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Transition énergétique et biogaz : le Conseil d’État accompagne les agriculteurs

Dans sa décision Agri Bioénergies, le Conseil d’État fait une nouvelle entorse au principe d’indépendance des législations en admettant qu’un document d’urbanisme puisse être interprété à l’aune du code rural et de la pêche maritime de manière à ce qu’il soit possible d’intégrer une unité de méthanisation à la sous-destination d’exploitation agricole.

Le Conseil d’État avait été saisi d’un pourvoi formé par la société Agri Bioénergies contre une ordonnance du Tribunal administratif de Rennes ayant suspendu l’exécution d’un arrêté de permis de construire une unité de méthanisation au motif que le projet ne respectait pas une règle de retrait dont seuls les bâtiments d’exploitation agricole pouvaient s’affranchir.

Droit de l’urbanisme et droit rural : le mur de l’indépendance des législations

Le Conseil d’État censure le juge des référés du Tribunal administratif de Rennes qui avait très clairement exposé que l’article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime était sans aucun secours pour une usine de méthanisation qui se prévalait d’une exception aux règles de retrait applicable uniquement aux activités agricoles : « La circonstance que la méthanisation puisse être assimilée à une activité agricole au sens des dispositions des articles L. 311-1 et D. 311-18 du code rural et de la pêche maritime est sans incidence sur la légalité du permis de construire attaqué, dès lors que ces dispositions ne sont pas au nombre de celles que peut prendre en compte l’autorité administrative lorsqu’elle se prononce sur l’octroi d’une autorisation délivrée en application de la législation sur l’urbanisme » (TA Rennes, 6 sept. 2022, n° 2204126).

Cette solution du juge des référés de Rennes s’inscrivait dans une solution jurisprudentielle ancienne et constante (v. par ex., CE 14 févr. 2007, n° 282398, Lebon ; Dalloz actualité, 5 mars 2007, obs. B. Lapouille ; AJDA 2007. 399 ; RDI 2007. 359, obs. P. Soler-Couteaux ; CAA Douai, 30 nov. 2017, n° 15DA01317 ; CAA Marseille, 15 juin 2021, n° 19MA05383 ; TA Rouen, 16 mars 2023, n° 2203555) et trouvait sa source dans le principe de l’indépendance des législations posé par le Conseil d’État en 1959 (CE 1er juill. 1959, Sieur Piard) expressément confirmée en 1996 à propos du droit de l’urbanisme et du droit rural (CE 13 mai 1996, n° 090586, Ministre de l’Equipement, du Logement, de l’Aménagement du territoire et des Transports, AJDA 1996. 794 , concl. C. Maugüé ).

L’indépendance des législations avait été systématisée en ces termes par le professeur Genevois, « L’autorisation accordée au titre d’une législation A ne vaut pas autorisation au titre d’une législation B et ceci alors même que des similitudes existeraient entre ces deux législations » (B. Genevois, Les autorisations administratives en matière de réhabilitation de l’habitat ancien, Droit et Ville 1979. 97).

Néanmoins, dès 1992, le Conseil d’État a reconnu que ce principe pouvait être « quelque peu contraire au bon sens commun » (Rapport CE, L’urbanisme : pour un droit plus efficace, La Documentation française, 1992, p. 41) sans pour autant le remettre en cause pour des besoins de sécurité juridique.

Méthanisation et activité agricole : un rapprochement progressif

L’article 59 de la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche a pris soin d’élargir le champ de l’activité agricole, en intégrant à l’article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime qui en fixe les limites, « la production et, le cas échéant, de la commercialisation, par un ou plusieurs exploitants agricoles, de biogaz, d’électricité et...

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