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L’employeur paie les frais de défense du salarié poursuivi pour abus de bien sociaux

La Cour de cassation a confirmé un arrêt de la cour d’appel de Lyon, qui a condamné un employeur à payer les frais engagés par un salarié pour sa défense, dans le cadre de poursuites pénales pour des faits commis dans l’exercice de ses fonctions professionnelles, sans profit personnel.

par Anne Portmannle 6 septembre 2017

L’intéressé était employé depuis plus de trente-cinq ans par la Caisse d’Épargne et occupait en dernier lieu les fonctions de responsable du département valorisation et réalisation de patrimoine. C’est dans le cadre de l’exercice de ces fonctions qu’il a fait l’objet de poursuites pénales, pour des faits de complicité d’abus de biens sociaux. Les faits reprochés concernaient notamment l’absence de mise en place d’une procédure rigoureuse d’évaluation des biens immobiliers faisant l’objet d’une cession. L’action publique a été mise en œuvre par le parquet, à la suite d’une plainte de la banque elle-même. Celle-ci s’est, du reste, constituée partie civile.

Relaxe et facture de l’avocat

Après plus de dix années d’instruction, la procédure a abouti à un arrêt de relaxe de l’employé (Lyon, 30 juin 2010). La relaxe est devenue définitive puisque la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par la banque, qui contestait l’arrêt. Le montant total des honoraires réclamés par l’avocat de l’employé s’élevait à plus de 56 000 €. C’est dans ces conditions que l’ancien employé (il avait été licencié au début de l’affaire) a saisi le conseil de prud’hommes de Saint-Étienne d’une demande visant à obtenir la condamnation de l’employeur à lui rembourser les frais de procédure ainsi que des dommages et intérêts pour la violation de l’accord transactionnel conclu à la suite du licenciement. Débouté de ses demandes par la juridiction consulaire, l’ancien employé a fait appel. La cour d’appel de Lyon a condamné la banque à payer à son ex-salarié la somme de 56 092,40 €, au titre des frais engagés pour sa défense devant la juridiction pénale, ainsi que 50 000 € à titre de dommages et intérêts, pour non-respect d’un accord transactionnel.

Pas d’abus de fonction à des fins personnelles

La banque a formé un pourvoi contre l’arrêt rendu par la cour d’appel, soutenant essentiellement que la garantie de protection juridique due par l’employeur à son salarié ne pouvait s’appliquer, puisque les agissements qui lui étaient reprochés dans le cadre des poursuites pénales menées à son encontre étaient contraires aux intérêts de l’employeur. La chambre sociale, rejetant le pourvoi, a estimé au contraire, conformément à sa jurisprudence constante (v. Soc. 18 oct. 2006, n° 04-48.612, Bull. civ. V, n° 307 ; D. 2007. 695, et les obs. , note J. Mouly ; Dr. soc. 2007. 103, obs. J. Savatier ), que l’employeur devait garantir son salarié. Elle a jugé que la cour d’appel a exactement retenu que l’arrêt de relaxe mentionnait bien que les actes poursuivis, commis par le salarié, l’avaient été sous les ordres de son supérieur, le président du directoire (également licencié depuis) qui lui avait confié la mission de vendre des biens immobiliers.

En outre, tous les actes reprochés avaient été validés par le conseil d’orientation et de surveillance de la banque, qui n’ignorait rien des agissements de son salarié. Ce dernier avait agi dans le strict cadre de son activité professionnelle, exclusivement afin de mener à bien la mission confiée par son supérieur et n’a jamais abusé de ses fonctions pour son propre profit. Il importe peu que l’employeur se soit, par la suite, porté partie civile (en violation de l’accord transactionnel conclu au moment du licenciement) et ait contesté la relaxe de son employé.

Dans ces conditions, l’employeur doit garantir son employé et cette garantie est la contrepartie du pouvoir de direction et de contrôle des salariés placés sous sa subordination, que la loi lui confie.

Il sera noté que la cour d’appel a, dans les motifs de la décision attaquée, visé les dispositions de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, relatif au droit à un procès équitable. Elle avait considéré que la garantie due par l’employeur au salarié était, en l’espèce, légitime, afin de maintenir un juste équilibre entre les parties au procès pénal. La longueur de la procédure et le montant élevé des honoraires facturés par l’avocat (plus de 56 000 € pour 140 heures de travail) ont été à cet égard pris en compte.