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La grève du personnel d’une compagnie aérienne n’est pas une « circonstance extraordinaire »

Un mouvement de grève entamé à l’appel d’un syndicat du personnel d’une compagnie aérienne, dans le respect des conditions édictées par la législation nationale, notamment du délai de préavis imposé par celle-ci, destiné à porter les revendications des travailleurs de ce transporteur et suivi par une catégorie de personnel indispensable à la réalisation d’un vol, ne relève pas de la notion de « circonstance extraordinaire », au sens du règlement (CE) n° 261/2004 sur les droits des passagers aériens.

par Xavier Delpechle 8 avril 2021

En cas d’annulation de vol ou de retard important (très exactement de plus de trois heures : CJCE 19 nov. 2009, aff. C-402/07 et C-432/07, Sturgeon, D. 2010. 1461 , note G. Poissonnier et P. Osseland ; ibid. 2011. 1445, obs. H. Kenfack ; JT 2010, n° 116, p. 12, obs. X.D. ; RTD com. 2010. 627, obs. P. Delebecque ; RTD eur. 2010. 195, chron. L. Grard ; ibid. 2015. 241, obs. P. Bures ), la compagnie aérienne est tenue, conformément au règlement (CE) n° 261/2004 du 11 février 2004, d’indemniser les passagers aériens pour un montant qui varie entre 250 et 600 € en fonction de la distance qui aurait dû être couverte par le vol (art. 7, § 1er). Il en est toutefois autrement en cas de « circonstances extraordinaires » (art. 5, § 3). Celles-ci sont souvent invoquées par les compagnies aériennes pour échapper à leur obligation d’indemnisation. Mais souvent en vain, car elles ne sont admises que dans des conditions très strictes. Il existe une jurisprudence foisonnante sur cette question, qui émane de la Cour de justice de l’Union européenne (mais les juridictions nationales ne sont pas en reste ; pour une illustration récente, v. Civ. 1re, 17 févr. 2021, n° 19-21.362 F-P, Dalloz actualité, 23 mars 2021, obs. X. Delpech, qui juge que si l’avion atterrit sur un autre aéroport que celui initialement prévu, le transporteur aérien est tenu d’indemniser le passager, même en cas de retard inférieur à trois heures), qui est très favorable aux intérêts des passagers. Elle s’explique par l’objectif principal assigné par le règlement (CE) n° 261/2004 : « assurer un niveau élevé de protection des passagers » (consid. 1).

Ainsi, un problème technique survenu à l’aéronef ne constitue de telles circonstances, sauf si ce problème « découle d’événements qui, par leur nature ou leur origine, ne sont pas inhérents à l’exercice normal de l’activité du transporteur aérien concerné et échappent à sa maîtrise effective » (CJCE 22 déc. 2008, aff. C-549/07, Wallentin-Hermann, RTD eur. 2010. 195, chron. L. Grard ; ibid. 2015. 241, obs. P. Bures ). Il en est de même d’une « grève sauvage » du personnel navigant à la suite de l’annonce surprise d’une restructuration (CJUE 7 avr. 2018, aff. C-195/17, Krüsemann, Dalloz actualité, 15 mai 2018, obs. X. Delpech ; D. 2018. 1587 , note P. Dupont et G. Poissonnier ; ibid. 1412, obs. H. Kenfack ; JT 2018, n° 209, p. 15, obs. X. Delpech ). La solution avait fortement déplu, on s’en doute, aux compagnies aériennes. Une grève sauvage n’est-elle pas un événement imprévisible ? À l’évidence, non pour la Cour de justice, qui considère, en substance, que les risques découlant des conséquences sociales qui accompagnent des mesures de restructuration et réorganisation sont inhérents à l’exercice normal de l’activité de la compagnie aérienne. C’est dire que les dirigeants d’une compagnie aérienne qui décideraient d’une restructuration de cette dernière doivent anticiper toutes les conséquences qui...

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