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Précisions sur le domaine d’application du régime spécial de responsabilité des membres de l’enseignement public

Une psychologue de l’Éducation nationale qui commet la contravention de « pression sur les croyances des élèves » à l’encontre de deux collégiens ne peut pas voir sa responsabilité civile engagée devant les juridictions répressives, en application de l’article L. 911-4 du code de l’éducation.

Au cours de l’année 2019, une psychologue de l’Éducation nationale affectée dans un collège a reçu des élèves en consultation. Pendant les entretiens, elle leur a remis « des pierres et médaillons religieux, une hostie et des cartes de prières sur lesquelles apparaissent des saints ». Ces faits ont reçu la qualification de pression sur les croyances des élèves ou tentative d’endoctrinement d’élèves pendant une activité liée à l’enseignement dans un établissement public ou à ses abords, comportement incriminé à l’article L. 141-5-2 du code de l’éducation en tant que contravention de cinquième classe. Un tribunal de police l’a reconnue coupable et l’a condamnée à 1 000 € d’amende. Le ministère public et la partie civile ont interjeté appel, et, par un arrêt du 21 novembre 2022, la Cour d’appel d’Orléans a confirmé la condamnation pénale tout en statuant sur les intérêts civils. À ce titre, elle a condamné la psychologue à verser aux victimes plusieurs centaines d’euros en réparation de leur préjudice moral et matériel. La personne condamnée a formé un pourvoi en cassation. Sa contestation portait à la fois sur des éléments de droit substantiel et de droit processuel.

Clarté et précision de la contravention de pressions sur les croyances des élèves

À l’occasion de son pourvoi, la psychologue a présenté une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Elle a demandé si l’article L. 141-5-2 du code de l’éducation portait atteinte au principe de légalité des délits et des peines garanti par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Plus précisément, ce qui était soulevé, c’est une potentielle méconnaissance des exigences de clarté et précision portées par ce texte. En effet, il résulte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel que le législateur doit définir les infractions pénales en des termes suffisamment clairs et précis pour exclure l’arbitraire (Cons. const. 20 janv. 1981, n° 80-127 DC, consid. 7, AJDA 1981. 278, note C. Gournay). La violation de ces exigences a plusieurs fois entraîné l’abrogation de dispositions pénales ; tel a été le cas du harcèlement sexuel, lorsqu’il était défini comme le fait de « harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle » (Cons. const. 4 mai 2012, n° 2012-240 QPC, Dalloz actualité, 10 mai 2012, obs. M. Bombled ; AJDA 2012. 1490, étude M. Komly-Nallier et L. Crusoé ; D. 2012. 1372 , note S. Detraz ; ibid. 1177, édito. F. Rome ; ibid. 1344, point de vue G. Roujou de Boubée ; ibid. 1392, entretien C. Radé ; ibid. 2917, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé, M.-H. Gozzi, S. Mirabail et T. Potaszkin ; ibid. 2013. 1026, obs. P. Lokiec et J. Porta ; ibid. 1235, obs. REGINE ; ibid. 1584, obs. N. Jacquinot et A. Mangiavillano ; JA 2012, n° 460, p. 11, obs. L.T. ; AJ pénal 2012. 482, obs. J.-B. Perrier ; Dr. soc. 2012. 714, note B. Lapérou-Scheneider ; ibid. 720, chron. R. Salomon et A. Martinel ; ibid. 944, obs. L. Lerouge ; RSC 2012. 371, obs. Y. Mayaud ; ibid. 380, obs. A. Cerf-Hollender ; ibid. 2013. 436, obs. B. de Lamy ).

En l’espèce, l’article L. 141-5-2 du code de l’éducation réprime « les comportements constitutifs de pressions sur les croyances des élèves ou de tentatives d’endoctrinement de ceux-ci », lorsqu’ils sont commis dans les établissements publics locaux d’enseignement ou à leurs abords immédiats et pendant toute activité liée à l’enseignement. Au moins deux mots de cette incrimination sont susceptibles d’entraîner des difficultés. Le premier est celui de « pression », qui renvoie à l’idée d’une contrainte. À cet égard, le mot pression est largement présent dans le code pénal, au sein des éléments constitutifs de différents délits de provocation (C. pén., art. 411-11), d’abus (C. pén., art. 223-15-2) ou d’exploitation d’autrui (C. pén., art. 225-5 et 225-12-5). Au vu de sa fréquence d’utilisation, il était inévitable qu’il soit critiqué. Néanmoins, la Cour de cassation a estimé que les QPC soulevant la méconnaissance de l’exigence de clarté de la loi à cause de l’emploi du mot « pression » n’avaient pas un caractère sérieux (Crim. 19 mars 2013, n° 12-82.163, Dr. soc. 2013. 626, chron. R. Salomon ; 7 oct. 2015, n° 15-81.787, Dalloz actualité, 30 mars 2016, obs. C. Fonteix ; D. 2016. 601 ). On peut néanmoins relever que ces textes évoquent des pressions sur les personnes, et non des pressions sur des composantes identitaires comme des...

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