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Le provisoire continue de chasser l’impartialité !

Selon l’article L. 111-6 du code de l’organisation judiciaire, la récusation d’un juge peut être demandée, notamment, s’il a précédemment connu de l’affaire comme juge ou comme arbitre ou s’il a conseillé l’une des parties.

L’admission en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d’une hospitalisation complète étant une mesure provisoire qui peut faire l’objet à tout moment, indépendamment de son réexamen obligatoire tous les six mois, d’une demande de mainlevée, le défaut d’impartialité du juge des libertés et de la détention ne saurait se déduire du seul fait que celui-ci a précédemment statué, en application de l’article L. 3211-12-1 du code de la santé publique, sur la poursuite de la mesure.

Il en résulte que c’est sans méconnaître les dispositions de l’article L. 111-6 du code de l’organisation judiciaire et de l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, et sans encourir les griefs du pourvoi, que le premier président de la cour d’appel a rejeté les demandes de renvoi pour cause de suspicion légitime et de récusation.
 

Le provisoire et l’exigence d’impartialité du juge entretiennent des relations tumultueuses

À propos des mesures provisoires, l’assemblée plénière de la Cour de cassation avait clairement fixé la ligne jurisprudentielle dans ses fameux arrêts Guillotel et Bord Na Nona : elle y avait jugé que s’il n’est pas interdit au juge qui a ordonné une mesure conservatoire de connaître du fond du litige, il en va différemment s’il a précédemment ordonné le versement d’une provision (Cass., ass. plén., 6 nov. 1998, n° 95-11.006 P, D. 1999. 1 , concl. J.-F. Burgelin ; RTD civ. 1999. 177, obs. J. Normand ; ibid. 193, obs. R. Perrot ; 6 nov. 1998, n° 94-17.709 P, D. 1999. 1 , concl. J.-F. Burgelin ; RTD civ. 1999. 177, obs. J. Normand ; ibid. 193, obs. R. Perrot ; ibid. 494, obs. J.-P. Marguénaud ). Ce faisant, la Haute juridiction avait opéré une distinction au sein de la multitude de décisions provisoires susceptibles d’être rendues au sein du système juridictionnel français. Cette distinction avait l’immense mérite de mettre de côté le critère du provisoire, qui est vague et dont le système peut très bien se passer. Car ce qui compte est de savoir si le juge saisi a déjà été amené à (pré)juger, même partiellement, du fond : on sera donc davantage enclin à admettre qu’il connaisse à nouveau d’une affaire lorsqu’il a précédemment ordonné de simples mesures d’attente (v. sur ces pts, J. Normand, De quelques limites du référé provision, RTD civ. 1999. 177, préc.). Malgré l’autorité qui s’y attache, les deux arrêts rendus en assemblée plénière n’ont pas sonné le glas du critère du provisoire, qui est parfois réapparu pour permettre à un juge de statuer après avoir ordonné une suspension provisoire (Civ. 3e, 11 janv. 2023, n° 21-17.355 P, Dalloz actualité, 27 janv. 2023, obs. J.-M. Pastor) ou encore pour permettre à un membre d’une cour d’appel de statuer sur une demande en divorce aux torts d’un époux après avoir statué sur des mesures provisoires (Civ. 1re, 15 déc. 2010, n° 09-70.583 P, D. 2011. 78, obs. I. Gallmeister ; ibid. 622, chron. N. Auroy et C. Creton ; ibid. 1107, obs. M. Douchy-Oudot ; AJ fam. 2011. 325, obs. M. Douris ; RTD civ. 2011. 110, obs. J. Hauser ). L’arrêt commenté en fournit une nouvelle illustration.

Alors qu’une personne avait fait l’objet d’une admission en soins psychiatriques sans consentement, un juge des libertés et de la détention avait autorisé que cette mesure soit poursuivie ; l’intéressée, qui a ultérieurement formé une demande de mainlevée à une audience tenue par le même juge, n’a pas manqué de demander la récusation et le renvoi pour cause de suspicion légitime. Il pouvait en effet...

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