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Fraude au RSA et rétablissement personnel : le Conseil d’État juge les dettes effaçables

Les dettes, même frauduleuses, relatives à un versement indu de revenu de solidarité active (RSA), ne figurent pas au nombre des dettes d’origine frauduleuse commises au préjudice des organismes de protection sociale au sens du 3° de l’article L. 711-4 du code de la consommation, lesquelles sont exclues de l’effacement résultant du rétablissement personnel sans liquidation judiciaire.

par Sonia Norval-Grivet, Magistratele 15 juin 2023

À l’heure où des débats sont relancés sur la thématique récurrente de la lutte contre la fraude sociale, dont le montant actuel est estimé, s’agissant des fraudes aux prestations légales versées par les CAF, à 2,8 Md d’euros (v. égal. le rapport de la Cour des comptes mai 2023), le Conseil d’État vient de consacrer le caractère pourtant effaçable, dans le cadre de la procédure de rétablissement personnel, des dettes relatives à des trop-perçus de revenu de solidarité active (RSA) ayant pour origine des manœuvres frauduleuses.

Cette solution prétorienne n’allait pas de soi au regard de la rédaction des dispositions applicables, et il est fort probable que de très nombreuses décisions de juridictions du fond aient statué en sens contraire depuis plusieurs années (pour une illustration récente, v. Douai, 2 mars 2023, n° 22/02134), même si, en pratique, les conditions strictes d’établissement de la fraude (qui exigent une décision juridictionnelle ou administrative) ne sont pas toujours remplies, ce qui pouvait jusqu’à présent faire obstacle à l’exclusion de telles dettes. Alors que la Cour de cassation a, pour sa part, récemment rendu une importante décision distinguant, en matière de prestations frauduleuses de vieillesse et d’invalidité, la prescription quinquennale de l’action et celle de l’assiette de la créance d’indu, qui peut remonter aux vingt dernières années (Cass., ass. plén., 17 mai 2023, n° 20-20.559, Dalloz actualité, 26 mai 2023, obs. A. Villeléger), l’analyse retenue par le Conseil d’État revêt une portée majeure, pour les juridictions administratives comme pour les juges judiciaires chargés du surendettement et de l’exécution.

Rappels sur la procédure de rétablissement personnel

Après les étapes franchies par la mise en place de mécanismes d’échelonnement en 1936, dans les suites de la crise économique de 1929, qui avaient suscité de vives critiques (G. Ripert, Le droit de ne pas payer ses dettes, DH 1936. Chron. 57), le droit du surendettement instauré par la loi Neiertz du 31 décembre 1989 et assoupli par la loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions a connu une profonde mutation par l’introduction de la procédure rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, issue de la loi dite loi Borloo du 1er août 2003. Cette innovation a conféré au débiteur dépourvu de patrimoine et qui se trouve dans une « situation irrémédiablement compromise » (C. consom., art. L. 724-1) la possibilité d’être définitivement libéré de l’obligation de payer ses dettes, donc un véritable droit au désendettement par effacement des dettes. Ce dispositif, aujourd’hui largement déjudiciarisé depuis la...

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