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Contrôle des clauses abusives et proportionnalité d’une clause de déchéance du terme

Dans un arrêt rendu le 9 novembre 2023, la CJUE interprète la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 sur les clauses abusives pour apporter une précision sur l’importance du caractère proportionné de la faculté laissée au professionnel d’exercer un droit qu’il tire d’une clause de déchéance du terme contenue dans un contrat de crédit garanti par une sûreté immobilière prise sur le logement de la famille.

Le contentieux des clauses abusives est une source quasiment intarissable de renvois préjudiciels à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) de la part des juridictions des États membres. Pour l’année 2023, un nombre important de décisions préjudicielles ont pu attirer notre attention précisant certains pans précis de la directive 93/13/CEE (v. not., CJUE 12 oct. 2023, aff. C-326/22, Dalloz actualité, 18 oct. 2023, obs. C. Hélaine ; 13 juill. 2023, aff. C-35/22, Dalloz actualité, 22 sept. 2023, obs. C. Hélaine et aff. C-265/22, Dalloz actualité, 15 sept. 2023, obs. C. Hélaine). L’arrêt rendu le 9 novembre 2023, dans l’affaire C-598/21, intéresse la délicate question de la proportionnalité dont on sait qu’elle peut être source de bien des difficultés dans son appréhension. La décision est importante pour la Cour de justice de l’Union, du moins suffisamment pour mettre en ligne un communiqué de presse, honneur qu’elle réserve aux solutions dont elle veut favoriser la diffusion à tous.

L’affaire débute en Slovaquie où un établissement bancaire consent à un couple d’emprunteurs le 9 février 2012 un crédit à la consommation remboursable en vingt ans garanti par une sûreté immobilière sur le logement de la famille. Précisons que dès 2004, les débiteurs avaient conclu d’autres crédits avec un établissement bancaire en lien économique avec leur créancier. Nous l’aurons compris, la somme ainsi débloquée a servi à apurer le passif déjà existant. Moins d’une année après la conclusions du contrat de 2012, les emprunteurs se retrouvent défaillants et la banque exige le remboursement de toutes les sommes dues au titre de ce contrat en invoquant la clause de déchéance du terme de la convention en question. Au mois d’avril suivant, la banque notifie à ses débiteurs sa volonté de poursuivre l’exécution de la sûreté en vendant aux enchères l’immeuble garanti. En Slovaquie, il existe une procédure particulière permettant une vente aux enchères extrajudiciaires effectuée par des personnes privées sans que le juge examine le bien-fondé de la créance ou le prix de la vente ainsi opérée. Les emprunteurs inquiets de cette procédure diligentée saisissent l’Okresný súd Prešov (le Tribunal de district de Prešov en Slovaquie) afin de suspendre la procédure de vente aux enchères. Après un premier circuit judiciaire ayant abouti à l’annulation d’une décision de première instance, la juridiction saisie une seconde fois estime que les dispositions de la directive 93/13/CEE ne s’opposent pas à la réglementation slovaque qui autorise la réalisation extrajudiciaire par une vente aux enchères volontaires d’une sûreté grevant le bien immeuble donné en garantie même s’il s’agit de son logement quand la créance garantie est fondée sur un contrat comportant des clauses abusives. Les emprunteurs se voient déboutés par conséquent. Ils interjettent de nouveau appel devant le Krajský súd v Prešove (la Cour régionale de Prešov). Cette juridiction s’interroge précisément sur une question plus générale que l’espèce qui lui est présentée. Le lien entre la vente extrajudiciaire du logement de la famille, d’un montant au moins trente fois supérieur à la somme exigée par la banque, et le droit slovaque, qui autorise une vente extrajudiciaire dès un retard de paiement de trois mois et d’un préavis supplémentaire de quinze jours, pourrait être la source d’une contrariété avec la directive...

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