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Audience sur une association de malfaiteurs terroriste entre néonazisme et djihadisme

Devant la 16e chambre correctionnelle comparaissaient il y a quelques jours deux jeunes majeurs. Tous deux avaient projeté des attaques après s’être radicalisés dans leurs chambres, sur internet, au travers d’une consultation massive de contenus extrêmes et d’éléments de propagande.

par Antoine Bloch, Journalistele 25 mars 2024

En 2021, la Direction générale de la sécurité intérieure avait reconstitué un certain nombre d’interactions, notamment sur Telegram, entre plusieurs jeunes, qui avaient en commun d’être de grands consommateurs de propagande (tantôt néonazie, tantôt djihadiste), et qui discutaient en ligne de leurs projets d’attaques respectifs. Parmi eux, se trouvait Enzo T., aujourd’hui âgé de vingt-et-un ans. Mis en examen pour association de malfaiteurs terroriste criminelle (30 ans et 450 000 € encourus ; C. pén., art. 421-6), il a finalement été renvoyé par les magistrats instructeurs pour association de malfaiteurs terroriste, mais dans sa variante délictuelle (10 ans et 225 000 € ; C. pén., art. 421-5), ce qui explique naturellement que l’on se trouve en correctionnelle. Après s’être successivement intéressé à plusieurs idéologies (allant du communisme à l’islamisme version Al-Qaïda), Enzo T. s’était « auto-endoctriné » (l’expression est de lui) avec du contenu néonazi, mais aussi complotiste (« grand remplacement »…), accélérationniste, ou encore incel.

Pour donner un bref aperçu du dossier, on peut indiquer qu’en 2017, Enzo T. s’était lancé dans la rédaction de messages sur Telegram, mais aussi de carnets (intitulés Mein Kampf), des journaux intimes qui avaient rapidement tourné au manifeste, visant toutes sortes de catégories de personnes : des classiques (« les arabes », « les juifs », « les homosexuels »…), et des moins classiques (« les BDSM », « les amish », « les hindous », « les gosses de riches »…). Il était allé jusqu’à projeter la création de camps de concentration ou d’extermination, afin de « purger tous ces petits salopards un par un ». En 2019, il avait couché sur le papier et sur la toile de nombreuses références à Brenton Tarrant, et plusieurs cibles potentielles, comme une mosquée normande qu’il soupçonnait d’abriter des rituels pédo-sataniques (!).

Mais il avait surtout projeté une tuerie scolaire, sur le « modèle » de celle de Columbine (Colorado), survenue vingt ans plus tôt. En 2020, il avait écrit : « Le Führer doit être fier de moi en voyant que je prépare mon œuvre ». Une « œuvre » qu’il avait prévu d’accomplir le 20 avril 2021, soit la double date « anniversaire » de la tuerie de Columbine et de la naissance d’Adolf Hitler. Mais ses plans avaient été contrariés par le troisième confinement. Il avait aussi accumulé de nombreux couteaux (17), auxquels il avait d’ailleurs donné des petits noms, de tueurs en série, de dictateurs ou de chefs de sectes.

« Je n’aurais jamais rien concrétisé »

À la suite de son interpellation, il avait troqué la graphomanie pour la verbomanie, et ainsi conduit les enquêteurs à noircir une centaine de pages de PV d’audition, d’une teneur comparable. Depuis le box, il explique désormais avoir vrillé suite après le divorce de ses parents, mais aussi et surtout en raison du harcèlement scolaire (qui ne ressort pas vraiment des investigations, ni des témoignages, ni des expertises) dont il s’est senti victime tout au long de sa scolarité : « Le bouc émissaire, c’était à chaque fois moi, c’était comme une tradition ». Il tente d’illustrer son propos avec de vieilles anecdotes aussi précises que dérisoires,...

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