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Le droit en débats

Avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux : le pacte de préférence de vente

Alors que le ministère de la Justice rend public un avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux qui sera officiellement soumis à consultation publique en juillet 2022, Dalloz actualité vous propose, sous la direction des professeurs Gaël Chantepie et Mathias Latina, de participer pleinement à cette réflexion au travers d’une série de commentaires critiques de cet important projet de réforme qui complète la réforme majeure du droit des obligations de 2016. Focus sur le pacte de préférence de vente.

Par Mathias Latina le 25 Mai 2022

À l’occasion de la réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, le législateur avait introduit, dans le droit commun des contrats, des textes relatifs au pacte de préférence (C. civ., art. 1123) et à la promesse unilatérale de contrat (art. 1124). À l’époque, la perspective d’une réforme du droit des contrats spéciaux était trop hypothétique pour que la question de la sanction de la violation de ces derniers, qui opposait doctrine et jurisprudence, ne soit pas réglée immédiatement. Le législateur se contenta ainsi, pour l’essentiel, de consacrer la jurisprudence en matière de sanction du pacte de préférence et de briser celle relative à la promesse unilatérale, renvoyant à plus tard les multiples autres problèmes que ces contrats posaient. Malheureusement, l’avant-projet Capitant décida de passer sous silence cette importante question. Quant à l’avant-projet examiné, il s’est contenté de quelques textes, enchâssés dans le régime de la vente. Ce sont ces textes qu’il convient d’analyser en commençant par ceux relatifs aux pactes de préférence de vente.

Textes de l’avant-projet

Art. 1585 – Lorsque les parties concluent un pacte de préférence, elles peuvent convenir d’une somme à verser par le bénéficiaire, en contrepartie de la priorité qui lui est accordée par le promettant.

Le pacte est conclu pour une durée déterminée ou indéterminée. Dans ce dernier cas, le pacte ne peut être résilié unilatéralement avant l’expiration d’un délai raisonnable et sous réserve d’un préavis conforme à l’article 1211 du présent code.

Les dispositions de l’article 1123 lui sont applicables.

Art. 1586 – Si le promettant établit une offre de vente, il la notifie au bénéficiaire.

Si le bénéficiaire n’accepte pas cette offre dans le délai convenu, le promettant est libre de vendre à un tiers aux mêmes conditions. Si aucun délai n’a été convenu, le promettant fixe un délai qui doit être raisonnable.

Analyse

Pacte de préférence de vente

Dans l’avant-projet rendu public, le pacte de préférence fait l’objet de deux articles, formellement situés dans le chapitre relatif aux dispositions communes à toutes les ventes. La commission a donc fait le choix de ne traiter que du pacte de préférence de vente, sans que l’on sache, à l’heure où ces lignes sont écrites, si ce choix relève d’une prise de position délibérée de la commission ou d’une contrainte liée à la lettre de mission reçue de la Chancellerie. Toujours est-il qu’il est peu satisfaisant de ne traiter que d’un type particulier de pacte de préférence, quand bien même celui-ci serait, statistiquement, le plus fréquent. Au demeurant, la formulation de l’article 1585 proposé, qui ne fait jamais référence à la vente, a tous les atours d’une disposition générale qui pourrait aisément être transposée à d’autres types de pactes de préférence. L’ambition de la commission semble d’ailleurs de faire du droit de la vente une sorte de droit commun des contrats spéciaux.

Droit commun des avant-contrats

La Chancellerie, si d’aventure elle avait bridé la commission, devrait faire preuve de plus d’ambition. Il n’était certes pas aberrant de traiter du pacte de préférence et de la promesse unilatérale de contrat avec les dispositions de la phase précontractuelle. Toutefois, la réforme du droit des contrats spéciaux pourrait être l’occasion de créer un droit commun des avant-contrats et doter ces derniers d’un régime complet. Ces derniers sont, en effet, des contrats nommés, au moins depuis 2016, distincts de ceux dont ils sont censés favoriser la conclusion. Aussi, la réforme du droit des contrats spéciaux pourrait permettre de regrouper toutes les dispositions relatives à ces contrats dans un titre spécifique intitulé « des avant-contrats ». Ce titre pourrait ainsi comporter trois chapitres : « du pacte de préférence », « de la promesse unilatérale de contrat », « de la promesse synallagmatique de contrat ».

