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Congé et prime de mariage : discrimination directe en raison de l’orientation sexuelle

Pour la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), une différence de traitement fondée sur l’état de mariage des travailleurs et non expressément sur leur orientation sexuelle reste, dans certaines conditions, une discrimination directe.

par Marie Peyronnetle 7 janvier 2014

Il y a peu, dans une République française où le mariage ne se concevait que comme l’union d’un homme et d’une femme, une convention collective accordait des avantages familiaux (congé et prime) aux salariés à l’occasion de leur mariage. L’autre forme d’union, le pacte civil de solidarité (PACS), qui elle était et reste ouverte aux partenaires de même sexe, ne permettait pas d’obtenir les mêmes avantages. S’estimant discriminé, un salarié a saisi la juridiction prud’homale. En effet, son homosexualité ne lui permettant pas de se marier avec la personne de son choix, il ne pourrait donc jamais bénéficier des avantages octroyés par son employeur tant que le mariage resterait définit comme l’union d’un homme et d’une femme. Mais le conseil de prud’hommes, puis la cour d’appel ont tous deux estimé qu’il ne pouvait y avoir de discrimination puisque les couples homosexuels et hétérosexuels ne se trouvent pas dans la même situation, leur traitement ne saurait donc être comparé.

Cette position est largement admise. Le Conseil constitutionnel, à l’occasion d’une décision du 28 janvier 2011 (Cons. const., 28 janv. 2011, n° 2010-92 QPC, Dalloz actualité, 7 févr. 2011, obs. C. Siffrein-Blanc ; ibid. 1040, obs. J.-J. Lemouland et D. Vigneau ; ibid. 1713, obs. V. Bernaud et L. Gay ; ibid. 2012. 1033, obs. M. Douchy-Oudot ; AJ fam. 2011. 157, obs. F. Chénedé ; RTD civ. 2011. 326, obs. J. Hauser ), « avait déclaré conformes à la Constitution les dispositions du code civil réservant le mariage à des personnes de sexe différent, en écartant un argument tiré d’une inégalité de traitement dans la jouissance des droits familiaux, au motif que la différence de situation entre conjoints de même sexe et conjoints de sexe différent justifiait une différence de traitement » (V. D. 2012. 1765, obs. P. Bailly ).

Sur cette question, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) laisse aux États parties à la Convention « une marge d’appréciation pour choisir le rythme d’adoption des réformes législatives », tant qu’il n’existera pas de consensus tendant à la reconnaissance juridique des couples homosexuels dans la majorité de ces États. (V. pt. 105, CEDH 24 juin 2010, n° 30141/04, Schalk, Kopf c. Autriche, Dalloz actualité, 31 août 2010, obs. C. Le Douaron ; AJ fam. 2010. 333 ; RFDA 2011. 987, chron. H. Labayle et F. Sudre ; Constitutions 2010. 557, obs. L. Burgorgue-Larsen ; RTD civ. 2010. 738, obs. J.-P. Marguénaud ; ibid. 765, obs. J. Hauser ; V., aussi, 4 nov. 2008, n° 4479/06, Courten c. Royaume-Uni ; 23 juin 2009, n° 11313/02, M.W. c. Royaume-Uni, ces deux décisions se rapportant à l’introduction de la loi sur le partenariat civil au Royaume-Uni).

Si l’exclusion des couples homosexuels de l’institution du mariage n’a donc pu être remise en cause pour le moment devant les cours suprêmes, ces couples se trouvant dans une situation « différente » au regard de l’institution du mariage, il en va autrement lorsqu’il est question d’avantages octroyés par un employeur à ses salariés. La question de savoir si le bénéfice d’avantages familiaux peut être limité aux seuls salariés « mariés » est donc légitime.

Cette affaire a donné lieu à deux saisines et recommandations de la Haute autorité de lutte contre la discrimination et pour l’égalité (HALDE), le 11 février 2008 et le 28 septembre 2009. À deux reprises, elle a considéré que, pour le bénéfice d’avantages familiaux, les couples mariés et les couples pacsés (hétérosexuels comme homosexuels) se trouvent dans des situations comparables. L’exclusion des couples pacsés devait donc s’entendre comme une discrimination en raison de la situation de famille et comme une discrimination en raison de l’orientation sexuelle. La Haute autorité a d’ailleurs proposé de « modifier l’article L. 3142-1 du code du...

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