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Premier éclairage de la Cour d’appel financière sur le régime de responsabilité des gestionnaires publics

Le 12 janvier 2024, la nouvelle Cour d’appel financière a rendu sa toute première décision, laquelle revient sur la mise en place du régime unifié de responsabilité des gestionnaires publics, un an après sa mise en application. Cette décision est l’occasion de régler les éventuels conflits de lois dans le temps, en particulier concernant les sanctions financières. Ainsi, la cour louvoie en appliquant ancien et nouvel article en fonction du principe de rétroactivité in mitius, et propose une stricte analyse du caractère significatif du préjudice financier. 

Comme toute réforme, la création d’un régime unifié de responsabilité des gestionnaires publics a entraîné avec elle un certain nombre d’interrogations. Ainsi, après un an de mise en application, il n’est pas étonnant que cette responsabilité fasse l’objet d’une première décision rendue par la (non moins nouvelle) Cour d’appel financière. À l’occasion de la décision du 12 janvier 2024, la cour a pu revenir sur l’application dans le temps des nouvelles dispositions tout en précisant le caractère significatif du préjudice financier.

L’affaire concerne la société Alpexpo, une société publique locale centrée sur l’exploitation commerciale d’un site hérité des Jeux olympiques de Grenoble de 1968 et ses infrastructures. À la suite d’un contrôle effectué par la Chambre régionale des comptes Auvergne-Rhône-Alpes, la Cour de discipline budgétaire et financière avait été saisie en raison d’infractions potentielles. La source des irrégularités découlait du rôle joué par Mme Z., salariée de la société MCG Managers, du 5 mars 2012 au 26 février 2015. Cette dernière avait été mise à disposition de la société Alpexpo en qualité de "manager intervenant". D’une part, il a été reproché à Mme Z. d’avoir, sans délégation de pouvoir, effectué de nombreuses opérations financières irrégulières telles que l’utilisation de la carte bancaire et des chèques de la société. Mais encore en signant neuf contrats de travail et douze contrats de marchés. Au surplus, il lui était reproché d’avoir engagé des dépenses personnelles, telles que l’achat de billets d’avion pour son mari et des services de golf. D’autre part, les dirigeants successifs de la société, MM. X. et Y., ont été poursuivis pour ne pas avoir exercé une surveillance adéquate sur les actions de Mme Z.

Dans un arrêt du 11 mai 2023, la chambre du contentieux de la Cour des comptes a condamné Mme Z. à une amende de 3 500 € au motif des engagements irrégulièrement pris par elle pour le compte de la société ainsi que des dépenses directes ou indirectes qui lui ont été indument versées. En revanche, la Cour a relaxé MM. X. et Y., dirigeants de droit successifs de l’entreprise, mettant ainsi fin aux poursuites à leur encontre. Au soutien de sa décision, le juge de première instance relève que le préjudice financier significatif n’a pas été démontré.

Le procureur général près la Cour des comptes a interjeté appel de cette décision par une requête du 7 juillet 2023. D’une part, le ministère public reproche l’articulation que la Cour des comptes fait entre l’ancien et le nouveau régime de l’infraction aux avantages indus à soi-même en soutenant la non-rétroactivité du nouvel article 131-12 du code des juridictions financières. D’autre part, en ce qu’elle a relaxé MM. X. et Y. au motif que les irrégularités de Mme Z. n’ont pas entraîné un préjudice financier significatif.

La Cour d’appel financière soutient que l’appel du...

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