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Actualité du droit des entreprises en difficulté de la fin de l’année 2023

Après avoir présenté le dispositif expérimental de création d’un tribunal des activités économiques et la problématique, très actuelle, des actifs numériques confrontés aux procédures collectives, cet article dresse le panorama des arrêts les plus importants rendus par la Cour de cassation en droit des entreprises en difficulté au cours de la fin de l’année 2023.

par Georges Teboul, avocat AMCOle 8 février 2024

Le dispositif expérimental de création d’un tribunal des activités économiques

L’actualité reste riche avec, en particulier, la loi n° 2023-1059 du 20 novembre 2023 d’orientation et de programmation du ministère de la Justice qui a créé les outils d’une réforme des tribunaux de commerce avec des sujets intéressant le praticien des entreprises en difficulté.

Le titre III concerne la création à titre expérimental d’une extension des compétences de certains tribunaux de commerce qui seront nommés « tribunal des activités économiques », composés de juges élus, de juges exerçant la profession d’exploitant agricole et d’un greffier. Par dérogation au premier alinéa du I de l’article L. 611-2 et au premier alinéa de l’article L. 611-2-1 du code de commerce, le président du tribunal des activités économiques connaît de la procédure d’alerte et des procédures amiables, quels que soient le statut et l’activité de la personne physique ou morale qui éprouve des difficultés, à l’exception des professions réglementées. En outre, pour la procédure de sauvegarde, le tribunal des activités économiques connaît des procédures collectives dans les mêmes conditions. Ce tribunal connaîtra aussi, en cas de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, de toutes actions et contestations relatives aux baux commerciaux nées de la procédure et qui présentent avec celles-ci des liens de connexité suffisants. Il est prévu que cette réforme concernera dans un premier temps, au moins neuf et au plus douze tribunaux de commerce qui seront désignés par arrêté et cela pendant une durée de quatre ans, un rapport devant être établi à la fin de cette période, au moins six mois avant le terme de l’expérimentation sur l’évaluation de l’impact de cette réforme.

En outre, une contribution pour la justice économique sera versée par la partie demanderesse sous certaines conditions, selon un barème qui sera défini par décret et cela dans la limite d’un montant maximal de 100 000 €, en tenant compte du montant des demandes initiales, de la nature du litige, de la capacité contributive de la partie demanderesse. Cela ne concernera pas les personnes physiques et les personnes morales de droit privé employant moins de 250 salariés, ni le demandeur à l’ouverture d’une procédure amiable ou collective. La gratuité demeurera donc la règle en cette matière.

Cette loi comporte de nombreuses autres dispositions que nous n’avons pas à examiner ici, notamment sur la création d’un nouveau statut d’attaché de justice et d’assistant spécialisé, mais cela ne concerne que les magistrats du siège et du Parquet et non les juges consulaires. La réforme concerne aussi les procédures disciplinaires, les modalités des saisies, …

Les actifs numériques confrontés aux procédures collectives

Un colloque intéressant est venu nourrir le débat sur les actifs numériques confrontés aux procédures collectives (colloque du 12 oct. 2023 sous la direction scientifique de Mme Douaoui-Chamseddine ; Veille permanente, 16 nov. 2023, note J.-L. Vallens). Ce colloque a examiné les différents aspects de la question et il est utile de résumer ici quelques aspects abordés. La création et le développement des actifs numériques avec la blockchain évoquent la question de la monnaie numérique et de biens immatériels qui peuvent être cédés, échangés ou grevés de sûretés.