Définition du pacte de préférence

S’agissant des textes relatifs au pacte de préférence de vente, les premier et troisième alinéas de l’article 1585 sont inutiles. Ils sont révélateurs d’un problème plus profond, qui traverse tout l’avant-projet, à savoir les rapports confus qu’entretiennent le droit commun des contrats réformé et le droit des contrats spéciaux proposé.

Le droit commun des contrats est un fonds commun de règles dont la vocation est de s’appliquer, en principe, à tous les contrats, quels qu’ils soient. Les dispositions actuelles de l’article 1123 du code civil, qui concernent tous les pactes de préférence, s’appliquent ainsi au pacte de préférence de vente, indépendamment de tout renvoi. L’alinéa 3 de l’article 1585 du code civil, qui indique que « les dispositions de l’article 1123 lui sont applicables », ne fait que jeter le trouble sur l’articulation droit commun/droit spécial en laissant accroire que le droit commun ne s’appliquerait ici que parce qu’il serait mentionné. Or, tel ne peut être le cas, ne serait-ce que parce que l’article 1105 du code civil, certes imparfaitement rédigé, énonce que les règles générales s’appliquent sous réserve des règles spéciales.

Dans le même ordre d’idée, il est surprenant que les membres de la commission, pourtant si attachés à la liberté contractuelle, aient ressenti le besoin d’énoncer, dans le premier alinéa de l’article 1585, que les parties « peuvent convenir d’une somme à verser par le bénéficiaire, en contrepartie de la priorité qui lui est accordée par le promettant ». La liberté est en effet le principe et elle n’a donc pas besoin du soutien d’une disposition particulière en matière de pacte de préférence, et ce d’autant que personne n’a jamais douté qu’une priorité contractuelle puisse être monnayée.

Durée du pacte de préférence

L’alinéa 2 de l’article 1585 du code civil doit en revanche être maintenu puisqu’il traite de l’irritante question de la durée du pacte de préférence1. Las, le sens et la formulation de la règle qu’il contient ne laissent pas de surprendre.

À lire l’alinéa en question, un pacte de préférence pourrait donc être consenti aussi bien à durée déterminée qu’indéterminée. Et le texte d’ajouter que, « dans ce dernier cas, le pacte ne peut être résilié unilatéralement avant l’expiration d’un délai raisonnable et sous réserve d’un préavis conforme à l’article 1211 du présent code ». D’un point de vue méthodologique, le renvoi au droit commun est, une nouvelle fois, inutile. En l’espèce, il est même quelque peu incongru en raison d’une maladresse de plume. Le texte précise en effet que « le pacte ne peut être résilié unilatéralement avant l’expiration d’un délai raisonnable ». Il ajoute ensuite que le promettant doit respecter un préavis, conforme à l’article 1211 du code civil. Or la fonction d’un préavis est, précisément, de laisser le contrat s’exécuter un certain temps avant la résiliation. Dès lors, le texte se répète en disant, deux fois, la même chose. Pire, il se contredit en énonçant d’une part que le délai doit être raisonnable et en renvoyant, d’autre part, au préavis de l’article 1211 qui peut être celui qui a été contractuellement prévu. Le premier membre de la phrase est donc inutile, voire en contradiction avec le second.

La commission a, sans doute, souhaité dire que le pacte ne peut être résilié que sous réserve du respect d’un préavis conforme à l’article 1211 du code civil, c’est-à-dire du préavis tel qu’il avait été contractuellement prévu ou, à défaut, d’un préavis d’une durée raisonnable. Telle qu’interprétée, la règle est donc inutile puisqu’elle n’a rien de spéciale ; elle ne fait que reprendre celle de l’article 1211, qui est applicable à tous les contrats à durée indéterminée, quels qu’ils soient.

Suppression des pactes de préférences à durée indéterminée

De toute façon, c’est la possibilité même qu’un pacte de préférence soit à durée indéterminée qui est contestable. La priorité offerte par le promettant est en effet fragilisée par la faculté de résiliation unilatérale qui figure nécessairement dans ce type de contrat2. À quoi donc s’engage un promettant qui peut mettre fin, à tout moment, à la promesse de priorité ? Ne suffirait-il pas au promettant, ayant pris la décision de vendre ou ayant reçu une offre de vente d’un tiers, de donner son préavis afin de ne manifester sa volonté qu’après l’expiration du délai ? Le risque est alors que la validité du pacte soit tributaire de l’habileté du rédacteur d’acte. Si celui-ci a pris la précaution de prévoir un délai contractuel de préavis suffisamment long, le pacte serait valable. À défaut, il ne le serait pas, au moins dans les pactes consentis à titre onéreux, la priorité pouvant être considérée comme illusoire. Or faire dépendre la validité d’un contrat à l’habileté du rédacteur n’est pas, au moins d’un point de vue de politique juridique, souhaitable. C’est donc la règle exactement inverse qu’il faudrait consacrer, à savoir que le pacte de préférence doit nécessairement être à durée déterminée, par dérogation au droit commun.

