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Action en relevé de forclusion et créance « déclarée » par le débiteur

Lorsque le débiteur n’a pas mentionné une créance sur la liste remise au mandataire dans le délai prévu, mais qu’il l’a portée à sa connaissance dans le délai de déclaration de créance, le débiteur est présumé avoir déclaré la créance. Par la suite, si le créancier estime que la créance déclarée par le débiteur est inférieure à celle qu’il prétend détenir, il peut solliciter un relevé de forclusion pour déclarer le montant supplémentaire, à condition de prouver que sa défaillance à déclarer n’est pas due à son fait.

Si le contentieux de la déclaration de créance a perdu de sa superbe, il n’en reste pas moins l’un des plus fournis du droit des entreprises en difficulté, d’une part, en raison de son importance dans le cadre du déroulement des procédures collectives et, d’autre part, à cause de la survie de plusieurs chausse-trappes procédurales pour les créanciers.

L’un de ces pièges se situe, pour le créancier, dans l’éventuelle forclusion pour dépassement du délai de déclaration. En effet, classiquement, le créancier qui ne pas procède dans les délais à la déclaration de sa créance au passif de son débiteur risque de voir son droit inopposable à la procédure collective (C. com., art. L. 622-26, al. 2).

Pour éviter cette sanction, malgré le dépassement du délai, le créancier peut néanmoins intenter une action en relevé de forclusion (C. com., art. L. 622-26, al. 1). À ce titre, le code de commerce prévoit deux motifs possibles. D’une part, le créancier peut démontrer que sa défaillance à déclarer n’est pas due de son fait. D’autre part, il peut établir que sa défaillance résulte d’une omission du débiteur lors de l’établissement de la liste prévue à l’article L. 622-6 du code de commerce comprenant notamment l’énumération des créanciers, du montant des dettes et des principaux contrats en cours.

Or, l’ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 a entendu atténuer la difficulté liée à la mise en œuvre de ces actions en relevé de forclusion en instaurant notamment une présomption de déclaration par le débiteur pour le compte du créancier lorsque sa créance a été portée à la connaissance du mandataire judiciaire (C. com., art. L. 622-24, al. 3).

Hélas, ce texte a charrié avec lui de nouvelles interrogations, dont celle de la cohabitation de la présomption de déclaration de créance par le débiteur et des possibilités pour le créancier d’être relevé de forclusion. C’est ce dont témoigne l’arrêt ici rapporté.

L’affaire

En l’espèce, un jugement du 16 juin 2020, publié le 2 juillet 2020, a ouvert une procédure de sauvegarde au bénéfice d’une société.

La société débitrice a remis la liste requise en application de l’article L. 622-6 du code de commerce, sans mentionner la créance de l’un de ses créanciers. Or, cette erreur a été rectifiée par le biais d’une liste complémentaire transmise le 29 juillet 2020 comportant l’indication de la créance qui avait été omise.

Hélas, la mansuétude de la société débitrice n’a pas suffi à satisfaire le créancier, celui-ci estimant que le montant finalement mentionné était inférieur à la valeur de sa créance. Ce faisant, puisque le délai pour procéder à la déclaration de créance était expiré, le créancier a présenté au juge-commissaire une requête en relevé de forclusion afin d’être en mesure de procéder lui-même à la déclaration de sa créance.

N’ayant pas obtenu gain de cause en première instance, le créancier a porté l’affaire en appel où il sera plus heureux.

Pour la cour d’appel, si le créancier était fondé en sa demande et que cette dernière devait aboutir, c’est que la société débitrice n’avait effectivement pas mentionné la créance litigieuse au sein de la liste à transmettre aux organes de la procédure collective dans le délai requis de huit jours (C. com., art. R. 622-5). Surtout, bien que la créance en question figurât au sein de la liste complémentaire du 29 juillet 2020, les juges du second degré ont retenu que ladite liste avait été transmise plus de deux mois après le jugement d’ouverture, soit postérieurement au délai imparti pour déclarer la créance (nous peinons sur ce point à comprendre la méthode de calcul des délais opérée par les juges du fond…). De ce qui précède, la cour d’appel en a donc déduit que l’omission de la créance de la liste initiale de l’article L. 622-6 ouvrait droit à un relevé de forclusion « automatique » pour le créancier en raison de son oubli.

La société débitrice se pourvoit en cassation.

À l’appui de son pourvoi, elle rappelait fort simplement qu’un relevé de forclusion suppose, avant tout, l’absence de toute déclaration de créance dans le délai des deux mois suivant la publication du jugement d’ouverture de la procédure au BODACC. Or, selon elle, une déclaration de créance avait bien été accomplie dans le délai requis, dans la mesure où la liste complémentaire, au sein de laquelle figurait la créance litigieuse, avait été adressée le 29 juillet 2020, soit moins de deux mois après la date de publication du jugement d’ouverture de la procédure le 2 juillet 2020.

Très justement, à notre sens, la Cour de cassation est convaincue par l’argumentaire et casse l’arrêt d’appel.

La solution

Pour parvenir à sa solution, la Cour de cassation fait œuvre de pédagogie et commence par rappeler les principes applicables en la matière.

Elle indique d’abord que lorsque le débiteur a porté une créance à la connaissance du mandataire (C. com., art. L. 622-24, al. 3), il est présumé avoir agi pour le compte du créancier tant que celui-ci n’a pas adressé sa propre déclaration de créance. Ensuite, elle rappelle qu’à défaut de déclaration de créance dans le délai de deux mois à compter de la publication du jugement d’ouverture, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et dividendes à moins que le juge-commissaire ne les relève de leur forclusion s’ils établissent que leur défaillance n’est pas due à leur...

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