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Contentieux des antennes relais : l’écho de la Cour de cassation au Tribunal des conflits

Conformément à la grille de répartition des compétences entre les deux ordres juridictionnels tracée par le Tribunal des conflits dans ses arrêts du 14 mai 2012, la Cour de cassation se reconnaît compétente pour statuer sur l’action tendant à assurer la protection personnelle d’un requérant et à la réparation de ses préjudices résultant du fonctionnement d’une antenne relais. Elle décline en revanche sa compétence pour connaître de l’action tendant à interdire l’implantation d’un tel ouvrage.

par Rémi Grandle 25 octobre 2012

Génératrices d’un contentieux fourni et hétérogène, les antennes relais déchaînent des passions à la hauteur des principes juridiques qu’elles mobilisent : protection de la santé, troubles anormaux de voisinage ou encore préservation du patrimoine et du paysage. Au centre de ce débat : l’application du principe de précaution qui veut que, « lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage » (Charte de l’environnement, art. 5 ; V. égal. C. envir., art. L. 110-1). Longtemps réticent à appliquer ce principe lorsqu’il avait à statuer sur des décisions administratives réglementant l’implantation d’antennes relais (V. F. Rose-Dulcina, L’implantation des antennes-relais de téléphonie mobile : la timidité du juge administratif face à l’audace du juge judiciaire, Contr.-Urb. 2009. Étude 23) au nom du principe d’indépendance des législations (CE 20 avr. 2005, Société Bouygues Télécom, req. n° 248233, Lebon ; AJDA 2005. 1191 , concl. Y. Aguila ; RDI 2005. 254, obs. F. G. Trébulle ; ibid. 348, obs. P. Soler-Couteaux ), le Conseil d’État a, dans un premier temps, reconnu que le principe de précaution tel qu’il est énoncé à l’article 5 de la charte de l’environnement peut être pris en compte par l’autorité administrative lorsqu’elle se prononce sur l’octroi d’une autorisation délivrée en application de la législation sur l’urbanisme (CE 19 juill. 2010, Association Quartier « Les hauts de Choiseul », req. n° 328687, Lebon ; AJDA 2010. 2114, note J.-B. Dubrulle ; D. 2010. 2468, obs. F. G. Trébulle ; RDI 2010. 508, obs. P. Soler-Couteaux ; AJCT 2010. 37 ; Cah. Cons. const. 2011. 217, chron. L. Janicot, A. Roblot-Troizier et A. Vidal-Naquet ; Constitutions 2010. 611, obs. E. Carpentier ). Cette consécration a toutefois rapidement été nuancée, le Conseil d’État précisant que ces mêmes dispositions ne permettaient pas à un maire de s’opposer à l’implantation d’une antenne « en l’absence d’éléments circonstanciés faisant apparaître, en l’état des connaissances scientifiques, des risques, même incertains, de nature à justifier un tel refus » (CE 30 janv. 2012, Société Orange France c. Commune de Noisy-le-Grand, req. n° 344992, Dalloz actualité, 6 févr. 2012, obs. R. Grand ; RDI 2012. 176, obs. P. Soler-Couteaux ; ibid. 327 et les obs . ; Cah. Cons. const. 2012. 195, chron. L. Janicot, A. Roblot-Troizier et Vidal-Naquet ), précision qui, compte tenu des études scientifiques parfois contradictoires relatives aux antennes relais peut constituer un frein à l’action des autorités locales contre l’implantation de tels ouvrages.

Parallèlement, le juge judiciaire était lui aussi saisi de recours tendant, pour une partie d’entre eux, à l’interdiction d’implantation de tels ouvrages. Certaines juridictions se sont montrées moins timides dans l’application du principe de précaution que le juge administratif. La cour d’appel de Montpellier a ainsi pu juger que « la société SFR a fait naître chez les demandeurs […] la crainte légitime qu’en demeurant dans leur habitation, ils courent et font courir à leurs enfants un risque sanitaire particulièrement grave si celui-ci devait se réaliser, dès lors [qu’] il n’existe aucune garantie d’absence d’un tel risque. Une telle crainte constitue un trouble manifeste et un danger imminent que seul le démantèlement de la station relais est en mesure de faire cesser » (Montpellier, 15 sept. 2011, n° 10/04612, D. 2012. 267 , note B....

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