Différentes réglementations ont été ici examinées et notamment le règlement (UE) 2023/114 du 31 mai 2023 sur les marchés de cryptoactifs, ou encore les principes d’Unidroit. La question du sort des actifs numériques en cas de procédure collective a été évoquée car il faut tenir compte de la particularité de ces actifs. Doit-on notamment tenir compte des cryptoactifs dans la détermination d’un état de cessation des paiements ? Il semble que oui, dès lors qu’il s’agit d’un actif disponible au sens de l’article L. 631-1 du code de commerce (S. Fahri, Actifs numériques, blockchain et cessation des paiements, in Mélanges en l’honneur de A. Martin-Serf, Bruylant, 2022, p. 407). Faut-il déclarer des actifs numériques qui constituent des créances au passif d’un conservateur insolvable (C. Boismain, Les détenteurs de crypto-monnaies sont-ils des créanciers chirographaires des plateformes d’échange ?, D. 2022. 1871 ) ? La revendication apparaît possible et les sûretés consenties sur un cryptoactif seraient opposables à la procédure collective, dès lors qu’il s’agit d’un nantissement sur un actif incorporel. Les contrats portant sur des cryptoactifs peuvent aussi être considérés comme des contrats en cours et dès lors, ils peuvent être annulés dans les conditions prévues pour les actes préjudiciables aux intérêts collectifs des créanciers (C. com., art. L. 632-1). Les créances constatées ou cédées par un contrat portant sur un cryptoactif font l’objet du dessaisissement du débiteur (C. com., art. L. 641-9 et L. 622-1). À quelle loi doit-on se référer ? Il semble que les travaux Unidroit permettent d’y répondre en faisant référence à la loi mentionnée dans l’acte ou la loi de l’État avec lequel le cryptoactif a les liens les plus étroits.

La prévention

Signalons un arrêt du 22 novembre 2023 (Com. 22 nov. 2023, n° 22-17.798 F-B, Dalloz actualité, 14 déc. 2023, obs O. Maraud ; D. 2023. 2132 ; Rev. sociétés 2023. 814, obs. P. Roussel Galle ; Veille permanente, 30 déc. 2023, obs. P. Roussel Galle) sur la confidentialité de la prévention. Nous savons que l’article L. 611-15 du code de commerce a prévu le principe de la confidentialité pour toute personne qui est appelée à une procédure de conciliation ou de mandat ad hoc.

Cependant, cette confidentialité n’est pas absolue et peut être levée à l’occasion d’une demande d’ouverture d’un redressement judiciaire. En l’espèce, le débiteur avait bien déclaré qu’il avait bénéficié d’un mandat ad hoc, neuf mois auparavant. Sur la demande du ministère public, le tribunal a ordonné la communication des pièces et actes relatifs à ce mandat ad hoc et a renvoyé à une date ultérieure. Un appel nullité a été formé par la débitrice contre ce jugement, puis un redressement judiciaire a été ouvert. Or, la Cour d’appel de Lyon a déclaré l’appel nullité irrecevable, un excès de pouvoir lui étant reproché ainsi que la violation des articles L. 611-15 et L. 621-1, alinéas 5 et 6, du code de commerce, et de l’article 562 du code de procédure civile. Un arrêt de cassation est intervenu. Il a été reproché à la cour d’appel, en même temps qu’elle déclarait irrecevable l’appel nullité, d’avoir confirmé le jugement qui a fait l’objet de l’appel.

Dans le commentaire publié (O. Maraud, préc.), il est fait état des dérogations permettant des atteintes à la confidentialité et en premier lieu, la procédure d’homologation. Cette atteinte est cependant limitée, car si tout intéressé peut prendre connaissance au greffe du jugement d’homologation qui est publié au BODACC, l’accord a vocation à rester confidentiel pour les tiers (C. com., art. L. 611-10).

En sauvegarde accélérée, qui fait suite à une procédure de conciliation, il est logique que le conciliateur fasse au tribunal un rapport, dès lors que cette procédure est le prolongement nécessaire de la conciliation (C. com., art. L. 628-2). En l’espèce, l’article L. 621-1 du code de commerce prévoit que l’ouverture d’une sauvegarde, après un mandat ad hoc qui a été ouvert dans un délai de dix-huit mois maximum avant cette ouverture doit être examinée en présence du ministère public. L’article L. 631-7, alinéa 1er, dispose que cette disposition est applicable au redressement judiciaire et à la procédure de liquidation judiciaire (C. com., art. L. 641-1).

En l’espèce, le débiteur considérait qu’aucune procédure collective n’ayant été ouverte, il n’avait pas à communiquer les éléments de la conciliation au ministère public. Ce moyen a été estimé non fondé. Normalement, la levée de la confidentialité intervient dans le jugement d’ouverture (RPC 2013. Comm. 160,...

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