Fonctionnement du pacte de préférence

Quant à l’article 1586 du code civil qui entend réglementer le fonctionnement du pacte de préférence, il ne mentionne qu’un des dénouements possibles de ce dernier, à savoir celui dans lequel le promettant, s’étant décidé à contracter, « établit » une offre. Or il se peut fort bien que le promettant n’ait pas « établi » une offre, mais qu’il en ait reçu une d’un tiers, qu’il entend accepter ! Littéralement, le texte proposé pourrait permettre au promettant de contourner la priorité en ne soumettant pas l’offre reçue d’un tiers au bénéficiaire du pacte. Ce serait fâcheux. Affaibli par la faculté de résiliation unilatérale, le pacte de préférence le serait encore par son mode de fonctionnement.

Sanction de la violation du pacte de préférence. Enfin, l’avant-projet ne comporte aucune amélioration de la sanction du pacte de préférence, en dépit des lacunes actuelles de l’article 1123 du code civil et de l’inutilité de l’action interrogatoire, telle qu’elle est conçue. Sans doute est-ce parce que la Chancellerie n’a pas entendu remettre l’ouvrage sur le métier. Ce serait une erreur. La réforme du droit des contrats spéciaux est l’occasion rêvée de profiter de tous les écrits produits depuis 2016 pour parfaire des textes qui ont toute leur place dans le droit des contrats spéciaux.

Proposition alternative

Les articles suivants ont vocation à être placés dans un titre autonome (« Des avant-contrats ») et, plus précisément, dans un chapitre 1 : « Du pacte de préférence. »

Titre XXX : Des avant-contrats

Chapitre 1 : Du pacte de préférence

Art. 1 : Le pacte de préférence est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l’autre, le bénéficiaire, pour une durée déterminée, la priorité sur la conclusion d’un contrat, si d’aventure elle se décidait à contracter.

Les éléments essentiels du contrat sur lequel porte la priorité n’ont pas à être déterminés dans le pacte de préférence.

Cet article est une modification de l’actuel article 1123, alinéa 1, du code civil qui serait donc déplacé.

D’abord, plutôt que de préciser, comme dans l’actuel article 1123, ce à quoi le promettant s’engage, la modification consiste à indiquer, comme dans l’article 1124, ce qu’il offre au bénéficiaire, à savoir « la priorité sur la conclusion d’un contrat ». Le renforcement de la symétrie entre les définitions du pacte de préférence et de la promesse unilatérale est destiné à mieux faire apparaître ce qui les sépare.

Par ailleurs, et dans la même optique, il est précisé que les éléments essentiels du contrat sur lequel porte la priorité n’ont pas à être déterminés dans le pacte de préférence, conformément à une jurisprudence constante3.

Surtout, cet article indique que le pacte de préférence doit nécessairement être à durée déterminée. Comme on l’a vu, un pacte de préférence à durée indéterminée fragilise la priorité offerte par le promettant, au risque que la validité du pacte soit compromise.

Art. 2 : Si le promettant établit une offre ou en reçoit une d’un tiers qu’il entend accepter, il la notifie au bénéficiaire.

Si le bénéficiaire n’exerce pas son droit de priorité dans le délai contractuellement prévu ou, à défaut, dans le délai, qui doit être raisonnable, fixé par le promettant, ce dernier est libre de vendre à un tiers aux mêmes conditions.

L’article 2 reprend l’article 1586 de l’avant-projet en ajoutant l’hypothèse de l’offre reçue par un tiers. Il propose, en outre, une autre formulation du délai dans lequel le bénéficiaire doit accepter l’offre qui lui est faite.

Art. 3 : Si le contrat sur lequel porte la priorité est conclu avec un tiers en violation du pacte de préférence, le bénéficiaire peut obtenir, sur le fondement des articles 1231-1 et suivants du code civil, des dommages et intérêts du promettant.

