Accueil
Le quotidien du droit en ligne
-A+A
Reportage 

Une journée avec… une médiatrice judiciaire

Proposée dans certains dossiers sensibles, la médiation est une activité – et non une profession – parfois exercée par des avocats, en activité ou à la retraite, mais pas seulement. C’est du moins le cas de Dominique Gantelme, avocate inscrite au Barreau de Paris depuis 1979. Appelée à mener une médiation mi-mars, elle a reçu notre rédactrice de Dalloz actualité le temps d’une journée commencée pas exactement comme prévu…

par A. Coignacle 9 mai 2012

La journée-type

Un emploi du temps mixte
L’agenda de Me Gantelme est celui d’une avocate parisienne un jour généraliste, l’autre spécialiste en droit du travail. A priori rien d’atypique, à ceci près qu’une activité subsidiaire occupe une partie de son temps. Depuis quelques années, l’avocate se consacre également à la médiation à raison de quelques séances (et non plus audiences) mensuelles : deux, parfois trois. Et tous les deux ou trois mois, elle participe à des réunions de formation continue qui se déroulent dans le cabinet de l’un des participants. Il s’agit d’analyses pratiques de médiation au cours desquelles chacun réalise quelques exercices dont il partage les résultats ensuite, avec ses pairs. « C’est très enrichissant », assure Dominique Gantelme. « Nous avons une belle dynamique de groupe ». Cette activité l’amène aussi à effectuer des permanences dites « d’information à la médiation », notamment devant les chambres sociales de la cour d’appel de Paris, au cours desquelles les juges proposent aux avocats et aux parties la possibilité de s’adresser au médiateur présent dans la salle. Enfin, il faut ajouter à cela le temps nécessaire à l’entretien des parties engagées dans la médiation et aux activités associatives liées à cette activité.

Une matinée à contre-courant
Ce vendredi-là, à 9 h 30, presque tout le monde est là. La médiatrice est arrivée en avance, pour « préparer les lieux, les sentir ». Elle est entrée dans la petite salle lumineuse du premier étage de la maison du Barreau, réservée quelques semaines plus tôt pour cette séance plénière. Elle a ouvert la fenêtre qui donne sur la place Dauphine et posé des verres d’eau en face des six chaises qui entourent la grande table. Les premiers « médiés » sont arrivés, accompagnés de leur avocat, suivis par l’avocat de l’autre partie, venu seul. Il a immédiatement confirmé aux autres que son client les rejoindrait plus tard, comme celui-ci l’avait expliqué la veille à la médiatrice, signifiant ainsi son refus de s’exprimer en présence d’une journaliste. Une opposition qui prouve l’attachement des parties au cadre intimiste de la médiation, propice aux échanges et confessions, et qui rappelle que la confidentialité en demeure l’un des principes phares. De fait, au début de chaque processus, les parties s’engagent en signant un pacte de confidentialité intégré à la convention de médiation. Toutes les déclarations exprimées au cours des séances de médiation resteront ainsi strictement privées et, selon l’article 131-14 du code de procédure civile, « ne pourront être ni produites ni invoquées dans la suite de la procédure sans l’accord des parties ni, en tout état de cause, dans le cadre d’une autre instance ».

La médiation comme processus alternatif au contentieux
En France, la médiation n’est entrée dans les livres juridiques et dans les mœurs que très récemment. La première législation en la matière est une transposition de directive européenne qui date du 8 février 1995. Un nouveau volet émerge alors dans le code de procédure civile : le livre V sur « la résolution amiable des différends », qui vise à réglementer la médiation. Peu à peu, l’activité s’invite dans les cours et tribunaux. Elle s’étend progressivement dans tous les domaines du droit, des affaires civiles familiales, conflits de voisinage et conflits commerciaux au droit social et, depuis peu, au droit administratif, à condition que le conflit en jeu ne relève pas d’une prérogative de puissance publique. Mais cette pratique demeure encore mal connue et parfois mal perçue des professionnels même de la justice. « Devant les chambres sociales, nous sommes une quarantaine de médiateurs à assurer une présence silencieuse là où elle est bien acceptée », explique Dominique Gantelme. Elle ajoute : « le magistrat présente le médiateur ou le principe de la médiation si lui-même y croit ». En l’occurrence, pour cette affaire de succession, il semble que le juge ait vivement incité les parties à y recourir, conscient de la charge émotionnelle latente dans ce litige à trancher en droit. Un sentiment partagé par les parties et par leurs avocats, ce dont se félicite la médiatrice : « un avocat favorable à la médiation, c’est un atout considérable, quasiment un gage de succès ». Dans le sens contraire, s’il y est défavorable, le médié s’en trouvera désavantagé, voire refusera de sortir du cadre du contentieux. Très souvent, l’avocat découvre réellement le processus de médiation avec son client et il n’est pas rare qu’il se sente désarçonné par le rôle, plus réservé, qui lui revient alors, de même que l’histoire racontée par son client peut apparaître d’un seul coup bien différente. C’est pourquoi, dans la pratique, quelques précautions sont prévues.

Tout d’abord, devant...

Il vous reste 75% à lire.

Vous êtes abonné(e) ou disposez de codes d'accès :