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Interprétation du droit des entreprises en difficulté français à la suite de la transposition de la directive « Insolvabilité »

La transposition en droit français de la directive (UE) 2019/1023 n’a pas modifié les dispositions édictées par l’article L. 632-2 du code de commerce en matière de nullités de la période suspecte. Dès lors, ces dispositions ne doivent pas être interprétées à la lumière de la directive.

La résistance traditionnelle du droit des entreprises en difficulté à l’harmonisation au sein de l’Union européenne est de plus en plus chancelante. Un arrêt rendu le 14 décembre 2022 par la chambre commerciale de la Cour de cassation revient, de manière inédite en la matière, sur les principes gouvernant les rapports entre l’ordre juridique de l’Union et l’ordre juridique interne des États membres. Cette décision interroge aussi quant au champ d’application de la transposition en droit français de la directive (UE) 2019/1023, dite directive « Insolvabilité » (Dir. [UE] 2019/1023 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relative aux cadres de restructuration préventive, à la remise de dettes, aux déchéances et aux mesures à prendre pour augmenter l’efficacité des procédures en matière de restructuration, d’insolvabilité et de remise de dettes, et modifiant la dir. [UE] 2017/1132 (directive sur la restructuration et l’insolvabilité), JOUE 26 juin 2019, L 172/18).

En l’espèce, au cours d’une procédure de conciliation, une « convention d’assistance et de conseil » est conclue entre la société débitrice et une société de management de crise. À la suite de l’échec de la conciliation, la débitrice déclare son état de cessation des paiements. Une procédure de liquidation judiciaire est alors ouverte. Or il s’avère qu’au cours de la conciliation et en période suspecte, la débitrice a versé au cabinet de conseil la somme de 382 206,48 € en rémunération des prestations exécutées au titre de la convention. Le liquidateur désigné assigne alors ledit cabinet sur le fondement des nullités de la période suspecte et, plus particulièrement, de l’article L. 632-2 du code de commerce (nullité des paiements reçus en période suspecte par un créancier connaissant l’état de cessation des paiements du débiteur). Le tribunal fait droit à sa demande, décision qui est confirmée en appel. Le cabinet de conseil se pourvoit en cassation.

L’auteur du pourvoi développe deux arguments, d’importance inégale. En premier lieu, il reproche à la cour d’appel d’avoir privé de base légale sa décision en violant le principe de la contradiction, les juges du fond ayant prononcé la condamnation après avoir visé l’avis du ministère public sans avoir vérifié préalablement que les parties avaient reçu communication écrite dudit avis et avaient pu y répondre utilement. Toutefois, ce premier moyen est balayé par la haute juridiction comme n’étant manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

En deuxième lieu, et pour l’essentiel, l’auteur du pourvoi soutient que la cour d’appel a violé les dispositions de l’article L. 632-2 du code de commerce, qu’elle aurait dû interpréter à la lumière de la directive « Insolvabilité ».

Dans le prolongement de cette critique, il reproche au juge du fond une insuffisance de motivation. Ce deuxième moyen ne prospère pas non plus, la Cour de cassation relevant que les paiements litigieux sont intervenus au cours d’une procédure de conciliation et que l’auteur du pourvoi n’a jamais soutenu qu’une telle procédure était assimilable à un cadre de restructuration préventive au sens de la directive. De plus, la haute juridiction souligne que la transposition de la directive n’a nullement affecté le texte de l’article L. 632-2 du code de commerce, de sorte que rien ne fondait l’obligation d’interpréter ses dispositions à la lumière de l’instrument européen. Le pourvoi est donc rejeté.

Champ de la transposition de la directive « Insolvabilité »

Transposée en droit français par l’ordonnance n° 2021-1138 du 15 septembre 2021 portant modification du livre VI du code de commerce (JORF, 16 sept. 2021), la...

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