Le bénéficiaire peut également obtenir des dommages et intérêts du tiers qui avait connaissance de l’existence du pacte de préférence violé, sur le fondement de l’article 1240 du code civil.

Art. 4 : Si le contrat passé avec le tiers empêche, même partiellement, l’exécution du contrat sur lequel porte la priorité, le bénéficiaire peut, s’il démontre que le tiers connaissait l’existence du pacte de préférence et son intention de s’en prévaloir, demander au juge la nullité du contrat passé avec le tiers ou sa substitution dans les liens dudit contrat.

Art. 5 : Si le contrat passé avec le tiers n’empêche pas l’exécution du contrat sur lequel porte la priorité, l’engagement du promettant envers le tiers vaut, en faveur du bénéficiaire, offre de contracter aux conditions prévues par le pacte de préférence ou, à défaut, aux conditions proposées au tiers.

Par dérogation à l’article 1116 du code civil, la rétractation de cette offre est inefficace.

À défaut d’acceptation dans un délai raisonnable, qui commence à courir du jour de la connaissance, par le bénéficiaire, du contrat passé avec le tiers, l’offre est caduque.

Les articles 3 à 5 abordent la question de la violation du pacte de préférence, traitée de manière approximative par l’actuel alinéa 2 de l’article 1123 du code civil.

D’abord, ils ont vocation à distinguer, d’une part, les actions en responsabilité que possède le bénéficiaire, de ses éventuelles actions en nullité ou en substitution.

Actuellement, le code civil se contente de dire que le bénéficiaire peut obtenir la réparation du préjudice subi. L’article 2 proposé précise de qui le bénéficiaire peut obtenir cette réparation et sur quel fondement. Il ne s’agit pas d’un renvoi au droit commun, mais d’une précision relative à la nature des responsabilités susceptibles d’être engagées : contractuelle à l’encontre du promettant ; délictuelle à l’encontre du tiers. Au sujet de ce dernier, il est suggéré de reconnaître sa faute délictuelle dès lors qu’il a contracté en connaissance de l’existence du pacte. Cette proposition est destinée à revaloriser l’action interrogatoire qui n’a pas, en droit positif, d’intérêt (v. infra).

Ensuite, les articles 4 et 5 abordent la question des sanctions de la nullité du contrat passé en violation du pacte et de la substitution du tiers dans les liens du contrat passé en violation du pacte.

Ces sanctions n’ont, en vérité, d’intérêt que si l’objet du contrat promis est un corps certain, le législateur de 2016 ayant uniquement pensé son modèle pour le pacte de préférence de vente d’immeuble. Dans cette dernière hypothèse, l’immeuble ne pouvant être vendu à deux acheteurs différents, il est effectivement indispensable que le contrat passé en violation de la promesse soit annulé ou que le bénéficiaire prenne la place du tiers acquéreur dans les liens de ce contrat.

Le texte ne propose pas la remise en cause de la double condition consacrée par la réforme de 2016, à savoir la connaissance, par le tiers, de l’existence du pacte de préférence et de l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir. Cette seconde condition est certes contestable. Toutefois, sa remise en cause entraînerait une nouvelle rupture dans l’application de la loi dans le temps, au détriment de la prévisibilité du droit. La rigueur des conditions de mise en œuvre de ces sanctions est, en outre, atténuée, par l’assouplissement des conditions d’engagement de la responsabilité délictuelle du tiers et par la mise en valeur des hypothèses dans lesquelles le contrat passé avec le tiers n’empêche pas l’exécution du contrat sur lequel porte la priorité.

En effet, comme cela avait été parfaitement démontré4, il y a des hypothèses dans lesquelles il n’est pas nécessaire de remettre en cause le contrat passé en violation du pacte pour donner sa pleine efficacité à ce dernier. C’est le cas lorsque le contrat, objet du pacte, ne concerne pas un corps certain. Que l’on songe, par exemple, à un pacte de préférence qui porterait sur la vente de 1 000 tonnes de blé. Si les 1 000 tonnes de blé en question sont cédées à un tiers, en violation du pacte, le promettant pourra être contraint de contracter avec le bénéficiaire, à charge pour lui, dans l’exemple, de se fournir ailleurs si besoin. Il suffit pour cela de considérer que la conclusion du contrat avec le tiers équivaut à une offre, faite au bénéficiaire, aux conditions prévues par le pacte ou à défaut, aux conditions prévues par le contrat passé avec le tiers. Le risque d’inconstitutionnalité de cette sanction est faible, puisque le promettant avait lui-même aliéné sa liberté en renonçant au choix de son futur contractant.

