés au CSU pour faire remonter les infos. L’enquête a montré que Mme Benrahla, depuis Paris, avait passé 13 appels en deux heures. Myriam Benrahla, c’est le bon témoin qui a tiré une balle dans le pied de la défense de Me Ader. Le mieux est toujours l’ennemi du bien. Une commissaire de police plus habituée à commander la valetaille qu’à l’écouter. Sur son échelle personnelle de considération, il serait intéressant de savoir où elle a placé le tribunal. À tel point que dans sa plaidoirie, Adrien Verrier, l’un des conseils de Mme Bertin, a indiqué aux magistrats qu’interrogé en garde à vue par Mme Benrahla, il avouerait même le meurtre de Kennedy.

« Je crois qu’il y avait beaucoup de stress, il y avait une urgence de la commande. Dans ce stress et cette urgence, je pense que les messages sont très mal passés et qu’ils ont été très mal perçus », a considéré Mme Philippe. L’éternelle question de l’émetteur et du récepteur.

Les choses auraient été plus simples si Mme Bertin avait écrit tout simplement qu’elle ne voyait pas les effectifs de la police nationale sur les vidéos ; et si l’un des fonctionnaires de police dépêchés sur place avait expliqué en direct ce qu’il voyait sur les vidéos à Mme Benrahla, a expliqué en substance Annabelle Philippe.

« Madame Bertin a l’impression qu’on lui ordonne d’écrire ce qu’elle n’a pas vu. Madame Benrahla n’a pas demandé à Mme Bertin de faire un faux », a rappelé le parquet avant de requérir la relaxe de Mme Bertin au bénéfice de la bonne foi.

L’avocat de Bernard Cazeneuve, Me Basile Ader, a sollicité la condamnation de la policière municipale, « instrument de M. Estrosi » dans le cadre d’un « plan com’».

La défense de Mme Bertin, Mes Adrien Verrier et Emmanuel Marsigny, a plaidé la relaxe mettant en avant la bonne foi de leur cliente.

Décision le 14 septembre.