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Le placement à l’isolement administratif de Salah Abdeslam

Par une décision du 8 mars 2024, le Tribunal administratif de Melun constate que l’isolement administratif de Salah Abdeslam ne constitue pas un traitement inhumain et dégradant au sens de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, en raison des faits à l’origine de sa condamnation et de sa dangerosité persistante.

L’ordonnance du 8 mars 2024 rendue par le Tribunal administratif de Melun est l’occasion de revenir sur l’isolement administratif des détenus condamnés pour des faits de terrorisme, en particulier lorsqu’ils sont notoirement connus. C’est le cas du requérant en l’espèce, seul rescapé du commando des attentats terroristes ayant frappé Paris le 13 novembre 2015, détenu en exécution de sa peine perpétuelle au sein du quartier d’isolement administratif du centre pénitentiaire du Sud-Francilien.

D’abord placé en détention provisoire sous le régime de l’isolement administratif en France en 2016 (à la suite de son arrestation), il est transféré vers la Belgique en 2022, pour être jugé pour d’autres actes terroristes. À cette occasion, les autorités belges l’ont placé sous un régime similaire. Remis aux autorités françaises le 7 février 2024, il est placé depuis le 9 du même mois sous le régime de l’isolement administratif, complété par de nombreuses mesures de sécurité (inscription au répertoire des détenus particulièrement surveillés, menottage systématique, surveillance nocturne). Pour le requérant, la décision de placement à l’isolement rendue par la cheffe de l’établissement pénitentiaire du Sud-Francilien constitue donc une décision de prolongation de cette mesure. Pour en contester la légalité, il a saisi le juge administratif français d’un référé-liberté, aux fins d’annulation de cette dernière décision, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative.

En somme, cette décision impose de revenir sur les conditions d’isolement administratif du requérant, au regard de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, avant de s’intéresser plus particulièrement aux critères utilisés par le juge pour apprécier le fondement de son placement dans ce régime de détention.

Les conditions matérielles de détention sous le régime de l’isolement administratif

En premier lieu, le requérant soutenait que les conditions matérielles de son isolement administratif étaient contraires à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Par principe, l’isolement ne constitue pas, per se, un traitement inhumain ou dégradant (CEDH 21 juill. 2005, Rohde c/ Danemark, n° 69332/01, RSC 2006. 431, obs. F. Massias ), sauf si certains critères, tels que la rigueur, la durée, l’objectif poursuivi par l’isolement et ses effets sur la personne détenue, sont remplis (CEDH 4 juill. 2013, Rzakhanov c/ Azerbaijan, n° 4242/07). C’est ainsi que la Cour européenne des droits de l’homme a pu juger que l’isolement sensoriel complet et l’isolement social total constituait un traitement inhumain et dégradant, car ils avaient eu pour effet de « détruire la personnalité » du requérant (CEDH 27 janv. 2005, Ramirez Sanchez c/ France, n° 59450/00, § 120, Ramirez Sanchez c/ France, AJDA 2005. 237 ; ibid. 1388 , note D. Costa ; D. 2005. 1272 , note J.-P. Céré ; AJ pénal 2005. 121, obs. J.-P. Céré ; RSC 2005. 390, obs. P. Poncela ; ibid. 2006. 431, obs. F. Massias ). À l’inverse, lorsque la personne détenue a accès à certaines activités qui lui...

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