Pour assurer la pleine efficacité de cette sanction, il faut toutefois préciser que, par dérogation au droit commun, la rétractation prématurée de l’offre est inefficace : c’est l’objet de l’alinéa 2 de l’article 5. Pour le reste, cette offre est soumise au droit commun et, en particulier, à l’article 1117, alinéa 2, du code civil.

Art. 6 : Le tiers peut demander par écrit au bénéficiaire de confirmer, dans un délai qu’il fixe et qui doit être raisonnable, l’existence d’un pacte de préférence et, dans l’affirmative, de lui indiquer s’il entend s’en prévaloir.

L’écrit mentionne qu’à défaut de réponse dans ce délai, le bénéficiaire du pacte ne pourra plus solliciter sa substitution au contrat conclu avec le tiers ou la nullité de ce contrat, ni engager la responsabilité extracontractuelle du tiers.

Enfin, l’article 6 reprend l’action interrogatoire de l’article 1123 actuel.

Outre une modification purement formelle dans l’alinéa 1, il prend acte du fait que le tiers engage sa responsabilité s’il connaît l’existence du pacte de préférence. Actuellement, l’action interrogatoire, présentée en 2016 comme une innovation majeure, n’a pas d’intérêt. Le tiers est, en effet, protégé par son ignorance. S’il contracte sans connaître l’existence du pacte et/ou sans connaître l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir il ne risque, ni la nullité ou la substitution, ni une action en responsabilité délictuelle5. Dans ces conditions, pourquoi lèverait-il le doute en usant de l’action interrogatoire ?

Dans le système proposé, le tiers, qui connaît l’existence d’un pacte, devrait, au contraire, poser la question au bénéficiaire afin d’éviter d’avoir à lui payer des dommages et intérêts. Certes, il ne risquerait pas la nullité ou la substitution, dès lors qu’il ignorerait l’intention du bénéficiaire, ce qui pourrait le pousser, par calcul, à contracter tout de même avec le promettant. Il n’empêche que la situation serait plus satisfaisante que celle du droit positif qui absout le tiers de mauvaise foi de toute sanction.

L’action interrogatoire aurait donc un effet de plus : en cas d’absence de réponse du bénéficiaire, ce dernier perdrait non seulement la possibilité d’agir en nullité ou en substitution, mais également son action en responsabilité délictuelle contre le tiers. En revanche, a contrario, il conserverait son action en responsabilité contractuelle contre le promettant.

 

Notes

1. Sur la question de la durée du pacte de préférence, v. S. Lequette, Réflexions sur la durée du pacte de préférence, RTD civ. 2013. 491  ; N. Blanc, « Le pacte de préférence et le temps », in Mélanges M.-S. Payet, Dalloz, 2012, p. 55.

2. On rappellera, à toutes fins utiles, qu’il n’est d’ailleurs pas envisageable de supprimer la faculté de résiliation unilatérale dans les contrats à durée indéterminée, la prohibition des contrats perpétuels ayant, au moins au sens générique du terme, une valeur constitutionnelle, v. Cons. const. 9 nov. 1999, n° 99-419 DC, D. 2000. 424 , obs. S. Garneri ; RTD civ. 2000. 109, obs. J. Mestre et B. Fages ; ibid. 870, obs. T. Revet .

3. Civ. 1re, 6 juin 2001, n° 98-20.673, RTD civ. 2002. 88, obs. J. Mestre et B. Fages ; ibid. 115, obs. P.-Y. Gautier ; RTD com. 2002. 146, obs. B. Bouloc .

4. S. Pellet, « Négociations et avant-contrat », in M. Latina (dir.), La réforme du droit des contrats en pratique, Dalloz, 2017, p. 25.

5. V. en ce sens Civ. 3e, 4 mars 2021, n° 19-22.971, D. 2021. 525 ; ibid. 2022. 310, obs. R. Boffa et M. Mekki ; AJDI 2021. 713 , obs. F. Cohet ; RTD civ. 2021. 634, obs. H. Barbier ; ibid. 663, obs. P.-Y. Gautier  ; v. déjà Civ. 3e, 29 juin 2010, n° 09-68.110, AJDI 2010. 721 .