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Gestation pour autrui et acte d’état civil de l’enfant né à l’étranger : le débat relancé ?

Dès lors qu’il satisfait aux exigences de l’article 47 du code civil et sans qu’il ait lieu d’opposer ou de hiérarchiser des notions d’ordre public tel que l’intérêt de l’enfant ou l’indisponibilité du corps humain, l’acte de naissance de l’enfant né à l’étranger d’une mère porteuse doit être retranscrit sur les registres d’état civil.

par N. Le Rudulierle 6 mars 2012

Par une décision du 21 février 2012, la cour d’appel de Rennes semble avoir relancé un débat dont on aurait pu croire qu’il ne réapparaîtrait pas jusqu’à la prochaine révision des lois de bioéthique. Les juges bretons ont en effet admis la retranscription sur les registres d’état civil de l’acte de naissance d’un enfant issu d’une convention de mère porteuse passée à l’étranger.

À la suite de la réalisation en Inde des actes d’état civil des jumeaux pour lesquels une convention de mère porteuse avait été passée, le père biologique en demanda la retranscription sur les registres consulaires. Après que le tribunal de grande instance de Nantes eut favorablement accueilli cette demande, le ministère public interjeta appel en se fondant bien évidemment sur la prohibition par l’article 16-7 du code civil de la procréation pour le compte d’autrui. Par la présente décision, la cour d’appel de Rennes confirme la décision de première instance et accepte donc la retranscription des actes de naissance.

Pour parvenir à cette solution, les juges n’ont pas entendu s’opposer frontalement à la position de la Cour de cassation qui, après avoir devancé le législateur en interdisant les conventions de mère porteuse dès 1991 (Civ. 1re, 31 mai 1991, n° 90-20.105, D. 1991. 417, rapp. Y. Chartier ; ibid. 318, obs. J.-L. Aubert , note D. Thouvenin ; ibid. 1992. 59, obs. F. Dekeuwer-Défossez ; GAJC, 12e éd. 2007, n° 50 ; GADS 2010, n° 17 ; RFDA 1991. 395, étude M. Long ; Rev. crit. DIP 1991. 711, note C. Labrusse-Riou ; RTD civ. 1991. 517, obs. D. Huet-Weiller ; ibid. 1992. 88, obs. J. Mestre ; ibid. 489, étude M. Gobert ), a refusé la retranscription sur les registres d’état civil des actes valablement passés à l’étranger (Civ. 1re, 6 avr. 2011, n° 09-66.486, D. 2011. 1522, note D. Berthiau et L. Brunet ; ibid. 1001, édito. F. Rome ; ibid. 1064, entretien X. Labbée ; ibid. 1585, obs. F. Granet-Lambrechts ; ibid. 1995, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire ; ibid. 2012. 308, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat ; AJ fam. 2011. 262 ; ibid. 265, obs. B. Haftel ; ibid. 266, interview M. Domingo ; AJCT 2011. 301, obs. C. Siffrein-Blanc ; RTD civ. 2011. 340, obs. J. Hauser ; n° 09-17.130, D. 2011. 1522, et les obs. , note D. Berthiau et L. Brunet ; ibid. 1001, édito. F. Rome ; ibid. 1064, entretien X. Labbée ; ibid. 1585, obs. F. Granet-Lambrechts ; ibid. 1995, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire ; ibid. 2012. 308, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat ; AJ fam. 2011. 262 ; ibid. 265, obs. B. Haftel ; ibid. 266, interview M. Domingo ; AJCT 2011. 301, obs. C. Siffrein-Blanc ; Rev. crit. DIP 2011. 722, note P. Hammje ; RTD civ. 2011. 340, obs. J. Hauser ).

Faisant référence à cette ligne jurisprudentielle, la cour d’appel de Rennes indique qu’elle concerne cependant « des cas d’espèce différents en ce que l’état civil des enfants en cause était mensonger quant à leur filiation maternelle et que le contentieux portait sur l’exequatur d’actes étrangers ». Or, en l’espèce, il n’était contesté par personne que les jumeaux avaient fait l’objet d’une convention illicite en France.

Dès lors, la Cour, constatant la concordance entre les déclarations régulièrement enregistrées et la réalité, conclut que rien ne permet de s’opposer à la retranscription des actes de naissance. La décision est ainsi rendue au seul visa de l’article 47 du code civil relatif aux conditions de réception des actes d’état civil dressés à l’étranger.

La cour d’appel estime qu’elle n’est pas saisie de la question de la validité d’un contrat de gestation pour autrui, mais de la seule transposition de l’acte de naissance et qu’à partir du moment où l’acte d’origine est valable, il n’y a pas lieu « d’opposer ou de hiérarchiser des notions d’ordre public tel que l’intérêt supérieur de l’enfant ou l’indisponibilité du corps humain ».

Cette approche, qui ne manquera pas de rappeler celle du Conseil d’État dans sa décision rendue l’année dernière (CE 4 mai 2011, n° 348778, Lebon ; AJDA 2011. 928 ; D. 2011. 1347, et les obs. ; ibid. 1995, obs. P. Bonfils et A. Gouttenoire ; ibid. 2012. 308, obs. J.-C. Galloux et H. Gaumont-Prat ; ibid. 390, obs. O. Boskovic, S. Corneloup, F. Jault-Seseke, N. Joubert et K. Parrot ; AJ fam. 2011. 328, obs. F. Miloudi ; AJCT 2011. 414, obs. C. Siffrein-Blanc ; RTD civ. 2011. 530, obs. J. Hauser ), est pour le moins singulière.

D’une part, parce que, contrairement à ce qu’indique la cour d’appel, il n’est pas certain que la situation qu’elle a eu à connaître ait été très différente de celles soumises à la Cour de cassation en 2011 où, dans l’un des cas, il s’agissait de faire produire des effets à une décision de justice reconnaissant la qualité de « mère juridique » à une femme, ce qui, là aussi, n’est absolument pas mensonger puisque nul ne conteste que la mère d’intention ne soit pas la mère biologique. Or la Cour de cassation a refusé la retranscription de ces actes.

D’autre part, la cour d’appel tente de s’extraire du débat relatif à l’opposition entre l’intérêt de l’enfant et le principe d’indisponibilité du corps humain en arguant d’une forme de neutralité de sa décision qui ne s’attache qu’à la réception en droit français de l’acte de naissance.

Pourtant, juger avec des œillères est tout sauf neutre. En effet, les juges ont choisi de ne pas...

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